Intervention de Annick Girardin

Séance en hémicycle du 18 février 2014 à 15h00
Droits de la france sur le plateau continental de saint-pierre-et-miquelon — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnick Girardin :

Monsieur le président, monsieur le ministre des outre-mer, monsieur le président de la délégation aux outre-mer, mes chers collègues, aujourd’hui, en ce mardi 18 février, Saint-Pierre-et-Miquelon s’invite à la tribune de l’Assemblée nationale.

En ce temple de la démocratie, nous sommes tous les gardiens de la représentation nationale, des valeurs et de la communauté de destin qui font la France. Envers et contre tout, et parfois même contre certains immobilismes au sein de notre propre administration, nous, Gouvernement et parlementaires, portons la lourde responsabilité d’agir dans le sens de l’intérêt général pour préparer l’avenir de toutes les Françaises et de tous les Français en métropole et dans nos territoires ultramarins disséminés sur tous les océans du globe.

C’est une lourde responsabilité, mais également un grand honneur, que je partage avec mes collègues de la délégation aux outre-mer et du groupe d’études sur les îles d’Amérique du nord et Clipperton, que de soumettre enfin au vote de la représentation nationale ce dossier d’extension du plateau continental français au large de Saint-Pierre-et-Miquelon. C’est une question fondamentale et stratégique pour les intérêts présents et futurs de notre nation.

La France se doit de défendre ses intérêts, en pleine application des dispositions du droit international maritime. Loin de constituer un « irritant », comme j’ai pu l’entendre jadis, dans les relations entre la France et le Canada, c’est au contraire la condition de relations constructives et apaisées entre nos deux pays, des relations qui doivent reposer sur un respect mutuel qui ne saurait exister dès lors que la France n’oserait pas défendre ses droits légitimes.

S’agissant du plateau continental au large de Saint-Pierre-et-Miquelon, le droit de la mer ouvre à la France une zone maritime de taille comparable au Portugal, délimitée par un arc de cercle au sud-est et au sud-ouest de Saint-Pierre, qui, selon les critères de la convention de Montego Bay, s’étend au-delà des zones économiques de la France et du Canada, jusqu’à la pleine extension de 350 milles nautiques.

Cette zone constitue un enjeu stratégique de premier plan, car c’est celle de toutes les richesses du XXIe siècle, qu’il s’agisse de ressources minérales et fossiles, de découvertes scientifiques, notamment en matière d’énergies des mers et de biodiversité, ou encore de contrôle et d’exploitation des flux maritimes et des nouvelles voies navigables pour les échanges mondiaux. Qu’on se le dise, ce jeune siècle sera le siècle de la mer.

Bien sûr, j’entends les critiques. Certes, celles-ci, depuis le début de mon combat en 2007 et tout particulièrement depuis le dépôt par la France en mai 2009 de la lettre d’intention du gouvernement Fillon, se font de plus en plus rares. Mais il y a les timorés, dont certains hauts responsables français, qui ont eu par le passé le réflexe de la facilité, de l’abandon des droits légitimes de la France, prétendument au nom du maintien des bonnes relations franco-canadiennes, et qui se sont épargné au passage le travail nécessaire pour assurer la défense des droits français devant les instances internationales, notamment le tribunal arbitral de New York en 1992, puis dans les années qui ont suivi.

À ceux-là je dis que leur inconscience économique et stratégique se double d’une grave erreur historique. Comment pourrions-nous tolérer, monsieur le ministre, mes chers collègues, que ces vastes fonds marins qui devraient revenir aujourd’hui à la France en application du droit international maritime puissent être évoqués demain avec le même regret que les « quelques arpents de neige » de Voltaire ou la Louisiane délaissée par Napoléon ?

Comment imaginer un seul instant que le Canada puisse chercher à mettre véritablement en échec, du fait de la défense par les deux pays de leurs droits concurrents et légitimes sur la zone en question, les relations économiques franco-canadiennes qu’il cherche à tout prix à promouvoir par ailleurs, notamment dans le cadre de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, qui a un effet anticipé de 12 milliards de dollars canadiens sur son produit intérieur brut ?

Le Président de la République François Hollande est le premier président français à saisir pleinement ces enjeux et à tracer une voie de fermeté et de détermination dans le respect du droit international et de nos amis canadiens. Pour mener jusqu’au bout cette défense des intérêts souverains de la France, le soutien résolu et transpartisan des représentants de la nation que nous sommes est néanmoins nécessaire. C’est tout le sens de la résolution soumise aujourd’hui à notre vote que de concrétiser cette volonté commune de défense des intérêts nationaux, qui constitue en quelque sorte une union sacrée, que je tiens à saluer ici.

Notre archipel, notre bout de France en Amérique du nord constitue, j’en suis convaincue, un atout stratégique majeur pour l’avenir économique et scientifique de la nation, dans le contexte croissant de la maritimisation de l’économie mondiale. Nous, les Françaises et les Français de Saint-Pierre et de Miquelon, sommes également de fiers porteurs de la culture et de l’identité française, que nous oeuvrons chaque jour à faire rayonner au sein de notre contexte régional nord-américain.

Nous sommes nombreux sur ces bancs à le savoir, ce n’est qu’avec un grand courage que des générations de marins, venus de Bretagne, de Normandie, du Pays basque, de Vendée, de Charente ou encore d’Aquitaine, ont pu embarquer et traverser l’Atlantique pour exercer le « grand métier », celui des morutiers, pour ramener des bancs de Terre-Neuve la morue qui a fait en son temps la fortune de grandes maisons d’armateurs métropolitains. Certains sont restés à Saint-Pierre-et-Miquelon pour y travailler et y fonder leur famille.

C’est avec ce même courage que les Saint-Pierrais et Miquelonnais ont répondu à l’appel de la nation en 1914 puis en 1940, ralliant parmi les premiers les forces navales de la France Libre et s’embarquant à nouveau pour traverser dans l’autre sens l’Atlantique pour combattre et souvent donner leur sang pour défendre leur patrie.

Aujourd’hui, dans cet hémicycle, faisons preuve à notre tour de courage, montrons-nous à la hauteur de l’enjeu, en votant de façon unanime cette résolution pour la défense des intérêts légitimes de la France au large de Saint-Pierre-et-Miquelon. Merci de votre attention et de votre soutien.

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