Intervention de Gérard Cherpion

Séance en hémicycle du 19 février 2014 à 21h30
Développement et encadrement des stages — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Cherpion :

Cette proposition de loi, sous couvert de bonnes intentions, aura ainsi des conséquences néfastes sur les entreprises, sur le nombre de stages qu’elles offrent et donc in fine sur les jeunes.

Tout d’abord, la fixation du quota maximum de stagiaires par effectif de l’entreprise est une erreur. Avec cette mesure, les petites et moyennes entreprises ne pourront prendre que peu de stagiaires. Pourtant c’est essentiel pour certaines d’entre elles, notamment les start-up et entreprises innovantes. Celles-ci seront entravées dans leur développement et ne formeront plus ces jeunes qui pour la plupart trouvent à l’issue de leur stage du travail, dans cette entreprise ou dans une autre, ou qui créent leur propre entreprise. Vous allez ainsi mettre un coup de frein au développement de tout un pan de notre économie.

D’autres entreprises, plus grandes, seront doublement pénalisées. Certaines ne peuvent recruter en apprentissage, car les qualifications nécessaires ne sont pas proposées en alternance. Elles ne peuvent donc atteindre le quota et payent des pénalités. Dans le même temps, elles sont à la recherche d’un grand nombre de stagiaires, qu’elles forment, qu’elles payent bien au-delà du minimum obligatoire et qu’elles recrutent souvent à la fin du stage. Avec cette proposition de loi, elles ne pourront plus accomplir leur volonté de responsabilité sociale. Que pouvez-vous répondre à cette situation qui pénalise tout autant l’entreprise que le jeune en formation ?

Vous proposez par ailleurs de supprimer toute dérogation à la durée maximale de six mois. Les années de césure prévues dans les cursus de formation vont disparaître et éloigner les jeunes de l’entreprise et donc du travail.

Enfin, rappelons-le, un stagiaire, c’est un étudiant qui, dans le cadre de son cursus universitaire, se forme dans une entreprise. Ce n’est pas un salarié. Ses obligations sont différentes, inscrites dans la convention, et il n’a pas les mêmes expériences. L’entreprise investit dans le stagiaire et le stagiaire s’investit dans l’entreprise avec un regard neuf, extérieur, enrichissant pour les deux parties. Malheureusement, cette proposition est en train de transformer le stagiaire en salarié. Le stagiaire, qui jusqu’à maintenant était inscrit dans un registre spécifique aux conventions de stage, sera dorénavant inscrit au registre du personnel. Cette modification est importante tant symboliquement que pratiquement : symboliquement car vous considérez que c’est un salarié, ce qu’il n’est pas, et pratiquement car il pourra être compris dans les seuils sociaux. En effet, la Cour de justice de l’Union européenne vient de statuer qu’exclure les apprentis et autres catégories de travailleurs de même nature du calcul des effectifs est contraire au droit de l’Union européenne. Avec l’inscription au registre et en accordant les mêmes avantages que les salariés, par exemple les congés familiaux, vous prenez le risque d’inclure les stagiaires dans les seuils des entreprises, avec les effets néfastes que nous connaissons tous. Il y a d’ailleurs une contradiction dans le texte puisque vous voulez exonérer d’impôt sur le revenu les gratifications des stagiaires, ce que j’accueille favorablement, mais ce qui les distingue bien sûr des salariés. Donc, quel statut : salarié ou stagiaire ?

Le Conseil économique, social et environnemental estime le nombre de stages à 1,6 million par an, contre 600 000 en 2006. Malgré ce chiffre impressionnant, seuls 32 % des étudiants d’université font un stage chaque année et un grand nombre d’étudiants n’arrivent pas à en trouver. Les besoins en stage sont là. Votre proposition va, pour toutes les raisons exposées, encore réduire cette offre, en limitant l’utilisation faite par les entreprises et en cassant la confiance entre étudiants, entreprises, et établissements de formation.

Vous l’aurez donc compris, parce que nous voulons que notre jeunesse réussisse, nous ne pouvons souscrire à cette proposition de loi, n’en déplaise à Mme la rapporteure de la commission des affaires sociales.

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