Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général et « spécial », si je puis dire puisque vous êtes rapporteur de ce texte, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui n’est pas une idée nouvelle. En effet, c’est le fruit d’un travail de réflexion engagé il y a maintenant près de dix ans, à l’initiative des centristes – mais nous ne sommes pas racistes. Notre collègue sénateur de la Marne, Yves Détraigne, avait été à l’origine d’un dispositif, adopté en 2005, lors de l’examen du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’assurance. Il s’agissait alors de consacrer, pour la première fois, l’obligation pour l’assureur de rechercher les bénéficiaires de contrats non réclamés après le décès de l’assuré, à la condition que les coordonnées de ceux-ci soient portées au contrat. Cette disposition avait alors constitué une première avancée.
En 2006, la loi de financement de la Sécurité sociale avait ensuite prévu que les montants des contrats non réclamés seraient reversés au terme d’un délai de trente ans au Fonds de réserve des retraites. Puis, la loi de 2007 permettant la recherche des bénéficiaires des contrats d’assurance sur la vie non réclamés et garantissant les droits des assurés avait continué d’améliorer la législation au bénéfice de nos concitoyens. Avait alors été instaurée l’obligation faite aux assureurs de s’informer de l’éventuel décès des souscripteurs et de rechercher, le cas échéant, les bénéficiaires. D’une démarche volontaire du bénéficiaire potentiel pour obtenir l’information, c’était désormais l’information qui irait vers les personnes concernées.
En 2010, c’est enfin notre collègue sénateur Hervé Maurey qui avait présenté une proposition de loi relative aux contrats d’assurance sur la vie, qui visait à renforcer la transparence sur l’état des stocks et à améliorer les recherches engagées par les sociétés d’assurance pour en retrouver les bénéficiaires. Ses dispositions ont d’ailleurs été partiellement reprises par l’article 75 de la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, contribuant ainsi, bien que de manière limitée, à renforcer de nouveau le cadre législatif existant. Mais il était nécessaire d’aller plus loin.
En effet, force est de constater que la question de la déshérence ne se limite pas au seul devenir des contrats d’assurance sur la vie. Cette problématique touche en effet l’ensemble des produits d’épargne, des comptes bancaires et même, monsieur le rapporteur général, le contenu des coffres-forts. Or il n’existe actuellement aucun cadre législatif définissant ce phénomène et permettant d’évaluer son ampleur. Il n’y a ainsi aucun moyen de s’assurer que les biens détenus sont rendus à leurs bénéficiaires ou à leurs ayants droit.
Cette question ayant été soulevée au cours du débat sur la loi bancaire, le Gouvernement s’était alors déclaré prêt à « examiner les moyens d’améliorer le dispositif existant ». C’est pourquoi une initiative parlementaire que nous devons à notre rapporteur général a abouti à la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. C’est, en effet, en juillet 2013 que la Cour des comptes a rendu public un rapport sur les avoirs bancaires et les contrats d’assurance-vie en déshérence et les coffres-forts. Ce rapport lui avait été demandé par la commission des finances de l’Assemblée nationale, en application de l’article 58 de la LOLF. C’est sur cette base que notre rapporteur général a rédigé sa proposition de loi qui est très proche des propositions de la Cour des comptes.
Compte tenu de l’importance du sujet, nous saluons la démarche consensuelle qui a été adoptée, notamment la consultation de tous les acteurs concernés et l’expertise solide sur laquelle elle s’appuie. C’est tellement rare dans cette Assemblée qui a l’habitude de penser que le monde est, comme dans les westerns, en noir et blanc, qu’il faut le souligner.
La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui va dans le bon sens, car elle a pour objet principal d’assurer le respect des droits des épargnants en établissant un cadre juridique de nature à permettre le retour à leurs propriétaires légitimes de fonds qu’ils ont délaissés, ou dont ils ne connaissaient pas l’existence, et qui demeurent aujourd’hui de manière anormale au bilan d’institutions financières. La Cour des comptes a d’ailleurs constaté que les volumes financiers dont il est question pourraient représenter des montants non négligeables. Ainsi, les comptes dits inactifs, c’est-à-dire les comptes sur lesquels aucune opération n’est constatée sur une période longue, représenteraient un volume d’actifs de l’ordre de 1,6 milliard d’euros, pour un nombre total de 1,8 million de comptes.
Entre nous, cela ne fait pas beaucoup : cela représente en moyenne 1 000 euros par compte.