Intervention de Ary Chalus

Séance en hémicycle du 18 février 2014 à 15h00
Enfants réunionnais placés en métropole dans les années 1960 et 1970 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAry Chalus :

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, la faculté pour les parlementaires d’examiner des résolutions, ouverte par la révision constitutionnelle de 2008, est utile, surtout pour éviter de donner forme législative à des sujets qui ne s’y prêtent pas. Cette possibilité, redonnée aux parlementaires cinquante ans après la Quatrième République, dont elle était l’une des calamités, avait pour principal objectif d’éviter que la loi soit bavarde et que son contenu soit dénué de tout caractère normatif – nous avons tous à l’esprit le débat autour des lois dites mémorielles.

Comme le démontrera, après celui-ci, le débat qui portera sur l’excellente proposition de résolution relative au plateau continental, principalement défendue par mon excellente collègue Annick Girardin, cette procédure devrait plus souvent être utilisée. À travers la présente proposition de résolution, il s’agit de rappeler solennellement l’histoire meurtrie de centaines de pupilles d’origine réunionnaise, dont certains sont ici aujourd’hui. Il s’agira, dans un instant, d’aider le gouvernement français à se dépêtrer d’une situation internationale préjudiciable aux intérêts de la France. Je veux remercier notre collègue Ericka Bareigts d’avoir pris cette initiative que nous soutenons et j’associe à mes propos mon collègue Thierry Robert, député de La Réunion.

L’affaire dite des « Réunionnais de la Creuse » est aujourd’hui en voie d’être symboliquement reconnue ; nous nous en félicitons. À la demande d’Élisabeth Guigou, alors ministre de l’emploi et de la solidarité, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales avait été rendu en octobre 2002. Ce rapport jetait un éclairage glaçant sur cette affaire. Toutes proportions gardées, les pratiques du gouvernement ayant créé le Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer étaient dignes de celles de l’Union soviétique, laquelle déplaçait sur le large territoire qui était sous son administration des populations entières, sous couvert d’une politique planificatrice visant à satisfaire les besoins de tous.

Une politique de migration forcée comme solution aux problèmes démographiques et économiques d’un territoire, s’appliquant aux enfants dont le statut de pupille permet à l’administration de les séparer de leurs parents – le rapport de l’IGAS accrédite même la thèse d’un vice de consentement des parents, dans les cas où il était demandé. Ces pratiques ne relèvent pas d’un État de droit libéral tel que le nôtre. Il faut croire qu’à l’époque où ces faits se sont déroulés, la conscience libérale et humaniste n’étouffait pas les gouvernants.

L’odieuse politique poursuivie à cette époque pourrait être comparée à une sorte d’esclavage colonial. En ce cas, les enfants réunionnais devraient être considérés comme des victimes à part entière. Rappelons que la loi du 23 mai 2001, dite loi Taubira, tend à reconnaître l’esclavage comme crime contre l’humanité, seul crime imprescriptible. Telle est la voie qui permettrait aux enfants réunionnais d’obtenir justice.

Aujourd’hui, la représentation nationale a l’occasion de rappeler les valeurs qui fondent notre pacte social, en premier lieu la liberté et la sécurité individuelles. Ces deux droits fondamentaux de la personne humaine, tels qu’ils ont été proclamés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ne peuvent souffrir d’aucun tempérament. Nous devons, hélas ! le rappeler souvent à l’échelle internationale ; nous ne pouvons que ressentir un malaise profond à devoir le rappeler quand il s’agit de la France, ce que nous faisons aujourd’hui.

Nous ne pouvons pas réparer les effets de cette politique de migration forcée des enfants réunionnais vers la métropole, car les faits, à moins qu’ils soient qualifiés d’actes constituant une forme d’esclavage – et tombant, de ce fait, sous le coup de la loi Taubira –, sont malheureusement prescrits. Mais nous pouvons solennellement exprimer notre sentiment et reconnaître officiellement que le gouvernement de l’époque a failli. Les élus du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste voteront cette proposition de résolution.

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