Intervention de Marie-Christine Dalloz

Séance en hémicycle du 19 février 2014 à 15h00
Comptes bancaires inactifs et contrats d'assurance-vie en déshérence — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Christine Dalloz :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la problématique des comptes bancaires inactifs et des contrats d’assurance vie en déshérence est un véritable serpent de mer. Il était temps que notre Assemblée s’empare du sujet. La proposition de loi fait suite à un rapport de la Cour des comptes portant sur les avoirs bancaires et les contrats d’assurance-vie en déshérence qui indiquait, au mois de juillet 2013, que « La situation actuelle soulève de réels enjeux de protection des épargnants. »

La présente proposition de loi vise donc à mettre en oeuvre les recommandations qui ont été présentées en commission des finances par la Cour des comptes. Elle a également fait l’objet d’un avis du Conseil d’État sur le fondement de l’article 39 de notre Constitution.

Lors de la présentation des conclusions du rapport de la Cour en commission des finances, au mois de juillet 2013, le Premier président a souligné la persistance de certaines pratiques d’établissements de crédit et de compagnies d’assurance portant atteinte à la protection des épargnants. Malgré le cadre juridique que le législateur a progressivement mis en place ces dernières années, en particulier en 2005 et en 2007 pour les contrats d’assurance-vie, il apparaît que celui-ci demeure insuffisant en ce qui concerne les obligations des banques envers leurs clients. En l’état du droit, aucune obligation n’est imposée aux banques en ce qui concerne les comptes bancaires inactifs hormis le principe général de la déchéance trentenaire.

La Cour des comptes a également pointé du doigt l’insuffisance des contrôles et des sanctions par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. L’actualité nous rattrape puisque l’ACPR a justement indiqué, la semaine dernière, avoir dû rappeler à l’ordre certains assureurs après avoir constaté des pratiques illégales en matière d’imputation des frais de recherche des bénéficiaires de ces contrats. Cet exemple illustre la nécessité de renforcer non seulement le cadre juridique mais aussi les contrôles.

Cette proposition de loi a pour objet d’assurer le respect des droits des épargnants afin de permettre le retour à leurs propriétaires légitimes de fonds qu’ils ont parfois oubliés ou dont ils ne connaissent pas l’existence, et qui demeurent aujourd’hui de manière indue au bilan de banques ou de compagnies d’assurance. Cela passe par l’instauration d’un régime juridique nouveau applicable aux comptes bancaires inactifs et par le renforcement du dispositif existant pour les contrats d’assurance-vie. Je tiens à indiquer que c’est un objectif que nous partageons sur les bancs de l’opposition. Il convient donc d’assurer la protection des droits des épargnants.

Certaines mesures envisagées pour traiter la question des fonds non réclamés vont dans le bon sens. Ce texte a le grand mérite de créer une définition du compte inactif et du compte non réclamé. C’était nécessaire.

La Cour des comptes estime que les encours des avoirs bancaires atteindraient 1,6 milliard d’euros et ceux des contrats d’assurance-vie et de capitalisation non réclamés 2,76 milliards. Je ne peux que déplorer que ces sommes demeurent dans les livres des établissements de crédit et des compagnies d’assurance sans que leurs propriétaires légitimes soient informés de leur existence. C’est d’autant plus préoccupant s’agissant des comptes bancaires puisque des frais de gestion peuvent être prélevés jusqu’à l’épuisement du capital disponible. Les banques n’ont donc formellement aucun intérêt à vérifier si les titulaires des comptes inactifs sont toujours vivants.

Ce texte introduit une obligation pour le teneur de compte, celle de recenser chaque année les comptes inactifs. C’est un premier pas. Cependant, je regrette que le texte n’envisage aucune mesure pour obliger à aller plus avant, notamment à rechercher les ayants droit des comptes inactifs. L’identification des personnes décédées et la recherche des bénéficiaires sont imposées aux assureurs par la loi du 17 décembre 2007 garantissant les droits des assurés. À l’époque, le texte adopté à l’initiative de notre collègue Yves Censi, s’inspirait des recommandations formulées par le médiateur de la République dans son rapport d’activité 2006, et visait à donner les moyens aux assureurs de répondre à l’obligation de rechercher les bénéficiaires de contrats d’assurance-vie non réclamés et en déshérence, en leur permettant de consulter le Répertoire national d’identification des personnes physiques, le RNIPP.

La Cour des comptes constate, dans son rapport, que cette loi n’est aujourd’hui pas intégralement appliquée, notamment concernant les consultations du Répertoire national d’identification des personnes physiques. Rien de tel n’est envisagé pour les établissements bancaires qui gèrent un nombre croissant de comptes inactifs.

L’envoi de courriers aux titulaires de tels comptes, courriers qui reviennent systématiquement à l’envoyeur avec la mention « n’habite plus à l’adresse indiquée », ou le croisement avec le fichier des personnes décédées ne sont pas, à mon sens, des mesures suffisantes pour traiter tous les problèmes. C’est un premier pas, mais il eût fallu aller au-delà. Il y a de la distorsion de traitement entre les compagnies d’assurances, qui ont l’obligation contractuelle de rechercher les ayants droit, et les établissements bancaires.

Pour inciter les assureurs à intensifier la recherche de bénéficiaires, la proposition de loi reprend la recommandation de la Cour des comptes d’imposer le transfert de ces sommes dormantes à la Caisse des dépôts et consignations dix ans après le décès de l’assuré ou le terme du contrat. Elle fait également sienne la suggestion de rendre obligatoire, pour les banques, dans le cadre d’une succession, la consultation du fichier FICOBA, le Fichier national des comptes bancaires et assimilés, où sont recensés plus de 80 millions de personnes physiques qui ont un compte bancaire en France et, comme pour les assureurs, de rendre obligatoire le transfert de ces avoirs à la Caisse des dépôts et consignations.

À cet égard, le transfert en numéraire des contrats d’assurance-vie et des comptes bancaires inactifs à la Caisse des dépôts va dans le bon sens. Il s’agit là de confier à la Caisse une tâche qui s’inscrit au coeur de ses missions historiques d’intérêt général. À ce stade de mon propos, je veux souligner qu’il est très difficile aujourd’hui de connaître précisément le ratio de liquidité de la Caisse car, depuis la création de la BPI, ce ratio est très évolutif. On peut donc penser – mais cela n’engage que moi – que ce transfert en numéraire des contrats d’assurance-vie et des comptes bancaires inactifs au profit de la CDC confortera son ratio de solvabilité. La Caisse disposera donc de ressources supplémentaires pour mettre en oeuvre ses projets de développement économique et assurer ses missions. Dans le même temps, elle sera chargée de la bonne information des épargnants et garantira intégralement le capital en l’état.

Je m’interroge néanmoins sur les mesures transitoires. Les contours des mesures de publicité à mettre en oeuvre avant le transfert des comptes à la Caisse restent en effet à définir. Autrement, il subsisterait un risque de détournement de ces sommes, qui pourrait nourrir un sentiment de spoliation chez leurs bénéficiaires éventuels. Le travail de l’organisme bancaire ou de la compagnie d’assurances doit donc aussi porter sur cette recherche et sur la transparence.

En conclusion, cette proposition de loi poursuit un triple objectif que le groupe UMP approuve : elle améliore la protection des épargnants, à l’origine des recommandations de la Cour des comptes ; elle fournit de nouvelles ressources à la CDC et renforce ainsi sa capacité à mener à bien ses missions d’intérêt général ; enfin, elle défend les intérêts de l’État en renforçant les conditions d’application de la déchéance trentenaire. Cette proposition de loi traite par amendement de la question l’épargne salariale qui était restée en suspens. Il était nécessaire de réparer cet oubli dans le texte d’origine.

C’est pour ces raisons que le groupe UMP votera cette proposition de loi qui s’inscrit pleinement dans le prolongement de la loi de 2007 qu’Yves Censi avait portée. Toutefois, je regrette personnellement que, si l’on constate une avancée, le travail ne soit pas totalement abouti.

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