La séance est ouverte.
La séance est ouverte à seize heures.
L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (no 1787).
La parole est à M. Daniel Goldberg, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Monsieur le président, madame la ministre de l’égalité des territoires et du logement, monsieur le président de la commission mixte paritaire, chère Audrey Linkenheld, co-rapporteure de la commission mixte paritaire, mes chers collègues, ce projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové a fait l’objet de nombreuses discussions, sur les bancs de notre assemblée et en commission, et a connu un sort particulier. En première lecture, il a été examiné une première fois à la toute fin du mois de juillet en commission, et au tout début du mois de septembre dans l’hémicycle ; en deuxième lecture, il a été discuté à la toute fin du mois de décembre en commission, et au tout début du mois de janvier en séance publique, alors que les estomacs étaient sans doute fatigués. Nous voici maintenant réunis en période de vacances scolaires – ce qui explique probablement, en dépit de la taille de cet hémicycle, l’atmosphère un peu confinée dans laquelle nous nous trouvons –, pour examiner les conclusions de la commission mixte paritaire, qui s’est tenue la semaine dernière et a abouti à un accord.
L’intérêt de ce texte est inversement proportionnel à tous ces faits calendaires. Nous avons travaillé sérieusement, entre députés à l’Assemblée nationale comme avec nos collègues sénateurs la semaine dernière. Comme je l’ai déjà rappelé à de nombreuses reprises, je tiens à souligner la qualité du débat que nous avons eu, qui tient aussi à la qualité du travail des administrateurs de la commission des affaires économiques et de tous les services de la commission, que je remercie ici très sincèrement pour leur travail diurne mais parfois aussi nocturne.
J’en viens aux conclusions de la commission mixte paritaire, en particulier sur les titres Ier et II, dont je suis chargé. En CMP, nous avons présenté à chaque fois des amendements en commun avec notre collègue et ami Claude Dilain, rapporteur pour le Sénat.
Ces amendements portaient sur le diagnostic technique au moment de la mise en location, avec la flexibilité nécessaire concernant la vérification du bon état des installations de gaz et d’électricité, qu’il convenait de traiter de la même manière, mais aussi sur des questions relatives à la co-titularité du bail pour les personnes liées par un PACS, sur des précisions quant aux quantums de peine, sur le financement des observatoires locaux des loyers, et sur l’alignement des dispositions applicables aux logements nus en matière de congé sur celles applicables aux logements meublés.
Nous avons aussi proposé la suppression de l’article 4 quater introduit par nos collègues sénateurs, tant il nous semblait que la précision relative à la surface dite « Carrez » n’était pas appropriée pour une mise en location.
L’article 6 ter porte sur les meublés touristiques temporaires. Afin de ne pas détourner l’autorisation temporaire prévue dans le projet de loi et que nous avions élaborée ici, à l’Assemblée nationale, et afin de laisser aux communes la liberté de délibérer dans le sens qu’elles souhaiteront pour l’avenir, nous avons préféré supprimer un alinéa qui avait été introduit par un amendement adopté par le Sénat. Cependant, là encore, l’ensemble des rapporteurs ont agi de concert.
S’agissant de la garantie universelle des loyers, nous avons précisé les modalités de prise en compte, notamment par l’agence nationale créée à cet effet, des difficultés sociales et économiques rencontrées par le locataire, dans le cadre de poursuites éventuelles.
À l’article 28, Claude Dilain a souhaité, avec mon soutien, apporter des précisions quant aux possibilités d’action des associations syndicales libres. En effet, le maintien des dispositions législatives actuelles pourrait emporter des conséquences lourdes pour les associations n’ayant pas mis à jour leur statut.
Enfin, à l’article 41 relatif à l’habitat indigne, trois amendements ont été adoptés, par coordination avec la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles ; ils concernent spécifiquement les métropoles du Grand Paris et d’Aix-Marseille-Provence. Ainsi, les présidents des conseils de territoire auront la possibilité d’exercer les polices spéciales actuellement conférées aux maires et à l’État en matière d’insalubrité et de péril, afin que les questions d’habitat indigne, très importantes pour nos concitoyens, fassent l’objet d’un meilleur traitement dans ces futures métropoles. Par ailleurs, une tâche supplémentaire est confiée à la mission de préfiguration de la métropole du Grand Paris : celle d’étudier l’articulation des pouvoirs entre la métropole et le préfet de police de Paris, ainsi que l’organisation des services concernés. Je me tourne vers vous, madame la ministre : cette étude ne doit pas apporter une vision uniquement photographique de la situation, mais aboutir au contraire à une véritable mise à plat des services communaux d’hygiène et de santé existants, afin que l’ensemble du dispositif soit plus efficace.
Absolument !
Je conclus en quelques mots. À chaque lecture de ce projet de loi, j’ai tenu à citer une phrase emblématique du moment du débat. Je citerai donc aujourd’hui une phrase écrite par le poète grec Pindare, il y a plus de 2 500 ans : « Deviens ce que tu es. » À l’issue de nos débats et après avoir amélioré ce texte dans le cadre d’une réelle coproduction législative, le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové est devenu ce qu’il devait être : un projet d’innovation sociale utile aux locataires, aux propriétaires, aux professionnels de l’immobilier et au fonctionnement des copropriétés.
La parole est à Mme Audrey Linkenheld, rapporteure de la commission mixte paritaire.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission mixte paritaire, monsieur le co-rapporteur, cher Daniel Goldberg, chers collègues, je veux d’abord remercier l’ensemble de mes collègues parlementaires qui se sont mobilisés sur ce projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.
Plus d’un an après le début des réunions de concertation que vous aviez engagées, madame la ministre, je veux vous dire le plaisir et la fierté que j’ai aujourd’hui à vous présenter, avec Daniel Goldberg, ce texte finalisé, fruit de nombreuses heures de travail aux côtés notamment des administrateurs de la commission des affaires économiques, que je tiens à mon tour à saluer tout particulièrement.
Au fil des travaux en commission, des débats en séance publique, en première puis en deuxième lectures, et des discussions ultimes en commission mixte paritaire, le texte proposé par le Gouvernement a été fortement enrichi pour répondre au mieux aux attentes de nos concitoyens, des acteurs associatifs, des professionnels et des élus locaux. Ces attentes politiques, citoyennes, économiques et sociales étaient quelquefois convergentes, d’autres fois un peu moins.
Notre boussole a toujours été la même : aboutir à une meilleure régulation du marché immobilier et à un aménagement plus durable de nos territoires, dans le respect de chaque partie et avec le souci permanent de la faisabilité. Je veux saluer ici tous les professionnels, qu’ils soient promoteurs privés ou bailleurs sociaux, et les remercier pour leur contribution active à nos travaux depuis un an et aux politiques publiques du logement.
Avec 117 000 logements sociaux construits en 2013, les bailleurs sociaux ont montré leur capacité de réaction et de mobilisation pour tendre vers les objectifs fixés par le Président de la République. Parce que nous avons confiance dans les organismes HLM et que nous sommes confortés par leur bilan, nous leur donnons, avec cette loi ALUR, des moyens d’action supplémentaires pour leur coeur de métier, le logement social, comme pour explorer de nouvelles pistes telles que l’hébergement, la copropriété, le logement intermédiaire ou le partenariat renforcé avec le privé. Je suis convaincue que les organismes HLM sauront se saisir de ces moyens d’action nouveaux, comme je suis convaincue qu’ils iront avec enthousiasme vers l’habitat participatif et vers une plus grande transparence des attributions – autant de sujets sur lesquels la convergence de vue avec les sénateurs s’est exprimée clairement.
Convergence de vue, il y a eu aussi, en commission mixte paritaire, sur le plan local d’urbanisme intercommunal. Moins grand public que l’encadrement des loyers ou la GUL, la question du transfert de la compétence de l’urbanisme aux intercommunalités aura toutefois bien fait parler d’elle, au moins dans les milieux autorisés, et en tout cas pour aboutir à un accord des deux chambres sur le point essentiel : passer du volontariat à l’automaticité. Alors que la France est maintenant intégralement couverte par une organisation intercommunale, et alors que 36 % de notre pays n’est encore régi par aucune règle locale d’urbanisme, cette généralisation de l’urbanisme intercommunal constitue, je le crois vraiment, un grand pas en avant.
Hier prévalait le volontarisme. Demain, toutes les intercommunalités acquerront automatiquement la compétence d’urbanisme.
Bien sûr, cette acquisition se fera dans le respect des communes, de leur avis, de leur rythme : c’est l’intérêt du principe de consentement. Il en va du PLUI un peu comme du mariage. Au moment de la cérémonie officielle, pour le couple, se dire oui, c’est une évidence. Et pourtant, le maire vérifie toujours s’il n’y a pas d’opposition. Il est rare qu’il y en ait une, mais cela peut arriver. Pour le PLUI, ce sera pareil.
Sourires.
Le transfert de la compétence d’urbanisme est une évidence, mais il peut y avoir opposition : on vérifie donc en posant la question. L’avenir nous dira si le niveau d’opposition requis par la commission mixte paritaire, c’est-à-dire 25 % des communes représentant au moins 20 % de la population, est tel que le grand pas en avant que représente le vote de cette loi ALUR se fera à vive allure, ou à une allure plus modérée.
Sourires.
L’essentiel, en tout cas, est d’avancer, et ce sera le cas.
Je veux souligner également que l’urbanisme rénové ne se résume pas à l’urbanisme intercommunal. La rénovation passe par de nombreuses autres dispositions, qui ont été validées, notamment toutes celles visant à lutter contre l’étalement urbain et l’artificialisation des sols.
Cette rénovation passe aussi par de meilleurs outils pour la maîtrise foncière et l’aménagement opérationnel, ou encore l’urbanisme commercial. Un accord a ainsi été trouvé sur les sujets du droit de préemption, des établissements publics fonciers ou encore de la reconversion des friches industrielles. Sur ce dernier point, la CMP a choisi de retenir ce qui permet de progresser vers la transformation et le traitement effectifs des sites et sols pollués, dans le respect, bien sûr, du principe pollueur-payeur. Mais nous savons qu’il faudra que l’État reste vigilant pour éviter certains effets indésirables de stigmatisation des secteurs concernés ou de biais dans le fonctionnement des marchés immobilier et foncier. Ce dernier exemple montre en tout cas que, malgré les tensions que certains auraient peut-être espéré voir entre les deux chambres, nos débats ont avant tout été respectueux, convergents, constructifs et pragmatiques.
Dans ces conditions, je ne doute pas que le Parlement adoptera dans sa majorité ce projet de loi ALUR. En tout cas, j’y invite vivement la représentation nationale.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.
Monsieur le président, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, mesdames et messieurs les députés, nous nous retrouvons au terme d’un travail législatif de longue haleine : cela fait près de neuf mois que le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale.
Je veux dire ici l’importance que j’attache à notre travail et le mettre en perspective avec ce que je vois monter dans le pays, puisque nous ne légiférons pas hors sol. Notre pays est traversé par des tensions multiples. Le sentiment de dépossession qui touche nos concitoyennes et concitoyens est tel que toutes les colères s’exacerbent. La question du logement dont nous nous saisissons une fois encore doit être comprise comme celle d’un bien de première nécessité, comme celle d’un marqueur social, comme celle qui, au même titre que le chômage, est source de souffrance et d’angoisse pour des millions d’habitants et d’habitantes de notre pays. La gravité des enjeux commandait donc de notre part une réponse forte.
Au cours des deux lectures successives, ici et au Sénat, le texte s’est progressivement ajusté, enrichi, amélioré. La commission mixte paritaire a été conclusive et permettez-moi de nous, de vous en féliciter. Nous pouvons être fiers du travail accompli ensemble. Personne n’y retrouvera l’intégralité de ses positions, mais chacun, chacune pourra se prévaloir d’avoir participé à la construction d’une avancée sociale. Car c’est de ceci qu’il s’agit : cette future loi ALUR fait partie de celles dont on sait qu’elles vont contribuer à changer la vie quotidienne des Françaises et des Français.
Ce n’est pas une loi qui subit la dictature du court terme. Si elle ambitionne de répondre à l’urgence sociale, elle s’inscrit néanmoins dans le temps long de la transformation de notre société. Cette loi, qui est complexe, j’en conviens, n’en est pas moins ambitieuse. La loi ALUR ouvre des chantiers qui vont changer durablement le cadre du logement en France. Dans un contexte de crise économique et sociale, nous avons construit ensemble une loi qui répond aux enjeux de la période puisqu’elle est à la fois une loi de progrès social et une loi d’efficacité économique.
Face aux difficultés que connaissent de plus en plus de ménages pour se loger dignement, il fallait prendre des mesures d’urgence, pour relancer la construction, pour réaffirmer le rôle central du logement social. C’est ce que le Gouvernement a fait dès son arrivée aux responsabilités : loi du 18 janvier 2013 pour mobiliser le foncier public et renforcer les obligations de production de logements sociaux, plan d’investissement en faveur du logement lancé par le Président de la République le 21 mars 2013, loi d’habilitation du 1er juillet 2013 pour permettre au Gouvernement d’agir par ordonnances – toutes les ordonnances seront d’ailleurs publiées cette semaine.
Mais il fallait aussi s’attaquer à des questions structurelles : celles des rapports locatifs, de la prévention des expulsions, de la régulation des professions immobilière, de la prévention et du traitement des copropriétés dégradées et de l’habitat indigne, de la modernisation du logement social, de l’urbanisme. Il s’agit de questions difficiles, laissées en friches pour certaines depuis des décennies. Des questions qu’il n’était pas possible de traiter dans la précipitation, mais qui commandaient cependant d’agir avec célérité et détermination.
Nombreuses étaient les voix qui nous recommandaient de ne pas ouvrir la boîte de Pandore de sujets aussi sensibles que ceux de la loi de 1989, de la loi de 1965, de la loi Hoguet, de la réforme des attributions et, bien sûr, de celle du PLUI. Nous les avons entendues sans les suivre, parce que l’immobilisme qui découlait de ce diagnostic nous semblait plus que dangereux, mortifère à vrai dire. La politique et la démocratie souffrent cruellement de l’incapacité à agir.
Par conviction, nous avons choisi d’embrasser l’ensemble des questions qui devaient l’être. Et malgré l’ampleur de la tâche, malgré la pression de certains lobbies dont je veux dénoncer ici le rôle néfaste pour notre pays, nous n’avons pas renoncé en cours de route.
Après huit mois de débats, plusieurs milliers d’amendements examinés, deux lectures dans chaque chambre, le texte élaboré par la commission mixte paritaire n’a pas perdu une goutte de l’ambition du projet présenté en Conseil des ministres le 26 juin 2013. Bien au contraire, il est enrichi et il est amélioré.
Je ne vais pas égrener devant vous la liste des mesures que comporte ce texte. Cela serait trop long…
…et vous les connaissez parfaitement. La plupart d’entre elles échappent peut-être aux yeux de la majeure partie du grand public : elles représentent pourtant autant d’améliorations qui apporteront aux Français plus de justice, plus de protection, et, je l’espère, plus de facilité dans leurs efforts pour accéder au logement. D’autres mesures ont été plus longuement débattues et portent en germe de grands changements. Il s’agit bien sûr de l’encadrement des loyers.
Face aux loyers exorbitants qui pèsent sur le pouvoir d’achat des ménages, nous ne pouvions plus accepter que la liberté du marché dût primer devant toute autre considération, qu’elle fût plus importante que l’exclusion, que la ségrégation qu’elle produit. Vous avez décidé que la régulation s’imposait, qu’on pouvait bannir les excès sans pour autant tomber dans une économie administrée, que la justice sociale devait passer avant le dogme du libre jeu de l’offre et de la demande. C’est tout le sens du dispositif d’encadrement des loyers qui vous est présenté aujourd’hui dans sa version finale.
Il s’agit aussi de la garantie universelle des loyers. C’est une grande et belle idée qui deviendra, j’en suis convaincue, bientôt une évidence. Car cette idée de sécuriser les locataires en mutualisant leurs risques, de rassurer les propriétaires face à la peur de l’impayé, n’est pas nouvelle. Elle est portée depuis des années. Du Loca-Pass à la GRL, nombreux sont celles et ceux qui ont apporté leur pierre à ce chantier de lutte contre les discriminations dans l’accès au logement.
Le projet qui est soumis aujourd’hui à votre validation est ambitieux, mais il est réaliste. Il marquera, j’en suis convaincue, une nouvelle avancée sociale, tant pour les locataires, qui y trouveront enfin un substitut gratuit à la caution personnelle, que pour les propriétaires, qui ne seront désormais plus seuls face à l’impayé.
Il s’agit des mesures de protection des plus fragiles : je pense notamment à l’allongement de la trêve hivernale et à son extension, sous le contrôle du juge, à ceux « sans droit ni titre » qui n’ont d’autres choix, aujourd’hui, que la rue ou le squat.
Il s’agit aussi de l’habitat participatif. L’article 22 du projet de loi, en ouvrant la voie à une autre forme de propriété, une nouvelle façon d’habiter, porte peut-être l’une des mesures les plus innovantes de ce projet de loi. Non, l’habitat participatif n’est pas condamné à la marginalité et à être l’apanage de quelques groupes précurseurs. Oui, c’est une véritable solution pour celles et ceux qui souhaitent concevoir et faire vivre leur habitat ensemble.
Oui, il est possible d’habiter mieux tout en dépensant moins, de faire preuve de plus d’intelligence, de développer davantage de liens.
Il s’agit également de la prévention des copropriétés dégradées et de la lutte contre l’habitat indigne. Grâce à ce texte, nous disposerons demain des outils qui font si cruellement défaut aujourd’hui à tous ceux qui luttent contre ce fléau du mal-logement.
Grâce à l’immatriculation des copropriétés, nous serons en capacité d’identifier rapidement les ensembles en difficulté pour agir en amont, avant que la copropriété n’ait basculé.
Grâce au fonds travaux, les copropriétaires disposeront des fonds nécessaires pour entretenir leur bien et ne pas tomber dans la spirale de la dégradation.
Grâce aux nouvelles mesures contre les marchands de sommeil, ceux qui, aujourd’hui, tirent profit de la misère au mépris de la dignité humaine n’auront plus le droit, demain, d’acheter de logements pour les louer.
Ces mesures étaient attendues de longue date. Le travail de conviction de parlementaires, en particulier de M. Claude Dilain, a permis qu’elles soient inscrites dans ce texte et qu’elles deviennent dans quelques semaines, je l’espère, de nouveaux outils législatifs à la hauteur de l’enjeu.
Il s’agit, enfin, des mesures qui permettront de moderniser nos pratiques de planification, d’urbanisme et d’aménagement. Tout au long de ce texte, on aura beaucoup parlé du plan local d’urbanisme intercommunal, le PLUI, car, en matière de logement, l’offre répond d’abord à une planification intelligente et stratégique des territoires. Ne l’oublions pas, ce sont les documents d’urbanisme dont les élus se dotent qui déterminent la qualité des politiques locales de l’habitat. En ce sens, le PLUI constituera, j’en suis certaine, une réponse à part entière à la crise du logement.
Ma conviction n’a pas changé : l’échelle intercommunale est la plus pertinente pour élaborer une planification véritablement stratégique, parce qu’elle permet à la fois de mutualiser les ingénieries et les savoirs et d’exprimer une solidarité territoriale. Mais j’ai entendu la demande forte de laisser s’exprimer les communes, de leur laisser du temps, de vérifier comme vous l’avez dit, madame la rapporteure, leur non-opposition afin que leur consentement soit plus fort. Le compromis issu de la commission mixte paritaire fait droit à cette demande, tout en franchissant une étape décisive. Le PLU sera intercommunal, sauf si les communes estiment qu’elles n’y sont pas prêtes.
Dans chaque intercommunalité, il y aura des débats sur l’urbanisme, sur la meilleure manière de lutter contre l’étalement urbain, sur le potentiel de densification pour construire davantage là où sont les besoins.
Avec cette loi, les élus seront dotés de meilleurs outils pour prendre une part active à la transition écologique de nos territoires, de l’ingénierie foncière apportée par la généralisation des établissements publics fonciers aux nouvelles modalités du droit de préemption urbain, en passant par la reconnaissance de l’ensemble des modes d’habitat, bien encadrés juridiquement.
Un dernier mot sur la densité et la complexité de ce texte ; qu’elles n’empêchent pas de voir l’essentiel. Ce projet de loi s’attaque aux causes profondes de la crise du logement. Je sais, comme vous, que nous n’arriverons pas en un jour à la juguler. La loi, à elle seule, ne change pas tout, mais il fallait changer la loi pour faire face à nos responsabilités. C’est ce que nous avons fait.
Je souhaite saluer ici le travail de toutes celles et de tous ceux qui ont pris part à ce travail, d’où qu’ils viennent. Je souhaite tout particulièrement remercier Daniel Goldberg, rapporteur, et Audrey Linkenheld, rapporteure : vous avez fait un travail remarquable. Le Gouvernement a fait le choix de prendre le temps du débat, le temps de deux lectures, le temps de l’appropriation et de l’échange. Vous avez conduit ce travail avec beaucoup d’efficacité, tout comme le président de la commission. Les longues heures de travail que nous avons passées ensemble m’ont permis de reconnaître sa maestria dans la gestion d’une commission complexe et sa permanente volonté de trouver des compromis, y compris durant la période qui a précédé la réunion de la commission mixte paritaire. Je l’ai dit, le bicamérisme est une chance pour notre démocratie s’il est bien vécu. Vous avez permis de faire que ce soit le cas et je vous en remercie, monsieur le président.
Je souhaite également remercier les parlementaires de la majorité, présents dans l’hémicycle durant de longues heures, pour faire naître ce texte, mais aussi ceux qui ne sont pas de ma famille politique, ceux de l’opposition,…
De la minorité, monsieur Piron, si vous le souhaitez.
…dont les propositions comme les critiques, lorsqu’elles étaient formulées avec sincérité, ont contribué à aiguiser notre sagacité et notre compréhension des enjeux. Ce que nous avons construit ensemble, en sortant d’une logique de démission, en favorisant le retour de l’action d’une puissance publique qui joue pleinement son rôle, c’est une contribution modeste mais, je l’espère, décisive à la défense de notre cohésion sociale et donc au raffermissement de l’idée républicaine qui, depuis plus de deux siècles, fonde le contrat civique et social qui nous lie.
Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.
La parole est à M. François Brottes, président de la commission mixte paritaire.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure Audrey Linkenheld, monsieur le rapporteur Daniel Goldberg, en quelque sorte le duo « Lindbergh »
Sourires
,…
J’assume ce parallèle qui restera dans l’histoire du co-pilotage de la traversée – avec escales – vers de nouvelles pratiques en matière d’urbanisme et d’habitat. L’avion de Lindbergh s’appelait Spirit of St. Louis. Là, il s’agit du Spirit of Cécile.
Sourires.
C’est ce qui a guidé vos pas dans cette affaire, qui a nécessité en effet quelques escales.
Comme disait le poète, il y a ceux qui croyaient à un vote avant les municipales et ceux qui n’y croyaient pas. Eh bien, nous voilà arrivés au terme du processus législatif de votre texte, de votre immense texte, madame la ministre. Et je crois que nous pouvons être fiers du travail que nous avons accompli tous ensemble, à l’Assemblée nationale ou au Sénat. Nous avons ensemble en quelque sorte pratiqué le pragmatisme sans concession sur l’essentiel. C’est une belle leçon de démocratie représentative, qui préfère l’épanouissement des réformes concrètes et utiles au commandement d’essence un peu intégriste qui pèse parfois sur nos débats. Je ne doute pas que cette méthode servira d’exemple pour d’autres textes – et je sais que le président de cette séance m’écoute avec attention.
Nous avons tous été animés par la volonté de faire avancer notre politique du logement, de clarifier et de simplifier notre droit de l’urbanisme et de lutter contre le mal-logement. Je sais que ce résultat n’aurait pas été possible sans le travail d’excellente qualité de nos deux rapporteurs, déjà cités, Audrey Linkenheld et Daniel Goldberg, des rapporteurs de caractère, je peux en témoigner, mais aussi capables d’une grande écoute. Ils ont été les vrais co-constructeurs de ce texte, répétons-le après vous, madame la ministre.
La loi que nous nous apprêtons à voter aujourd’hui est quelque peu différente du texte que nous avait transmis le Sénat en dernière lecture. Il existe quelques différences profondes entre nos deux assemblées et l’on en trouve une traduction dans la version finale du fameux PLUI, qui a été comparé au mariage, non pas forcé, mais librement consenti, par Mme la rapporteure qui, en cette matière a sûrement beaucoup d’expérience.
Sourires.
Après cette disposition, madame la ministre, vous pourrez me décerner une médaille, celle du lanceur d’alerte !
Nous sommes donc passés d’une majorité de blocage classique à une minorité de blocage inédite. Mais la force du Parlement n’est-elle pas d’innover ? En tout état de cause, la grande nouveauté, c’est que désormais, dans toutes les intercommunalités, le débat sur la compétence PLUI aura lieu, quoi qu’il arrive, n’en déplaise à M. Piron.
Le droit n’est pas figé. Il nous appartient de le faire évoluer pour qu’il s’adapte au mieux à la réalité que nous connaissons. Au-delà des différences qui caractérisent nos deux assemblées, les points de convergence ont été nombreux. Nous avons tous été animés par la volonté de rationaliser l’utilisation du territoire. Le gaspillage et le mitage sont morts et enterrés. Il faut que cela se sache partout sur le territoire national. Le corollaire – et c’est un chantier qui est encore devant nous – est que nous devons continuer à limiter les effets dévastateurs de la spéculation sur les prix du foncier. Plus le foncier est rare, plus il est cher, plus les cas d’enrichissement sans cause contre des projets d’intérêt général sont nombreux.
L’urbanisme demeure la compétence qui est à l’origine des débats les plus larges – et pas seulement au Sénat, car c’est le cas dans tous les territoires – mais aussi, convenons-en, des recours les plus fréquents. Madame la ministre, vous redonnez du pouvoir aux élus locaux, issus du suffrage universel. L’urbanisme est essentiel lorsque l’on doit gérer un territoire local. L’organisation de la vie de nos concitoyens, donc leur qualité de vie, dépend largement de l’aménagement du territoire. Nous devons être capables de leur permettre de travailler. Pour cela, nous devons permettre aux entreprises de s’implanter. Il faut des routes, des transports en commun pour circuler, de la verdure pour la biodiversité et pour respirer, mais aussi pour des raisons de sécurité – contre les catastrophes naturelles. Il faut des champs, des surfaces agricoles pour nous alimenter. Il faut des zones pour les loisirs et le sport. Il faut aussi et surtout permettre à chacun d’avoir un logement décent.
Sur ce dernier point, madame la ministre, votre projet de loi s’inscrit dans la continuité de vos textes précédents qui visaient à faciliter l’accès au logement. Tour à tour, vous avez libéré le foncier public pour permettre plus de constructions et pris des ordonnances afin de mettre fin au blocage intempestif de projets dont la réalisation est pourtant nécessaire et vous continuez à en prendre, avec le soutien du Parlement. Avec ce texte, vous vous assurez qu’une fois les logements construits, chacun pourra y avoir accès dans de bonnes conditions.
Votre texte, madame la ministre, contribue à rassurer les propriétaires bailleurs grâce à la GUL, la garantie universelle des loyers – j’oserai dire que faire la GUL évitera à beaucoup de devoir faire la gueule.
Sourires.
Il sécurise également les locataires, grâce à cette même GUL mais aussi grâce à l’encadrement des loyers et aux différentes dispositions contribuant à lutter contre l’habitat indigne.
Je vous l’ai déjà dit, madame la ministre, mais je le répète : votre loi est une grande loi, une loi qui aura trouvé son harmonie et sa cohérence à plusieurs voix, une loi que nous allons voter avec beaucoup d’enthousiasme.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.
Dans la discussion générale, la parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, chers collègues, j’ai envie de dire : enfin, nous y voilà ! Il aura fallu huit mois – vous en avez compté neuf, madame la ministre – entre le dépôt du texte en conseil des ministres et l’adoption définitive : c’est une longue, une trop longue gestation. Nous gagnerions, aux yeux des Françaises et des Français, à ce que nos procédures soient moins lourdes et moins longues. Il n’est pas normal que sur un sujet aussi important, il faille autant de temps.
Mais de ce long processus, je retiens que les engagements que le Président de la République a pris pendant sa campagne électorale et que nous, députés, avions pris en tant que candidats, vous les avez tenus : vous les avez mis en oeuvre, pour les plus importants d’entre eux, en moins de deux ans. Vous n’avez pas chômé sur le front de la crise du logement.
Dès 2012, vous avez fait adopter par décret l’encadrement des loyers à la relocation. Cette mesure, qui avait suscité beaucoup de scepticisme tant sur la forme que sur le fond, produit déjà ses effets dans les grandes villes, notamment en région parisienne. Vous avez mis en oeuvre l’engagement de porter de 20 % à 25 % le taux de logements sociaux prévu par la loi SRU. Vous avez débloqué le foncier public au profit de la construction de logements sociaux, grâce à une mise à disposition gratuite par les collectivités. Vous avez également ouvert la voie, peut-être plus précocement et plus efficacement que bien d’autres de vos collègues, en matière de simplification – je me méfie de l’expression de « choc » –, grâce à la lutte contre les recours abusifs, dont les motivations, nous le savons, sont avant tout financières.
Puisque nous arrivons au terme de la discussion de ce texte, un bilan s’impose et je voudrais commencer par un regret. Ce seul point négatif ne vous concerne pas, madame la ministre, ni vous, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, ni même les députés de la majorité et d’au-delà. M. Piron a souligné la nuance entre « opposition » et « minorité » et je sais qu’il s’est engagé, comme beaucoup d’entre nous, en faveur du plan local d’urbanisme intercommunal.
Ce regret porte sur la focalisation de certains sur la procédure d’adoption du PLUI dans les structures intercommunales. Nos collègues sénateurs, y compris au sein de la majorité, ce que je regrette, ont fini par obtenir gain de cause. Mme la rapporteure en a fait une interprétation optimiste et j’espère que les faits lui donneront raison. Toutefois, je crains que dans beaucoup de structures intercommunales, cette modification ne donne lieu à des débats malsains et à des jeux politiciens de blocage. Ainsi, dans la structure intercommunale dans laquelle je siège pour encore quelques semaines, je ne suis pas sûr que nous aurions pu adopter un PLUI s’il avait fallu passer par cette disposition : des petits jeux politiciens l’auraient, je le crains, empêché. Il faut dire que cette minorité de blocage, ce droit de veto, de 25 % des communes et de 20 % des habitants, a quelque chose de baroque.
Nos collègues du Sénat ont peut-être cru simplifier les choses, mais en réalité, ils les ont compliquées. Ils ont voulu innover, mais dans le conservatisme. En général, la minorité de blocage, c’est 33 %. Et je regrette que cette vision conservatrice l’ait emporté sur une vision réformatrice en faisant primer la logique bloquante sur la logique volontariste qui était celle du Gouvernement et de la majorité à l’Assemblée nationale. J’espère qu’il n’en ira pas de même pour d’autres projets de décentralisation, car cela augurerait mal de la suite.
Mais venons-en maintenant aux points positifs, fort heureusement bien plus nombreux.
Je retiens tout d’abord que le PLUI va devenir la norme : celles et ceux qui s’y opposent devront motiver leur refus. Parmi les points positifs, je citerai l’encadrement des loyers, mesure extrêmement attendue par les locataires, notamment dans les grandes villes, où les loyers ont connu une inflation ces dernières années, comme les logements en accession à la propriété. Il y a aussi la garantie universelle des loyers dont j’invite mes collègues à développer le nom dans son entier, pour des raisons de clarté, au lieu de citer l’acronyme, comme l’a fait M. Brottes pour essayer de faire un jeu de mots. Il est en effet important de faire comprendre à nos concitoyens qu’après plusieurs tentatives législatives, y compris sous d’anciennes législatures – certains collègues de l’opposition ont évoqué leurs vaines tentatives d’alors –, ce dispositif est inscrit dans notre législation. Il aura des effets concrets tant pour les locataires qui n’ont pas accès au logement du fait de la barrière de la caution que pour les propriétaires exposés au risque de loyers impayés, du fait de locataires indélicats ou subissant de véritables incidents de parcours.
Les relations entre bailleurs et locataires font l’objet d’une plus grande transparence, et c’est une excellente chose.
La lutte contre les ventes à la découpe a également fait l’objet d’avancées, grâce notamment à des amendements socialistes et écologistes adoptés par notre assemblée, sur lesquels le Sénat n’est pas revenu.
Autre avancée intéressante : l’intermédiation locative, formule un peu barbare qui désigne le processus par lequel un préfet peut, lorsqu’une commune fait l’objet d’un constat de carence au titre des obligations issues de la loi SRU, mobiliser son parc privé et prévoir qu’elle verse une contribution obligatoire et plafonnée. Cela contribuera à débloquer des logements dans les zones qui le nécessitent.
Citons encore les avancées – et l’article 22 en témoigne – relatives à l’habitat participatif et coopératif. Certes, ces mesures ne concerneront pas tout le monde, mais il faut multiplier les solutions à la disposition de nos concitoyens et de nos concitoyennes. Il en va de même pour les mesures relatives aux logements-foyers, mode de logement minoritaire mais qui méritait d’être pris en compte.
Les écologistes que nous sommes sont particulièrement sensibles au fait que la lutte contre l’étalement urbain et l’artificialisation des sols ait été réaffirmée. Nous saluons les mesures concrètes qui ont été prises en ce domaine, notamment dans les zones à urbaniser. Nous nous réjouissons également des mesures concernant les espaces verts et la biodiversité : ces thématiques, qui constituent souvent la dernière roue du carrosse, ont pleinement été intégrées dans le texte. Il en va de même pour les dispositions relatives à la rénovation thermique, qui ont notamment pour objet de faciliter l’isolation des logements par l’extérieur, solution qui est, nous le savons, la plus efficace, mais qui se heurte souvent à l’application stricte de règles d’urbanisme héritées d’une époque où ces techniques n’existaient pas. Je pourrais encore évoquer les sites et les sols pollués.
Avec cette loi, nous répondons concrètement aux problèmes des Français. Dans le domaine du logement, les problèmes sont variés : ils diffèrent d’une ville à une autre, d’un territoire à un autre, et changent selon les situations vécues par chacun. Les solutions doivent donc elles aussi être variées. C’est ce que prévoit cette loi en apportant des solutions à des problèmes trop longtemps laissés en jachère. Sans reculer à la moindre critique, nous avons élaboré, sous l’impulsion du Gouvernement, sous la vôtre, madame la ministre, des solutions en concertation avec les acteurs. Les écologistes sont fiers d’avoir apporté leur pierre à cette oeuvre législative utile aux Français ; ils sont fiers aussi que ce soit une ministre issue de leurs rangs qui ait mené à bien ce projet. C’est un bel exemple, pour nous, d’un travail fructueux entre les différentes composantes de la majorité et du Gouvernement, et même au-delà.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. André Chassaigne, au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, chers collègues, au terme de l’examen de ce projet de loi, je voudrais faire une remarque à propos de l’organisation de nos travaux pour déplorer l’accumulation de textes que nous subissons en ce moment. Les membres de la commission des affaires économiques ont dû travailler sur le projet de loi relatif à l’artisanat et au commerce à partir de mercredi dernier, sur les textes des CMP du projet de loi relatif à la consommation et du projet loi relatif aux villes, intercalés le lendemain matin, sur le projet de loi ALUR ce lundi, suivi de la proposition de loi sur l’économie réelle : cinq textes majeurs – certes, à des degrés différents – en cinq jours, c’est beaucoup.
C’est beaucoup, en particulier pour les petits groupes lorsqu’il leur faut examiner, avec très peu de collaborateurs, des textes comprenant des centaines de pages et des dizaines d’articles. Comment étudier sérieusement les nombreuses dispositions et conclusions des commissions mixtes paritaires dans ces conditions ?
Je déplore cette très mauvaise organisation du travail parlementaire, même si l’investissement des uns et des autres – la ministre, les rapporteurs, le président de la commission et les commissaires – a conduit à un débat de qualité. Mais j’y insiste : c’est grâce à l’investissement des uns et des autres. Cette organisation n’en est pas moins le symptôme d’une forme de mépris du Parlement dans cette Ve République ultra-présidentialiste.
J’en viens au projet de loi lui-même, un projet de loi sur plusieurs points en deçà de nos attentes et de celles du secteur associatif. D’abord, nous avons eu l’occasion de le dire, madame la ministre, l’encadrement des loyers qui est proposé ne nous semble pas efficace : sur ce point, vous ne m’avez toujours pas convaincu, même si vous n’avez pas ménagé vos efforts ! Nous pensons toujours qu’il risque de bloquer les loyers à leur niveau actuel, sans les faire redescendre dans les zones tendues, ce qui était notre ambition partagée. Se loger restera un défi pour la majorité de nos concitoyens.
Notre priorité devrait être la relance de la construction, mais force est de constater que le Gouvernement n’y met pas les moyens budgétaires suffisants. Les aides à la pierre sont en baisse, loin des 800 millions d’euros promis par le Président de la République. Les aides personnalisées au logement, les APL, ont été gelées jusqu’en octobre prochain. L’épargne populaire collectée par le biais du livret A a été livrée aux banques. Comment, dans ces conditions, envisager une quelconque amélioration de la situation ?
Ensuite, la garantie universelle des loyers a subi les assauts de la droite et du secteur assurantiel, qui auront obtenu un amoindrissement du dispositif. Celui-ci n’est plus obligatoire et le maintien de la caution a toutes les chances de le rendre « désincitatif » pour les bailleurs : sur ce point non plus, madame la ministre, et en dépit de vos efforts, vous ne m’avez pas convaincu. De plus, l’ensemble est déséquilibré, puisqu’il représente un bénéfice réel pour les bailleurs, qui seront garantis contre les impayés, alors que les locataires changent simplement de créancier.
Enfin, ce texte porte la marque de la recentralisation qui est à l’oeuvre, à la fois à travers le désengagement de l’État – je pense à la suppression progressive de l’aide apportée aux petites intercommunalités en termes d’ingénierie publique – et à travers le transfert à l’intercommunalité d’un certain nombre de compétences en matière de droit des sols.
Mais je voudrais en venir aux avancées que les parlementaires du Front de gauche, au Sénat comme à l’Assemblée, ont conquises par leurs amendements avec l’appui des autres groupes de la gauche, et parfois même avec l’appui de députés de l’opposition – je parle bien sûr de l’opposition de droite. Nous avons d’abord obtenu deux rapports, et nous ferons le nécessaire pour qu’ils se traduisent à terme par des mesures concrètes : l’un porte sur la sécurisation des dépôts de garantie à travers l’ouverture d’un compte spécifique ouvert au nom du locataire ; l’autre envisage la révision des critères de décence du logement, afin notamment de porter la surface minimale de location à hauteur de quatorze mètres carrés, contre neuf aujourd’hui.
En outre, il me semble important de citer les mesures concrètes que nous avons proposées et qui ont été votées : la possibilité pour les maires d’instaurer un permis de louer dans certaines zones afin de lutter contre l’habitat indigne et les marchands de sommeil ; la suppression des pénalités pour retard de loyers, mesure choquante et incompréhensible, qui enfonçait les locataires dans la difficulté ; le rétablissement des avis des commissions départementales de conciliation dans le cadre des contentieux locatifs ; l’interdiction pour le bailleur de s’opposer à des aides dans le cadre du fonds de solidarité logement ; l’extension de quinze jours de la trêve hivernale, portée jusqu’au 31 mars ; la possibilité pour le juge d’octroyer le bénéfice de la trêve hivernale aux occupants sans droit ni titre, ce qui veut dire la reconnaissance du caractère universel de la trêve hivernale – c’était une demande du DAL, de la Fondation Abbé-Pierre, de Médecins du monde et de nombreuses autres associations ; la reconnaissance du caractère universel du droit à l’hébergement opposable ; l’interdiction des expulsions pour les personnes reconnues prioritaires au titre du DALO ; la possibilité de l’effacement des dettes de loyers pour les locataires confrontés à des difficultés économiques et sociales dans le cadre de la garantie universelle des loyers ; l’instauration d’un dispositif pour lutter contre les congés frauduleux – les bailleurs qui donnent congé à leur locataire de manière frauduleuse seront passibles de peines pénales et le juge pourra vérifier la réalité du motif invoqué ; l’obligation pour les professionnels de l’immobilier de communiquer la totalité des informations relatives à la conclusion d’un contrat de location aux observatoires locaux des loyers, avec l’obligation pour ces derniers de saisir la commission de contrôle régionale ou interrégionale.
Cela fait treize apports concrets, dont certains sont d’une réelle ampleur et correspondent à des combats menés de longue date par les associations ou le mouvement HLM. Soixante ans après l’appel de l’Abbé Pierre, les députés du Front de gauche sont particulièrement fiers d’avoir consolidé, avec le soutien du Gouvernement et des autres groupes de la gauche, le principe de la trêve hivernale. Plus longue, elle se traduira enfin par la fin des expulsions en hiver, puisque les occupants d’un logement sans droit ni titre seront protégés, comme c’était le cas jusqu’en 1991. Cela nous montre que la gauche sait trouver des convergences pour être offensive !
J’en viens maintenant au point dur du texte : le transfert automatique du PLU intercommunal – vous n’allez plus approuver, monsieur de Rugy !
Ce PLU intercommunal cristallise une forte opposition des maires, notamment ruraux – l’Association des maires ruraux de France est ainsi fortement mobilisée –, car, dans la droite ligne du funeste projet de loi d’affirmation des métropoles, ce transfert renforçait les logiques de polarisation sans respecter les maires ni les populations. C’est la raison pour laquelle un compromis a été trouvé : si le transfert automatique du PLU à l’intercommunalité est hélas validé, alors qu’il devrait selon nous relever d’une démarche volontaire des communes, un garde-fou a été mis en place. En effet, une minorité de 25 % des communes représentant au moins 20 % de la population pourra éventuellement bloquer le transfert de la compétence urbanisme aux EPCI.
Comme l’Association des maires ruraux de France, nous nous réjouissons que le Parlement reconnaisse aux maires « le droit d’exercer leur sens de l’intérêt général sans être dépossédés d’une prérogative essentielle : la gestion de l’espace. »
Même si nous aurions souhaité que la libre administration des communes soit encore mieux garantie, ce signe d’écoute de la part de la ministre et de la majorité nous conduit à modifier notre vote et par conséquent à voter pour le projet de loi ainsi amendé.
L’ensemble de ces changements nous montre également, contrairement à ce qui a pu être dit précédemment, combien il est nécessaire de respecter la procédure parlementaire et ses différentes étapes, même si d’aucuns la trouvent trop longue ou regrettent l’exercice de la démocratie au Parlement comme dans nos territoires.
Au terme de ce processus législatif nous voterons donc ce projet de loi complexe et fourni. Il comporte des mesures qui certes ne nous satisfont pas, mais aussi d’autres, plus nombreuses, qui vont dans le bon sens.
Toutefois, nous n’ignorons pas que l’essentiel, pour en finir avec le mal-logement et la crise redoutable qui ronge notre pays, demeure le budget. Tant que le Gouvernement n’en finira pas avec l’austérité budgétaire sans précédent qui est pratiquée, nous ne réduirons pas le nombre de mal-logés. Tant que le Gouvernement ne mettra pas sur la table les moyens nécessaires à la construction de logements sociaux, à la rénovation, à l’hébergement d’urgence, les difficultés persisteront et s’accroîtront. Tant que la procédure de réquisition restera lettre morte, des gens mourront dans la rue. Tant que les expulsions des familles trop démunies pour payer leur loyer ne seront pas abolies, la précarité galopera. Tant qu’on ne reviendra pas sur la sinistre loi Boutin, le logement social restera un parent pauvre. Aussi, tout en votant ce projet de loi, les députés du Front de gauche se battront pour que la gauche rassemblée – rassemblée sur ses vraies valeurs – porte enfin suffisamment haut l’étendard du progrès social.
Pour conclure, je voudrais avoir une pensée pour Melissa, fillette bulgare décédée mercredi dernier à Bobigny dans l’incendie d’un bidonville. Alors qu’il a fallu vingt ans – vingt ans ! – après l’appel de l’Abbé Pierre en 1954 pour rayer du paysage les bidonvilles, ces campements de la honte se multiplient à nouveau aux abords de nos villes. Sur ce point, il faut une ligne claire, madame la ministre : il y a urgence à agir pour qu’on n’ait plus à pleurer une petite Melissa. Mais, certes, je pourrais dire, comme Mahmoud Darwich : « Qui suis-je pour vous dire ce que je vous dis ? » Qui suis-je ?
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, chers collègues, après un long parcours législatif de plus de huit mois, commencé dès l’été 2013, le projet de loi ALUR arrive à son terme. Ce texte, largement amendé lors de nos différentes lectures à l’Assemblée nationale, l’a également été au fil des travaux de nos collègues sénateurs. Ce texte, n’en déplaise à ses opposants, est le résultat d’une coopération législative approfondie et constructive entre les députés, les sénateurs et le Gouvernement, qui vise à répondre au mieux à la crise du logement que connaît notre pays.
Du reste, cet ambitieux projet de loi s’inscrit pleinement dans la feuille de route que s’est fixée le Gouvernement pour faire du logement une priorité. Je rappelle une nouvelle fois qu’en matière de construction, l’objectif du quinquennat est fixé à 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux.
Je tiens, dans un premier temps, à rappeler, comme j’ai pu déjà le faire, les avancées réalisées en matière de logement depuis dix-huit mois grâce au travail législatif de notre majorité. Depuis dix-huit mois, nous avons déjà : renforcé l’obligation de construction de logements sociaux, passée de 20 % à 25 % ; prévu la cession, pouvant aller jusqu’à la gratuité, des terrains de l’État ; relevé le plafond du livret A ; mis en place un dispositif d’incitation à l’investissement locatif ; instauré le plan d’investissement pour le logement ; prévu l’encadrement des loyers à la première location ou à la relocation en zone tendue ; lancé le plan de rénovation énergétique des logements.
Depuis dix-huit mois, nous avons adopté la loi autorisant le Gouvernement à légiférer par ordonnances afin d’éliminer les freins aux projets de construction de logements, de répondre à l’urgence de la crise que connaît notre pays avec ses 3,6 millions de mal-logés et de permettre l’accès au logement pour tous. Et aujourd’hui, nous achevons l’examen du projet de loi ALUR.
J’en profite, avant de développer les conclusions de la CMP, pour souligner l’investissement important de mes collègues rapporteurs Audrey Linkenheld et Daniel Goldberg, ainsi que l’animation perspicace de la commission des affaires économiques par son président. La commission mixte paritaire qui s’est réunie la semaine dernière a permis de trouver un consensus sur ce texte entre députés et sénateurs, y compris sur les sujets qui ne faisaient pas l’unanimité, comme le plan local d’urbanisme intercommunal.
Les amendements déposés lors de cette CMP ont tous été adoptés. Sur la question du transfert du PLU à l’intercommunalité, principal point de divergence entre députés et sénateurs, les membres de la CMP ont relevé la minorité de blocage introduite par le Sénat à 25 % des communes représentant au moins 20 % de la population.
La CMP a également validé l’article sur les sols pollués, ainsi que la possibilité pour les organismes HLM de faire de la "VEFA inversée", disposition à laquelle je m’étais opposée en deuxième lecture en déposant un amendement de suppression, sur lequel le Sénat est revenu.
Enfin la CMP a permis d’arbitrer certains points du volet logement qui restaient en suspens, concernant notamment la garantie universelle des loyers : la manière dont la bonne foi du locataire sera prise en compte dans le cadre de cette garantie a ainsi été précisée.
En matière de lutte contre l’habitat indigne, la CMP a ajusté les dispositions votées au Sénat en deuxième lecture en matière de transfert des pouvoirs de police spéciale de l’habitat : il s’agit notamment de prévoir que le président du conseil de territoire peut exercer à la place du président de la métropole ces pouvoirs.
Ainsi, après ces quelques ajustements, le texte issu de la CMP dont nous débattons cet après-midi permettra d’encadrer les loyers et d’instaurer la garantie universelle des loyers, laquelle permettra à son tour de prévenir les expulsions.
Le texte dont nous débattons cet après-midi encadrera les professions immobilières et la lutte contre l’habitat indigne et les copropriétés dégradées.
Le texte dont nous débattons cet après-midi réformera les syndics et modernisera l’attribution des logements sociaux en la rendant plus simple et plus transparente.
Le texte dont nous débattons cet après-midi améliorera le contrôle du secteur du logement social et modernisera les organismes HLM.
Enfin, le texte dont nous débattons cet après-midi modernisera les règles d’urbanisme dans une perspective de transition écologique des territoires, qu’il s’agisse de planification stratégique, de modernisation des documents d’urbanisme, de lutte contre l’étalement urbain ou de politique foncière. Madame la ministre, il est important qu’à l’issue de cette discussion, ce texte soit adopté et entre rapidement en application, car nous ne pouvons plus laisser s’accroître les inégalités d’accès au logement. Tel est le sens de ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire vient de rendre son arbitrage, au terme de neuf mois d’un travail parlementaire fourni, en procédure normale, que nous aurions aimé aussi connaître pour le texte portant sur la ville et la cohésion urbaine. Dans la précipitation, ce texte a accouché de choses aussi étranges que les conseils citoyens ou le tirage au sort paritaire, mais à quelques semaines des municipales, il n’a pas voulu livrer la liste des quartiers prioritaires. C’est pourquoi nous apprécions d’avoir eu, par deux examens en commission et en séance, la possibilité de débattre à fond de votre texte et d’avoir pu l’infléchir.
Je souhaite souligner ici la qualité des échanges, la bonne ambiance, le respect mutuel qui ont marqué ces débats, qui ont souvent relevé d’un travail de commission. La qualité de ces échanges tient en grande partie à la manière dont les rapporteurs et vous-même, madame la ministre, avez conduit ces débats. Je tiens à vous l’indiquer dès aujourd’hui, ne sachant pas si, en avril ou mai, je pourrai encore vous le dire, si on en croit les bookmakers des remaniements.
Sourires.
Pourtant, le temps insuffisant pour leur préparation, et surtout l’annonce du caractère non négociable de certains de ces objectifs, comme l’encadrement des loyers, la GUL ou le PLUI, auraient pu conduire à des séances beaucoup moins apaisées. Nous ne pouvons cependant que regretter que vous n’ayez pu négocier qu’une programmation changeante et un calendrier d’examen peu mobilisateur. Tout cela a conduit à des examens en commission dans les derniers jours de session, à un nombre impressionnant d’amendements de votre majorité, y compris en seconde lecture, à la présentation d’amendements du Gouvernement ou des rapporteurs, comme celui sur l’article 8, à la veille des séances ou en séance, comme ceux portant sur le PLUI, pour ne parler que de ceux-là. Ils ont abouti à ce que vous avez appelé une « adaptation témoignant de la richesse du travail parlementaire ». En réalité, ces atermoiements, ces ajustements étaient le signe que le doute s’était progressivement installé face aux constats et recommandations des rapports remis au Premier ministre, face aux coups de boutoir du Sénat, aux réactions des partenaires de la politique du logement, aux protestations de la majorité des maires et à celles des petits propriétaires.
Ce que vous présentiez avec assurance comme des objectifs non négociables de votre projet de loi le sont progressivement devenus. C’est une reculade salutaire. Certaines parties de votre projet de loi, qui sont restées stables, ont reçu notre soutien dès l’origine. Je veux parler de la lutte contre l’habitat indigne, les marchands de sommeil, les copropriétés dégradées. Mais il faut dire que les mesures présentées dans ces domaines ne résultaient pas d’une simple volonté idéologique mais de propositions étayées et non contestées : celles du rapport du président de l’ANAH, Dominique Braye, du sénateur Claude Dilain, et des propositions de loi Lefebvre ou Huyghe. Ces propositions ont été enrichies de l’apport de certains députés qui peuvent encore nous faire profiter de leur expérience de maire. Je veux aussi vous dire notre adhésion aux mesures qui améliorent les conditions de gestion des copropriétés.
Nous approuvons les modifications de prise de décision par l’assemblée des copropriétaires rendant possible la prise en compte de nouveaux défis comme l’économie d’énergie ou l’anticipation des travaux de gros renouvellement. Nous approuvons les mesures visant à apporter une clarification dans l’exercice de la profession de syndic, de ses rapports au conseil syndical, tout en jugeant que certaines vont trop loin et apportent des charges nouvelles inutiles. Nous approuvons, enfin, certaines des mesures touchant à l’exercice de la profession d’agent immobilier et d’encadrement de certains de leurs actes et missions. Mais vous normalisez toutes les étapes d’une transaction, de l’affichage en vitrine à la signature de l’acte. Vous changez profondément la structure de rémunération des agents immobiliers. Voilà une nouvelle occasion pour vous et votre majorité d’administrer une profession, de complexifier les procédures et de déséquilibrer le rapport entre le locataire et le propriétaire, et donc de multiplier entre eux les possibilités de contentieux.
Vous complexifiez au-delà du nécessaire le rapport entre bailleur et preneur, par une multitude de documents type que vous présentez comme une protection supplémentaire pour le bailleur. Vous créez de la norme, qui s’impose à tous, pour corriger les errements condamnables de quelques-uns. C’est cela, le moteur de la complexification normative : à partir d’une situation singulière, on crée une norme, une procédure qui s’impose à tous. Mais c’est une consolation pour les agents immobiliers : vous ne rendez plus possible la gestion en bon père de famille – ou bonne mère de famille, je ne sais plus ce qu’il faut dire –…
Les deux !
…de la majorité des petits propriétaires. Ils devront contracter un gestionnaire en supportant ainsi une charge nouvelle, s’ajoutant à toutes les autres que votre texte impose et qui dégradent l’équilibre entre le propriétaire et le locataire.
Pourtant, lors des débats, vous avez invoqué en permanence votre volonté de protéger cet équilibre, mais vous êtes parvenue à tout le contraire. Une multitude de petites inégalités dans votre texte s’ajoutent pour changer ce rapport par des préavis déséquilibrés, suivant qu’il s’agit du locataire ou du bailleur, par des délais de contestation dissymétriques, par des charges nouvelles à l’encontre du propriétaire. Tout cela créera une défiance des petits investisseurs pour le logement.
Mais ce n’est rien à côté de l’arme absolue que vous déployez pour les décourager : l’encadrement des loyers. Entre charges obligatoires accrues et loyer encadré, vous fixez en quelque sorte le revenu maximum d’un propriétaire.
Dans un quartier défini, pour optimiser le loyer médian, vous fixez, par taille de logements, le prix maximum au mètre carré et ce quelles que soient les caractéristiques du logement, qu’il ait ou non une cuisine équipée, une salle de bain aménagée, une situation avec ou sans ascenseur, une vue sur cour ou sur parc. Avec l’encadrement des loyers, quel intérêt pour un propriétaire d’améliorer le confort de son logement pour ne suivre que l’IRL ? Non seulement vous encadrez les loyers, mais vous encadrez aussi par le bas le futur niveau de confort des logements locatifs.
Quant à la GUL, elle devait être obligatoire, universelle, et permettre de supprimer les cautionnements. Qu’en reste-t-il aujourd’hui, après plusieurs réécritures du texte ? Elle est universelle, certes, dès lors que l’on remplit les conditions d’éligibilité. Le bailleur retrouve la liberté de choix entre cautionnement : GRL, GLI ou GUL. S’il n’est pas jugé solidaire, il devra contracter une assurance complémentaire. Solidaire ou non, il peut s’interroger sur ce qui se passera après dix-huit mois d’impayés. N’est-on pas en train d’entrer dans un traitement social des impayés, à couvrir par le budget de l’État ? Cette alternative pèsera lourdement sur le budget de la GUL que devra supporter l’État, budget dont la fourchette d’estimation actuelle a les dents bien trop écartées pour que l’on s’en fasse une idée crédible. Vous comprendrez que si nous nous réjouissons de la liberté retrouvée pour les bailleurs, nous ne pouvons le faire pour les nouvelles charges pour l’État. On ne peut d’ailleurs que s’étonner, madame la ministre, que la réécriture complète de l’article 8 n’ait pas donné lieu à un complément d’étude d’impact de la loi.
Encadrer les loyers, mettre en place une GUL, mettre au pas la profession immobilière, complexifier les procédures de location et de gestion locative ne feront pas diminuer les files d’attente pour la location d’un logement, même social, en zone tendue. Votre loi n’est pas une réponse à la crise du logement, c’est une loi de régulation des files d’attente. Oui, vous allongez la file d’attente pour trouver un logement locatif, parce que depuis votre arrivée au pouvoir, la production de logements neufs, et particulièrement dans le logement locatif social, est en chute libre.
Rappelons les chiffres : 500 000 logements par an, ce sont vos promesses ; 340 000 logements réalisés dont seulement 117 000 logements sociaux, c’est votre bilan de 2013. Ce sera l’héritage que vous laisserez. Pensez-vous que la loi ALUR permettra de compenser ce déficit ? Non, bien sûr. Mais vous pensez que le PLU, élaboré à une échelle intercommunale, est susceptible de favoriser la production de logements. Nous le pensons aussi. Vous vouliez rendre son transfert obligatoire. Nous vous invitions au transfert par la pédagogie, l’envie, l’adhésion. Vous avez dû trancher entre votre majorité dans cet hémicycle et celle du Sénat, toutes deux pour le caractère obligatoire, l’une avec une minorité de blocage symbolique inatteignable, et l’autre – futures sénatoriales obligent – avec une minorité de blocage toujours au rendez-vous. Finalement, la CMP a fait un ajustement de balance d’épicier, le 25 %-20 %. Vous êtes finalement arrivée à l’opposé de vos objectifs initiaux. Le transfert de la compétence PLU ne se fera que très rarement, car il est plus facile d’organiser une minorité de blocage que d’obtenir la majorité qualifiée, la minorité de blocage retenue étant même inférieure au complément de la majorité qualifiée. Pourquoi ne pas avoir, au moins pour les communautés de communes, gardé le transfert de compétences par la majorité qualifiée en vigueur ? Elle demandait pour être acquise de faire une démarche d’adhésion, une démarche volontaire qu’avec votre texte une minorité de blocage facile pourra empêcher.
Vous l’avez compris, des points positifs assez nombreux, je le reconnais, ne peuvent compenser la complexification normative croissante s’imposant au secteur, le déséquilibre apporté aux rapports propriétaires-locataires, l’encadrement des loyers, l’inconnue sur le coût pour l’État de la GUL et le mauvais coup apporté aux démarches volontaires de PLUI. Nous voterons donc contre votre projet de loi.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici arrivés à l’épilogue de l’examen du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, qui occupe nos travaux depuis près de neuf mois. Le vote imminent de ce texte intervient dans un contexte qui ne cesse de se dégrader pour le monde du logement et de la construction, puisque moins de 332 000 logements ont été construits l’année dernière, en recul de 4,2 % par rapport à l’année 2012, déjà très mauvaise. Les perspectives ne semblent pas s’améliorer, c’est le moins que l’on puisse dire. C’est donc un résultat nettement inférieur à la moyenne de 390 000 logements construits lors de la décennie précédente, et de plus en plus éloigné de l’engagement présidentiel, qui misait sur la construction de 500 000 logements par an.
En ce début d’année 2014, nous pouvons probablement dire désormais que l’engagement de construire 2,5 millions de logements sur la durée du quinquennat ne pourra être tenu. Car tous les voyants restent encore au rouge dans un contexte économique morose, avec une cherté des prix conjuguée à une remontée attendue des taux d’intérêt qui se répercuteront très probablement sur les taux de crédit immobilier. À l’heure où les observateurs estiment nos besoins actuels à 800 000 unités, la priorité absolue devrait donc être d’accroître substantiellement l’offre de logements. Cela impliquerait de mener une politique offensive dans ce secteur, en actionnant tous les leviers à notre disposition.
La fiscalité tout d’abord, qui relève, il est vrai, d’un autre ministère. Mais la solidarité gouvernementale et la politique gouvernementale sont un tout et nous tenons à vous alerter de nouveau sur les conséquences dangereuses du relèvement du taux de TVA sur les entreprises du bâtiment depuis le 1er janvier 2014. Dans le cadre du pacte de responsabilité, il nous semble indispensable que ces dernières bénéficient d’une baisse massive et immédiate des charges qui pèsent sur leur activité.
Il faut également agir sur la disponibilité foncière, en cessant de confondre foncier constructible et foncier disponible, et en menant une véritable politique fiscale visant à dissuader la rétention des biens. Nous en sommes toujours loin. Cela passe aussi par une réforme de la gouvernance de notre politique du logement, dans le cadre d’une décentralisation toujours inassumée qui laisserait toute sa place aux stratégies élaborées et donc adaptées au niveau régional. Car, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, nous payons le prix fort de notre exception française centralisatrice.
Cela me conduit à évoquer le problème majeur que constitue l’inflation des normes, sur lequel nous n’avons cessé d’appeler votre attention depuis le début de nos travaux. La créativité sans limite de notre administration, et parfois, je dois l’admettre, des parlementaires, nous a conduits dans une situation ubuesque où 3 700 normes encadrent aujourd’hui la construction. Cet empilement, qui constitue un véritable gisement de contentieux, pèse de plus en plus lourd sur les délais et les coûts de construction, lesquels ont augmenté de plus 50 % ces douze dernières années, les deux tiers de cette hausse étant imputables à la profusion de nouvelles normes.
Je reconnais que vous avez effectué quelques gestes en faveur d’une simplification, notamment avec les ordonnances visant à accélérer les délais de construction, mais tant de chemin reste à parcourir. Nous regrettons que ce projet de loi en soit une nouvelle illustration, avec ses 350 pages nouvelles dont je crains qu’elles ne créent davantage d’emplois dans les cabinets d’avocats et de conseil que dans le secteur du logement et de la construction, dans un certain nombre de cas.
En résumé, madame la ministre, nous avons abordé l’examen de ce projet de loi en nous posant d’abord la question suivante : ce texte nous permettra-t-il de construire plus et mieux ? Malheureusement, il est permis d’en douter.
J’en viens aux principales dispositions qui ont animé nos discussions depuis neuf mois sur ce texte qui contenait le meilleur – je dis bien : qui contenait le meilleur –, l’acceptable, comme peut-être le pire et qui a considérablement évolué au fil de nos travaux.
Force est de constater que, s’agissant de certaines dispositions phares du projet de loi, les ambitions initiales du Gouvernement ont été largement revues à la baisse.
Le premier point, le meilleur, était évidemment le plan local d’urbanisme intercommunal, le PLUI, qui a concentré l’essentiel de nos discussions en CMP. Comment ne pas vous faire part de ma déception, malgré l’enchantement qui a saisi, de manière étonnante, notre rapporteure tout à l’heure ?
Sous la précédente majorité, je militais déjà pour cet outil, indispensable à nos yeux. À l’heure où 60 % des 36 500 communes françaises comptent moins de 500 habitants et 27 000, moins de 1 000 habitants, la question de l’ingénierie intercommunale est majeure.
Son instauration conditionne non seulement la cohérence d’ensemble entre logement, zones d’activité, équipements et mobilités, mais aussi l’urbanisme, c’est-à-dire la production en plus grand nombre, en favorisant la mixité sociale et fonctionnelle.
Je vous avais soutenue sur ce point, bien qu’étant dans la minorité, mais je constate hélas qu’une fois encore, comme en 2010, les résistances sont restées tenaces et qu’elles ont eu raison de vos intentions premières, madame la ministre. Pire : on invente une nouvelle notion, la minorité de blocage concernant les collectivités locales. Je savais qu’elle existait dans le code de commerce, au sujet des rapports entre les actionnaires, mais nous n’attendions pas de ce gouvernement que tout à coup, il mette le code des collectivités locales au diapason du code de commerce ! C’est fait.
Pire encore : jusqu’alors, s’agissant de compétences, seule une majorité qualifiée, c’est-à-dire les deux tiers des communes représentant 50 % de la population, ou 50 % des communes représentant les deux tiers de la population, pouvait se saisir d’une nouvelle compétence. Eh bien, à partir de 2017, ce ne sera plus possible : la majorité ne devra plus être qualifiée, mais sur-qualifiée. À tel point qu’un sénateur, épris de formules stylistiques beaucoup plus douces que celles que nous avons parfois dans cet hémicycle, a indiqué que c’était « un plus grand respect des minorités ». Excusez-moi, madame la ministre, mais il me semble qu’en la circonstance, le « plus grand respect des minorités », c’est tout simplement un moindre respect de la majorité. Et ça nous gêne, je vous l’avoue.
On peut tout dire sur ce sujet, mais quand nous entendons parler de « principe de consentement », ce qui est la dernière appellation d’origine non contrôlée, nous pourrions sourire, si le sujet n’était pas si sérieux. Permettez-nous au moins de nous en étonner. Je considère que dans ce domaine, le résultat de la CMP n’est pas une avancée : avec un PLU intercommunal de droit qui, en réalité, ne sera pas de droit, parce que la minorité pourra tout bloquer, c’est à un véritable recul que, malheureusement, l’Assemblée a consenti.
Pour le reste, ce qui est acceptable, c’est la garantie universelle des loyers. Je ne nierai pas, pour avoir beaucoup travaillé dans le passé sur ce sujet, que bien des ministres se sont essayés à instaurer une garantie universelle, en rencontrant des difficultés majeures. Et reconnaissons-le : le texte initial, quelque peu sur-administré, a été considérablement amendé et je ne serai pas de ceux qui le regretteront. Pour autant, l’enjeu est toujours le même : comment mutualiser sans déresponsabiliser ?
Vous avez entendu, madame la ministre, nos critiques et propositions, et je vous en remercie. Mais reconnaissons-le, l’universalité de la garantie, en l’état actuel des pratiques, portera sur 20 % des locataires, puisque 80 % sont soumis à la caution. Est-ce que les bailleurs ne préféreront pas continuer à recourir au cautionnement ? Sujet difficile, certes… Problème résolu ? Sans doute pas !
J’en viens maintenant au pire : l’encadrement des loyers. Le pire, non parce qu’il ne faudrait pas réguler les loyers, ni qu’ils ne seraient pas assez élevés. Le pire, parce que vous apportez une très mauvaise réponse, la pire des réponses, à un vrai problème.
Pourquoi les loyers sont-ils trop élevés ? Parce qu’on manque de logements. Est-ce que l’encadrement des loyers va permettre de construire davantage de logements ? Certainement pas. Il peut même décourager des investisseurs éventuels de se lancer dans la construction.
Sur le loyer médian, outre qu’il faudra l’établir, vous savez toutes nos réserves : vous allez faire baisser les loyers les plus élevés, ceux des ménages les plus aisés, et risquez de provoquer la hausse des loyers les moins élevés, ceux des ménages les moins aisés.
Je voudrais simplement, pour conclure, revenir encore une fois sur ce qui peut quand même appartenir au meilleur : tout le chapitre relatif aux copropriétés. Disons-le, et je tiens à saluer cette belle continuité de l’action publique, vous avez repris pour l’essentiel les conclusions d’un certain rapport sénatorial de M. Braye qui, sous la législature précédente, avait beaucoup travaillé. Avoir repris ses propositions mérite d’être salué de notre part.
Au total, équilibre ici, rééquilibrage là grâce à un meilleur dialogue avec les propriétaires et les professionnels : les quelques mesures nécessaires et attendues de ce projet de loi, malheureusement, ne pallieront pas son absence de choix forts pour répondre à l’insuffisance de l’offre de logement, qui demeure la question urgente et principale.
C’est d’abord pour cette raison essentielle que le groupe UDI ne pourra apporter son soutien à votre texte.
J’appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire.
Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d’abord appeler l’Assemblée à statuer sur les amendements dont je suis saisi.
Je suis saisi de douze amendements, nos 3 , 8 , 4 rectifié , 12 , 13 , 5 , 2 , 1 , 7 , 6 rectifié , 10 rectifié et 9 , qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à Mme la ministre, pour les soutenir.
Le Gouvernement a déposé douze amendements, qui sont exclusivement des amendements de coordination ou de pure forme.
Oui. Il s’agit vraiment de corrections de forme.
Je précise en outre que, sur les articles 16, 43 bis B et 46 quater, qui avaient été adoptés dans les mêmes termes par les deux assemblées avant la convocation de la commission mixte paritaire, le Gouvernement a déposé des amendements pour coordination. Il s’agit, respectivement, des amendements nos 8 , 12 et 13 .
Je ne m’exprimerai que sur les amendements concernant les titres Ier et II, pour confirmer ce que vient de dire la ministre. La commission ne les a évidemment pas examinés, puisqu’ils sont postérieurs à la réunion de la CMP, mais à titre personnel, je donne un avis favorable. Je laisse à Mme Linkenheld le soin de s’exprimer sur les amendements relatifs aux titres III et IV.
Mon avis est également favorable pour les amendements qui concernent ces titres III et IV.
Je voulais seulement préciser que l’amendement no 6 rectifié , qui vise à encadrer la situation transitoire entre l’ancien et le nouveau droit en matière d’urbanisme commercial, est très utile. Il n’est pas que de forme.
Les amendements nos 3 , 8 , 4 rectifié , 12 , 13 , 5 , 2 , 1 , 7 , 6 rectifié , 10 rectifié et 9 sont successivement adoptés.
Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur le texte de la commission mixte paritaire, auront lieu le mercredi 19 février, après les questions au Gouvernement.
Texte de la commission mixte paritaire
La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.
La parole est à Mme la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames et messieurs les députés, depuis le début du quinquennat, le cap de la majorité présidentielle est l’emploi. L’emploi industriel concentre particulièrement nos efforts parce qu’il faut protéger, relancer, densifier et élargir le tissu industriel français. La proposition de loi que vous examinez aujourd’hui, mesdames et messieurs les députés, y contribue.
Il est important de rappeler que la part de l’industrie dans la valeur ajoutée totale, en France, est passée de 18 % en 2000 à un peu plus de 12,5 % en 2011. Plus grave, l’emploi industriel s’est également dégradé de façon continue : il a chuté de plus de 26 % de l’emploi salarié total en 1980 à 12,6 %, en 2011.
Cette perte de substance industrielle affecte notre économie bien au-delà du seul secteur dit secondaire. L’emploi dans l’industrie a un effet multiplicateur plus fort sur les autres emplois et l’industrie porte une très large part de la recherche et de l’innovation ainsi que des gains de productivité. Je veux aussi souligner l’importance des services associés à l’industrie.
Par ailleurs, les pays les plus industrialisés sont ceux qui résistent le mieux à la crise. C’est donc la colonne vertébrale de notre économie qui fléchit avec le recul de l’industrie sur notre territoire.
J’ajoute qu’il serait par ailleurs réducteur d’accuser le processus de mondialisation comme étant la seule cause du recul de l’industrie française. N’oublions pas, mesdames et messieurs les députés, que 30 % des emplois industriels en France sont le fait de groupes étrangers.
Nous devons tout faire pour réindustrialiser le pays, et c’est ce qui a amené la majorité à déposer une proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle.
Je me félicite de la qualité du travail parlementaire mené depuis lors et même au Sénat où, en dépit du rejet final du texte, les échanges furent de qualité, de nombreux amendements utiles ayant été adoptés, lesquels ont été depuis repris par votre commission. Cette dernière a eu à nouveau l’occasion d’améliorer encore le texte, ce dont je me réjouis.
Quelques commentaires sur les deux grands axes qui structurent cette proposition de loi : la recherche d’un repreneur et les mesures en faveur de l’actionnariat de long terme.
La loi concernant la recherche d’un repreneur est un engagement que le Président de la République a pris lorsqu’il était candidat. Il a trouvé sa traduction dans l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, transposé dans la loi du 14 juin 2013. Cette loi s’inscrit donc dans le prolongement logique de la sécurisation de l’emploi et la bonne articulation avec cette dernière.
Nous comprenons le mouvement rapide de l’économie, le besoin pour les entreprises de s’adapter, de se réorganiser, d’être agiles. Mais il y a une contrepartie : ne pas laisser choir les salariés, les sites, les territoires et construire avec eux des solutions nouvelles, à commencer par la recherche d’un repreneur. Oui, l’entreprise a une responsabilité sociale.
Le but n’est pas la coercition ou une quelconque échappée punitive contre l’entreprise : le but est la généralisation de bonnes pratiques. Pour ce faire, la loi décrit les moyens à employer : rien que le bon sens économique ne commande déjà et qu’une relation intelligente entre les partenaires sociaux ne devance. Cette loi n’est pas une loi de contrôle mais une loi de vertu. Que chacun assume ses responsabilités !
Je veux en outre insister sur un autre aspect qui me paraît essentiel. Cette proposition sonne comme une loi stratégique de préservation de notre capital industriel. Les sites industriels sont tout un tissu vivant, un écosystème riche d’infrastructures et de savoirs, d’unités de production et de services, de conception et d’exécution, de formation et de transmission des compétences.
Nous ne regarderons pas s’en aller les sites de production et, si telle entreprise ne peut ou ne veut plus produire à un endroit, il en est d’autres – nouvelles ou existantes – qui peuvent en bénéficier. En conséquence, le Gouvernement soutient donc la démarche, l’esprit et la lettre du texte, qui recherche un compromis responsable.
Je souhaite à présent évoquer le deuxième pilier de cette proposition de loi, celui qui concerne l’actionnariat de long terme et les OPA.
Nous avons un objectif partagé : que la puissance publique favorise l’actionnariat et les investissements de long terme, seuls vraiment créateurs de valeur pour nos industries et nos territoires, parce que s’inscrire dans le temps long, c’est se réconcilier avec l’avenir. L’actionnariat durable, c’est aussi l’emploi durable.
Nous avons progressé sur de nombreux aspects lors des débats parlementaires. Je tiens ainsi à indiquer que le Gouvernement soutient et partage l’ensemble des amendements adoptés sur cette partie du texte par votre commission, à l’initiative de sa rapporteure.
Ils permettent de préciser, compléter et améliorer le texte adopté en première lecture, en reprenant, dans certains cas, des amendements adoptés par le Sénat avec le soutien du Gouvernement. Cela explique que les points en débat ne soient désormais que très limités. Je vais y revenir.
Je rappellerai d’abord les principaux acquis du texte.
La généralisation des droits de vote doubles et les mesures sur le rythme de progression dans le capital d’une entreprise permettront de lutter contre les prises de contrôle « rampantes » par certains investisseurs. C’est pourquoi le Gouvernement a souhaité que tout soit mis en oeuvre pour que les entreprises puissent facilement recourir aux droits de vote doubles et ne soient pas rebutées par un alourdissement du dispositif.
L’instauration d’un « seuil de caducité » des offres – qui est une forme de soupape de sécurité en prévention des opérations hostiles – contribuera également à protéger nos entreprises et à encourager l’investissement de long terme, dans le respect du droit communautaire.
En ne se voyant plus imposer la « neutralité » systématique en période d’offre, les conseils d’administration pourront mettre en place des stratégies de défense en cas d’OPA hostile.
Enfin, les salariés, qui sont au coeur même de la création de valeur dans l’entreprise, seront désormais consultés en cas d’OPA et pourront s’exprimer, selon une procédure que nous voulons finement cadrer et encadrer.
Sur ce dernier point, je salue les avancées que votre commission a introduites dans le texte en dessinant plus précisément les différentes étapes de la consultation.
Comme Pierre Moscovici l’avait indiqué ici même lors des débats en première lecture, il est en effet indispensable d’articuler au mieux la procédure d’information-consultation que le texte met en place et la procédure de l’offre publique elle-même.
Nous devons en effet veiller à respecter le droit communautaire, et notamment la directive relative aux OPA, qui ne nous permet pas de créer, de facto, des procédures rendant impossible la réalisation d’une offre.
Cette proposition de loi constitue l’un des leviers en faveur de notre ambition commune pour favoriser et protéger l’actionnariat de long terme et l’industrie dans notre pays mais elle ne saurait résumer une politique à elle seule.
En renforçant nos entreprises, nous renforçons notre tissu productif et préparons les emplois de demain. En agissant sur le financement de l’économie, nous donnons à nos entreprises les moyens de se développer.
C’est précisément l’objectif du pacte de responsabilité dont l’État prend l’initiative pour créer un vrai compromis social permettant de rapprocher toutes les parties prenantes. Ce pacte est le rassemblement de tous ; ce pacte est le combat commun pour l’emploi.
Puisque l’industrie française fait partie d’un écosystème, il faut une combinaison d’approches macroéconomiques et microéconomiques à même d’appréhender toutes les dimensions du défi de l’emploi industriel.
Ce texte est offensif et pragmatique ; il s’inscrit dans notre stratégie de lutte pour l’emploi, pour le renforcement de la démocratie dans l’entreprise, pour la protection de nos intérêts stratégiques français. Il est protecteur pour les salariés et aide les entreprises à se développer, à innover et à embaucher. Sa finalité est le bénéfice de tous.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Clotilde Valter, rapporteure de la commission des affaires économiques.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, chers collègues, nous examinons aujourd’hui en nouvelle lecture la proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle. Notre assemblée a adopté ce texte le 16 septembre dernier, le Sénat l’a rejeté le 4 février et la commission mixte paritaire a échoué le lendemain. Nous l’avons adopté mercredi dernier en commission des affaires économiques.
Ce texte affirme le primat de l’économie réelle sur la finance. Nous sommes tous ici conscients des dégâts que la finance cause à l’économie mondiale, à notre pays, à nos territoires, aux salariés et à nos filières industrielles. Nous le savons, c’est le résultat d’une logique trop exclusivement financière, qui a conduit à favoriser les intérêts financiers de très court terme en sacrifiant les stratégies de long terme, de recherche, d’innovation et de développement des entreprises et des filières industrielles. Nous savons combien cette logique financière est dévastatrice. Et parce que l’État doit être le protecteur des entreprises et des salariés, nous devions agir.
C’est ce que nous faisons avec ce texte, qui comprend deux volets. Le premier concerne la reprise de sites rentables : il s’agit d’affirmer que l’on ne peut fermer impunément un site rentable, que l’entreprise qui veut le fermer a des obligations à l’égard des salariés et du territoire, et d’abord celle de rechercher un repreneur, et que nous voulons aider les entrepreneurs qui s’engagent pour le développement économique et l’emploi. Cette loi favorise en effet la liberté d’entreprendre. Le deuxième volet concerne la gouvernance des entreprises, avec la volonté d’assurer le primat de l’économie réelle sur la finance, en protégeant les entreprises et les salariés des opérations purement financières pour stabiliser leur actionnariat dans la durée, au bénéfice de leur intérêt social et de leur stratégie de développement de long terme.
Ce texte est un outil de reconquête économique, notamment industrielle. Il a vocation à protéger nos entreprises, nos salariés, nos territoires et nos filières industrielles des excès de la finance pour faire prévaloir les stratégies et les dynamiques de développement de long terme. La reprise de sites rentables doit être systématiquement recherchée. Nombre d’entre nous ont été confrontés, sur leurs territoires, à des fermetures de sites : ces drames industriels et humains sont une source d’appauvrissement pour ces territoires et entraînent souvent la disparition de savoir-faire industriels. Notre pays a perdu 750 000 emplois industriels en dix ans.
Dès lors que l’on ferme un site rentable, les salariés, les élus et les habitants sont confrontés à l’incompréhensible, à l’absurde, à l’inacceptable, et ce texte est une réponse à ce type de situations : nous voulons garantir la recherche effective d’un repreneur, avec la mise au point d’une procédure spécifique, et instaurer un mécanisme de dissuasion avec une sanction financière prononcée par le tribunal de commerce contre l’entreprise qui refuserait une offre de reprise sérieuse.
Le modèle de gouvernance des entreprises doit par ailleurs favoriser les dynamiques de développement de l’activité et de l’emploi. La deuxième partie du texte pose donc les bases d’un nouveau modèle de gouvernance des entreprises. En effet, la logique financière met en difficulté, et même en danger, notre système économique, car trop souvent, les intérêts des actionnaires vont à l’encontre des intérêts à long terme de nos entreprises, de nos filières industrielles, des salariés et des territoires. En France, nous le savons, nos entreprises sont tout particulièrement exposées aux risques d’instabilité, car l’actionnariat y est particulièrement faible. Elles ont donc besoin d’être protégées, comme l’ont montré un certain nombre de travaux récents : un rapport du Sénat de 2007, mais aussi des publications que l’on doit à Jean-Louis Beffa, à Louis Schweitzer et Olivier Ferrand, ou encore, plus récemment, à Louis Gallois, en novembre 2012.
Il nous appartient donc de rechercher le bon équilibre entre l’attractivité, indispensable pour assurer le financement de notre économie, et l’encouragement aux investisseurs qui s’engagent dans la durée, au bénéfice de la stratégie de long terme de nos entreprises et des filières industrielles. C’est pourquoi la proposition de loi conforte les actionnaires de long terme avec le droit de vote double, donne aux entreprises des moyens de résister aux OPA hostiles et aux prises de participation rampantes et associe les salariés aux procédures d’OPA, à travers la consultation du comité d’entreprise.
Nous avons, à chaque étape du travail parlementaire, amélioré ce texte en tenant compte des auditions et des contributions qui nous ont été apportées. La phase des auditions, tout d’abord, a permis d’écouter tous les avis. Elle nous a permis de mettre au point l’articulation qui s’imposait avec la procédure prévue par la loi du 14 juin 2013 de sécurisation de l’emploi. Elle nous a aussi permis d’analyser des cas concrets, notamment celui de M-Real, dans l’Eure, dont nous parlera tout à l’heure notre collègue Jean-Louis Destans, qui a mobilisé autour des salariés les moyens nécessaires à la reprise du site. Nous avons également entendu longuement, au cours de nos auditions, les salariés de Pilpa. Le travail en commission nous a permis de traiter, entre autres, la question de l’information des élus et celle des aides publiques.
Le débat qui s’est déroulé ici même en septembre dernier a tenu compte des positions contradictoires exprimées lors des auditions quant à l’efficacité d’une nouvelle réduction du seuil de déclenchement des OPA, et nous en avons tenu compte. De même, nous avons modifié la procédure de consultation du comité d’entreprise en cas d’OPA, pour en réduire significativement la durée. L’examen au Sénat a été un moment important, même si le texte n’y a pas été adopté. Je tiens ici à rendre hommage à la rapporteure de la commission des affaires sociales saisie au fond, Anne Emery-Dumas et aux rapporteurs pour avis, Jean-Marc Todeschini, Félix Desplan et Martial Bourquin, qui ont réalisé un travail très important d’amélioration du texte.
C’est pourquoi nous avons proposé la semaine dernière à la commission des affaires économiques de reprendre une série d’amendements du Sénat, et pas seulement des amendements rédactionnels et de coordination, mais aussi des amendements de fond, portant notamment sur les offres techniques ou, plus importants encore, sur les conditions de remboursement des aides publiques. Dans le texte initial, c’est le tribunal qui pouvait, au moment de la condamnation à la pénalité, demander le remboursement des aides publiques. Le Sénat a amélioré significativement le texte, en permettant aux collectivités, dans l’année qui suit la condamnation, d’émettre un titre de recettes pour demander le remboursement. C’est là un acquis important de la discussion au Sénat.
Enfin, la commission des affaires économiques a adopté mercredi dernier plusieurs amendements d’amélioration du texte, ou de précision.
Je tiens à remercier tous les députés qui ont travaillé sur ce texte, à commencer par François Brottes, président de la commission des affaires économiques, qui en a été l’initiateur. J’adresse également mes remerciements à Guillaume Bachelay, Jean-Louis Destans, Jean-Marc Germain, Jean Grellier, Patrice Prat, Michel Liebgott, Marie-Françoise Bechtel, Christophe Borgel, Cécile Untermaier et Christophe Léonard – et j’en oublie sans doute.
Je tiens également à dire que nous pensons tous en ce moment aux salariés des entreprises qui ont dû subir une fermeture de site au cours de ces dernières années, notamment Petroplus, Pilpa, Arcelor-Mittal, D’Aucy, Moulinex, Plysorol, Goodyear, et beaucoup d’autres.
Pour protéger le développement des entreprises françaises, il nous faudra, madame la ministre, poursuivre ce travail au-delà de l’adoption de cette proposition de loi. En effet, à l’occasion du travail accompli sur ce texte, nous avons constaté que les entreprises, en France, sont moins bien protégées par la loi et par les dispositifs réglementaires que certaines de leurs concurrentes étrangères, américaines, asiatiques et même parfois européennes. Des secteurs industriels comme la sidérurgie et l’aluminium ont été frappés par des OPA hostiles, aux effets dévastateurs – je pense à Arcelor ou Pechiney. Il nous appartient d’en tirer toutes les conséquences.
Ainsi, entre le modèle libéral anglo-saxon que l’Europe lui a imposé, et les pratiques développées en Amérique du Nord et en Asie, la France doit, pour défendre ses intérêts, faire prévaloir un nouveau modèle de gouvernance de ses entreprises, afin de leur permettre de se développer sans subir les effets dévastateurs du capitalisme financier.
Le texte que nous examinons aujourd’hui est une première étape. Il y en aura d’autres, car l’enjeu est majeur. Dans la guerre économique que nous connaissons, nos entreprises participent à l’image, à l’influence et au poids de notre pays dans le monde. Si nous voulons préparer l’avenir de notre économie, si nous voulons développer aujourd’hui les entreprises qui créeront les produits et les emplois de demain sur notre territoire, nous ne devons pas oublier que, dans notre histoire nationale, l’entraîneur de l’équipe de France s’appelle l’État, et qu’il lui appartient aujourd’hui de construire l’équipe de France 2025.
Lors du conseil des ministres du 13 janvier, le ministre de l’économie, Pierre Moscovici, et le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, ont présenté une communication importante relative à la stratégie de l’État actionnaire. Ils définissent dans ce texte les conditions de l’intervention en fonds propres de l’État : le contrôle des entreprises à capitaux publics à caractère stratégique ; la nécessité de pourvoir aux besoins fondamentaux du pays ; le développement et la consolidation d’entreprises nationales ; et enfin le sauvetage, lorsque la disparition d’une entreprise présenterait un risque systémique avéré pour l’économie nationale ou européenne.
Ce travail, madame la ministre, nous l’avions souhaité lors de notre débat du 16 septembre dernier. Nous ne pouvons donc qu’encourager le Gouvernement à poursuivre et à développer cette stratégie, dont notre pays a bien besoin. Comme vous pouvez le constater, une fois la proposition de loi votée, ce chantier continuera de nous mobiliser. Il y va de l’intérêt de notre pays, et pour cela, madame la ministre, mes chers collègues, je compte sur vous.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Monsieur le président, madame la ministre – on ne se quitte plus dans cet hémicycle ! –, madame la rapporteure, chers collègues, il arrive qu’une proposition de loi devienne la loi et je voudrais remercier le président du groupe socialiste, républicain et citoyen, Bruno Le Roux, Jean-Marc Germain, de la commission des affaires sociales, Guillaume Bachelay, de la commission des finances, et tous nos collègues qui ont travaillé sur ce texte, notamment Jean-Louis Destans. Il est vrai que ce chemin fut long, et même périlleux, pourquoi ne pas le dire, mais nous avons travaillé très sérieusement, et le Sénat a pris sa part à ce travail, comme l’a déjà souligné Mme la ministre.
Beaucoup de choses ont déjà été dites sur ce texte, le meilleur comme le pire, le vrai comme le faux. J’ai entendu des commentaires d’une mauvaise foi qui m’a parfois laissé sans voix, malgré mes trente et un ans d’expérience d’élu.
Je vous assure que si, et puisque vous m’y invitez, je prendrai l’exemple d’un billet publié sur le site lecercle.leschos.fr et écrit par un avocat, c’est-à-dire une personne a priori qualifiée pour comprendre un texte législatif, voire pour le torturer.
Selon lui, la proposition de loi prévoit une sanction pécuniaire à l’encontre d’une société qui refuse une offre sérieuse, sans que la proposition de loi n’en précise la définition. « Ainsi, le cédant se retrouvera pris dans un étau : soit il accepte une offre dont il sait qu’elle est vouée à l’échec, mais il s’expose alors au risque de recours des salariés, soit il considère que les offres de reprise ne sont pas crédibles et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l’emploi, auquel cas il s’expose à ce que les tribunaux lui imposent une sanction pécuniaire pour refus de vente ». Cet avocat se trompe sur toute la ligne.
Je lui répondrai tout d’abord, sur la notion d’offre sérieuse, que nous n’avons pas attendu la proposition de loi relative à la reconquête de l’économie réelle pour utiliser ce terme. Je me bornerai ici à citer l’article L. 642-4 du code de commerce, qui fait expressément référence au caractère sérieux de l’offre. Par ailleurs, nous avons donné plusieurs éléments d’appréciation d’une définition de l’offre sérieuse à l’alinéa 42 de l’article 1er de la proposition de loi que nous examinons : « L’employeur consulte le comité d’entreprise sur toute offre de reprise à laquelle il souhaite donner suite et indique les raisons qui le conduisent à accepter cette offre, notamment au regard de la capacité de l’auteur de l’offre à garantir la pérennité de l’activité et de l’emploi de l’établissement. »
Toujours selon cet expert chroniqueur, le cédant serait condamné, soit à accepter une proposition dont il sait qu’elle est vouée à l’échec, avec la certitude de voir les salariés former un recours, soit à considérer que les offres ne sont pas crédibles, s’exposant ainsi à des sanctions pécuniaires. Là encore, il y a erreur, et erreur grossière. Il oublie en effet qu’il existe une troisième voie : celle de la reprise crédible. Je ferai ici un petit aparté : il ne fait aucun doute que notre expert fait partie des pessimistes qui contribuent à dévaluer l’image de notre pays en n’envisageant pas un instant que la reprise d’un site puisse être rentable. Ce sont pourtant bien les seuls cas qui nous intéressent ici. Ici, le législateur poursuit la logique mise en place par la Cour de cassation. Avec le droit existant, le cédant est déjà obligé de s’assurer du sérieux d’une offre de reprise.
En effet, les salariés ont le droit d’intenter une action en responsabilité contre l’ancien actionnaire s’il s’avère que celui-ci a sciemment cédé l’entreprise à un repreneur non sérieux. Avec cette proposition de loi, nous renforçons le droit, chers collègues.
Aujourd’hui, le cédant est d’ores et déjà est tenu d’examiner le caractère sérieux de l’offre pour s’assurer de ne pas céder si l’offre n’est pas sérieuse. Avec cette proposition de loi, il sera tenu d’examiner l’offre et, si elle est sérieuse, de céder ou de payer des pénalités.
Le cédant n’est donc aucunement tenu d’accepter une offre dont il sait qu’elle est vouée à l’échec, contrairement à ce qu’a écrit l’expert. Une telle disposition, contraire au droit existant, ne saurait d’ailleurs s’appliquer. S’il est avéré que l’offre n’est pas sérieuse, et par conséquent que la seule voie possible pour les salariés est le plan de sauvegarde de l’emploi, le tribunal ne condamnera pas le cédant. Cette condamnation à des pénalités n’interviendra que dans l’hypothèse où le cédant a refusé de répondre à une offre de reprise sérieuse.
Notre objectif est de trouver la voie juste pour lutter contre les licenciements boursiers et remettre l’économie réelle, c’est-à-dire celle que l’on oppose à l’économie spéculative, au coeur de notre économie et du développement de notre tissu industriel. Partout où existe une chance réelle de permettre à une activité de perdurer, nous devons la saisir.
Pour toutes les entreprises viables et rentables, la priorité doit être la reprise, pas le plan social. Cela est trop ancré dans nos mentalités. De la même manière que nous devons accepter les échecs de nos entrepreneurs et les aider à rebondir, nous devons cesser d’avoir des comportements fatalistes quand, pour des raisons trop souvent spéculatives, des entreprises choisissent de fermer un site alors que d’autres entrepreneurs sont prêts à relever le défi de continuer l’activité sur les sites concernés.
Je suis optimiste car je sens que la confiance revient, la confiance en nous, en notre pays, en les forces qui le composent. Je suis optimiste car je connais notre excellence et nos talents. Je suis optimiste car l’ensemble des dispositifs que nous avons mis en place, pas après pas, commencent à montrer leurs effets. Le pragmatisme et le volontarisme font leurs preuves.
Alors, merci aux pessimistes de service de reconnaître, pour une fois, que les choses changent et que nous faisons tout non pas pour rester dans la course, mais pour monter sur le podium – j’avoue que les événements du week-end m’ont un peu tendu la perche !
Sourires.
Il faut arrêter de condamner les dispositifs mis en place en décourageant les acteurs économiques avant même de leur avoir laissé une chance de faire leurs preuves. Je ne veux plus entendre les propos tels que : « Franchement, j’espère me tromper, d’ailleurs ce serait tant mieux si vous y arrivez, mais ça ne fonctionnera pas. » Ce sont les propos que tiennent ceux qui ont « raison d’avoir tort » avant d’avoir expérimenté la capacité que nous avons à réussir. Nous avons beaucoup travaillé pour préparer ce texte et je crois pouvoir dire que son objectif est partagé par tous sur ces bancs.
L’AMF a salué notre audace – nous avons salué son conservatisme. Nous avons pris les précautions nécessaires pour que l’équilibre soit respecté entre la liberté d’entreprendre et la protection des intérêts stratégiques nationaux.
Je ne suis pas seulement un idéaliste. Si cela m’arrive parfois, je me classe plus volontiers parmi les pragmatiques et je suis convaincu que les dispositions qui figurent dans ce texte sont pertinentes et produiront leurs effets. D’ailleurs, les dizaines de députés qui ont travaillé assidûment sur cette proposition connaissent bien des exemples concrets, dans leurs circonscriptions, des effets attendus de l’application de ce texte.
Notre pays est un pays accueillant pour les entreprises, nous le savons. À l’étranger, cela se sait aussi. Tous ceux qui souhaitent venir s’installer sur notre territoire sont les bienvenus. Nous avons besoin d’eux autant qu’ils ont besoin de nous : notre savoir-faire est reconnu bien au-delà de nos frontières. Nous avons besoin d’eux, y compris pour remplacer ceux qui préfèrent partir ailleurs – peut-être d’ailleurs pour mieux revenir un jour, ainsi que nous commençons à l’observer. Mais nous ne voulons plus du cynisme poussé à son paroxysme, celui de la terre brûlée sur laquelle plus rien ne peut pousser avant longtemps.
Ce texte, bien sûr, n’empêchera pas ceux qui veulent quitter le territoire, pour quelque raison que ce soit, de le faire. Cette liberté demeure. Mais la formule : « après moi, le déluge » doit disparaître de notre vocabulaire industriel.
Je suis pleinement conscient du fait que, malheureusement, tous les projets ne connaissent pas le succès. Notre objectif n’est donc pas d’obliger ceux qui s’installent à continuer une activité non rentable coûte que coûte. Notre objectif est simplement de faire en sorte que ceux qui choisissent de partir ne s’opposent pas – parfois avec virulence – à ce qu’après leur départ du site, la vie continue parce qu’un autre a décidé d’entreprendre et de réussir dans son projet. Ce n’est pas parce que des cyniques partent que tout doit s’arrêter. Voilà l’objet de ce texte.
Toujours dans le but de lutter contre le cynisme économique, la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui contient également des dispositions destinées à limiter les risques d’OPA hostiles. C’est le volet défensif du mécanisme que nous vous proposons.
Nous devons avoir les moyens de protéger les entreprises lorsque cela est nécessaire. D’ailleurs, ceux qui veulent des références doivent savoir que les pays voisins le font déjà, avec beaucoup plus de coercition que nous.
Avec ce texte, nous nous donnons les outils pour préserver et même développer nos entreprises. C’est un texte important, c’est un texte essentiel.
Avant de regagner ma place, je voudrais encore une fois, saluer le travail titanesque de notre rapporteure Clotilde Valter, et je dis bien « titanesque » ! Elle a fait preuve d’un engagement sans faille et sans relâche pour soutenir cette initiative parlementaire. Je veux vraiment ici l’en remercier et l’en féliciter chaleureusement.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Dans la discussion générale, la parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe GDR.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, monsieur le président de la commission, chers collègues, en dix ans, l’industrie française a perdu 750 000 emplois. Sa part dans la valeur ajoutée est passée de 18 % à 12,5 %. Et l’hémorragie se poursuit, voire s’amplifie : environ 1 000 emplois disparaissent par jour. Face à cette catastrophe industrielle et sociale, il faudrait un arsenal juridique et législatif permettant d’opposer l’intérêt économique et général aux appétits financiers.
Nous avons besoin d’un dispositif qui interdise les licenciements sans cause réelle et sérieuse, les licenciements dits « boursiers ». C’est ce que nous avions défendu dans une proposition de loi examinée lors de l’une de nos niches parlementaires, mais que la majorité a malheureusement refusé de voter alors même que nos collègues sénateurs socialistes et écologistes l’avaient adoptée.
Il ne s’agissait pas, pour les députés et sénateurs du Front de gauche, d’une quelconque posture mais d’un choix politique, assumé. Ce n’était pas qu’un appel du pied, c’était et cela demeure une impérieuse nécessité.
Nous constatons à regret que la majorité actuelle n’est pas prête à faire ce choix en faveur de l’intérêt général, pas prête à faire primer le travail sur les actionnaires, pas disposée à faire primer l’emploi sur le capital.
Revenons donc sur la genèse de cette proposition de loi présentée comme permettant de reconquérir l’économie réelle, et mesurons par là même les renoncements face au mur de l’argent.
Il n’est pas étonnant que cette proposition de loi soit en retrait par rapport à nos propositions, mais elle est aussi en retrait par rapport à ce que disait souhaiter le candidat Hollande, qui, lors d’un déplacement à Florange en février 2012, annonçait vouloir légiférer sur l’obligation pour l’employeur de rechercher un repreneur en cas de fermeture d’un site.
Cette promesse s’est immédiatement traduite par le dépôt, le 12 février 2012, avant l’élection présidentielle et les élections législatives, d’une proposition de loi tendant à garantir la poursuite de l’activité des établissements viables, notamment lorsqu’ils sont laissés à l’abandon par leur exploitant.
Cette proposition deviendra par la suite la proposition no 35 du programme présidentiel, qui prévoyait de donner aux ouvriers et aux employés victimes de licenciements boursiers la possibilité « de saisir le tribunal de grande instance dans les cas manifestement contraires à l’intérêt de l’entreprise ». Il s’agissait du tribunal de grande instance, pas du tribunal de commerce comme le prévoit le texte que nous discutons.
Cette promesse a été tempérée dès juillet 2012, lors de la première conférence sociale, avec la proposition visant seulement à « encadrer » les licenciements manifestement abusifs et les obligations liées à des projets de fermeture de sites rentables. Nous notons déjà un premier glissement de vocabulaire, pour ne pas dire un glissement sémantique. Viendra ensuite la transposition de l’ANI du 11 janvier 2013, dont l’article 19 prévoyait une simple obligation d’information et de consultation du comité d’entreprise sur les offres de reprise. Cette obligation n’était d’ailleurs assortie d’aucune sanction, ce que nous avions dénoncé à cette tribune.
Épilogue de ce parcours législatif : le dépôt sur le bureau de notre assemblée de la présente proposition de loi visant à redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel. Cette proposition de loi est tout de même d’une certaine timidité dans son dispositif au regard de l’ampleur des destructions d’emplois, de la précarisation des travailleurs, du cynisme et de l’arrogance débridés dont font preuve certains employeurs, donneurs d’ordre et actionnaires.
Essayons d’apprécier le texte proposé. Le dispositif concerne les entreprises et établissements d’au moins 1 000 salariés, ou appartenant à des groupes qui ont un tel effectif. Cela exclut d’ores et déjà un grand nombre d’entreprises et de groupes. Le dispositif ne concernera que 1 500 entreprises au plus et aura un impact sur 15 % des plans de sauvegarde de l’emploi et sur 30 % seulement des personnes touchées par ceux-ci.
Bien entendu, les établissements en redressement ou en liquidation judiciaire ne sont pas concernés. C’est déjà ignorer la pratique courante des groupes qui filialisent puis organisent la faillite d’une ou de plusieurs de leurs entreprises pour s’en débarrasser et échapper à leurs obligations à l’égard du personnel. J’ai des exemples en tête, comme chacun d’entre nous.
Je pense en particulier aux unités de quelques dizaines de salariés situées sur des sites historiques qui comptaient quelques centaines de salariés il y a dix ou vingt ans. Leur richesse est pompée, quotidiennement. L’outil de travail n’est pas renouvelé, au point de devenir obsolète. Les salariés sont surexploités et les directeurs des sites sont écoeurés par ce qu’on leur fait vivre. La production est véritablement asséchée, souvent du jour au lendemain. Au final, la mort est au bout du chemin. Et tout cela, c’est préparé, c’est anticipé, et cela se fait au détriment des salariés, des directeurs de sites et des territoires. C’est une façon de se comporter qui est aujourd’hui monnaie courante. Pour ne citer qu’un seul exemple, je vous demande de suivre dans les mois qui viennent un groupe qui compte plusieurs milliers de salariés et qui a une quarantaine de sites en France : le groupe Altia. Ce groupe est en train de se comporter de cette façon, retenez bien cela et suivez ce qui va se passer mois après mois, vous verrez le résultat de ce type d’orientation.
Le texte instaure certes l’obligation de rechercher un repreneur. Rechercher. Les mots ont un sens : il s’agit là d’une simple obligation de moyens, en aucun cas d’une obligation de résultat. Les grands groupes, assistés de leurs bataillons d’experts, savent très bien y faire quand il s’agit d’afficher leurs efforts volontaires, afin d’éviter des pénalités sans pour autant remettre en question une seule seconde leurs funestes projets.
Les sanctions prévues par le texte en cas de non-respect de l’obligation de recherche d’un repreneur sont par ailleurs faibles, pour ne pas dire dérisoires. Il est question d’un montant ne pouvant dépasser vingt fois le SMIC par emploi supprimé, dans la limite de 2 % du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise. À titre de comparaison, Continental a dépensé 50 millions d’euros pour fermer son site de Clairoix dans l’Oise, soit quarante SMIC nets par emploi supprimé.
En réalité, le mécanisme choisi permettra aux employeurs qui refusent à tout prix de vendre le site à un repreneur concurrent d’anticiper et d’intégrer le coût de cette pénalité dans le plan social.
D’autant plus qu’il faut bien faire le constat d’un hiatus dans cette proposition de loi : dès lors que les entreprises qui arguent de la non-rentabilité d’un site pour mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi ou liquider l’activité trouvent un repreneur, les raisons mêmes de l’abandon du site tombent. De fait, la reprise révèle l’absence de caractère réel et sérieux des licenciements ou de la liquidation.
Je ne demande qu’à écouter les réponses que vous ne manquerez pas d’apporter à ces interrogations de bonne foi, car je suis persuadé que le texte produira les effets pervers que je viens de décrire.
À mon avis, il est donc illusoire de penser que les groupes vont résolument rechercher un repreneur quand bien même l’État, impliqué, les élus locaux, arc-boutés et les salariés, dont l’avenir est en jeu, se retrouvent immanquablement dans ce processus, tant il est vrai que sitôt qu’une difficulté surgit sur nos territoires, nous nous précicipitons tous aux manettes pour essayer ensemble de trouver une solution et d’y travailler.
Nous ne le répéterons jamais assez : la seule solution aux licenciements abusifs réside dans la faculté de l’autorité administrative ou du juge d’apprécier le caractère réel et sérieux du motif des licenciements. Sans cette appréciation du caractère réel et sérieux du motif des licenciements, le reste n’est que de la babiole, de la bricole. C’est cela qui est important : or c’est précisément ce qu’il n’est plus possible de faire.
Ajoutons que, malheureusement, tout texte doit être replacé dans son contexte. Or dans quel contexte s’inscrit celui-ci ? Celui, évidemment, de la loi de sécurisation de l’emploi, sur laquelle nous nous sommes beaucoup affrontés ; mais ce texte est aussi à l’image du pacte de responsabilité annoncé récemment par le Président de la République et qui crée bien des illusions : au risque d’apparaître très sévère et de choquer ceux qui l’ont soutenu de bonne foi, force est de reconnaître que son impact sera plus que limité.
Je sais que la rapporteure a fourni un travail titanesque, je connais l’honnêteté de sa démarche ainsi que celle de tous ceux qui ont travaillé sur cette proposition de loi, je ne mets pas en doute la volonté d’apporter des réponses aux difficultés industrielles que nous vivons dans nos territoires, je n’occulte pas les quelques avancées qu’elle contient ; néanmoins, au regard des enjeux qui sont d’une tout autre dimension, les députés du Front de gauche s’abstiendront.
Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, au moment où nous entamons la nouvelle lecture de cette proposition de loi, je voudrais, au nom du groupe socialiste, rendre hommage à tous ceux qui l’ont inspirée.
Je pense d’abord aux salariés, bien sûr, à ceux de Molex, de Fralib, de Continental, de Pilpa, de Goodyear, d’ArcelorMittal et tant d’autres qui ont refusé la fatalité de voir leur entreprise fermer.
Ils l’ont fait pour défendre leurs emplois bien sûr, mais aussi par amour de leur entreprise. La semaine dernière, Édouard Martin me rappelait encore la marche sur Paris des salariés de Florange. Laurence Parisot était là aussi. « Croyez-vous que nous aurions fait cette marche si nous n’avions pas l’amour de notre entreprise ? » nous a-t-il demandé.
Reconquérir l’économie réelle, c’est aussi rendre hommage aux chercheurs, aux créateurs à tous ces inventeurs de génie qui sont au travail partout dans notre pays. Ce sont les héritiers de ceux qui ont fait le TGV, l’Airbus, Ariane et qui inventent partout dans nos territoires les textiles techniques et innovants, les alicaments, la médecin personnalisée, les réseaux électriques intelligents, le big data, l’e-éducation, le cloud-computing, les objets connectés, la réalité augmentée, la cybersécurité, la voiture propre et les navires écologiques.
Reconquérir l’économie réelle c’est aussi dire notre confiance aux vrais entrepreneurs : les commerçants, les artisans, les patrons de toutes ces pépites qui fleurissent dans notre pays, tous ceux dont on ne parle pas assez, qui portent un capitalisme vrai, du réel, de projet, respectueux des salariés et des territoires.
L’amour de l’entreprise, l’amour de l’entreprise France, voilà le fil rouge de cette proposition de loi.
Aimer les entreprises, c’est refuser de voir mourir les usines viables, monsieur Chassaigne. Dans notre pays, avec le titre I, on ne pourra plus fermer un site rentable sans avoir recherché un repreneur. Et s’il y a un repreneur sérieux, alors l’usine devra être cédée sous peine de pénalités. Les salariés devront pouvoir, s’ils le souhaitent, avoir aussi la possibilité de faire une offre de reprise sous forme de sociétés coopératives participatives.
Aimer les entreprises, c’est les doter d’un actionnariat stable, comme nous le faisons avec le titre II, en instaurant, par exemple, un droit de vote double au-delà de deux ans.
Aimer les entreprises, c’est donner des armes aux dirigeants et aux représentants du personnel pour les protéger contre les OPA hostiles. Nous étions l’un des seuls pays au monde à ne pas le faire ; voilà qui est réparé.
Au fond, notre message c’est : bienvenue aux vrais patrons, non aux margoulins ; bienvenue aux investisseurs sérieux, non aux spéculateurs ; bienvenue à l’économie réelle, non à l’économie de casino.
Chers collègues, à ceux qui ne croient plus en l’avenir de notre industrie, à ceux qui baissent les bras face au chômage, à ceux qui pensent impossible de conserver notre modèle social, à tous ceux-là, je voudrais rappeler le message d’optimiste de celui qui a passé vingt-sept ans de sa vie en prison sans jamais renoncer à se battre pour la fin de l’apartheid. « Cela semble toujours impossible jusqu’à ce qu’on le fasse. », disait Nelson Mandela. Le redressement de la France, le retour au plein-emploi, la remise en marche du progrès, nous allons le faire ; et je sais qu’aujourd’hui, en votant cette proposition de loi, nous y aurons apporté notre pierre.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, j’interviens cet après-midi au nom du groupe UMPsur la proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle. Je souhaite associer ma collègue Anne Grommerch dont la circonscription comprend le site de Florange et qui s’est beaucoup mobilisée sur ce texte.
Cette proposition de loi est également connue sous d’autres noms : son titre initial, plus lyrique, « redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel », et son titre médiatique « proposition de loi Florange ».
Il est vrai que la situation dramatique vécue par les salariés de Florange a conduit le candidat François Hollande à faire cette promesse, rappelée par notre collègue André Chassaigne : « Pour dissuader les licenciements boursiers, nous renchérirons le coût des licenciements collectifs pour les entreprises qui versent des dividendes ou rachètent leurs actions, et nous donnerons la possibilité aux salariés de saisir le tribunal de grande instance dans les cas manifestement contraires à l’intérêt de l’entreprise. » Il s’agissait de l’engagement no 35.
Près de deux années plus tard, ce texte tente de respecter cette promesse après avoir connu un parcours chaotique.
Le 27 septembre 2012, le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, promettait aux salariés de Florange, « dans les trois mois », une loi obligeant à céder une usine viable. Je regrette d’ailleurs qu’il ne soit pas là cet après-midi pour défendre le texte.
Le 11 février 2013, dans un contexte économique et social tendu, notamment face à l’incompréhension des salariés de Florange, le Président de la République avait de nouveau promis qu’une loi sur la reprise des sites rentables serait examinée avant l’été.
Une proposition de loi des députés socialistes et écologistes a donc été déposée quelques semaines plus tard, le 15 mai. Mais elle n’aura finalement été inscrite qu’en septembre, en session extraordinaire, et adoptée par l’Assemblée nationale le 1er octobre dernier.
Le Sénat a ensuite freiné de toutes ses forces pour examiner ce texte. Bien que la commission des affaires économiques l’ait adopté, les sénateurs, dans leur sagesse, l’ont rejeté en séance publique le 4 février dernier.
Après l’échec de la CMP, nous nous retrouvons donc aujourd’hui pour une nouvelle lecture.
Le rappel de ce calendrier montre à quel point l’incertitude est grande face à ce texte, ô combien important, pour lequel il fallait aller vite parce qu’il fallait envoyer un signal aux salariés des usines qui ferment les unes après les autres. Mais une fois n’est pas coutume, le décalage est grand entre les discours et la mise en oeuvre des promesses.
La CMP a échoué parce qu’il n’y avait pas d’accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat, qui a rejeté le texte en bloc. Mais rappelons que la majorité du Sénat est à gauche : les désaccords sont donc au sein de la majorité parlementaire. Je souhaite le dire très clairement : s’il n’avance pas, c’est parce que la majorité n’est pas unie face à ce texte.
Venons-en plus précisément au fond.
Les articles du titre III qui visent à privilégier l’actionnariat de long terme ont été considérablement réécrits ou modifiés.
L’article 4 prévoyait d’abaisser le seuil de déclenchement obligatoire d’une OPA de 30 % à 25 %, à contre-courant de qui se pratique dans les autres pays européens. Le seuil de 30 % a été fixé par la loi du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière, à la suitd des recommandations de Bernard Field dans son rapport au nom de l’Autorité des marchés financiers en 2008. En changeant à nouveau le seuil, on méprisait le principe de sécurité juridique.
Alors que dans votre rapport, en première lecture, madame la rapporteure, vous sembliez convaincue du bien-fondé de cet article, considérant que « l’impact global sur l’attractivité est jugé faible », vous avez présenté un amendement de suppression en séance publique, identique d’ailleurs à un amendement de Mme Grommerch. Fort heureusement, les préoccupations des acteurs économiques et de l’AMF ont justement été entendues.
Malheureusement, l’article 5, lui, n’a pas été supprimé. Il prévoit d’attribuer automatiquement un droit de vote double après deux ans de détention. Actuellement, l’attribution d’un droit de vote double est déjà possible dans le cadre des statuts ; il s’agit d’une démarche volontaire. En imposant ce droit de vote double, vous risquez de décourager les investisseurs pour lesquels une action égale une voix. Le risque de perte d’attractivité des entreprises françaises pour les investisseurs internationaux est réel.
Le coeur du dispositif reste l’article 1er. Cet article vise à obliger les dirigeants d’entreprise à rechercher un repreneur en cas de projet de fermeture d’un établissement avec pour conséquence un projet de licenciement collectif. Il prévoit également d’augmenter les moyens d’information et d’action des salariés et du tribunal de commerce. Nous sommes très réservés sur ces dispositions et leurs modalités.
Il est tout à fait légitime que les salariés et les élus soient informés. C’est toujours un choc de découvrir, souvent dans la presse, qu’un établissement ferme et que les salariés se retrouvent devant une porte close du jour au lendemain. Le traitement de l’information doit être clair et transparent.
Cela étant, le texte que vous nous proposez impose des contraintes administratives lourdes pour le chef d’entreprise : réalisation de documents de présentation de l’établissement, réalisation de bilan environnemental, notifications diverses et variées, motivation de chaque réponse à une offre de reprise. Autant de dispositions en totale incohérence avec les annonces faites par M. le Président de la République lors des assises de l’entrepreneuriat en avril dernier qui visaient à rassurer les entrepreneurs et à leur redonner confiance, en totale incohérence également avec les promesses de « choc de simplification » si souvent répétées.
En outre, le niveau des sanctions prévu pour les chefs d’entreprise qui ne respecteraient pas la procédure de recherche de repreneur dénote un véritable climat de méfiance à leur encontre : les dispositions en question prévoient que tribunal de commerce « peut imposer le versement d’une pénalité qui peut atteindre vingt fois la valeur mensuelle du SMIC par emploi supprimé. » Cette pénalité pourra être prononcée si le chef d’entreprise refuse « une offre de reprise sérieuse sans motif légitime de refus. » De quoi parle-t-on ? Sur quels critères le tribunal de commerce appréciera-t-il si l’offre est sérieuse : le nombre d’emplois sauvegardés, la viabilité économique de l’établissement sur le long terme ?
Toutes ces incertitudes vont décourager les investissements en France. L’effet de cette proposition de loi sera contre-productif puisque personne ne souhaitera reprendre un site qui ferme, de crainte de se voir imposer par la suite les mêmes contraintes en cas de difficultés économiques.
Comme le décalage est grand entre les discours du Président de la République à l’étranger – par exemple la semaine passée aux États-Unis – et ce que vote la majorité au Parlement !
Aujourd’hui même, le conseil stratégique de l’attractivité est réuni à l’Élysée autour de trente-quatre leaders du monde économique. D’un côté de la Seine, on cherche draguer les investisseurs, à valoriser notre pays ; de l’autre côté de la Seine, on complexifie la réglementation, on adopte des mesures à contre-courant des autres pays européens. Ne soyons pas dupes : ce que regardent les investisseurs ce sont les mesures, pas les discours.
En 2013, 77 % de baisse des investissements étrangers en France ! Pourtant, dans l’Union européenne, les investissements étrangers ont augmenté par rapport à 2012. En Allemagne, ils ont quasiment quadruplé. Ils ont également progressé en Italie, en Belgique, aux Pays-Bas et en Irlande.
Terminons par les réelles questions d’ordre constitutionnel qui se posent au regard de la liberté d’entreprendre et du droit de propriété.
En première lecture, de nombreux amendements des rapporteurs ont été adoptés afin de tenir compte de l’avis du Conseil d’État et de prévenir les risques d’inconstitutionnalité. Il semble que cela ne soit pas suffisant, et nous ne sommes pas les seuls à le penser. Le rapporteur pour avis de la commission des lois du Sénat – membre de la majorité, rappelons-le – a exprimé ses craintes : « S’il n’a pas souhaité remettre en cause l’économie générale du texte de l’article 1er de la proposition de loi, tel qu’adopté par l’Assemblée nationale, votre rapporteur observe cependant qu’il existe des interrogations quant à la constitutionnalité de l’obligation de recherche d’un repreneur, ainsi que de son contrôle et surtout de sa sanction, au regard de la liberté d’entreprendre, du droit de propriété et éventuellement de la liberté contractuelle.
« En effet, la fermeture d’un établissement par une entreprise in bonis, malgré les licenciements qui peuvent en résulter, peut être considérée comme relevant de la liberté d’entreprendre, tandis que le refus de céder à une autre entreprise, qui peut être une entreprise concurrente, même sans motif légitime ou sérieux, peut être considéré comme relevant du droit de propriété.
« Dans ces conditions, sanctionner un manquement dans l’obligation de rechercher un repreneur et surtout le refus de cession peut s’apparenter à une atteinte à la liberté d’entreprendre et au droit de propriété, qui ne serait pas nécessairement justifiée par un motif d’intérêt général suffisant. »
Nous pensons donc, au groupe UMP, qu’il appartiendra au Conseil constitutionnel de trancher ces questions si la proposition de loi est adoptée.
À supposer qu’elle soit adoptée, cette proposition de loi, si elle est un symbole pour la majorité, restera une loi d’affichage qui, malheureusement, n’empêchera nullement les usines de fermer et n’incitera pas à la reprise économique. Une loi d’affichage qui vise également à masquer le bilan catastrophique du Gouvernement en matière industrielle et ne remplace pas une véritable politique économique, structurante et compétitive. Nous ne pouvons que regretter cette posture, et nous ne voterons pas cette ce texte.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la désindustrialisation qui touche notre pays, avec la destruction de trois millions d’emplois depuis 1980, dont 750 000 au cours des dix dernières années, ne peut pas être une fatalité.
Tous ici, nous ne pouvons concevoir une France sans usines, sans ouvriers, sans la diversité de ses multiples savoir-faire industriels qui doivent continuer à faire notre force à l’international. Il s’agit là d’un enjeu majeur, et nous sommes nombreux ici à avoir vécu la fermeture d’une usine sur notre territoire, et à avoir été confrontés au traumatisme, voire à la colère, qu’elle peut provoquer dans les familles, notamment lorsque l’entreprise qui ferme est bénéficiaire. Ces situations doivent nous amener à rechercher les solutions les plus efficaces pour mieux anticiper et accompagner les grandes mutations industrielles actuelles, par ailleurs inévitables.
Au groupe UDI, nous considérons que la compétitivité constitue la clé de voûte essentielle pour relancer notre industrie.
Cela passe, nécessairement et d’abord, par une baisse massive, et la plus rapide possible, des charges qui pèsent sur les entreprises afin de libérer l’activité et de leur permettre de lutter à armes sinon égales, du moins plus similaires, avec nos principaux concurrents. Nous devons également renouer avec une véritable stratégie de valorisation des filières, en amont et en aval, qui permette notamment de monter en gamme. Il faut investir davantage dans l’innovation et la recherche pour y parvenir et pour redonner du souffle et des perspectives d’avenir à notre industrie.
Malheureusement, le texte essentiellement symbolique, notamment dans son titre, qui nous est aujourd’hui présenté en nouvelle lecture nous semble particulièrement anachronique à l’aube du pacte de responsabilité que votre gouvernement entend mettre en oeuvre dans les semaines à venir, voire contradictoire avec les souhaits réitérés aujourd’hui même, à l’Élysée, à l’adresse des investisseurs étrangers.
Symbolique, cette proposition de loi dite Florange correspond à un engagement de campagne et fait directement écho…
…à une proposition de loi déposée par le groupe socialiste au mois de février 2012. Malgré les déclarations ministérielles annonçant l’inscription imminente d’un texte à l’ordre du jour, notamment au plus fort du conflit de Florange, ce n’est qu’au mois de septembre dernier que nous entamions l’examen de cette proposition de loi en première lecture. Nous l’examinons de nouveau six mois plus tard, à la suite du rejet du texte par le Sénat et de l’échec de la commission mixte paritaire le 5 février dernier ; cela a été rappelé. Anachronique également, cette proposition de loi dite Florange intervient près d’un an après la fermeture des hauts fourneaux du site industriel mosellan, et nous semble contradictoire avec le tournant social-démocrate amorcé par le chef de l’État lors de sa conférence de presse du 14 janvier dernier.
Le texte vise deux objectifs distincts : d’une part, garantir que des sites industriels rentables ne puissent être fermés pour des raisons stratégiques et financières sans que tout ait été tenté pour trouver un repreneur et, d’autre part, favoriser l’actionnariat de long terme. Je me concentrerai sur le premier de ces deux volets, qui constitue la raison d’être même du texte.
L’article 1er a pour objet d’alourdir considérablement les contraintes qui pèsent sur les entreprises souhaitant fermer l’un de leurs établissements et d’instaurer une phase juridictionnelle, ensuite, au cours de laquelle l’employeur qui aurait refusé des offres sérieuses de reprise se trouverait lourdement sanctionné : la pénalité pourrait atteindre vingt SMIC par emploi supprimé, dans la limite de 2 % du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise.
Ce dispositif nous semble poser nombre de difficultés.
Pour commencer, le choix fait par la majorité de passer par une proposition de loi nous paraît pour le moins sujet à caution, en ce qu’il permet de contourner la double obligation de consulter les partenaires sociaux et de produire une étude d’impact. En l’absence d’étude d’impact, il nous est particulièrement difficile d’évaluer si le dispositif proposé peut réellement permettre de maintenir l’activité dans un certain nombre de cas. Si le texte avait été en vigueur au moment de l’affaire Mittal, l’issue en eût-elle été plus favorable pour les salariés du site ? Il est permis de se poser la question. Et même, dans l’affirmative, combien de sites, donc d’emplois, pourraient aujourd’hui être concernés par cet article 1er ? A contrario, l’impact négatif des nouvelles obligations et sanctions prévues par cet article ne serait-il pas de nature à peser bien lourdement sur l’ensemble de l’économie en décourageant les éventuels investisseurs, à peser plus que les éventuels effets bénéfiques que l’on pourrait en attendre ? Autant de questions centrales qui restent évidemment sans réponse en l’absence d’un véritable travail d’évaluation a priori.
Nous nous étonnons également que vous reveniez sur les conditions d’examen des offres de reprises des sites qui envisagent une fermeture, alors même que ce sujet avait été traité dans le cadre de l’accord national interprofessionnel du mois de janvier 2013. Son article 12 imposait déjà la recherche d’un repreneur en cas de licenciement collectif ayant pour conséquence la fermeture d’un établissement. L’encre même de ces dispositions de l’ANI transcrites dans le code du travail vient à peine de sécher que vous vous apprêtez déjà à alourdir la législation, à rebours même du « choc de simplification » annoncé par ailleurs.
S’il est évidemment légitime de défendre l’emploi dans des entreprises industrielles rentables du territoire national, nous considérons que les obligations nouvelles et les sanctions que vous faites peser sur les dirigeants d’entreprise dans le cadre de la recherche d’un repreneur sont juridiquement fragiles, probablement inutiles en termes de sauvegarde d’emplois et, je le répète, économiquement dangereuses.
Juridiquement fragiles, car, même si le Conseil d’État et nos travaux en première lecture ont largement permis de corriger les failles de votre dispositif initial, bon nombre d’imprécisions restent encore à lever, et nous craignons que le texte ne soit une nouvelle source de contentieux et un nouveau facteur de judiciarisation de l’économie. Prenons le cas de la notion de « motif légitime de refus de cession », uniquement définie comme « la mise en péril de la poursuite de l’ensemble de l’activité de l’entreprise » : nos travaux ont permis de constater qu’une telle définition ne couvrait pas tous les cas envisageables de motifs légitimes. Je pense également à la notion d’« offre sérieuse de reprise ». Alors même qu’elle repose, quoi qu’en ait dit M. Brottes, sur une sorte d’indéfinition légale, le refus sans motif légitime d’une telle offre entraîne des sanctions particulièrement lourdes pour les entreprises concernées.
Inutiles en termes de sauvegarde d’emplois, car, de l’aveu même de ses auteurs, les sanctions prévues par cette proposition de loi ne concerneront qu’un nombre marginal de sites, alors que les nouvelles contraintes s’imposeront à tous. Elles auront pour principale incidence d’alourdir les procédures et de rallonger les délais, ce qui pourrait avoir des conséquences contre-productives à l’égard d’éventuels repreneurs, dissuadés par la lourdeur de l’ensemble de ces procédures.
Économiquement dangereuses enfin dans la mesure où cette loi, fût-elle d’affichage, n’en aura pas moins des effets dissuasifs sur le volume des investissements nationaux comme étrangers, à rebours des objectifs que vous prétendez par ailleurs viser comme nous-mêmes. À l’heure où ces investissements étrangers ont enregistré un recul record de 77 % en 2013, est-il raisonnable de distinguer une nouvelle fois notre pays en Europe et dans le monde par une législation ultra-rigide qui va inquiéter repreneurs et des entrepreneurs ? Sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres, nous appelons au contraire le Gouvernement à aller dans le sens d’une réelle harmonisation européenne. À défaut, nous risquons de perdre des parts importantes dans la compétition industrielle qui, hélas ! on peut le regretter, nous oppose bel et bien à nos principaux partenaires. Plus généralement, nous considérons enfin que ce texte participe à un certain climat de méfiance ou de défiance à l’égard des entrepreneurs, climat qui pèse lourdement, comme une véritable présomption de mauvaise foi.
Si l’on en juge d’après l’esprit de ce texte, vous semblez nier une réalité au fond assez simple : pour créer des emplois, il faut des entrepreneurs qui prennent le risque d’entreprendre. En d’autres termes, il faut des employeurs qui prennent le risque d’employer.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UDI considère que l’ambition exprimée par le titre de cette proposition de loi ne se retrouve pas dans son contenu. Pour redonner des perspectives à l’économie réelle, comme vous dites, vous auriez pu, nous semble-t-il, traiter la question des fermetures de sites différemment, en renforçant les obligations de revitalisation et de reconversion de l’outil industriel dans le cadre des licenciements collectifs pour motif économique, et ce afin de privilégier la viabilité des sites concernés. Vous auriez également pu aller plus loin en ouvrant la possibilité aux salariés d’un site industriel de pouvoir investir dans leur outil de production pour garantir la pérennité même du site.
Sur tous ces sujets, nous sommes prêts à travailler avec vous, madame la ministre, pour renforcer notre tissu industriel, accompagner les mutations inéluctables et prévenir les drames humains liés à la fermeture d’un site industriel. Mais, monsieur le président Brottes, ce n’est ni le pessimisme ni l’optimisme qui nous anime : nous essayons seulement d’être lucides, et de l’être totalement. Or je n’ai pas entendu la même lecture du texte dans la bouche de Mme la rapporteure et de Mme la ministre. J’ai même eu parfois l’impression d’une musique assez discordante.
Le groupe UDI ne pourra pas apporter son soutien à ce texte, je le répète, hautement symbolique, et sans doute sans effet sur les fermetures de sites industriels, qui risque d’isoler encore davantage notre pays dans le concert des nations industrielles européennes.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, au moment de conclure la discussion générale sur cette proposition de loi dite Florange, alors qu’elle a été annoncée par le Président de la République à Alizay sur le site de M-Real, je veux sortir des faux procès pour m’en tenir à l’essentiel. Non, il ne s’agit pas d’étouffer la liberté d’entreprendre dans notre pays. L’action que mène le Gouvernement avec sa majorité parlementaire est résolument tournée vers le renforcement de notre appareil productif, pour ménager de nouvelles marges de manoeuvre.
Avec le pacte de responsabilité, le Président de la République propose une équation équilibrée, d’un niveau inégalé. Il libère les entreprises de charges héritées de l’après-Seconde guerre mondiale. Elles consacreront les marges ainsi gagnées à la création de valeur et d’emplois. C’est un effort sans précédent. La France se transforme, se dote enfin d’une stratégie industrielle pour permettre à ses PME de monter en puissance ; elle se libère de tabous qui ont longtemps fragilisé son outil productif. L’histoire retiendra que les années que nous vivons sont celles où la France s’est enfin repositionnée pour échapper à la fatalité du sur-place et du déclin.
Ce nouveau rapport entre outil de production et puissance publique ne se construit pas de façon unilatérale. Ici, nous faisons la loi ; or la loi est là pour borner le champ du possible et protéger les travailleurs contre les prédateurs et ceux qui s’exempteraient, sans scrupules, de leurs responsabilités sociales. Elle ne vise ici que ceux qui refusent, lors même qu’ils en sont capables, de construire avec leurs salariés un avenir à un site industriel. Cette loi est en fin de compte un appel à la raison, à la rationalité et à la responsabilité. Elle consiste à demander à tout groupe suffisamment important de se donner le temps de rechercher un repreneur, un avenir à un site industriel, quand il en a la taille et la potentialité. Ce n’est pas une obligation de résultat, c’est une obligation de moyens ; et si les moyens sont donnés, la loi permettra de le constater sans équivoque.
J’ai la conviction que la plupart des acteurs économiques et industriels de notre pays ont conscience de leurs devoirs. Cette loi est faite pour que les patrons, les salariés et les collectivités puissent agir ensemble pour anticiper les difficultés. J’interviens dans ce débat en tant qu’acteur majeur de la vente de la papeterie M-Real d’Alizay, dans l’Eure, au groupe Double A. C’est en contraignant l’ancien propriétaire à le vendre que j’ai pu permettre la reprise de ce site par un acteur doté d’un projet industriel solide. Aujourd’hui, plus de cent cinquante salariés ont repris le chemin de l’usine, une centaine d’emplois supplémentaires vont être créés et la fabrication de pâte à papier, interrompue il y a près de cinq ans va reprendre. Bref, un vaisseau industriel va tourner à plein régime.
Cette perspective, ce sont d’abord les salariés qui l’ont imaginée. Ils ont su convaincre les acteurs publics ; et à notre tour, nous avons su convaincre le vendeur et l’acheteur.
Je l’ai vécu. Mais combien d’écueils, combien d’incertitudes, quel vide juridique ! Plus d’une fois, nous avons eu le sentiment de voir un gouffre sous nos pas. Cette proposition de loi, celle que nous discutons aujourd’hui, nous aurait donné un cadre, une forme de règle du jeu pour dépasser le champ – toujours très aléatoire – du rapport de force et de l’indignation, qui fut pendant un temps notre seule arme.
La reprise de la papeterie M-Real, aujourd’hui Double A, m’aura confirmé dans la conviction que nous avons dans notre pays, si nous savons construire la discussion, des organisations salariales responsables, avisées, qui connaissent parfaitement les forces et faiblesses de leur outil de production et ses potentialités, ainsi que des industriels qui parlent, au plus fort de la crise, le même langage, et qui aiment leur métier. Ensemble, nous avons pu retrouver un destin à un site industriel majeur.
C’était un pari. Avec cette proposition de loi, mes chers collègues, nous aurions pu agir plus vite. Nous nous dotons aujourd’hui d’un cadre qui contraindra au dialogue face à la tentation de la fuite en avant, qui favorisera l’anticipation, la recherche de solution plutôt que le conflit et la fermeture.
C’est une chance. Cette proposition de loi, j’en ai la conviction, s’est construite par la force de l’expérience. Elle vient du terrain. Elle est sobre, elle s’adresse à l’économie réelle et mérite notre soutien.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
M. Marc Le Fur remplace M. Denis Baupin au fauteuil de la présidence.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, chers collègues, au cours des nombreux débats qui ont déjà eu lieu sur la proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle, et bien souvent au moyen d’exemples tristement concrets d’entreprises qui fermaient dans nos circonscriptions, nous l’avons dit et répété : depuis le début de la crise, de trop nombreux salariés ont assisté, impuissants, au désengagement de chefs d’entreprises focalisés sur leurs intérêts financiers, oubliant l’aspect économique et social de leur activité d’industriels.
Notre devoir de législateur n’est pas de regarder, sans rien faire, ce sinistre spectacle qui, depuis dix ans, a contribué à faire disparaître 750 000 emplois industriels en France. Il est au contraire de renforcer, autant que faire se peut, l’arsenal des lois, non pour brimer ou contraindre les chefs d’entreprise vertueux, mais pour les distinguer des patrons sans scrupules, et pour les conforter en concentrant sur eux le soutien de la puissance publique. La fermeture d’un site industriel n’est pas une décision anodine, une étape inévitable dans la vie d’une entreprise : il s’agit d’une décision lourde de conséquences, tant pour les salariés licenciés que pour le territoire abandonné. Il faut rappeler leurs responsabilités aux dirigeants, les obliger à considérer l’avenir du personnel mis sur la touche et du site abandonné comme une donnée intrinsèque à leur décision de fermeture.
La procédure décrite à l’article 1er de la proposition de loi vise à rappeler ce que tout chef d’entreprise devrait accomplir spontanément : quand on prend une décision de cette importance, on en informe les salariés, qui sont les premiers concernés, mais aussi les représentants de l’État et, bien sûr, les élus locaux ; on s’inquiète de l’avenir de ce que l’on laisse, en cherchant un relais, en facilitant une reprise. Les dispositions de cet article ne traduisent rien d’autre que le bon sens ; mais face à certains décideurs, il était nécessaire de légiférer pour imposer ce bon sens. Il s’agit de formaliser une procédure qui donnera aux acteurs directement touchés – salariés comme élus locaux – les moyens de réagir, pour ne pas seulement subir.
La proposition de loi donne aux personnes publiques compétentes la possibilité de se faire rembourser les aides en matière d’installation, de développement économique ou d’emploi, qu’elles ont attribuées à l’entreprise dans les deux ans précédant la décision de fermeture. Le message est clair : les collectivités ne font pas de chèque en blanc ; elles attendent un juste retour en matière d’investissement sur leur territoire. C’est autant d’argent public qui pourra être reversé à d’autres entreprises locales. Je me félicite d’ailleurs que cette disposition – que j’avais soutenue dès la première lecture – ait fait l’objet de réflexions et de propositions qui ont permis d’affiner sa rédaction pour la rendre opérationnelle.
Depuis quelques années, l’économie s’est acoquinée avec des modèles qui privilégient le court terme et le gain à tout va. Notre volonté est de restaurer la primauté de l’économie réelle sur la finance. Tel est l’objectif de la deuxième partie de la proposition de loi, qui vise à conforter la place des actionnaires de long terme et à donner aux entreprises les moyens de lutter contre les prises de participation hostiles. C’est aussi un enjeu non négligeable de la première partie qui entend – par un certain nombre de mesures précisées au cours des débats – soutenir les investisseurs sérieux, en particulier lorsqu’ils sont potentiellement intéressés par la reprise d’un site abandonné. Citons, par exemple, l’accès aux documents de présentation de l’établissement, et la réalisation d’un bilan environnemental établissant un diagnostic précis des pollutions dues à l’activité et présentant les solutions de dépollution envisageables.
De manière plus générale, soulignons l’affectation à la Banque publique d’investissement des pénalités versées en cas de non-respect des obligations de recherche d’un repreneur. La BPI les utilisera pour financer des projets créateurs d’activité sur le territoire concerné, ou pour promouvoir des filières industrielles. Contrairement à ce dont on l’a accusé, cette proposition de loi est loin d’être un repoussoir à investisseurs : c’est au contraire une brique supplémentaire dans l’édifice que la majorité veut ériger pour soutenir l’appareil productif français. Nous ne jetons pas l’opprobre sur tous les patrons ; nous réitérons notre confiance dans les véritables chefs d’entreprise, qui n’ont pas perdu de vue les responsabilités sociales, environnementales et éthiques que leur confère leur profession.
Enfin, pour terminer mon intervention, laissez-moi avoir une pensée toute particulière pour les salariés de Vibratechniques, à Saint-Valéry-en-Caux, ainsi que pour tous les acteurs – sous-préfète, élus, commissaire au redressement productif, repreneurs éventuels – qui se mobilisent depuis des mois pour empêcher la disparition d’un outil de travail pourtant performant. Pour eux, pour tous ceux qui se reconnaissent dans cette situation, je souhaite que la présente proposition de loi constitue une étape non définitive dans le combat de la majorité parlementaire en faveur du renouveau industriel de la France.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, monsieur le président de la commission des affaires économiques, chers collègues, la France est un des pays d’Europe qui connaissent le plus fort mouvement de désindustrialisation. Comme d’autres collègues l’ont dit avant moi, en trente ans, notre tissu industriel a perdu de son dynamisme, ce qui s’est traduit par la suppression de millions d’emplois – trois millions d’emplois au cours des trente dernières années, dit-on, dont environ un tiers au cours des dix dernières années. Cette situation est devenue critique non seulement du point de vue de l’emploi, mais aussi parce que notre pays est devenu dépendant des importations pour un certain nombre de productions.
Les causes sont multiples, les solutions le seront également. Comme l’annonce son intitulé, ce texte propose une piste : la reconquête de l’économie réelle. Si ce titre peut sembler étrange, voire obscur, sa signification est très claire : il s’agit de mettre un frein aux comportements purement spéculatifs qui affaiblissent notre appareil productif, aux comportements de quelques groupes ou fonds financiers dont les intérêts particuliers viennent percuter l’intérêt général de l’économie française.
Ces dernières années, les politiques ont délaissé l’économie réelle, c’est-à-dire l’économie productive, semblant baisser les bras face à la financiarisation de l’économie. De fait, aujourd’hui, le poids de la sphère financière est démesuré par rapport à celui de l’économie réelle. Ainsi, alors que l’ensemble de la sphère financière représentait environ deux fois et demie l’économie réelle en 1990, ce rapport a quadruplé : la finance représente désormais plus de dix fois l’économie réelle.
Alors que nous examinons à nouveau ce texte, nous avons toutes et tous à l’esprit le cas de l’usine de Florange, qui a inspiré – cela a été rappelé – sa rédaction. Cet exemple est particulièrement révélateur, même si d’autres collègues ont fait état d’autres expériences elles aussi très instructives. Alors que la rentabilité du site avait été prouvée, et que des repreneurs existaient, le groupe ArcelorMittal a préféré s’entêter et fermer les hauts-fourneaux. Ce choix a été opéré dans une logique dirigée vers le profit maximal à court terme, en donnant la priorité à d’autres usines du groupe, encore plus rentables.
Je le dis d’autant plus gravement que derrière ces noms d’entreprises, derrière ces acronymes comme celui d’OPA, derrière ces situations sur-médiatisées, il y a avant tout des travailleurs, des entrepreneurs, des salariés, des ouvriers, des employés, des ingénieurs ou des cadres. Si la voie paraît inéluctable, il n’est jamais trop tard pour changer le cap et aller dans le sens du maintien et du redéploiement de notre tissu industriel. L’innovation entrepreneuriale, écologique et sociale doit devenir notre atout, créant une nouvelle opportunité de relocalisation d’activités industrielles.
Les écologistes sont clairs sur les objectifs et les moyens : ce ne sont pas les tribunaux qui relanceront les entreprises en difficultés, ce sont les entrepreneurs qui créeront des emplois par la recherche et l’innovation débouchant sur de nouveaux produits. Ce n’est pas une judiciarisation accrue des rapports économiques et sociaux qui permettra un nouveau développement ; ce sont les nouvelles activités qui créeront les nouveaux emplois.
Cette proposition de loi répond à une vraie question : celle de la perte de l’outil de travail, y compris sur des sites rentables. Fermer des usines alors que des repreneurs étaient prêts à les racheter, c’est insupportable socialement et inacceptable économiquement. Il est de notre responsabilité politique collective de prendre des mesures afin que les entreprises françaises disposent d’outils efficaces pour se défendre lorsqu’elles font l’objet de tentatives de prise de contrôle, et que les salariés disposent d’instruments leur permettant de reprendre la main sur l’avenir de sites industriels rentables qu’ils ont contribué à faire vivre par leur travail pendant des années, parfois des décennies. Comme l’a dit notre collègue Jean-Marc Germain, des dispositifs similaires existent dans d’autres pays ; la France n’avait que trop tardé à se protéger.
Cette loi pose des conditions à la fermeture d’entreprises en obligeant un dirigeant souhaitant fermer un site à en informer ses salariés, l’autorité administrative et les collectivités territoriales, et en lui donnant trois mois pour trouver un repreneur. Cet effort de transparence est bienvenu.
Nous saluons les mesures prises en faveur d’une meilleure information des salariés concernant leur possibilité de reprise de l’établissement. Dès la première lecture, les écologistes ont souhaité, à travers un amendement, que soit facilitée la reprise d’entreprises par les salariés sous forme de société coopérative de production, les SCOP. Cet amendement a été adopté en commission des affaires sociales, et nous nous en réjouissons : en mettant les salariés aux manettes de leur entreprise, on s’assure de confier la gestion et la production à des personnes qualifiées qui connaissent leur activité et ont intérêt à ce que celle-ci perdure. Mais cela permet également de promouvoir un modèle coopératif qui garantit la démocratie dans l’entreprise et empêche les inégalités flagrantes de traitement, sources de conflits et de dérives néfastes à l’activité de production.
Ainsi, dans le cas où le tribunal de commerce juge que l’entreprise n’a pas respecté ses obligations ou qu’elle a refusé une offre de reprise sérieuse, celle-ci sera soumise à des pénalités financières. Cette somme sera ensuite réinjectée via la Banque publique d’investissement dans le financement de projets créateurs d’activité et d’emplois sur le territoire de l’entreprise. Cette mesure va dans le bon sens, celui de la création d’emplois et du maintien des liquidités dans les circuits de l’économie réelle, afin de dynamiser les territoires.
Ce texte renforce le rôle des comités d’entreprise et les sanctions prévues en cas de non-respect des obligations d’information ou d’association. Les sanctions prévues responsabilisent les employeurs vis-à-vis de leurs salariés.
Par ailleurs, cette proposition de loi limite la prise de contrôle des sociétés par des groupes prédateurs, qui, bien souvent, font peu de cas des salariés travaillant au sein des entreprises rachetées. Les OPA devront déboucher sur un contrôle d’au moins 50 % du capital de la société cible, sous peine d’invalidation.
Dans la même perspective, nous saluons la création d’un droit de vote triple pour les actionnaires détenant un titre depuis plus de cinq ans. Cette mesure phare favorise l’actionnariat de long terme plutôt que les intérêts purement spéculatifs.
Enfin, nous saluons la suppression de l’article 9, en commission. En effet, les dispositions de cet article nous paraissaient en contradiction avec le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové – que nous venons d’examiner – qui vise à développer l’offre de logement tout en luttant contre l’artificialisation des zones naturelles et agricoles. L’article 9 sanctuarisait les zones industrielles abandonnées en empêchant leur reconversion vers un autre usage et leur réhabilitation.
Par ailleurs, la possibilité d’attribuer jusqu’à 30 % des actions, de manière gratuite, à tous les salariés parachève le dispositif. Afin de le renforcer, nos collègues écologistes au Sénat ont fait adopter un amendement précisant que la répartition des actions devait se faire de manière équitable, dans un rapport maximum d’un à cinq, afin d’éviter des écarts trop importants entre employés. Le texte ayant été rejeté dans son ensemble au Sénat, nous défendrons à nouveau cette position dans notre assemblée.
Il est indispensable, pour développer l’économie réelle et l’emploi, de soutenir de nouvelles filières industrielles : je pense évidemment au secteur de l’énergie, aux énergies renouvelables, aux transports – voiture écologique, transports intelligents, transports en commun ferroviaire et même maritime grâce à de nouvelles technologies comme les motorisations à gaz naturel, développées par les chantiers navals de Saint-Nazaire. Parallèlement, nous devons miser sur le réservoir de chercheurs et ingénieurs de grand talent que compte notre pays pour mettre au point les innovations de demain.
Vous l’avez compris, la lutte contre la désindustrialisation est pour nous une priorité. Néanmoins, les écologistes souhaitent qu’au-delà d’une simple défense du potentiel productif, nous ayons une vraie réflexion sur les modalités de son développement et de sa durabilité, à l’échelle des territoires locaux, de la France, et de l’Europe.
Enfin, au-delà des filières à vocation environnementale, nous plaidons pour une nouvelle révolution industrielle. Afin de s’adapter aux défis de demain, l’industrie devra intégrer les principes de l’économie dite circulaire, l’économie du recyclage. Elle devra être plus écologique, plus économe non seulement en consommation de matières premières, mais aussi en flux comme l’eau ou l’énergie, et moins polluante. C’est là une opportunité de développement de nouveaux process industriels et de nouveaux facteurs de compétitivité, à l’heure où l’énergie et les ressources sont plus rares, donc plus chères.
Les députés du groupe écologiste, cosignataires de cette proposition de loi avec les députés socialistes, voteront donc favorablement.
Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.
Ainsi, cette proposition de loi permettra à nos entreprises de se doter d’instruments opérants pour faire face à la fermeture injustifiée de sites industriels. Si elle propose de premières pistes pour l’avenir industriel français, celles-ci doivent encore être confirmées. Tout reste à faire pour conduire cette nouvelle révolution industrielle, que nous appelons de nos voeux.
Je souhaite pouvoir répondre aux différentes interventions, en commençant par celle d’André Chassaigne. Je comprends son raisonnement et nous partageons ses objectifs, à ceci près que nous avons rencontré une difficulté sur notre chemin : nous sommes dans un État de droit et nous en sommes fiers ; mais cela doit être pris en compte au moment d’écrire la loi et d’y traduire concrètement notre volonté politique. Cela dit, je veux le rassurer : les convictions politiques qu’il a défendues sont partagées par toute la majorité, avec la même force et la même intensité, et je suis contente qu’il les ait rappelées.
Se conformer au droit implique d’intégrer plusieurs de fait, contradictoires : le droit à l’emploi que, comme vous, j’ai envie de placer en premier ; le droit de propriété, qui fait également partie des principes fondamentaux de notre droit depuis très longtemps ; la liberté d’entreprendre enfin. Du coup, tout le travail que nous avons effectué, avec notamment l’aide du Conseil d’État que nous avons consulté, a consisté à trouver le moyen de sécuriser juridiquement cette proposition de loi en trouvant un équilibre entre ces principes contradictoires.
Sourires.
Merci, monsieur le président, mais je ne peux tout de même pas empêcher mon autre président de m’interrompre !
Sourires.
Je réponds donc à M. Chassaigne que je comprends parfaitement ce qu’il nous a dit. Reste un point sur lequel nous ne nous rencontrons pas toujours : nous préférons, nous, prendre les avancées, quelles qu’elles soient, et aller au bout de ce que nous pouvons faire. Nous y sommes parvenus ; certes, cela implique peut-être de laisser de côté certains objectifs et de ne pas forcer les choses au risque de mettre en péril cette proposition de loi, car nous voulons qu’elle soit appliquée et donc qu’elle évite la censure. En conséquence, nous avons dû concilier des principes contradictoires.
Par ailleurs, monsieur le député, vous avez été très présent lors des travaux de la commission des affaires économiques et avez donc pu mesurer les avancées permises par le travail parlementaire sur plusieurs points. L’un d’eux vous tenait particulièrement à coeur : le remboursement des aides publiques. L’amendement présenté par Dominique Chauvel, ici présente, soutenu par nombre de députés, nous a permis de modifier le dispositif, que nous avons ensuite, grâce au travail du Sénat, amélioré et rendu plus pertinent encore : ce n’est oplus le tribunal qui demandera le remboursement, mais les collectivités, qui sont plus au fait des réalités de terrain. Ce sont elles qui prennent le risque de devoir apprécier le bien-fondé d’une demande d’aide public, et d’être trompées par les pratiques de concurrence qui sévissent entre les territoires, mais aussi, disons-le, par le comportement de certaines entreprises qui reçoivent les aides et s’en vont peu de temps après.
L’amendement de Dominique Chauvel, retravaillé au Sénat, est donc un élément très important de la proposition de loi. J’en profite d’ailleurs pour remercier la ministre d’avoir accepté, la semaine dernière, lors de l’examen, ici même, du projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, un amendement qui traite de le même question, mais sous un autre aspect, et qui vient compléter notre arsenal législatif dans un sens qui peut, me semble-t-il, satisfaire le groupe GDR.
En tout état de cause, au niveau local, dans nos régions et nos départements, il s’agit d’un sujet de préoccupation pour les élus du groupe GDR, et qui vous tenait à coeur.
Madame Schmid, je ne peux évidemment partager la plupart de vos arguments, puisque vous êtes opposée à la démarche même de la proposition de loi, même si j’ai bien noté que vous compreniez notre initiative, à l’aune de votre expérience d’élue locale.
Vous avez aussi évoqué l’équilibre juridique du texte, dont j’ai parlé à l’instant : en tant que rapporteure, j’ai travaillé longuement avec le Conseil d’État sur sa rédaction, et pense que nous sommes parvenus à un équilibre qui permet de garantir sa constitutionnalité.
Nous mesurons à quel point il est difficile d’agir contre des entrepreneurs qui, souvent, méprisent les logiques industrielles que nous défendons – et que vous défendez aussi, me semble-t-il. Il est des comportements abusifs que nous ne pouvons accepter dans nos territoires. Plutôt que de ne rien faire, nous préférons agir. Nous ne voulons pas baisser les bras. Tout emploi sauvé a un effet sur des familles et des territoires. Lors de des auditions préalables à l’examen du texte, l’exemple donné par Jean-Louis Destans…
…t son expérience, qu’il nous a fait partager lors des auditions, a permis de valider notre démarche ; c’est un défi que nous relevons. Il a montré comment l’ensemble des élus d’un territoire s’étaient mobilisés pour les salariés, qui voulaient tous sauver l’entreprise, les emplois et l’activité industrielle.
Rappelons que l’on était confronté à une situation inacceptable : si le groupe en question avait décidé de fermer ce site de plusieurs centaines de salariés, c’était uniquement pour accroître le profit de ses actionnaires. Son objectif était de réduire de 5 % la production de papier à l’échelle européenne pour augmenter significativement les prix, au point que l’entrepreneur a pu se permettre un plan social de 60 millions d’euros, qu’il était sûr – croyez bien qu’il avait fait ses calculs – de récupérer en très peu de temps, avec en plus des bénéfices significatifs pour ses actionnaires. C’est à juste titre que les élus du territoire et les salariés se sont mobilisés : ils ont permis le redémarrage du site. Comme l’a dit Jean-Louis Destans, la présente proposition de loi aurait permis d’aller plus vite, pour les salariés, les familles, et le territoire.
Je suis désolée que Michel Piron nous ait quittés, …
…car j’avais bien apprécié la façon dont il avait partagé notre diagnostic. Certes, nous n’étions pas totalement d’accords sur les modalités. J’avais aussi noté à quel point il s’était engagé pour travailler, avec le Gouvernement et la majorité, au renforcement de notre outil industriel.
Je prends donc la balle au bond : comme je l’ai souligné tout à l’heure, nous souhaitons poursuivre notre travail en la matière. Nous continuerons à nous mobiliser en faveur de notre industrie afin de préparer l’économie, les emplois et les produits de demain. Je suis heureuse de pouvoir compter sur tous les députés pour y parvenir.
Je remercie Dominique Chauvel pour son intervention et pour ce qu’elle a apporté au texte, grâce notamment son amendement sur le remboursement des aides publiques.
Mes remerciements iront enfin à François de Rugy : nous nous retrouvons totalement dans ses propos et ce n’est pas un hasard. Je remercie, par son intermédiaire, les députés du groupe écologiste qui se sont montrés très engagés et très présents lors de l’examen de ce texte par la commission. Ils ont contribué, grâce à leurs amendements, à enrichir notre travail parlementaire. Merci beaucoup à tous !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, Mme la rapporteure ayant répondu de façon très exhaustive à chacun, mon intervention sera beaucoup plus brève. Je la remercie, une nouvelle fois, pour son implication et son travail. Je tiens également à saluer tous les députés qui sont intervenus dans cette discussion générale : ils ont souvent fait des constats que nous partageons, tant il est vrai que nous avons malheureusement vécu des fermetures de sites rentables dans tous les territoires.
Je veux remercier la majorité de son soutien et saluer le travail sérieux qui aura permis d’aboutir à un texte équilibré et respectueux des droits fondamentaux. Demain, nos territoires et les salariés seront mieux protégés contre le gâchis social et industriel que constitue la fermeture d’un site rentable. Nombreux sont les parlementaires qui ont soulevé ce point. La primauté est donnée à l’emploi : c’est, vous le savez, un combat prioritaire pour le Gouvernement. J’ai d’ailleurs apprécié que Jean-Marc Germain ait précisé que l’artisanat et le commerce participent, eux aussi, à la vitalité des entreprises et des territoires : la ministre du commerce et de l’artisanat ne pouvait qu’être particulièrement sensible à son intervention.
André Chassaigne a juge cette proposition de loi trop timide. Or elle apporte une réponse offensive et opérationnelle en ce qu’elle fait primer l’intérêt collectif, à savoir l’emploi et l’activité industrielle, et concilie le droit à l’emploi et la liberté d’entreprendre. C’est une étape, un progrès. il a également déploré que seules les entreprises employant plus de 1 000 salariés seraient concernées. Ce n’est pas exact : ce texte s’adresse aux entreprises appartenant à des groupes qui comptent plus de 1 000 salariés en Europe. Autrement dit, une petite entreprise appartenant à un grand groupe sera bel et bien soumise à cette obligation.
La sanction est trop faible, avez-vous dit, monsieur Chassaigne. Elle n’est pas ridicule, loin de là ; elle conduira à rechercher en amont des solutions alternatives à la fermeture. Michel Sapin a eu l’occasion de présenter le bilan de la loi relative à la sécurisation de l’emploi : ce texte déposé à l’initiative du groupe SRC a encouragé la négociation. Et comme vous le savez, il n’y a pas eu de déferlement de plans de sauvegarde de l’emploi, bien au contraire : nous avons enregistré davantage d’accords majoritaires que de PSE unilatéraux.
Madame Schmid, le devenir des sites rentables était inscrit dans le document d’orientation transmis par le Gouvernement aux organisations syndicales dès l’été 2012. Le principe de l’obligation de recherche de repreneurs figure dans l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 signé par la majorité des organisations syndicales et des organisations d’employeurs, puis dans la loi relative à la sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013. Un mois après l’adoption de la loi, et comme s’y était engagé le ministre Michel Sapin, le dispositif de cette proposition de loi a été débattu en commission pour compléter la loi. Autrement dit, nous avons fait vite, et le texte a pu être amélioré grâce aux parlementaires qui ont beaucoup oeuvré au cours des différentes lectures.
Vous craignez que cette proposition de loi n’ait un effet néfaste sur notre attractivité ne soit de ce fait en décalage par rapport au discours du Président de la République. Les investisseurs ne devront pas avoir peur. Nous considérons seulement qu’un industriel qui se désengagera d’un site devra chercher une alternative, socialement plus responsable et moins coûteuse, aux licenciements massifs.
J’ai noté que Michel Piron partageait avec le Gouvernement et la majorité parlementaire le souci de préserver l’emploi et les sites industriels. Nous ne nous retrouvons toutefois pas sur l’objectif : nous devons mettre en place des modalités pratiques pour préserver l’emploi et les sites industriels. Mais comment encouragerons-nous la recherche de repreneurs si nous ne prévoyons pas de sanction pour les entreprises qui s’y refuseraient ? Mais notre objectif est de faire en sorte que celle-ci n’ait pas à s’appliquer dans la mesure où les entreprise auront naturellement et réellement recherché des solutions de reprise.
Je partage enfin l’indignation de François de Rugy : fermer un site rentable est inadmissible s’il existe des solutions permettant le maintien de l’activité. Comme il l’a rappelé, la proposition de loi impose un processus transparent de recherche de solutions. Elle dégage un intérêt collectif au service de l’emploi et des territoires dans notre pays : nous pouvons, je le crois, largement nous retrouver en la matière.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Monsieur le président, avant que nous ne commencions l’examen des articles et des amendements, je vous demande une suspension de séance de cinq minutes.
Discussion générale
La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à dix-neuf heures trente-cinq.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
L’industrie, et c’est heureux, est essentielle à l’emploi, à la recherche, à l’innovation, aux exportations, mais aussi au financement de notre modèle social. C’est le coeur de nombreux bassins d’activité et la vie de tant de femmes et d’hommes. C’est pourquoi le Président de la République, le Gouvernement, notre majorité mettent en oeuvre depuis vingt ans la reconquête productive et une politique globale pour la compétitivité. C’est une stratégie offensive, dynamique, pragmatique, qui s’est traduite par le pacte de compétitivité après le rapport Gallois et que le pacte de responsabilité va permettre d’amplifier. C’est une mobilisation sans précédent.
Oui, nous donnons la priorité à l’économie réelle et cette proposition de loi y apporte son concours. L’article 1er comporte l’essentiel du dispositif proposé pour favoriser, en l’identifiant plus tôt et plus activement encore, la recherche, puis l’implantation d’un vrai repreneur investisseur, et permet deux avancées principales.
Il assure d’une part une meilleure information sur les conditions d’une reprise sérieuse, viable, durable, d’un site rentable. Des possibilités sont d’ailleurs accordées à toutes les parties en présence : aux salariés et au comité d’entreprise, associés dès l’amont de la procédure et éclairés davantage sur les motivations du projet de fermeture ; aux collectivités territoriales, souvent en première ligne quand une fermeture est annoncée et, plus encore quand celle-ci hélas, n’a pu être évitée ; aux repreneurs éventuels, qui, encouragés à entreprendre grâce à un diagnostic partagé, pourront mieux évaluer le potentiel du site concerné et les investissements à engager ; au groupe cédant enfin, car aucune information susceptible de porter atteindre à son activité ne sera communiquée et l’opportunité lui sera donnée de penser à l’avenir d’un territoire et de personnels ayant participé à son essor.
Il assure d’autre part une meilleure régulation pour soutenir la production. C’est la possibilité pour le tribunal de commerce, que pourront saisir les salariés, via le comité d’entreprise, ou leurs délégués du personnel, de constater la recherche active de repreneurs, d’évaluer la qualité, le sérieux des offres de reprise s’il y en a, et les motifs, s’il y en a aussi, du refus éventuel de cession à un investisseur crédible. C’est la possibilité, dans des conditions précises, qu’a rappelées tout à l’heure le président Brottes, de prévoir des pénalités proportionnées et leur affectation, via Bpifrance, à la réindustrialisation du bassin d’emploi touché ; c’est donc la possibilité, dans une approche préventive, pour un groupe qui refuse de céder son site à un repreneur désireux d’acquérir et d’investir de changer d’avis pour qu’il y ait une vie industrielle après lui.
Telle est l’économie générale de l’article 1er d’un texte qui promeut l’investissement industriel, l’esprit d’entreprise, l’emploi, l’avenir des territoires, bref, l’intérêt général.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Claudine Schmid, pour soutenir l’amendement no 14 , tendant à supprimer l’article 1er.
J’ai bien entendu l’intervention de Guillaume Bachelay, mais il y a deux lectures possibles de cet article 1er et c’est précisément la raison pour laquelle, avec mes collègues, j’en demande la suppression.
Cet article met à la charge des employeurs de nombreuses contraintes administratives pour rechercher un entrepreneur. Il renforce également les pouvoirs du tribunal de commerce en cas de non respect de la procédure par le dirigeant ou de refus d’une offre de reprise sérieuse sans motif légitime.
Il laisse à penser qu’il empêchera à lui seul les plans sociaux dans notre pays. Or il n’en est rien. Il va au contraire décourager les chefs d’entreprise et les investisseurs.
Enfin, il porte atteinte aux principes constitutionnels de la liberté d’entreprendre et du droit de propriété.
Je suis bien sûr défavorable à cet amendement dont je regrette la brutalité : vous demandiez la suppression pure et simple de l’article 1er sans essayer de l’améliorer, ce qui revient à porter atteinte au fond même et à l’objectif de notre texte.
Défavorable, dans la mesure où l’article 1er généralise les bonnes pratiques adoptées d’ores et déjà par de nombreux groupes. Lorsqu’une fermeture de site est envisagée, tenter de trouver un repreneur pour éviter les licenciements, préserver le tissu industriel de nos territoires est indispensable. Tous les élus ici présents ont été confrontés à des fermetures de site et sont tous favorables, j’en suis certaine, à ce que l’on trouve des solutions pour lutter contre les fermetures et les licenciements. C’est l’objectif même de ce texte. La sanction prévue encourage les bons comportements et n’aura pas à s’appliquer si les entreprises s’alignent sur ces bonnes pratiques.
C’est donc une proposition vertueuse, qui participe ainsi au climat non de défiance, mais de responsabilité que le Gouvernement propose aux chefs d’entreprise d’instaurer.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Madame Schmid, ce n’est pas parce que l’on répète des contre-vérités à longueur de temps que cela en fait des vérités. Vous prétendez que ce texte porte atteinte au droit de propriété et au droit d’entreprendre. Disons-le de façon très simple : le droit de propriété demeure, personne ne va obliger l’entrepreneur à céder son entreprise. Simplement, s’il y a un repreneur et qu’il ne veut pas la céder alors qu’il s’en va, il y aura des pénalités, mais il garde son droit de propriété. Quant au droit d’entreprendre, franchement, peut-on laisser quelqu’un qui ne veut plus entreprendre dans notre pays parce qu’il peut faire plus de profits ailleurs empêcher un autre entrepreneur d’entreprendre ? Au contraire, nous stimulons le droit d’entreprendre.
Il ne faut donc plus répéter ces deux affirmations : elles sont fausses.
L’amendement no 14 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Claudine Schmid, pour soutenir l’amendement no 16 .
Je vais donner satisfaction à Mme la rapporteure puisque nous proposons de supprimer non plus l’article 1er mais uniquement les alinéas 22 à 30, qui imposent aux employeurs de participer activement à la recherche d’un repreneur. L’employeur doit par exemple réaliser un document de présentation de l’entreprise, procéder à un bilan environnemental et présenter les solutions de dépollution envisageables, apporter une réponse motivée à chacune des offres de reprise reçues. Ces contraintes administratives vont à l’encontre du choc de simplification attendu par les entreprises.
Sous couvert de bon sens, vous allez remettre en question tout ce qui fait l’intérêt du texte.
Ce que nous voulons, c’est imposer au chef d’entreprise qui, pour des raisons purement financières, veut se débarrasser d’un site rentable, c’est-à-dire un site qui produit, vend ses produits, fait du bénéfice, emploie des salariés et fait vivre un territoire, de rechercher un repreneur. S’il ne veut plus de ce site, qu’il le laisse, mais qu’il le cède à quelqu’un qui veut entreprendre, faire travailler des salariés, produire, conquérir des marchés et faire vivre un territoire. Si nous voulons poser des contraintes, nous devons être cohérents. Une procédure est nécessaire, et la simplification ne s’applique évidemment pas dans ce cas particulier.
Votre amendement, madame Schmid, vide de sa substance l’obligation de rechercher un repreneur. Il est indispensable pour les employeurs eux-mêmes d’expliquer ce que signifie une telle obligation ; et, contrairement à ce que vous sous-entendez, ces éléments sont simples. Rechercher des candidats potentiels, communiquer un document de présentation, évoquant la pollution du site, donner les informations dont peut avoir besoin le repreneur, ce sont simplement de bonnes pratiques pour donner à des sites rentables une chance d’être repris et donc éviter la fermeture et par voie de conséquence les licenciements. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à votre amendement.
L’amendement no 16 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Claudine Schmid, pour soutenir l’amendement no 15 .
Cet amendement tend à supprimer l’alinéa 25, qui intègre une obligation de publicité : l’employeur qui envisage la fermeture d’un établissement devra informer par tout moyen approprié des repreneurs potentiels de son intention de céder l’établissement. Cette obligation est ubuesque. Cela signifie que l’employeur devrait prévenir ses concurrents de son intention, ce qui porterait atteinte encore un peu plus à son activité.
Défavorable. Cet amendement est un peu surprenant. On cherche à favoriser la reprise d’un site ; si l’on ne sollicite pas des repreneurs, si l’on n’informe pas que l’on en cherche un, je ne vois pas comment on peut en trouver, à moins d’un miracle… C’est une approche un peu bizarre. Je n’ai jamais vu un entrepreneur trouver repreneur sans en chercher ni dire qu’il en cherchait un.
L’amendement no 15 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à Mme Claudine Schmid, pour soutenir l’amendement no 17 .
L’amendement no 17 tend à supprimer les alinéas 51 à 72, c’est-à-dire le volet judiciaire de la procédure, pour s’en tenir au principe de recherche d’un repreneur posé par l’article 19 de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi. Il est inutile de judiciariser le fonctionnement interne de l’entreprise. Une telle possibilité de saisine, un tel rôle donné au juge dans le cadre de sociétés qui ne connaissent pas de difficultés économiques constitue une forte atteinte à la liberté d’entreprendre, principe constitutionnel.
Défavorable. Vous voulez supprimer le volet judiciaire. Nous voulons qu’il y ait reprise, nous voulons une obligation de moyens dans la recherche : qui respecterait ses obligations si aucune sanction n’était prévue ? Il s’agit, encore une fois, de cédants qui sont déjà dans une logique financière, dans une logique de contournement du fonctionnement normal de notre économie. Rappelons qu’il ne s’agit pas d’entreprises en difficulté, qui ont du mal à trouver leur marché, ou qui sont en situation de redressement judiciaire ou de liquidation, mais d’entreprises qui produisent, qui salarient, qui font vivre des territoires en réalisant des bénéfices. Je ne vois pas pourquoi nous laisserions de telles pratiques se développer impunément. Nous mettons donc en place un mécanisme de sanction qui garantit l’efficacité du dispositif.
Même avis.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
J’ai du mal à comprendre les arguments de l’UMP, pour une autre raison. Si je vous suis bien, vous êtes contre la concurrence : vous êtes favorables à ce que des monopoles privés s’organisent tranquillement, à ce que l’on interdise à tout acteur de reprendre une activité, dans un secteur ; celui qui a décidé d’organiser son monopole doit être le roi chez lui, et lui seul. Curieuse façon de concevoir l’économie de marché…. Mais j’en prends acte. Vous critiquez parfois les monopoles publics, mais vous aimez organiser les monopoles privés ! Ce n’est pas notre cas : nous considérons que, dès l’instant où il y a de l’initiative, où certains souhaitent retrousser leurs manches pour aller sur des marchés que d’autres négligent, nous devons favoriser ces entrepreneurs. C’est ce qui fait la différence entre vous et nous : nous, nous sommes pour le dynamisme et l’initiative en matière de création d’entreprises.
L’amendement no 17 n’est pas adopté.
L’amendement no 7 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Claudine Schmid, pour soutenir l’amendement no 18 rectifié .
Il s’agit de supprimer les alinéas 68 à 71. Ces alinéas prévoient les sanctions – toujours des sanctions ! – que le tribunal de commerce peut prononcer à l’encontre d’une entreprise dès lors que les obligations relatives à la recherche d’un repreneur n’ont pas été respectées ou qu’une offre de reprise sérieuse a été refusée « sans motif légitime de refus ». Ces sanctions sont disproportionnées puisque le tribunal de commerce peut imposer une pénalité financière pouvant aller jusqu’à vingt fois le montant du SMIC par emploi supprimé. Une telle sanction est donc à l’opposé du but recherché, dans la mesure où elle coulerait, si vous me passez l’expression, l’entreprise qui se la verrait appliquer.
Défavorable. Vous soutenez que la pénalité coulerait l’entreprise. Or, comme je l’ai dit, nous avons consulté le Conseil d’État et nous avons travaillé de façon à respecter le principe de proportionnalité, ce que ne manquera pas de vérifier le Conseil constitutionnel. Cela nous a conduits à adopter le niveau de vingt SMIC, mais aussi, comme l’a rappelé M. Chassaigne, en le regrettant, à prévoir une limite de 2 % du chiffre d’affaires de l’entreprise. Le texte prévoit également que la pénalité sera fixée en tenant compte de la situation de l’entreprise. Toutes les garanties sont prises : nous avons même ajouté l’absence de motif légitime de refus, prévoyant que la mise en péril de la poursuite de l’ensemble de l’activité de l’entreprise est un motif légitime. Nous avons porté une très grande attention à la rédaction de cet article et de ces alinéas, et nous ne méritons pas une critique à la fois si rude et si simpliste.
Supprimer la procédure de sanction reviendrait à rendre facultative la recherche de repreneur. J’ajoute que la sanction n’est pas de vingt fois le montant du SMIC par emploi : elle est plafonnée, limitée à ce montant ou à 2 % du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise si ce montant est plus faible. Elle sera, comme vient de le souligner la rapporteure, fixée par le tribunal en fonction de la situation de l’entreprise et des efforts engagés pour rechercher un repreneur. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
L’amendement no 18 rectifié n’est pas adopté.
La parole est à Mme Claudine Schmid, pour soutenir l’amendement no 19 .
Cet aliment tend à supprimer, à la fin de l’alinéa 68, les mots : « ou qu’elle a refusé une offre de reprise sérieuse sans motif légitime de refus ». Il s’agit de supprimer ainsi la possibilité pour le juge d’apprécier s’il n’y avait pas de motif légitime de refus. Ce n’est pas au juge du tribunal de commerce d’évaluer le sérieux d’une offre de reprise à la place du chef d’entreprise. Cette disposition porterait elle aussi atteinte à la liberté d’entreprendre, principe constitutionnel.
Défavorable. Là encore, je m’étonne de votre raisonnement. En demandant la suppression de cet élément du texte, l’examen par le juge, vous donnez le sentiment que vous souhaitez la liberté totale et la jungle. Si nous avons mis en place un droit du travail et des règles sociales, si nous avons encadré la liberté d’entreprendre, c’est bien parce que nous ne souhaitons pas que ce soit la jungle… La liberté d’entreprendre est bien évidemment un principe constitutionnel, mais il doit être concilié avec le droit à l’emploi, lui aussi principe constitutionnel. Nous limitons donc la liberté du chef d’entreprise, de la même façon que le salarié a des droits tout en restant soumis à la loi. C’est un principe équilibré.
L’obligation de recherche de repreneur comporte deux volets : la recherche d’un repreneur et, en cas de propositions, la réponse aux offres. Ces deux volets sont indissociables. Il n’aurait pas de sens de créer une obligation de recherche et de ne pas sanctionner au final le refus de céder quand ce refus intervient sans motif légitime et contre toute responsabilité sociale. Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Je m’étonne de l’argument selon lequel le tribunal ne peut juger de la qualité d’une offre de reprise. On lit en permanence dans les journaux que le juge a refusé telle ou telle offre de reprise qui ne tenait pas la route. Il est constant que les tribunaux prononcent ce genre de jugements. Nous ne traitons pas, en l’occurrence, de situations de liquidation, mais en tout état de cause les tribunaux ont l’habitude d’analyser et d’adopter un point de vue sur des offres de reprise. Dire, aujourd’hui, que ce ne serait pas le rôle des tribunaux, ce serait revenir sur des années de pratique du droit dans notre pays.
J’ai bien noté que Mme la rapporteure a dit : « Si nous avons encadré la liberté d’entreprendre. » C’est donc bien qu’il y avait une volonté d’encadrer la liberté d’entreprendre…
L’amendement no 19 n’est pas adopté.
Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Je souhaite répondre à Mme Schmid. La liberté d’entreprendre est un principe constitutionnel, de même que le droit de propriété et que le droit à l’emploi, et nous avons cherché à concilier ces trois principes conjointement. Ils s’opposent et il convient donc de trouver un équilibre. Si j’ai dit qu’il fallait encadrer la liberté d’entreprendre, je me suis mal exprimée ; l’idée, c’est que le droit à l’emploi est tout autant un principe constitutionnel – et cela, je ne l’ai pas entendu dans vos propos,.
L’amendement no 8 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 1er, amendé, est adopté.
Les articles 1er bis, 2, 3, 4 bis et 4 ter sont successivement adoptés.
À l’article 5, je suis saisi d’un amendement no 33 du Gouvernement.
La parole est à Mme la ministre, pour le soutenir.
Le Gouvernement comprend parfaitement les motivations qui ont amené à l’introduction d’une notion de transfert indirect de la propriété d’une action. Vous avez souhaité, en première lecture, éviter des pratiques de contournement volontaire de la règle des droits de vote doubles, en prévoyant que toute cession indirecte de titres ferait perdre à l’actionnaire direct ses droits de vote doubles. Si vos motivations sont bonnes, la solution proposée n’est pas appropriée. C’est pourquoi le Gouvernement a soutenu, lors de l’examen du texte au Sénat, un amendement visant à revenir sur cette mesure.
Le Gouvernement pense en effet que ce dispositif est source de complexité et de risque juridique, et qu’il causera in fine plus de difficultés pour les groupes français qu’il ne permettra d’en résoudre. Les cas de contournement que vous visez demeurent très rares. Le droit actuel peut d’ores et déjà fournir des réponses à ces problèmes.
Prévoir la perte des droits de vote doubles en cas de transfert indirect du contrôle sur les titres implique des conséquences beaucoup plus larges que le problème que vous entendez résoudre. Tout d’abord, cette mesure suscite des difficultés opérationnelles significatives et augmente le risque d’erreur lors des assemblées générales. Il est en effet très difficile pour une société de vérifier la qualité des actionnaires indirects et de l’évolution de la structure de détention de leurs actions. Ces erreurs viennent ensuite mettre en péril la validité des délibérations des assemblées générales et donc le bon fonctionnement même de ces sociétés.
J’ai bien noté que vous avez déposé deux amendements visant à répondre à ces préoccupations, mais vous le faites au prix d’une très grande lourdeur et d’obligations d’information très contraignantes.
Ce dispositif paraît d’autant plus lourd et disproportionné qu’il s’appliquera d’abord à des investisseurs qui n’ont rien à se reprocher et qui ne cherchent pas à contourner la loi française. Le dispositif qui figure dans le texte pose un autre problème auquel vos amendements ne répondent pas : il va provoquer des effets indésirables dans beaucoup de groupes qui se sont structurés en faisant appel à des holdings intermédiaires. Ces montages sont fréquents en particulier dans les groupes ayant un contrôle familial. Toute évolution de ces structures intermédiaires – et la vie des entreprises peut le requérir – va entraîner des effets en chaîne de perte de droit de vote double, alors même que ces derniers ont pu être utilisés précisément pour sécuriser ces montages. Il est très délicat d’expliquer ce problème sans un exemple concret, mais le Gouvernement est persuadé que cela peut entraîner, à plus ou moins court terme, des difficultés dans plusieurs grands groupes français. À nouveau, vos amendements ne répondent pas à ces difficultés. C’est pourquoi je défends, au nom du Gouvernement, cet amendement de suppression de l’alinéa 7.
Je suis favorable à cet amendement. Comme l’a expliqué Mme la ministre, nous voulions éviter les pratiques de contournement volontaire que nous pouvons observer. Mais, après avoir mesuré la difficulté, qui vient d’être soulignée, de trouver une traduction juridique qui réponde à notre intention, nous devons nous incliner…
L’amendement no 33 est adopté.
L’amendement no 13 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Cet amendement vise à permettre aux actionnaires qui se trouvent au-delà du seuil de 30 % de participation de bénéficier d’une dérogation relative aux règles concernant le seuil de déclenchement des OPA. Les actionnaires qui se trouvent au-delà de 30 % du capital d’une entreprise ne peuvent tirer pleinement tous les bénéfices des droits de vote double. En effet, ils sont contraints de déclencher une OPA, mais ils sont également contraints à la montée au capital par le dispositif relatif au seuil d’« excès de vitesse » qui ne leur permet pas d’augmenter leur participation au-delà de 1 %. Par conséquent, nous souhaitons prendre des dispositions dérogatoires.
Sagesse.
L’amendement no 30 est adopté.
Cet amendement tire les conséquences de la généralisation des droits de vote double pour l’État actionnaire. Ce qui est important pour l’État, c’est de contrôler la société dont il est actionnaire et, partant, son droit de vote. Pour bénéficier de ces droits de vote double, l’État doit avoir la possibilité de passer en dessous du seuil de participation pour y remonter ensuite, afin de pouvoir tirer le plein bénéfice de notre texte.
L’amendement no 31 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 5, amendé, est adopté.
À l’article 6, je suis saisi d’un amendement no 34 du Gouvernement.
La parole est à Mme la ministre, pour le soutenir.
Cet amendement renforce la sécurité juridique du texte issu de la première lecture par cette assemblée. Il permet une meilleure articulation entre la procédure d’information-consultation et la procédure d’offre. La procédure doit en effet prévoir que le volet strictement judiciaire de la procédure se fasse dans un délai maîtrisé. C’est pourquoi le Gouvernement propose que le juge saisi statue en dernier ressort afin d’éviter une suspension trop longue des délais par la procédure d’appel. Celle-ci serait en effet de nature à bloquer la décision par l’AMF de valider l’offre et, partant, de retarder l’offre de plusieurs mois à un an. Le pourvoi en cassation, qui n’emporte pas les mêmes conséquences et ne bloque pas la procédure, reste possible. L’amendement permet également d’éviter que les dirigeants de l’entreprise qui fait l’objet de l’offre ne bloquent la procédure en refusant la communication d’informations au comité d’entreprise.
L’amendement no 34 , accepté par la commission, est adopté.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 25 rectifié .
Cet amendement permet à l’initiateur de l’offre de mener une consultation du comité d’entreprise avant le dépôt formel de l’offre. Cette situation se présente dans les cas d’offres amicales. L’entreprise peut ainsi consulter les salariés, alors que l’offre n’est pas définitivement déposée : cela permet à l’offreur de tenir compte de l’avis des salariés et éventuellement de modifier son offre en conséquence.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement tout à fait bienvenu, puisqu’il permet, dans l’intérêt de toutes les parties, d’engager le dialogue entre l’initiateur de l’offre et le comité d’entreprise en amont du dépôt formel de l’offre. Cet amendement permet ainsi d’encourager le dialogue avec les salariés, ce qui est dans l’esprit même de la proposition de loi, tout en permettant à un initiateur de bonne foi, prêt à dialoguer avec les salariés, de gagner du temps dans le déroulement de la procédure d’offre.
L’amendement no 25 rectifié est adopté.
Cet amendement de précision permettra de prendre en compte ce qui peut se produire dans le cas d’une consultation préalable. En effet, au cours des auditions avec les salariés, l’offreur peut être amené à prendre des engagements. Nous souhaitons que, le cas échéant, il soit fait référence dans le texte aux engagements pris, ce qui n’est pas le cas dans toutes les situations. C’est pourquoi nous souhaitons introduire l’éventualité de cette situation dans le texte en précisant « le cas échéant », lorsque l’offreur a été amené à prendre un engagement dans son dialogue avec les salariés.
L’amendement no 24 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’amendement no 9 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 6, amendé, est adopté.
À l’article 7, je suis saisi d’un amendement no 21 .
La parole est à Mme Brigitte Allain, pour le soutenir.
En première lecture, un amendement de la rapporteure de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a permis aux salariés de détenir jusqu’à 30 % du capital social de l’entreprise pour éviter les prises de contrôle rampantes par des groupes prédateurs. Il semble néanmoins utile de préciser que la répartition doit se faire de manière équitable, dans un rapport maximum de un à cinq afin d’éviter des écarts trop importants entre les salariés.
Avis favorable, dans la mesure où cet amendement va dans le bon sens et complète une démarche que nous avons lancée en première lecture. Je remercie Mme Allain de l’avoir présenté.
Je partage les motivations de votre amendement, madame Allain : Pierre Moscovici avait lui-même souligné, lors des débats en première lecture, les risques que le dispositif que vous aviez introduit présentait, puisqu’il pouvait conduire à des distributions très inégales d’actions gratuites entre les catégories de personnel de la société. Néanmoins, inscrire dans la loi que le rapport des actions distribuées entre chaque salarié ne doit pas être supérieur à un rapport de un à cinq me semble particulièrement lourd. Pour commencer, le législateur peut difficilement arrêter une telle règle sans que l’on sache exactement les répercussions que cela aura sur les politiques de distribution des entreprises. Ensuite, prévoir un rapport fixe, quelles que soient les entreprises, me semble particulièrement rigide. Au total, je crains que votre amendement ne conduise les entreprises à renoncer à exercer la nouvelle faculté dont les députés avaient souhaité les doter : la capacité de distribuer en plus grand nombre des actions gratuites à tous leurs salariés pour encourager le développement de l’actionnariat salarié. Au regard de tous ces éléments, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
L’amendement no 21 est adopté.
La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement no 20 .
Cet amendement s’inscrit dans la suite immédiate du précédent. Lors de l’examen du texte par la commission des affaires sociales du Sénat, celle-ci a décidé de permettre aux salariés d’une société non cotée de détenir jusqu’à 30 % du capital social de l’entreprise. Nous proposons de réintroduire cette disposition, puisque le Sénat n’a pas adopté l’ensemble du texte. Notre amendement précise que la répartition doit se faire de manière équitable, dans un rapport maximum de un à cinq afin d’éviter un écart trop important entre les salariés concernés.
Je suis favorable à cet amendement dans la mesure où il permet d’harmoniser la situation entre les sociétés cotées et les sociétés non cotées.
Comme pour l’amendement précédent, je partage le principe, mais j’ai des doutes sur sa rigidité opérationnelle. Je m’en remets donc à la sagesse de l’Assemblée.
L’amendement no 20 est adopté.
L’article 7, amendé, est adopté.
Les amendements nos 10 rectifié et 11 de Mme la rapporteure sont rédactionnels.
Les amendements nos 10 rectifié et 11 , acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.
L’article 8, amendé, est adopté.
Article 8
L’article 8 bis est adopté.
L’amendement no 12 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Je ne suis saisi d’aucune demande d’explication de vote.
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
La proposition de loi est adoptée.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Un mot, monsieur le président, pour conclure ce vote, sachant que nous nous reverrons pour une lecture définitive. Je le dis devant Bruno Le Roux et François Loncle qui s’en souviennent : nous avions essayé sous le mandat précédent, alors que nous étions dans l’opposition, de défendre un texte qui tentait de répondre à ces exigences. Nous avons travaillé depuis. Il vaut mieux, de fait, être dans la majorité pour faire aboutir les textes.
Sourires.
C’était un engagement important du Président de la République, comme il l’a été rappelé tout à l’heure. Après avoir remercié la rapporteure, je veux remercier le Gouvernement, et en particulier le Premier ministre qui a été constant à nos côtés dans la mise en oeuvre de cette proposition de loi. Je remercie Mme Pinel, que nous avons désormais l’habitude de côtoyer sur ces bancs, d’avoir bien voulu représenter le Gouvernement, dans un dialogue constant et solide qui nous aura conduits à un texte qui nous permettra de démontrer que toutes les fermetures de sites ne sont pas inéluctables et de cultiver les alternatives aux fermetures.
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Vote solennel sur le projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises ;
Proposition de résolution relative aux enfants réunionnais placés en métropole dans les années 1960 et 1970 ;
Proposition de résolution appelant à la reconnaissance des droits légitimes de la France sur le plateau continental de Saint-Pierre-et-Miquelon ;
Proposition de loi visant à renforcer la responsabilité des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre dans le cadre de la sous-traitance.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures quinze.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron