Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames et messieurs les députés, depuis le début du quinquennat, le cap de la majorité présidentielle est l’emploi. L’emploi industriel concentre particulièrement nos efforts parce qu’il faut protéger, relancer, densifier et élargir le tissu industriel français. La proposition de loi que vous examinez aujourd’hui, mesdames et messieurs les députés, y contribue.
Il est important de rappeler que la part de l’industrie dans la valeur ajoutée totale, en France, est passée de 18 % en 2000 à un peu plus de 12,5 % en 2011. Plus grave, l’emploi industriel s’est également dégradé de façon continue : il a chuté de plus de 26 % de l’emploi salarié total en 1980 à 12,6 %, en 2011.
Cette perte de substance industrielle affecte notre économie bien au-delà du seul secteur dit secondaire. L’emploi dans l’industrie a un effet multiplicateur plus fort sur les autres emplois et l’industrie porte une très large part de la recherche et de l’innovation ainsi que des gains de productivité. Je veux aussi souligner l’importance des services associés à l’industrie.
Par ailleurs, les pays les plus industrialisés sont ceux qui résistent le mieux à la crise. C’est donc la colonne vertébrale de notre économie qui fléchit avec le recul de l’industrie sur notre territoire.
J’ajoute qu’il serait par ailleurs réducteur d’accuser le processus de mondialisation comme étant la seule cause du recul de l’industrie française. N’oublions pas, mesdames et messieurs les députés, que 30 % des emplois industriels en France sont le fait de groupes étrangers.
Nous devons tout faire pour réindustrialiser le pays, et c’est ce qui a amené la majorité à déposer une proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle.
Je me félicite de la qualité du travail parlementaire mené depuis lors et même au Sénat où, en dépit du rejet final du texte, les échanges furent de qualité, de nombreux amendements utiles ayant été adoptés, lesquels ont été depuis repris par votre commission. Cette dernière a eu à nouveau l’occasion d’améliorer encore le texte, ce dont je me réjouis.
Quelques commentaires sur les deux grands axes qui structurent cette proposition de loi : la recherche d’un repreneur et les mesures en faveur de l’actionnariat de long terme.
La loi concernant la recherche d’un repreneur est un engagement que le Président de la République a pris lorsqu’il était candidat. Il a trouvé sa traduction dans l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, transposé dans la loi du 14 juin 2013. Cette loi s’inscrit donc dans le prolongement logique de la sécurisation de l’emploi et la bonne articulation avec cette dernière.
Nous comprenons le mouvement rapide de l’économie, le besoin pour les entreprises de s’adapter, de se réorganiser, d’être agiles. Mais il y a une contrepartie : ne pas laisser choir les salariés, les sites, les territoires et construire avec eux des solutions nouvelles, à commencer par la recherche d’un repreneur. Oui, l’entreprise a une responsabilité sociale.
Le but n’est pas la coercition ou une quelconque échappée punitive contre l’entreprise : le but est la généralisation de bonnes pratiques. Pour ce faire, la loi décrit les moyens à employer : rien que le bon sens économique ne commande déjà et qu’une relation intelligente entre les partenaires sociaux ne devance. Cette loi n’est pas une loi de contrôle mais une loi de vertu. Que chacun assume ses responsabilités !
Je veux en outre insister sur un autre aspect qui me paraît essentiel. Cette proposition sonne comme une loi stratégique de préservation de notre capital industriel. Les sites industriels sont tout un tissu vivant, un écosystème riche d’infrastructures et de savoirs, d’unités de production et de services, de conception et d’exécution, de formation et de transmission des compétences.
Nous ne regarderons pas s’en aller les sites de production et, si telle entreprise ne peut ou ne veut plus produire à un endroit, il en est d’autres – nouvelles ou existantes – qui peuvent en bénéficier. En conséquence, le Gouvernement soutient donc la démarche, l’esprit et la lettre du texte, qui recherche un compromis responsable.
Je souhaite à présent évoquer le deuxième pilier de cette proposition de loi, celui qui concerne l’actionnariat de long terme et les OPA.
Nous avons un objectif partagé : que la puissance publique favorise l’actionnariat et les investissements de long terme, seuls vraiment créateurs de valeur pour nos industries et nos territoires, parce que s’inscrire dans le temps long, c’est se réconcilier avec l’avenir. L’actionnariat durable, c’est aussi l’emploi durable.
Nous avons progressé sur de nombreux aspects lors des débats parlementaires. Je tiens ainsi à indiquer que le Gouvernement soutient et partage l’ensemble des amendements adoptés sur cette partie du texte par votre commission, à l’initiative de sa rapporteure.
Ils permettent de préciser, compléter et améliorer le texte adopté en première lecture, en reprenant, dans certains cas, des amendements adoptés par le Sénat avec le soutien du Gouvernement. Cela explique que les points en débat ne soient désormais que très limités. Je vais y revenir.
Je rappellerai d’abord les principaux acquis du texte.
La généralisation des droits de vote doubles et les mesures sur le rythme de progression dans le capital d’une entreprise permettront de lutter contre les prises de contrôle « rampantes » par certains investisseurs. C’est pourquoi le Gouvernement a souhaité que tout soit mis en oeuvre pour que les entreprises puissent facilement recourir aux droits de vote doubles et ne soient pas rebutées par un alourdissement du dispositif.
L’instauration d’un « seuil de caducité » des offres – qui est une forme de soupape de sécurité en prévention des opérations hostiles – contribuera également à protéger nos entreprises et à encourager l’investissement de long terme, dans le respect du droit communautaire.
En ne se voyant plus imposer la « neutralité » systématique en période d’offre, les conseils d’administration pourront mettre en place des stratégies de défense en cas d’OPA hostile.
Enfin, les salariés, qui sont au coeur même de la création de valeur dans l’entreprise, seront désormais consultés en cas d’OPA et pourront s’exprimer, selon une procédure que nous voulons finement cadrer et encadrer.
Sur ce dernier point, je salue les avancées que votre commission a introduites dans le texte en dessinant plus précisément les différentes étapes de la consultation.
Comme Pierre Moscovici l’avait indiqué ici même lors des débats en première lecture, il est en effet indispensable d’articuler au mieux la procédure d’information-consultation que le texte met en place et la procédure de l’offre publique elle-même.
Nous devons en effet veiller à respecter le droit communautaire, et notamment la directive relative aux OPA, qui ne nous permet pas de créer, de facto, des procédures rendant impossible la réalisation d’une offre.
Cette proposition de loi constitue l’un des leviers en faveur de notre ambition commune pour favoriser et protéger l’actionnariat de long terme et l’industrie dans notre pays mais elle ne saurait résumer une politique à elle seule.
En renforçant nos entreprises, nous renforçons notre tissu productif et préparons les emplois de demain. En agissant sur le financement de l’économie, nous donnons à nos entreprises les moyens de se développer.
C’est précisément l’objectif du pacte de responsabilité dont l’État prend l’initiative pour créer un vrai compromis social permettant de rapprocher toutes les parties prenantes. Ce pacte est le rassemblement de tous ; ce pacte est le combat commun pour l’emploi.
Puisque l’industrie française fait partie d’un écosystème, il faut une combinaison d’approches macroéconomiques et microéconomiques à même d’appréhender toutes les dimensions du défi de l’emploi industriel.
Ce texte est offensif et pragmatique ; il s’inscrit dans notre stratégie de lutte pour l’emploi, pour le renforcement de la démocratie dans l’entreprise, pour la protection de nos intérêts stratégiques français. Il est protecteur pour les salariés et aide les entreprises à se développer, à innover et à embaucher. Sa finalité est le bénéfice de tous.