D’autant plus qu’il faut bien faire le constat d’un hiatus dans cette proposition de loi : dès lors que les entreprises qui arguent de la non-rentabilité d’un site pour mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi ou liquider l’activité trouvent un repreneur, les raisons mêmes de l’abandon du site tombent. De fait, la reprise révèle l’absence de caractère réel et sérieux des licenciements ou de la liquidation.
Je ne demande qu’à écouter les réponses que vous ne manquerez pas d’apporter à ces interrogations de bonne foi, car je suis persuadé que le texte produira les effets pervers que je viens de décrire.
À mon avis, il est donc illusoire de penser que les groupes vont résolument rechercher un repreneur quand bien même l’État, impliqué, les élus locaux, arc-boutés et les salariés, dont l’avenir est en jeu, se retrouvent immanquablement dans ce processus, tant il est vrai que sitôt qu’une difficulté surgit sur nos territoires, nous nous précicipitons tous aux manettes pour essayer ensemble de trouver une solution et d’y travailler.
Nous ne le répéterons jamais assez : la seule solution aux licenciements abusifs réside dans la faculté de l’autorité administrative ou du juge d’apprécier le caractère réel et sérieux du motif des licenciements. Sans cette appréciation du caractère réel et sérieux du motif des licenciements, le reste n’est que de la babiole, de la bricole. C’est cela qui est important : or c’est précisément ce qu’il n’est plus possible de faire.
Ajoutons que, malheureusement, tout texte doit être replacé dans son contexte. Or dans quel contexte s’inscrit celui-ci ? Celui, évidemment, de la loi de sécurisation de l’emploi, sur laquelle nous nous sommes beaucoup affrontés ; mais ce texte est aussi à l’image du pacte de responsabilité annoncé récemment par le Président de la République et qui crée bien des illusions : au risque d’apparaître très sévère et de choquer ceux qui l’ont soutenu de bonne foi, force est de reconnaître que son impact sera plus que limité.
Je sais que la rapporteure a fourni un travail titanesque, je connais l’honnêteté de sa démarche ainsi que celle de tous ceux qui ont travaillé sur cette proposition de loi, je ne mets pas en doute la volonté d’apporter des réponses aux difficultés industrielles que nous vivons dans nos territoires, je n’occulte pas les quelques avancées qu’elle contient ; néanmoins, au regard des enjeux qui sont d’une tout autre dimension, les députés du Front de gauche s’abstiendront.