Suivent d’autres plaintes. Certaines d’entre elles sont relayées par des associations de Réunionnais qui se qualifient de « déportés » et demandent réparation. Ces plaintes remontent même jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme, mais toutes échouent. C’est un nouveau coup dur pour ces enfants réunionnais qui n’arrivent pas à faire le deuil d’une histoire familiale complexe vécue entre La Réunion et la métropole.
Les demandes de réparation se multipliant, la ministre de l’emploi et de la solidarité, Élisabeth Guigou, demande alors à l’Inspection générale des affaires sociales de procéder à une enquête « sur la situation d’enfants réunionnais placés en métropole dans les années 1960 ».
Dans les conclusions de son rapport publié en octobre 2002, l’IGAS considère que cette « politique de migration des pupilles » répondait avant tout à une réelle urgence : sortir les jeunes enfants réunionnais de la misère qui, dans les années soixante, touche l’ensemble de l’île et qu’accompagnent l’insalubrité, l’illettrisme et le chômage.
À la même époque, les pouvoirs publics français sont confrontés à une explosion démographique inquiétante dans le département de La Réunion. Ils ont fait l’analyse que l’île ne peut plus supporter un taux démographique aussi fort sans risquer de plonger encore plus profondément dans la misère. Face à cette situation d’extrême pauvreté, l’État se devait d’agir pour améliorer les conditions de vie des Réunionnais.
En plus de mettre en place un programme de développement économique et social adapté, les pouvoirs publics, sous l’impulsion de Michel Debré, se sont tournés vers une politique de migration jugée à l’époque bénéfique à la fois pour l’île et pour la métropole. Elle concerne aussi bien les adultes que les adolescents et les enfants. En fait, la France métropolitaine, qui connaissait alors le plein essor des « Trente Glorieuses », se trouvait face à un besoin urgent de main-d’oeuvre qualifiée. C’est au même moment, et pour les mêmes motifs, que mon propre père a quitté sa Mayenne natale pour s’installer dans le Tarn comme ouvrier agricole dans le cadre de l’Association nationale de migration et d’établissement rural, l’ANMER.
L’éloignement de ces enfants se justifiait également par la faiblesse des établissements d’accueil de La Réunion pour prendre en charge les enfants qui avaient besoin d’aide. Nombreux sont ceux qui préfèrent, aujourd’hui, résumer cette politique de migration à un simple déplacement du « trop-plein » vers le « trop-vide ». L’argument selon lequel la migration des enfants réunionnais aurait servi à compenser l’exode rural que connaissaient certains départements comme la Creuse ou le Tarn, est une explication ex post. Avancé comme une dernière justification à l’intérêt du placement de ces enfants en métropole, un tel argument reste réducteur et ne rend pas bien compte de l’intérêt du travail effectué par le BUMIDOM.
La mobilité a toujours été et restera encouragée non seulement par La Réunion, mais aussi par les autres départements d’outre-mer. Il faut rappeler que La Réunion connaît aujourd’hui un taux de chômage de 30 % en moyenne et de près de 60 % chez les jeunes.