Intervention de Dominique Chauvel

Séance en hémicycle du 17 février 2014 à 16h00
Redonner des perspectives à l'économie réelle et à l'emploi industriel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Chauvel :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, chers collègues, au cours des nombreux débats qui ont déjà eu lieu sur la proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle, et bien souvent au moyen d’exemples tristement concrets d’entreprises qui fermaient dans nos circonscriptions, nous l’avons dit et répété : depuis le début de la crise, de trop nombreux salariés ont assisté, impuissants, au désengagement de chefs d’entreprises focalisés sur leurs intérêts financiers, oubliant l’aspect économique et social de leur activité d’industriels.

Notre devoir de législateur n’est pas de regarder, sans rien faire, ce sinistre spectacle qui, depuis dix ans, a contribué à faire disparaître 750 000 emplois industriels en France. Il est au contraire de renforcer, autant que faire se peut, l’arsenal des lois, non pour brimer ou contraindre les chefs d’entreprise vertueux, mais pour les distinguer des patrons sans scrupules, et pour les conforter en concentrant sur eux le soutien de la puissance publique. La fermeture d’un site industriel n’est pas une décision anodine, une étape inévitable dans la vie d’une entreprise : il s’agit d’une décision lourde de conséquences, tant pour les salariés licenciés que pour le territoire abandonné. Il faut rappeler leurs responsabilités aux dirigeants, les obliger à considérer l’avenir du personnel mis sur la touche et du site abandonné comme une donnée intrinsèque à leur décision de fermeture.

La procédure décrite à l’article 1er de la proposition de loi vise à rappeler ce que tout chef d’entreprise devrait accomplir spontanément : quand on prend une décision de cette importance, on en informe les salariés, qui sont les premiers concernés, mais aussi les représentants de l’État et, bien sûr, les élus locaux ; on s’inquiète de l’avenir de ce que l’on laisse, en cherchant un relais, en facilitant une reprise. Les dispositions de cet article ne traduisent rien d’autre que le bon sens ; mais face à certains décideurs, il était nécessaire de légiférer pour imposer ce bon sens. Il s’agit de formaliser une procédure qui donnera aux acteurs directement touchés – salariés comme élus locaux – les moyens de réagir, pour ne pas seulement subir.

La proposition de loi donne aux personnes publiques compétentes la possibilité de se faire rembourser les aides en matière d’installation, de développement économique ou d’emploi, qu’elles ont attribuées à l’entreprise dans les deux ans précédant la décision de fermeture. Le message est clair : les collectivités ne font pas de chèque en blanc ; elles attendent un juste retour en matière d’investissement sur leur territoire. C’est autant d’argent public qui pourra être reversé à d’autres entreprises locales. Je me félicite d’ailleurs que cette disposition – que j’avais soutenue dès la première lecture – ait fait l’objet de réflexions et de propositions qui ont permis d’affiner sa rédaction pour la rendre opérationnelle.

Depuis quelques années, l’économie s’est acoquinée avec des modèles qui privilégient le court terme et le gain à tout va. Notre volonté est de restaurer la primauté de l’économie réelle sur la finance. Tel est l’objectif de la deuxième partie de la proposition de loi, qui vise à conforter la place des actionnaires de long terme et à donner aux entreprises les moyens de lutter contre les prises de participation hostiles. C’est aussi un enjeu non négligeable de la première partie qui entend – par un certain nombre de mesures précisées au cours des débats – soutenir les investisseurs sérieux, en particulier lorsqu’ils sont potentiellement intéressés par la reprise d’un site abandonné. Citons, par exemple, l’accès aux documents de présentation de l’établissement, et la réalisation d’un bilan environnemental établissant un diagnostic précis des pollutions dues à l’activité et présentant les solutions de dépollution envisageables.

De manière plus générale, soulignons l’affectation à la Banque publique d’investissement des pénalités versées en cas de non-respect des obligations de recherche d’un repreneur. La BPI les utilisera pour financer des projets créateurs d’activité sur le territoire concerné, ou pour promouvoir des filières industrielles. Contrairement à ce dont on l’a accusé, cette proposition de loi est loin d’être un repoussoir à investisseurs : c’est au contraire une brique supplémentaire dans l’édifice que la majorité veut ériger pour soutenir l’appareil productif français. Nous ne jetons pas l’opprobre sur tous les patrons ; nous réitérons notre confiance dans les véritables chefs d’entreprise, qui n’ont pas perdu de vue les responsabilités sociales, environnementales et éthiques que leur confère leur profession.

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