Intervention de Didier Quentin

Séance en hémicycle du 18 février 2014 à 15h00
Droits de la france sur le plateau continental de saint-pierre-et-miquelon — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Quentin :

Conformément à ses intérêts et dans le cadre du droit international public des espaces maritimes, la France s’est engagée dans un projet ambitieux visant à la reconnaissance de l’extension de son plateau continental en saisissant la commission des Nations unies compétente à ce sujet. En effet, grâce à ses outre-mer et à ses 11 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive, la France dispose de la deuxième plus grande superficie maritime mondiale, après celle des États-Unis d’Amérique. Notre pays est ainsi présent dans les trois océans, ce qui est l’un de nos plus précieux atouts stratégiques pour l’avenir.

La délimitation des frontières maritimes est bien l’un des enjeux du XXIe siècle. La communauté internationale ne s’y est pas trompée lorsqu’il s’est agi de construire un nouveau droit de la mer avec la signature de la convention de Montego Bay en 1982. Celle-ci a ouvert la voie à une multitude de revendications territoriales entre États côtiers, tant pour déterminer les frontières entre les zones maritimes – comme la zone économique exclusive, qui peut s’étendre jusqu’à 200 milles nautiques au-delà des côtes – que pour définir les limites du plateau continental que les États peuvent revendiquer.

Dans cet esprit, notre assemblée a alors créé une mission d’information avec pour rapporteurs Louis Guédon, alors député UMP de la Vendée, et Annick Girardin, députée PRG de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui vient d’intervenir. Conformément aux propositions de cette mission, le Premier ministre François Fillon a décidé, en mai 2009, de déposer une lettre d’intention, premier pas vers un dépôt du dossier de revendication du plateau continental de Saint-Pierre-et-Miquelon, en vue d’une extension de 43 135 kilomètres carrés, soit une augmentation de 350 %. Cette démarche de la France a fait l’objet d’une ferme protestation du Canada.

En juillet 2011, une campagne scientifique a été conduite au large de l’archipel par le navire Le Suroît, dans le cadre du programme Extraplac, sous l’autorité de 1’IFREMER, afin de préparer notre dossier de revendication devant la commission des limites du plateau continental, la CLPC. Les résultats scientifiques sont probants : ils démontrent que le plateau continental répond bien géologiquement aux critères juridiques exigés par le droit international pour permettre l’extension d’un plateau au-delà de la limite des 200 milles marins. Mais lors du dépôt de son propre dossier d’extension de son plateau continental devant la CLPC, en décembre 2013, le Canada a estimé, par voie diplomatique et de façon très directe, que « la France n’était éligible à aucune zone maritime ».

C’est pourquoi je souhaite que le Gouvernement précise ses intentions, sachant que par une décision du 10 juin 1992, le tribunal d’arbitrage chargé d’établir la délimitation des espaces maritimes entre la France et le Canada n’a pas statué sur la question de l’extension du plateau continental au large de Saint-Pierre-et-Miquelon, s’étant déclaré incompétent et ayant exclu que sa décision puisse avoir la moindre conséquence sur cette question. J’ajoute que la commission des limites du plateau continental de l’Organisation des Nations unies risque de nous opposer les mêmes arguments puisqu’une revendication a été présentée par le Canada. En effet, les statuts de la CLPC précisent que lorsqu’un différend territorial existe entre deux États et que ceux-ci déposent respectivement un dossier sur ce différend, la commission est conduite à n’en examiner aucun ! Cette politique a été inaugurée par un certain Ponce Pilate il y a une vingtaine de siècles…

Aussi, je vous demande, monsieur le ministre, si c’est ce risque qui a conduit la France à ne pas déposer son dossier final auprès de la commission avant fin 2013, comme s’y était pourtant engagé le Président de la République le 24 juillet dernier, lors d’un entretien avec des parlementaires de Saint-Pierre-et-Miquelon et comme l’avait recommandé le Conseil économique, social et environnemental, dans un rapport rendu en octobre 2013. À moins – veuillez excuser mon impertinence – qu’il ne s’agisse d’une divergence persistante de points de vue entre le ministère de l’outre-mer et celui des affaires étrangères quant à l’opportunité de déposer le dossier complet auprès de la CLPC, divergence qu’avait mise en lumière la réunion du comité de pilotage du programme Extraplac de décembre 2012…

Je vous serais donc très reconnaissant, monsieur le ministre, de nous éclairer sur ces différents points et de nous indiquer les options qui s’offrent à nous pour assurer l’avenir de l’archipel et de ses habitants, à qui nous avons l’occasion aujourd’hui de témoigner toute notre solidarité. Enfin, plus globalement, comment comptez-vous affirmer notre présence en Amérique du Nord ?

Le groupe UMP et le député-maire de Royan que je suis, qui n’oublie pas que ce sont deux Charentais-maritimes qui ont découvert le Québec, Pierre Dugua de Mons et Samuel de Champlain, ce dernier fondant la ville du même nom, apportent sans réserve leur soutien à cette proposition de résolution, tout en gardant – je me souviens que j’ai été diplomate – le souci d’un dialogue constant et confiant avec nos amis canadiens. Votre appel, chère Annick Girardin, a été bien entendu et la représentation nationale affirmera ainsi une position unanime visant à faire respecter les droits légitimes de la France au large de Saint-Pierre-et-Miquelon.

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