La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi de M. Bruno Le Roux, tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires (nos 1701, 1792).
J’informe l’Assemblée que la Conférence des présidents, qui s’est réunie tout à l’heure, a décidé que l’examen de la proposition de loi, s’il n’est pas achevé ce soir, se poursuivra lundi 24 février, après la lecture définitive de la proposition relative à l’économie réelle.
La parole est à Mme Chaynesse Khirouni, rapporteure de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président, madame la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, mesdames les présidentes de la commission des affaires sociales et de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur pour observations, chers collègues, au moment où j’accède à cette tribune, je souhaite vous dire toute la fierté qui est la mienne en vous présentant cette proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et l’amélioration du statut des stagiaires.
Elle est le fruit de longs mois d’auditions et de concertation avec l’ensemble des parties : entreprises, établissements d’enseignement, organisations syndicales ou collectifs d’étudiants. Je souhaite remercier Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, et Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social, qui ont donné un signe fort à nos jeunes en soutenant activement cette proposition de loi et en déclarant l’urgence sur ce texte.
Si cette initiative parlementaire est adoptée, nous allons mettre en oeuvre l’engagement présidentiel visant à l’encadrement des stages pour empêcher les abus. L’emploi des jeunes est pour notre majorité un enjeu prioritaire. En effet, depuis le début de la crise économique, le chômage des jeunes a augmenté de 50 % dans l’Union européenne. Bien que la dégradation ne soit pas aussi spectaculaire dans notre pays, il n’est pas épargné.
Dans son rapport de septembre 2012, le Conseil économique, social et environnemental a estimé le nombre de stages en milieu professionnel à environ 1,6 million par an, contre 600 000 en 2006. Par ailleurs, force est de constater que, contrairement à certaines idées reçues, la France se distingue en Europe par l’importance qu’elle accorde à l’ancrage professionnel de ses cursus d’enseignement, notamment universitaires. Les stages et périodes de formation en milieu professionnel demeurent, la plupart du temps, de belles occasions pour les jeunes d’acquérir des compétences, de mettre en pratique leur formation, de tester leur projet professionnel et d’affiner leurs choix d’orientation. Ils permettent également aux entreprises de bénéficier de compétences nouvelles et de se constituer un vivier de recrutement potentiel.
Il convient de souligner également que de nombreux jeunes éprouvent des difficultés à trouver des stages, en l’absence d’un réseau personnel et familial, du fait de la méconnaissance du monde du travail ou en raison de discriminations similaires à celles qui ont été identifiées pour l’accès à l’emploi. Nous le savons, la situation actuelle du marché du travail conduit certains jeunes ayant terminé leur formation à accepter des stages faute de trouver un premier emploi. Aujourd’hui, une grande partie des diplômés doit enchaîner des périodes de stage pendant des années, avant de décrocher un CDD, et enfin un CDI. Ainsi, trop souvent, les périodes de stage deviennent un véritable sas d’entrée dans la vie active et conduisent à la précarisation des jeunes. Cette réalité est largement partagée au sein de l’Union européenne, comme pourra le rappeler Philip Cordery, rapporteur pour observations.
Dans certains cas, les stages peuvent être détournés de leur vocation première et se substituer à des emplois qui devraient être occupés par de jeunes diplômés. Oui, il faut le dire, certaines entreprises ont parfois recours aux stages de manière abusive, en recrutant des stagiaires à la place de salariés ou en leur imposant des conditions d’activité défavorables.
Qu’en est-il exactement de ces « abus » ? C’est simple. Par exemple, il ne faut pas chercher bien loin pour voir des annonces de ce type : « Vous êtes doté d’une bonne capacité de travail et animé par la volonté de dépasser les objectifs du chef de service… » Voilà les qualités requises pour postuler non pas à un CDI de cadre, mais à un stage de plus de six mois ! Ou encore : « Groupe publicitaire de dimension internationale recherche un(e) stagiaire assistant(e) chef de projet digital pendant une durée de six mois à un an pour le suivi et l’avancement de projets de grandes marques au sein du pôle spécialisé en marketing interactif. Profil exigé : formation en école de commerce, école multimédia ou école de communication, bon niveau d’anglais, esprit d’équipe et force de propositions. Rien que cela !
Devons-nous nous contenter de faire le constat de ces abus sans réagir ? Ma réponse est non. J’estime qu’en apportant des éléments de régulation au recours aux stages, nous confortons les entreprises vertueuses, celles qui voient dans le stage un investissement d’avenir, face à la concurrence déloyale de celles qui ont des pratiques douteuses. De même, il existe des écoles dont l’unique objectif est de fournir des conventions de stages contre paiement, sans aucun cours, sans aucune formation.
Notre proposition de loi vise donc à rappeler que le stage n’est pas une fin en soi, mais doit rester un outil au service d’un cursus de formation. Depuis dix ans, les mobilisations des collectifs étudiants ou des organisations syndicales ont amené le législateur à préciser le droit encadrant le recours aux stages. Toutefois, des failles demeurent. Certaines mesures réglementaires prévues par la loi n’ont jamais été prises par l’ancienne majorité, comme par exemple la création d’un registre spécifique pour les stagiaires dans les entreprises. Celui-ci me paraît d’ailleurs être une source de difficultés et une contrainte pour les entreprises. C’est pourquoi nous avons choisi la solution plus simple, moins complexe et plus lisible de l’inscription au registre unique du personnel.
Plus récemment, la loi relative à la recherche et à l’enseignement supérieur du 22 juillet 2013 a modifié le cadre législatif en vigueur. Elle a étendu le champ d’application des mesures au-delà des seules entreprises et rappelé que le stage est une période pédagogique qui s’intègre nécessairement à un cursus.
Notre proposition de loi est à la fois un texte de synthèse et un texte d’équilibre. Dans un souci de clarification du droit applicable, tant à l’attention des stagiaires que des entreprises, elle tend à recodifier les dispositions du code de l’éducation relatives aux stages et aux formations en milieu professionnel. Dans un souci de simplification, un chapitre spécifique leur sera dédié. Il rassemblera des dispositions existantes.
L’article 1er fixe les missions de l’établissement d’enseignement. Celui-ci doit appuyer et accompagner l’élève ou l’étudiant dans sa recherche de stage ; définir le parcours pédagogique dans lequel s’insère le stage, en précisant les compétences à acquérir ou à développer ; et enfin désigner un enseignant-référent chargé du suivi du stage, ce qui constitue un gage de qualité.
L’article 1er crée également des outils de lutte contre le recours abusif aux stages. En particulier, il prévoit de limiter leur durée à six mois et de mettre fin, à l’issue d’une période de transition de deux ans, aux régimes dérogatoires actuellement en vigueur. Cela permettra de bien distinguer les formations relevant du stage de celles qui s’apparentent à l’alternance. Le texte rappelle que, par définition, aucun stage ne saurait se substituer à un emploi, qu’il soit permanent ou temporaire. Comme je l’indiquais, ces mesures n’impacteront pas la très grande majorité des entreprises, qui sont vertueuses.
Oui, mes chers collègues, nous avons également prévu un dispositif de contrôle, voire, dans certains cas, de sanction. J’entends déjà certains dire que nous allons tarir l’offre de stages. Je voudrais simplement leur rappeler que les avancées précédentes n’ont jamais restreint l’offre de stages, dont le nombre a plus que doublé en dix ans, et également que ces mesures n’ont pas permis d’endiguer les abus. Devons-nous offrir à notre jeunesse pour seule perspective celle d’obtenir un sous-emploi, sous-payé ? Non, je ne le crois pas.
C’est pourquoi, pour lutter contre ces abus, nous posons le principe de la limitation, par voie réglementaire, du nombre de stagiaires rapporté à l’effectif global de l’organisme d’accueil. Je souhaite que le décret tienne compte de la diversité des situations et notamment de celle des TPE et PME, surtout innovantes. La limitation du nombre de stagiaires répond à un impératif de qualité. Au sein de l’organisme d’accueil, un même tuteur ne pourra encadrer qu’un nombre limité de stagiaires.
La proposition de loi trace les contours d’un véritable statut du stagiaire, qui lui confère notamment des droits nouveaux. Elle vise à lui appliquer les dispositions du code du travail relatives aux autorisations d’absence en cas de grossesse, de paternité ou d’adoption, ainsi que les protections relatives aux durées maximales de présence et aux périodes de repos. Enfin, nous prévoyons d’exonérer d’impôt sur le revenu les gratifications versées aux stagiaires. Cette mesure leur bénéficiera directement, à eux et à leurs parents lorsqu’ils sont rattachés à leur foyer fiscal.
Pour conclure, cette proposition de loi a le mérite d’apporter une clarification législative et de contenir de nouvelles dispositions qui constituent de réelles avancées pour les stagiaires, tout en préservant un équilibre. Nous veillons, d’une part, à éviter toute confusion entre le statut de stagiaire et celui de salarié et, d’autre part, à ne pas tarir l’offre de stages.
Ce texte sécurise les jeunes et replace le stage dans un véritable parcours de formation et d’insertion professionnelle. Surtout, et c’est le plus important pour moi, avec ce texte, nous confirmons la mobilisation de tous pour les jeunes, en leur signifiant notre confiance en leurs compétences, en leurs capacités d’innovation, en leurs qualités, et ce, quels que soient leur formation, leur parcours ou leurs origines.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
Il faut se féliciter qu’une prise de conscience collective ait entraîné, depuis 2006, un encadrement législatif et réglementaire progressif des stages, le plus souvent suite à l’interpellation des jeunes eux-mêmes. Après l’adoption d’une charte des stages non contraignante en 2006, l’évolution vers une réelle réglementation a été engagée : obligation de conventionnement dès 2006, obligation de gratification des stages de plus de trois mois dans le secteur privé en 2008, étendue aux stages de plus de deux mois et aux stages de la fonction publique d’État en 2009, interdiction des stages hors cursus en 2010, avec cependant beaucoup d’exceptions qui rendent son application très aléatoire, accès aux avantages du comité d’entreprise et prise en compte de l’ancienneté dans l’entreprise en cas d’embauche suite à la négociation des partenaires sociaux en 2011, et enfin extension des gratifications dans la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieure et à la recherche, qui inscrit définitivement le stage dans un cursus de formation.
Malgré ses insuffisances, l’état de la réglementation française fait figure d’exemple au niveau européen, et ses principes sont aujourd’hui au coeur des échanges dans le cadre de l’élaboration d’une recommandation du Conseil de l’Union européenne pour l’encadrement des stages des jeunes. Pour autant, si toutes les dispositions prises au fil de l’eau allaient dans le bon sens, leur caractère parcellaire, leur élaboration au coup par coup et dans certains cas l’absence de décrets d’application nécessitaient de clarifier, compléter et simplifier le cadre législatif. Certaines exceptions empêchent aussi de lutter efficacement contre les abus, et les dispositifs de contrôle nécessaires n’avaient pas été prévus. Il reste enfin de nombreux vides juridiques dans les protections dont doivent bénéficier les stagiaires.
Si le texte dont nous allons débattre est utile, c’est aussi parce qu’il procède à la simplification du dispositif, répondant enfin à une demande forte des établissements et des entreprises d’accueil. La situation actuelle est en effet complexe. Il y a eu trois vagues législatives successives, en 2006, 2009 et 2011, accompagnées d’une demi-douzaine de textes réglementaires. Il manque de nombreuses dispositions d’application. La codification s’est faite pour partie dans le code de l’éducation et pour partie dans le code du travail. Cette instabilité juridique a posé des difficultés d’appropriation aux acteurs de terrain. La proposition de loi procède donc à un regroupement des dispositions relatives aux stages et à une recodification dans une partie spécifique du code de l’éducation, commune aux enseignements secondaire et supérieur. L’intention initiale du législateur était en effet d’accompagner dans les mêmes conditions les élèves, en particulier les lycéens de l’enseignement professionnel, les plus concernés, et les étudiants.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est donc tout à fait pertinente, et le contexte est favorable pour avancer. Contrairement à ce que certains craignaient, la réglementation des stages mise en place depuis 2006 n’a pas diminué l’offre globale de stages. Bien au contraire, leur nombre a plus que doublé depuis cette date, avec 1,2 million de stages proposés aujourd’hui.
Le texte équilibré qui vous est proposé vise un double objectif : le développement de stages de qualité dans les cursus, et leur encadrement pour limiter les abus et améliorer les droits des stagiaires. Je le redis clairement : faire un stage est une bonne chose dans un parcours de formation. Les stages facilitent l’accès au premier emploi : un tiers des jeunes diplômés déclarent avoir reçu une proposition d’embauche suite à un stage, et la moitié de ceux qui ont accepté ont signé un CDI. Les stages constituent une première expérience professionnelle appréciée par les employeurs et peuvent aider les étudiants de premier cycle à affiner leurs choix d’orientation. En outre, ils s’inscrivent dans la volonté d’ouverture des universités au monde du travail et aux partenariats avec les entreprises, ce qui favorise l’insertion professionnelle et l’adaptation des formations aux besoins socio-économiques.
Cependant, malgré les progrès indéniables que je viens de mentionner, les stages demeurent encore répartis de façon déséquilibrée selon les niveaux d’études et les filières. En moyenne, 32 % des étudiants à l’université ont suivi un stage, mais seulement 3 % en première année de licence, contre 61 % en deuxième année de master. Or un stage en premier cycle est très utile pour confronter son projet à la réalité, grâce à l’immersion dans le monde professionnel réel. Par ailleurs, le déséquilibre porte aussi sur la nature des filières de formation. Si 90 % des étudiants en licence professionnelle ou en DUT ont accompli un stage, ils sont encore trop peu nombreux dans les formations générales. Il faut donc agir de façon plus volontariste pour les développer dans toutes les formations. C’est pourquoi la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche a fait de la place des stages et de la professionnalisation des cursus un critère pour l’accréditation des établissements et l’évaluation des formations dispensées.
Pour développer les stages, la présente proposition de loi vient préciser utilement les missions de l’établissement d’enseignement chargé d’accompagner l’étudiant dans sa recherche de stage. En effet, comme cela vient d’être dit, nombre de jeunes rencontrent encore de grandes difficultés en l’absence de réseau personnel ou familial.
Le service public doit être le réseau de ceux qui n’en ont pas.
Les bureaux d’aide à l’insertion professionnelle des universités seront davantage mobilisés à cet effet. Le rapprochement des universités et des acteurs socio-économiques dans les écosystèmes prévu par la loi relative à l’enseignement supérieur et la recherche facilitera aussi l’accès aux stages. Enfin, la dotation en postes que nous avons obtenue a permis de les orienter vers l’insertion professionnelle des étudiants.
Le Gouvernement souhaite donc articuler la généralisation des stages dans les cursus et l’amélioration de leur encadrement. Notre philosophie est simple : nous voulons encourager le bon stage, celui qui va renforcer la réussite des parcours et l’insertion professionnelle. Le stage n’est ni une période d’essai, ni un emploi déguisé. Ce n’est pas non plus un contrat d’alternance. C’est un outil au service de la formation, une période d’expérimentation pratique et temporaire en milieu professionnel, au cours de laquelle l’étudiant acquiert des compétences et met en oeuvre les connaissances acquises au cours de sa formation.
La présente proposition de loi va à l’essentiel et ramène le stage à ce qu’il doit être et n’aurait jamais dû cesser d’être : un volet de la formation. De cette affirmation, qui fait d’ailleurs l’unanimité auprès des partenaires sociaux comme sur tous les bancs de cet hémicycle, il faut tirer toutes les conséquences.
Si le stage est un volet de la formation, alors il ne peut pas être réalisé en dehors d’un cursus ou après l’obtention du diplôme. Il doit obligatoirement s’accompagner d’un volume de formation minimal, qui sera fixé par décret, après concertation.
Si le stage est un volet de la formation, alors il doit être pensé en amont et évalué en aval, en fonction d’objectifs pédagogiques clairement définis.
Si le stage est un volet de la formation, alors rien ne justifie qu’il dure plus de six mois car, au-delà de cette durée, sa pertinence pédagogique n’est pas démontrée. Dans certaines formations, les stages longs freinent le développement de l’alternance, dont la pédagogie est adaptée au temps plus long et le statut plus protecteur. Je souhaite d’ailleurs le doublement de l’alternance dans l’enseignement supérieur à l’horizon 2020.
Si le stage est un volet de la formation, alors il doit bénéficier d’un double suivi, par un enseignant et par un tuteur au sein de l’organisme d’accueil, afin d’accompagner l’acquisition de véritables compétences. C’est une nouveauté proposée par ce texte.
Si le stage est un volet de la formation, alors le stagiaire doit être mieux protégé, sans pour autant être assimilé à un salarié.
La gratification n’est pas un salaire, la convention de stage n’est pas un contrat de travail.
C’est là toute la cohérence du texte qui vous est proposé. Nous ne voulons plus des abus, des stages photocopies-cafés et des stages non gratifiés malgré la loi. Nous refusons le recours excessif aux stages dans certains secteurs que nous connaissons tous, où ils sont considérés comme une variable d’ajustement en cas de surcroît d’activité, ou encore comme un substitut à l’embauche. Un taux plafond de stagiaires en fonction des effectifs salariés sera fixé par décret et adapté à la taille de l’entreprise, en portant une attention particulière aux TPE et aux PME, surtout innovantes.
La situation que j’ai décrite est insupportable pour les jeunes eux-mêmes, confrontés à la situation dégradée du marché du travail et prêts à accepter des stages faute de mieux. Elle nuit également aux entreprises et aux établissements, qui ont pourtant tout intérêt à ce que la première expérience des jeunes dans le monde du travail se déroule dans de bonnes conditions. L’intérêt des entreprises, c’est aussi de bénéficier de l’apport de jeunes qui ont eu l’opportunité d’acquérir les compétences utiles à leur compétitivité. L’intérêt général, c’est de créer un environnement favorable à l’emploi des jeunes. Pour permettre le bon déroulement des stages, tous les acteurs doivent être responsabilisés : c’est le pacte de responsabilité adapté aux stages.
La proposition de loi améliore le statut, les conditions d’accueil et les droits des stagiaires, nous le verrons lors de l’examen des articles. Il s’agit donc d’une loi de progrès pour les stagiaires, d’une loi qui renforce la qualité des formations, d’une loi qui simplifie et qui sera donc utile aux employeurs.
Mesdames et messieurs les députés, aujourd’hui, la jeunesse nous regarde. Elle attend du législateur qu’il prenne en compte ses difficultés, mais aussi qu’il réponde à ses aspirations : se former dans de bonnes conditions, obtenir une qualification, sésame pour le premier emploi, et s’insérer durablement dans la vie active pour se projeter dans l’avenir. Avec ce texte de progrès, le message du législateur et du Gouvernement à la jeunesse est clair : nous vous avons entendus et nous vous donnons la place qui est la vôtre, car vous êtes notre avenir.
C’est aussi un message de confiance et de responsabilité entre les acteurs, les entreprises, les établissements de formation et les jeunes, au service d’une priorité que je vous invite à partager : l’accès à l’emploi des jeunes, la première des solidarités.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à M. Philip Cordery, rapporteur de la commission des affaires européennes.
Je suis heureux de vous présenter aujourd’hui le rapport d’information portant observations dont la commission des affaires européennes a bien voulu me charger. La proposition de loi du groupe SRC tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires constitue une avancée sociale majeure pour les jeunes. Je veux saluer l’excellent travail de la rapporteure Chaynesse Khirouni, avec laquelle j’ai étroitement collaboré, ainsi que la capacité d’écoute des ministres Geneviève Fioraso et Michel Sapin, qui ont largement contribué à l’élaboration de ce texte.
Cette proposition de loi clarifie les missions des établissements scolaires et universitaires et des organismes d’accueil. Désormais, les stages effectués répondront mieux à l’objectif de formation des étudiants ; les stagiaires verront aussi leur statut mieux protégé.
La commission des affaires européennes a voulu donner une perspective européenne à cette proposition de loi. Le rapport dont j’ai été chargé formule des observations concernant la dimension européenne des stages et la mobilité des stagiaires.
Comme cela a été rappelé, en Europe, la législation française est l’une des législations nationales les plus avancées. Au niveau européen, le sujet n’avait jusqu’à présent pas reçu beaucoup d’écho. Or les stages constituent une réalité européenne, et leur encadrement s’avère nécessaire. Un sondage Eurobaromètre du 26 novembre 2013 confirme la piètre qualité des stages en Europe. D’après cette enquête, 40 % des stagiaires n’avaient pas signé de convention de stage, 59 % n’avaient reçu aucune compensation financière et 20 % considéraient qu’ils n’avaient rien appris d’utile sur le plan professionnel.
Face à cette situation, la Commission européenne a décidé d’agir en proposant, le 4 décembre dernier, un projet de recommandation du Conseil de l’Union européenne relatif à un cadre de qualité pour les stages. Ce texte permettrait notamment d’accroître la transparence des conditions dans lesquelles sont réalisés les stages, par exemple en exigeant qu’ils soient régis par une convention écrite définissant le contenu d’apprentissage et les conditions de travail.
Ce projet de recommandation est néanmoins en-deçà des propositions formulées par le Parlement européen en 2010 et des attentes de nombreux acteurs. Tout d’abord, le texte de la Commission ne constitue qu’une recommandation aux États membres, et ne serait donc pas contraignant. En outre, le périmètre de cette recommandation reste problématique puisqu’elle ne concerne que les stages hors cursus, la Commission se refusant à encadrer les stages intégrés dans les cursus de formation. Enfin, la question de la rémunération est complètement écartée. Cependant, ce texte a le mérite de mettre la problématique des stages à l’ordre du jour de l’Europe et je fais confiance au gouvernement français pour porter au niveau européen les exigences que nous définissons aujourd’hui.
La dimension européenne du sujet découle aussi de la mobilité internationale des étudiants. De plus en plus de jeunes effectuent des périodes de stage à l’étranger, en particulier au sein de l’Union européenne.
Effectuer un stage à l’étranger représente une opportunité pour les étudiants, qui peuvent ainsi acquérir une expérience internationale, apprendre de nouvelles méthodes de travail, développer des qualités interculturelles et améliorer leurs connaissances linguistiques. Une telle ouverture au monde représente un atout incontestable, voire indispensable, dans la recherche d’emploi.
Cependant, la perte d’avantages sociaux lors du départ à l’étranger, comme l’aide au logement, combinée le plus souvent à l’absence de rémunération, constitue une barrière économique pour les étudiants qui en outre méconnaissent souvent leurs droits dans le pays d’accueil et deviennent ainsi plus vulnérables. C’est pourquoi la commission des affaires européennes de notre assemblée se félicite de cette proposition de loi et estime nécessaire de la compléter, en l’absence de cadre européen, afin de favoriser la mobilité des jeunes stagiaires français en démocratisant l’accès des stages à l’étranger.
Premièrement, nous proposons de mieux encadrer les stages à l’étranger. Si nous ne pouvons bien entendu pas agir juridiquement sur les organismes d’accueil, qui sont des entités de droit étranger, nous pouvons généraliser les échanges préalables entre l’établissement d’enseignement français et l’organisme d’accueil étranger sur la base des dispositions de la loi française afin d’inciter au respect de nos normes d’encadrement, y compris sur la gratification minimale.
Nous proposons également de mieux informer les stagiaires sur la réglementation en vigueur dans les pays d’accueil. Le manque de mobilité est souvent dû à un manque d’information. Une fiche d’information sur les droits des stagiaires pourrait être utilement annexée à la convention de stage.
Enfin, nous souhaitons encourager le développement des programmes d’accompagnement de la mobilité financés par des fonds de solidarité internes aux universités, par des aides régionales et par le nouveau programme Erasmus +.
La mobilité européenne des étudiants doit être à la fois favorisée et mieux encadrée afin de contribuer à la construction de l’Europe sociale. Cette proposition de loi va dans ce sens. La France continuera ainsi à jouer un rôle moteur en Europe pour garantir des droits à la jeunesse.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Le texte que nous examinons aujourd’hui va permettre d’améliorer la situation que vivent de nombreux jeunes dans notre pays. Moment particulier et important pour eux ainsi que pour l’entreprise ou l’organisme qui les accueille, le stage représente le sésame pour l’entrée dans la vie active. Pour l’entreprise, il s’agit d’un moment privilégié de transmission des savoirs et apprentissages nécessaire pour la formation des futurs salariés de son secteur d’activité.
Je me félicite de voir à quel point nous tenons bien le cap, nous la majorité, ce cap essentiel que le Président de la République a rappelé lors de ses voeux au début de l’année, engagement fort de la campagne présidentielle et pour lequel nous avons été élus, à savoir la politique en faveur de la jeunesse. Vingt mois plus tard, force est de constater que cette volonté se traduit dans les faits et les actions. Je ne vais pas me lancer dans un inventaire à la Prévert, même si parfois cela permet de faire un peu de pédagogie sur la politique que nous menons…
Le texte qui nous est soumis s’inscrit au carrefour de deux autres priorités, l’éducation et l’emploi, ces marqueurs qui font toute la différence entre une politique de droite et une politique de gauche.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Il suffit de voir d’ailleurs les réactions venues des bancs de l’opposition.
Que n’a-t-on entendu comme propos caricaturaux en commission la semaine dernière !
Il faut parfois une bonne dose de patience pour rester calmes, chers collègues de l’opposition. Ainsi, M. Cherpion, d’habitude plutôt mesuré, affirmait que ce texte aggraverait les difficultés qu’ont les jeunes à trouver des stages. Pourtant les différents cadres juridiques n’ont pas empêché le nombre de stages d’augmenter tous les ans, y compris après sa propre loi du 28 juillet 2011 !
Je rappelle qu’en 2012, le nombre de stages en milieu professionnel était évalué à 1,6 million par an, contre 600 000 en 2006.
M. Barbier, lui, nous a reproché de créer des droits nouveaux sans jamais évoquer les devoirs. Là encore, on se heurte aux poncifs de l’opposition sur la gauche prétendument trop protectrice et qui voudrait brimer les entreprises !
Sortons des caricatures, mes chers collègues, car tout le monde gagnera à mieux encadrer les stages. En les consolidant, on sécurise aussi les entreprises qui y ont recours ! Le nombre de stages qui devraient être en réalité des emplois pérennes est évalué à 100 000. Il faut empêcher cela, car notre préoccupation première, c’est l’emploi des jeunes : le taux de chômage des moins de vingt-cinq ans, même s’il est en baisse, est encore trop élevé.
Je veux rappeler le travail important mené par la rapporteure, fondé sur sa propre expérience de terrain. Chaynesse Khirouni a auditionné des représentants des étudiants, des jeunes, des établissements d’enseignement et, bien sûr, des représentants des employeurs et des syndicats de salariés. Les dispositions de cette proposition de loi sont directement inspirées de cet important travail de consultation et reposent sur les consensus qui se sont dégagés. Encore une fois, nous avons trouvé là un équilibre qu’il faut saluer plutôt que de chercher de vaines critiques. Certains estimeront que c’est trop, d’autres que ce n’est pas assez. Pour ma part, j’affirme que c’est un texte équilibré et je vous en félicite, madame la rapporteure.
En commission encore, M.Tian, dont on connaît le sens de la mesure, a jugé ce texte inutile et dangereux.
Ce texte semble vous déranger, mes chers collègues de l’opposition. Mais les jeunes ne doivent pas être la « chair à canon » des profits ni des variables d’ajustement pour des entreprises qui en abusent.
C’est bien au législateur de jouer son rôle pour régler ce problème. La nécessité d’accomplir un stage pour valider un cursus scolaire ou universitaire s’est beaucoup développée ces dernières années.
Cela permet aux jeunes, dans le cadre d’un projet pédagogique, de faciliter leur insertion professionnelle. Les travaux de la commission des affaires sociales ont permis de préciser les dispositions relatives aux droits des stagiaires en renforçant le contenu de la convention de stage.
Sourires.
Sourires.
Nous avons donc devant nous un ensemble cohérent qui vise, tout en renforçant les droits des stagiaires, à mettre un terme aux dérives constatées, à clarifier et à unifier le droit applicable et à en renforcer l’effectivité. Mais ce texte ne traite pas de la question des stages dans le secteur médico-social. Nous avons abordé ce sujet en commission et je vous rappelle, madame la ministre, que nous comptons sur vous pour nous éclairer sur vos intentions en la matière.
Nous sommes en effet régulièrement interpellés sur cette question. Il s’agit là de l’avenir de tous nos jeunes qui font le choix de ces métiers indispensables appelés à se développer comme les auxiliaires médicaux, les aides-soignants ou les travailleurs sociaux. Nous devons leur répondre.
Pour conclure, je rappellerai les paroles non de Dominique Tian…
Sourires.
…mais de Pierre Mendès France dans son discours, en 1954, pour une politique de la jeunesse : « Chaque problème de la nation atteint plus directement, plus profondément les jeunes, c’est pourquoi chaque problème doit être pris, étudié et résolu en pensant à la jeunesse. C’est la seule manière, pour nous, de construire chaque jour en fonction de l’avenir. »
Mieux encadrer les stages, c’est agir pour l’emploi des jeunes. Cela suffit à justifier la nécessité de voter ce texte et de l’appliquer au plus vite. S’y opposer serait incompréhensible pour notre jeunesse.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes.
À mon tour de me réjouir particulièrement que la commission des affaires européennes se soit saisie pour observations de la proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires. Cette procédure de saisine pour observations, que nous avons également utilisée sur la proposition de loi relative au détachement des travailleurs discutée hier soir dans cette enceinte, permet d’apporter un éclairage européen sur des textes qui sont parfois traités de manière trop franco-française.
Je m’en réjouis aussi du fait de l’objet même de ce texte. En effet, l’avenir des jeunes, que ce soit en Europe ou en France, doit être une priorité absolue des gouvernements : les jeunes sont en effet les premières victimes de la crise en Europe et sont fortement touchés par l’augmentation de la pauvreté. Rappelons qu’une aide européenne spécifique de 6 milliards d’euros est affectée aux zones où le chômage des jeunes s’élève à plus de 25 %. Leur donner un espoir avec un stage est, quoi qu’il arrive, une première étape. Un peu partout, les taux de chômage des moins de vingt-cinq ans s’envolent et les perspectives d’avenir s’étiolent pour ces jeunes qui peinent à trouver un emploi stable. On ne peut pas construire un avenir, une vie sur une succession de stages.
Dans ce contexte économique, les stages se sont fortement développés, mais pas toujours dans l’optique de formation de chacun. Les tensions sur le marché de l’emploi ont favorisé un effet d’aubaine pour les employeurs, qui recrutent des stagiaires sur des postes normalement dédiés à de vrais emplois. Ainsi, les jeunes se trouvent mis en concurrence déloyale avec eux-mêmes sur le marché de l’emploi, participant à la création d’une génération précaire, pour reprendre le nom du collectif qui les représente et les défend. Dès lors, l’enjeu actuel est de sauvegarder et d’assainir la pratique du stage, complément de formation utile s’il n’est pas dévoyé.
Selon l’enquête Eurobaromètre menée en mai 2013, près d’un jeune Européen sur deux a déjà effectué un ou plusieurs stages. Philip Cordery en a parlé avec précision tout à l’heure. Je rappellerai pour ma part que 18 % des stages ont été jugés insatisfaisants sur le plan du contenu de l’apprentissage et un quart eu égard aux conditions de travail. C’est à cette marge qu’il faut s’attaquer.
Chers collègues, je vous invite à lire l’enquête Eurobaromètre, cela améliorera vos connaissances.
Il faut en outre relever la faiblesse des stages transnationaux, qui ne représentent que 9 % de l’ensemble des stages, ce qui s’explique notamment par un manque d’information. Il peut être possible de progresser dans ce domaine.
Au-delà de ces éléments chiffrés, qu’en est-il de la réglementation européenne ? Le 4 décembre dernier, la Commission européenne a présenté une proposition pour un cadre de qualité pour les stages. Cette proposition est née après un débat initié par la société civile, comme le Forum européen pour la jeunesse. Elle reste néanmoins en retrait par rapport à ce que l’on aurait pu attendre, notamment sur la question de la rémunération, qui n’est pas même évoquée dans la proposition. Mais si c’est facile quand on est enfant de riches, comment fait-on quand on est enfant de pauvres ? Ce retrait s’explique par la grande réticence des représentants du patronat au niveau européen : il est tellement plus facile d’utiliser des gens qui ne vous coûtent rien ! La proposition de la Commission n’est donc qu’une première ébauche, certes un premier pas, mais bien en deçà de notre législation nationale, soulignons-le une nouvelle fois.
Il n’empêche, la nécessité d’une réglementation en Europe est évidente, tout comme celle du renforcement de notre réglementation nationale. C’est la raison pour laquelle nous pouvons saluer le triple objectif de la présente proposition de loi : favoriser le développement des stages de qualité, éviter que les stages ne se substituent à des emplois, protéger les droits des stagiaires tout en améliorant leur statut.
Je soulignerai, c’est le sens des conclusions que nous avons adoptées en commission des affaires européennes la semaine dernière, que ce texte doit mieux prendre en compte la réalité actuelle de la demande de mobilité de la part de nos jeunes et favoriser la possibilité d’effectuer un stage à l’étranger.
Philip Cordery, rapporteur au nom de la commission des affaires européennes, a précisé les différents éléments contenus dans les conclusions de notre commission. Sandrine Doucet s’occupe d’Erasmus avec beaucoup d’efficacité.
Je voudrais simplement souligner la logique d’ensemble, en rappelant deux nécessités : celle d’améliorer le système d’information sur les droits dans les pays d’accueil, et celle d’accompagner financièrement la mobilité internationale des stagiaires, le coût d’un stage à l’étranger étant rédhibitoire pour les étudiants issus des classes les moins favorisées.
Ainsi, en adoptant cette proposition de loi aujourd’hui, après celle sur les droits des travailleurs détachés hier, nous jouons pleinement notre rôle en nous faisant le relais de nos concitoyens et en apportant des réponses concrètes à leurs préoccupations, notamment sociales. Je voterai quant à moi ce texte avec enthousiasme.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Patrick Hetzel.
Monsieur le président, madame la ministre, mesdames les présidentes de la commission des affaires sociales et de la présidente de la commission des affaires européennes, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la majorité ne cesse de nous dire que cette proposition de loi a pour objectif d’inscrire le statut de stagiaire dans le droit du travail et de donner plus de droits aux stagiaires.
C’est la parfaite illustration de la fameuse maxime « le mieux est l’ennemi du bien ». En effet, avec le dispositif que vous avez concocté dans une tour d’ivoire, …
…certes on donnera plus de droits aux stagiaires mais on réduira en même temps drastiquement le vivier des offres de stages, car les employeurs seront de toute évidence effrayés par ces mesures très dissuasives et inutilement coercitives.
Si vous persistez, nous allons donc arriver à un joli paradoxe : les jeunes qui auront la chance de décrocher un stage seront bien protégés mais hélas ils seront de moins en moins nombreux, au moment où justement il faudrait développer les stages puisque la question de la qualification et de l’employabilité des jeunes passe par des contacts réels et forts avec la pratique professionnelle. Sans compter que les stages sont indispensables pour valider nombre de diplômes professionnalisants, ce n’est pas Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche qui dira le contraire. Certains jeunes risquent ainsi d’être privés de diplômes faute de trouver un stage.
Ce que vous ne voulez pas comprendre, c’est que la question des stages compte parmi les sujets les plus sensibles en matière d’éducation. Plusieurs constats sont régulièrement faits et vous semblez singulièrement les ignorer.
Lorsque l’on parle avec les formateurs, les étudiants, les élèves, les familles, l’offre de stages est régulièrement présentée comme insuffisante. Les entreprises, les commerçants, les artisans, les agriculteurs, les professions libérales et même les administrations se voient reprocher de ne pas suffisamment ouvrir leurs portes à nos jeunes. Soutenir une telle proposition de loi est donc un comble car elle réduira à n’en pas douter l’envie de ces acteurs de terrain d’aider à la formation de nos jeunes en leur proposant des stages. Les contraintes l’emporteront sur toutes les autres considérations.
Pour ce qui est des données chiffrées actuellement disponibles, rappelons que le Conseil économique, social et environnemental a estimé le nombre de stages à 1,6 million par an en 2012, contre 600 000 en 2006. Il y a donc bien eu, au cours des dernières années, une action volontaire pour développer les stages et c’est heureux. Pourtant, malgré ces avancées, aujourd’hui seulement 32 % des étudiants d’université font un stage chaque année, même si l’on observe une augmentation de 5 % par an en raison de l’augmentation des stages obligatoires dans les cursus et de toutes les actions entreprises dans le prolongement du rapport De l’université à l’emploi publié en 2006 et de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, dite loi Pécresse, de 2007, qui a inscrit la mission d’insertion professionnelle parmi les missions de tous les établissements d’enseignement supérieur.
De tout cela, il résulte une demande de plus en plus forte. Le ministère de l’éducation nationale l’estime à près de 24 millions de jours de stage rien que pour la formation professionnelle initiale. Le tassement de l’offre de stage est mis en avant aussi bien par les ministères que par les établissements scolaires, même si aucun recensement précis n’est hélas disponible à ce jour, ce qui pose d’ailleurs problème : vous nous demandez de légiférer alors que nous n’avons aucune note d’impact sérieuse et pas la moindre évaluation des dispositifs mis en place au cours des dernières années.
Dans l’exposé des motifs de cette proposition de loi, certains secteurs professionnels comme la communication, l’audiovisuel et le journalisme sont accusés de recourir aux stagiaires de manière excessive. Cependant, à aucun moment vous ne vous interrogez pour savoir quels sont les besoins liés à l’offre de formation. C’est tout de même surprenant ! L’on peut avoir une autre lecture du même phénomène : les entreprises de ce secteur contribuent bien plus que d’autres à assurer la formation des jeunes ! De surcroît, en montrant ainsi du doigt certains secteurs économiques, on les fragilise inutilement. Sans vouloir être cynique, je note que la même majorité critique le secteur de la presse pour son recours aux stagiaires tout en proposant un financement direct de l’État, c’est-à-dire du contribuable, pour sauver le journal L’Humanité.
Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
Je laisse à la majorité le soin de gérer ses contradictions et ses paradoxes.
Revenons un peu sur l’histoire récente concernant la législation des stages. Force est de constater que le domaine a fait l’objet d’une accumulation de réformes sans précédent : plusieurs lois et mesures réglementaires ont été adoptées en 2006, en 2009, en 2010, puis en 2011, ensuite en 2012 et enfin en 2013. La moindre des choses serait de disposer de mesures d’impact préalables ainsi que d’évaluations a posteriori. Hélas, il n’en est rien. J’estime que c’est très grave.
Rappelons que les partenaires sociaux ont conclu le 7 juin 2011 un accord national interprofessionnel pour développer le nombre de jeunes en contrat d’alternance et mieux encadrer les stages en entreprise. Les dispositions de cet accord ont été rendues obligatoires à la suite de son extension par arrêté du 22 octobre 2012 : délai de carence entre deux stages, limitation de la durée des stages, gratification, tenue d’une liste des conventions de stage, embauche à l’issue d’un stage. Les droits des stagiaires ont été largement renforcés ces dernières années et l’on a veillé à conserver son caractère formatif au stage.
Une nouvelle réforme sur le sujet est déstabilisante et anxiogène pour les acteurs susceptibles de prendre des stagiaires, sans compter qu’elle se heurte à l’idée si souvent évoquée par le Président de la République du choc de simplification. Avec un tel texte, la simplification attendra.
Je voudrais insister sur le fait qu’au moment où je vous parle, et sans prendre en compte les éventuelles mesures de cette proposition de loi, l’encadrement du stage en France est déjà très important. Faisons un rapide état des lieux.
Premièrement, les stages hors cursus sont déjà interdits. Ils font obligatoirement l’objet d’une convention entre l’établissement d’enseignement, l’entreprise et l’élève ou l’étudiant, qui doit préciser les dates, lieux et horaires du stage, les activités confiées au stagiaire et les indemnités et avantages offerts. Elle est consignée dans un registre des conventions de stages dans l’entreprise. Le stagiaire ne peut être utilisé par l’entreprise pour remplacer un salarié absent. Il se voit confier une ou des missions conformes au projet pédagogique défini par son établissement d’enseignement et approuvées par l’organisme d’accueil. Le stagiaire effectue une évaluation du stage qu’il transmet ensuite à son établissement d’enseignement.
Deuxièmement, il existe déjà une gratification à partir du troisième mois : lorsque le stage dépasse deux mois, il fait l’objet d’une gratification, calculée selon des critères précis. Déjà appliquée dans les entreprises, les associations et la fonction publique d’État, elle a été étendue aux fonctions publiques territoriale et hospitalière. Le stagiaire a aussi droit à des tickets restaurant et au remboursement de la moitié de son titre de transport. Tout ceci existe déjà et ne nécessite aucune modification de la législation.
Troisièmement, la règle générale est déjà de ne pas avoir de stages de plus de six mois. En effet, les textes actuellement en vigueur, notamment l’excellente loi Cherpion, prévoient que la durée du ou des stages effectués par un même stagiaire dans une même entreprise ne peut excéder six mois par année d’enseignement, sauf dérogations.
On peut donc légitimement s’interroger sur les raisons qui poussent aujourd’hui la majorité à vouloir légiférer sur le sujet. Je n’en vois qu’une seule : faire plaisir au lobby Génération précaire et privilégier une vision post-soixante-huitarde en créant un statut de travailleur intellectuel pour les élèves et les étudiants.
Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
En tout cas, une chose est claire : cette proposition de loi contient des dispositions antinomiques avec la volonté politique affichée de rendre obligatoires et de généraliser les stages dans la quasi-totalité des cursus…
Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
Des dispositions antinomiques, disais-je, avec la volonté de développer massivement l’offre de stages. Hélas, rien dans la discussion en commission n’a permis de lever ce problème majeur, loin de là.
Permettez-moi de rappeler ici que le cadre national des formations supérieures de licence, licence professionnelle et master, qui fait l’objet d’un projet d’arrêté à paraître prochainement, rend obligatoires les stages en licence professionnelle et en master. Or, aujourd’hui, on estime que seuls près de 50 % des étudiants effectuent un stage en master. Avec les nouvelles orientations du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, il faudra doubler le nombre de stages. Comment y arriver avec un texte qui fait peser de telles contraintes sur les entreprises ? Je suis très surpris que vous défendiez ainsi ce texte : nous sommes vraiment face à des contradictions majeures.
Il faut rappeler que le stage est déjà obligatoire dans bon nombre de cursus : études d’ingénieur, d’avocat, carrières médico-sociales, de commerce et de management, de sciences politiques, de journalisme. L’offre quantitative doit donc demeurer suffisante pour permettre aux jeunes une première expérience du milieu professionnel et la validation de leur diplôme.
Ces éléments étant posés, venons-en précisément aux mesures de cette proposition de loi que nous considérons comme dangereuses pour le développement de l’offre de stage et inacceptables pour maintenir un bon équilibre entre les parties prenantes concernées : les stagiaires, les organisations qui les accueillent et les établissements de formation.
Première mesure totalement inadaptée : le principe d’une limitation du nombre de stagiaires en fonction des effectifs et la création d’une amende administrative de 2 000 à 4 000 euros par stagiaire. Quelle est la cohérence de la politique globale de développement de l’accueil des jeunes en entreprise ? Une telle démarche est sous-tendue, à l’évidence, par la volonté de punir. La conséquence de ce plafonnement du nombre de stagiaires couplé à la baisse du nombre de contrats en alternance ne pourra conduire qu’à une aggravation du taux d’accès à l’emploi des jeunes. Il faut veiller à ne pas développer sur le sujet qu’un discours dénonçant des abus dont la mesure s’avère aléatoire. Les quelques cas existants ne peuvent servir de prétexte pour remettre en cause la quasi-totalité des stages, qui se passent de manière positive.
Deuxième catégorie de mesures tout aussi inadaptées : celles qui tendent à assimiler le stage à un contrat de travail et aggravent la charge administrative des entreprises. En effet, le renforcement des contrôles de l’inspection du travail va contribuer à dissuader les employeurs de prendre de nouveaux stagiaires.
De la même façon, cette proposition de loi contient des dispositions qui suscitent des interrogations quant à leur portée. Citons la limitation de la durée des stages à six mois, déjà inscrite dans le code de l’éducation depuis la loi Cherpion, ou encore la possibilité de prolonger le stage en cas d’interruption pour certains motifs et la possibilité de valider la période de formation même si la durée prévue dans le cursus n’est pas atteinte.
La philosophie sous-jacente de cette proposition de loi, c’est une vision très négative du monde du travail.
On considère que les abus sont prédominants alors qu’ils ne sont en réalité que la marge du système. Avec une telle vision, on met donc avant tout l’accent sur une approche punitive et on n’hésite pas à accroître significativement les contraintes administratives pour les entreprises, comme l’illustrent les mesures envisagées à ce titre : suppression du registre des conventions de stage au profit d’une inscription des stagiaires dans une partie distincte du registre du personnel, obligation de décompte des durées de présence du stagiaire, fixation par décret en Conseil d’État d’un quota maximum de stagiaires selon les effectifs de l’entreprise, sanctions financières en cas d’abus constaté par l’inspecteur du travail, toutes mesures très dissuasives pour les entreprises.
Le stage relevait à l’origine du seul code de l’éducation mais il s’inscrit désormais dans le code du travail à mesure que l’on tente d’aligner le stagiaire sur le statut de salarié. C’est ainsi que cette proposition de loi étend aux stagiaires des droits reconnus aux salariés.
Autre innovation très surprenante, ce texte étend aux stagiaires les règles propres à l’apprentissage : exonération d’impôt pour les gratifications, désignation dans l’entreprise d’un tuteur responsable du suivi, désignation d’un enseignant référent, appui obligatoire des établissements auprès des élèves et étudiants dans la recherche de lieux de stage. Toutefois, nos inquiétudes ne s’arrêtent pas là. Les débats en commission et les amendements déposés pour notre discussion de ce soir laissent craindre le pire. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
De toute évidence, nous n’avons pas la même vision des choses.
En matière de stages, trois mots devraient prévaloir : liberté, simplification et responsabilisation. Au regard de la situation de l’emploi des jeunes en France, il faut renforcer la politique d’alternance et non la contraindre. Le stage ne remplit pas les mêmes objectifs que l’apprentissage et ces deux modalités ne peuvent se cannibaliser. Plus encore, l’urgence est de libérer les initiatives des entreprises pour qu’elles puissent accueillir plus de jeunes pour favoriser leur accès à l’emploi. Le renforcement de la relation école-entreprise est partie prenante des objectifs du pacte de responsabilité. Il ne peut se traduire par une accumulation irraisonnée des contraintes administratives imposées aux entreprises qui s’engagent de manière volontaire à contribuer à la formation des jeunes et à la découverte des métiers.
Le stage n’est pas un contrat de travail et ne peut le devenir. C’est un outil de formation qui s’appuie sur la responsabilisation de trois acteurs : l’établissement d’enseignement, l’étudiant ou l’élève, et l’entreprise. En matière de politique de stage, l’effort doit impérativement être porté sur le suivi pédagogique par les enseignants. Or cette dimension pédagogique n’a pas du tout été débattue : on met l’accent uniquement sur les questions de code du travail alors que, fondamentalement, le stage joue un rôle de formation.
Au regard de la situation de l’emploi des jeunes en France, il faut renforcer cette politique d’alternance et non la contraindre plus encore. Il faut libérer toutes les initiatives des entreprises pour qu’elles puissent accueillir plus de jeunes et favoriser leur accès à l’emploi. Ce texte va exactement dans le sens opposé. C’est la raison pour laquelle il convient d’adopter la présente motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Mme Laurence Dumont remplace M. Marc Le Fur au fauteuil de la présidence.
Monsieur le député, nous aurons l’occasion au cours du débat de vous répondre point par point, mais je voudrais tout de même vous lire quelques extraits choisis d’une proposition de loi déposée en 2006 par Valérie Pécresse, qui était alors beaucoup plus virulente que je ne l’ai été dans mes propos. Elle évoquait un taux de chômage des jeunes en France de 23 %, soit le même qu’aujourd’hui.
Elle s’appuyait sur Génération précaire dans ce qui avait motivé sa proposition de loi, parlant des abus de stages dénoncés depuis plusieurs mois par le collectif Génération précaire, qui rassemble de jeunes diplômés bradés et condamnés, souvent non indemnisés, au sein de certaines entreprises qui profitent de leurs compétences à bas prix.
Elle parlait aussi des dérives qui se multiplient et justifient désormais que la pratique des stages soit encadrée par un dispositif législatif propre, sans pour autant que ce dispositif ne vienne dissuader les entreprises de prendre des stagiaires.
Oui, je l’ai dit également, mais les mots que vous avez utilisés étaient plus violents et, disons, moins rassembleurs que ceux que j’ai employés.
Je vais donc vous expliquer pourquoi la situation a perduré. M. Hetzel vient d’évoquer les règles et les dispositifs qui avaient été adoptés. Je l’ai dit : trois lois, une demi-douzaine de décrets, mais aussi beaucoup d’exceptions. Reprenons-les un par un. Des règles législatives sont restées sans décret : ainsi, le registre des conventions de stages prévu par la loi Cherpion n’existe pas car le décret n’a jamais été publié.
D’autres règles législatives s’accompagnent de décrets passoires : l’interdiction des stages hors cursus prévue par la loi Cherpion en 2009 a été vidée de son contenu par le décret du 25 août 2010 pris par Mme Pécresse, qui prévoyait une exception pour les stages réalisés dans le cadre de « formations complémentaires » – appelée par la suite « l’exception passoire », et pas seulement par Génération Précaire, mais par l’ensemble des étudiants.
Et il y avait des exceptions dans la loi elle-même : dans la loi Cherpion, la limitation des stages à six mois était assortie de deux exceptions pour les stagiaires qui interrompent leur formation et pour les stages réalisés dans le cadre de cursus pluriannuels.
Je n’ai cité que quelques exemples, mais l’on voit bien pourquoi il était nécessaire de revenir sur le cadre législatif, au moyen d’une seule loi, suivie de vrais décrets et rattachée uniquement au code de l’éducation et non pour partie au code du travail. En effet, nous prétendons, nous affirmons et nous ferons en sorte d’en faire une réalité que les stages relèvent de la formation et n’ont pas à se référer ou à dépendre du code du travail.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Je ne vous répondrai pas point par point, monsieur Hetzel, nous y viendrons au cours du débat.
Vous disiez ne pas comprendre pourquoi ce sujet ne faisait pas l’objet d’un projet de loi et donc d’une étude d’impact. Je vous répondrai justement avec une proposition de loi de Mme Pécresse, puisque nous avons la chance de compter cette dernière parmi nous aujourd’hui.
Il s’agit du texte relatif à la première année commune aux études de santé, la PACES, qui affectait énormément tous les étudiants concernés. C’était une proposition de loi, monsieur Hetzel, il n’y avait donc pas d’étude d’impact ! Cette proposition de loi a tout de même été présentée au Parlement ! Appliquez donc à vous-même ce que vous voulez appliquer aux autres.
Par ailleurs, vos propos sont caricaturaux, monsieur Hetzel. Je vais résumer : pourquoi cette peur de la jeunesse ? Pourquoi ne pas vouloir la sécuriser ? Comment voulez-vous donner aux jeunes confiance dans l’avenir si, au premier stage qu’ils accomplissent, ils sont insécurisés, utilisés et sur-utilisés pour in fine ne pas être embauchés ?
Tel est donc l’objet de cette proposition de loi : concilier et peut-être réconcilier les jeunes avec le monde de l’entreprise, afin de leur donner confiance. Ce n’est certes pas la politique que vous avez menée ces dix dernières années qui l’a fait..
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Nous en venons aux explications de vote. La parole est à Mme Kheira Bouziane, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je ne répondrai pas point par point à cette motion, car nous aurons l’occasion d’y revenir pendant le débat, mais Mme la ministre a évoqué la proposition de loi de 2006, qui n’a jamais vu le jour. Monsieur Hetzel, je pense que vous avez sûrement dû, en tant que président de la Commission du débat national Université-emploi, inspirer un certain nombre de ses dispositions.
Un point dans votre propos m’inquiète. C’est vrai, depuis 2006, le dispositif ne fonctionne pas. Nous avons aujourd’hui l’occasion d’améliorer la situation de nos jeunes, d’améliorer leur formation. Mais cette proposition de loi équilibrée et complète ne mettra pas en danger le monde du travail, monsieur Hetzel, vous le savez bien, parce que les choses se passent déjà bien dans les entreprises de certains secteurs. Notre projet vise à généraliser les bonnes pratiques pour la formation de nos jeunes.
Je ne doute pas que vous ayez autant que nous le souci de la jeunesse, mais je retiens de votre intervention qu’après avoir cautionné en 2006 la fameuse proposition de loi dont Mme la ministre a rappelé certaines dispositions, vous présentez aujourd’hui une motion de rejet qui s’oppose à l’amélioration de l’encadrement des stagiaires par un renforcement des missions de l’établissement d’enseignement et par la limitation des stagiaires, disposition qui paraît évidente pour encadrer au mieux nos jeunes. Vous vous opposez également à l’égal accès aux stages pour les jeunes ne disposant pas d’un réseau personnel ou familial, qui serait assuré par un renforcement de l’accompagnement pour la recherche d’un stage.
Vous êtes contre une meilleure adéquation du stage avec le projet pédagogique ; vous êtes contre la lutte contre le travail dissimulé et donc en faveur du recours abusif aux stagiaires en remplacement de travailleurs.
Un dernier mot : pour garantir l’insertion et la réussite professionnelle de nos jeunes, qui nous regardent et qui fondent un espoir en nous, je vous invite à rejeter cette motion de rejet.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Madame la rapporteure, vous avez une vision extrêmement négative du stage : votre proposition de loi prend comme référence les 18 % d’échecs et non les 82 % de stages qui se passent bien, au risque de pénaliser l’ensemble du dispositif. En cette période de crise, je trouve cela tout à fait périlleux et même, à certains égards, irresponsable.
« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.
Vous avez, madame la rapporteure, considéré que ce n’était pas valorisant pour un jeune d’effectuer dans le cadre d’un stage des tâches que l’on confierait à un salarié.
Pour ma part, j’ai tendance à considérer exactement l’inverse, pour autant, comme l’a expliqué notre orateur, que cela s’inscrive dans un parcours de formation. Je trouve qu’il y a là presque une contradiction dans votre propos, que je tenais à souligner.
Enfin, nous sommes tous des parlementaires : ne me dites pas que vous n’êtes pas régulièrement sollicitée par des jeunes qui cherchent un stage et qui ne le trouvent pas ! On sait bien qu’il existe une situation de crise en matière de recherche de stages. Croyez-vous que vous allez, par ces dispositions, inciter les chefs d’entreprise à recruter, ou plutôt à accueillir davantage de stagiaires ?
Pourtant, madame la ministre, vous avez rappelé le lien existant entre le stage et l’employabilité du jeune. Croyez-vous que l’extension des droits des stagiaires, qui les assimile à des salariés, ce que par ailleurs vous condamnez, croyez-vous que l’intervention de l’inspection du travail, croyez-vous que les nouvelles sanctions soient de nature à inciter les chefs d’entreprise à accueillir des stagiaires ?
Enfin, la conception que vous avez de l’entreprise est particulièrement choquante. Mme la présidente de la commission des affaires européennes nous a livré une vision de l’entreprise profondément négative, en ce sens qu’elle mettrait nécessairement le jeune en situation d’être abusé dans des stages aux exigences anormales. C’est des plus préoccupant.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Yannick Favennec, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Oui, un meilleur encadrement des stages en France est une nécessité. Non, cela ne doit pas passer par la création de nouvelles contraintes sur les entreprises. Je souhaite rappeler que le groupe UDI a toujours oeuvré pour la défense des droits des stagiaires. Ainsi, de grands progrès avaient déjà été réalisés en 2006 sous l’impulsion de Jean-Louis Borloo, alors ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. C’est notamment la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances qui avait instauré le principe du versement obligatoire d’une gratification pour tous les stages en entreprise d’une durée supérieure à deux mois consécutifs. Plus récemment, lors des débats sur le projet de loi relatif à la réforme des retraites, le groupe UDI a défendu des amendements visant à renforcer les droits des stagiaires.
Nous savons que des abus existent. Nous souhaitons les combattre et protéger les stagiaires. Mais nous ne pouvons que déplorer cette proposition de loi. En effet, les contraintes pesant sur les entreprises s’avéreront au bout de compte totalement contre-productives. Vous n’êtes pas sans savoir que de plus en plus de jeunes peinent à trouver des stages alors même que ces derniers sont obligatoires afin de valider leur cursus. C’est un paradoxe que nous nous devons de résoudre. Mais comment penser qu’accroître les contraintes sur les entreprises va les inciter à accueillir davantage de stagiaires ? Non, cette proposition de loi sera d’abord et avant tout défavorable aux stagiaires eux-mêmes. Nous devrions nous attacher à responsabiliser les acteurs afin de restaurer la confiance. Cette proposition de loi conduira finalement à l’effet inverse. C’est pourquoi le groupe UDI votera pour cette motion de rejet préalable.
Monsieur Hetzel, vous avez commencé votre propos en disant que le mieux est l’ennemi du bien. Mais pour conserver le bien, encore faut-il l’atteindre ! Or cette proposition de loi vise justement à répondre à des dysfonctionnements existants. Ce texte veut atteindre le bien, et cela passe par le mieux.
Vous avez également eu le bon goût d’attaquer les auteurs de la proposition de loi en parlant de « tour d’ivoire ». Outre la bassesse de ce genre d’attaque, bien souvent aveu de faiblesse, je pense qu’il serait temps que vous ouvriez les yeux sur la situation de nos étudiants : précarité, emplois déguisés, accumulation des stages dans le temps.
Vous avancez, et sur ce point nous sommes d’accord, que les stages sont un outil de formation et non un contrat de travail. Nous devrions donc nous retrouver sur la lutte contre les emplois déguisés. Si tel est le cas, pourquoi avoir demandé la suppression de l’article 5, qui vise justement à lutter contre ces emplois déguisés ?
Enfin, vous parlez d’une proposition de loi donbt l’objet serait de répondre au lobby Génération précaire. Mais votre propos résume tout : il existe bien une différence de points de vue entre vous et nous. Loin de créer cette prétendue loi anxiogène pour les entreprises, nous défendons nos étudiants. Vous l’aurez compris, les écologistes ne voteront évidemment pas cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)
La parole est à M. Thierry Braillard, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La majorité est d’accord avec moi : elle répond par la négative. A-t-il été excessif ?
Rires.
Je le pense aussi et, en l’écoutant, je me suis dit qu’il existe une vraie différence dans cette assemblée entre la droite et la gauche. En l’écoutant, je me suis dit que je ne pourrais pas être à l’UMP avec M. Hetzel : j’ai d’autres convictions et d’autres principes.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur Hetzel, vous n’avez pas le monopole de l’entreprise. Quand on n’a rien à se reprocher, pourquoi aurait-on peur d’un meilleur encadrement ou de légères contraintes supplémentaires ? On n’a pas à avoir peur quand on n’a rien à se reprocher ! En revanche, quand un employeur profite d’effets d’aubaine sans le moindre égard pour ses stagiaires qui, la plupart du temps, connaissent pour la première fois l’immersion dans la vie professionnelle, vous voudriez laisser faire ? Laisser-faire et laisser-aller : telle est votre conception politique, qui n’est pas la mienne. C’est la raison pour laquelle le groupe RRDP ne votera pas cette motion de rejet, au grand regret de M. Hetzel, mais au grand plaisir des gens de gauche dans cette assemblée ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP)
La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.
Mon rappel au règlement est fondé sur l’article 51, alinéa 1, du règlement. Tout à l’heure, M. Le Fur, qui présidait la séance, nous a informés que la Conférence des présidents avait prévu que la discussion de ce texte se poursuivrait lundi à partir de seize heures dans le cas où nous n’achèverions pas son examen ce soir. Or la semaine prochaine est une semaine de contrôle. Jusqu’à présent, pour que des propositions de loi soient inscrites à l’ordre du jour d’une semaine de contrôle, il fallait qu’il y ait une extrême urgence. C’est sans doute cette extrême urgence qui nous empêche aujourd’hui de travailler dans de bonnes conditions puisqu’il y a trois heures à peine, le Gouvernement était encore en train de déposer des amendements. Cela montre bien que nos conditions de travail ne sont pas acceptables.
Je voudrais que l’on nous précise ce qui justifie que l’examen de ce texte soit programmé dès lundi à partir de seize heures, alors qu’il s’agit d’une semaine de contrôle, et savoir pourquoi des amendements sont encore déposés par le Gouvernement, amendements que l’on ne peut pas examiner correctement.
Monsieur Hetzel, vous avez évoqué l’article 51, alinéa 1 du règlement, qui traite des comités secrets. Je pense qu’il s’agit d’une petite erreur.
Dont acte.
Le Conseil constitutionnel a rappelé encore récemment que les semaines de contrôle sont prioritairement réservées à cette activité. Mais dès lors que toutes les demandes de séances de contrôle ont été satisfaites, ce qui est le cas, rien n’empêche d’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale des textes dont on aurait besoin de terminer l’examen. La Conférence des présidents a donc décidé de poursuivre l’examen de ce texte lundi prochain, à partir de seize heures.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, effectivement il y a urgence : la jeunesse n’attend pas. Notre jeunesse souffre et c’est la raison pour laquelle nous précipitons les choses, pour améliorer sa situation.
La proposition de loi qui nous est présentée s’inscrit dans la ligne des mesures « Priorité jeunesse » annoncées au mois de février 2013 dans le cadre du comité interministériel pour la jeunesse. Elle s’inscrit dans la même ambition. Elle vise à améliorer les conditions des stages des jeunes pendant leur parcours de formation. Elle poursuit un triple objectif : favoriser des stages de qualité, améliorer le statut du stagiaire et éviter que le stage ne se substitue à un emploi, éviter le recours abusif aux stages.
Le stage, et vous l’avez dit monsieur Hetzel, doit rester une période de formation pratique complémentaire à la formation académique. Il permet à l’apprenant de découvrir le monde du travail, pour lequel nous avons beaucoup de respect, d’appliquer ses connaissances à la réalité de l’entreprise. Le développement des stages a pris de l’ampleur. Ils sont de plus en plus répandus au sein de différentes formations. Plus d’un million de stages sont organisés chaque année. En janvier dernier, lors des cérémonies des voeux, madame la ministre, vous avez rappelé votre souhait de voir se développer des stages intégrés dans la formation dès le premier cycle.
Devant ce développement des stages, doit-on rester spectateur ? Doit-on laisser la main invisible du marché réguler ce flux ? Il apparaît tout à fait logique que des règles claires et de bonne conduite soient mises en place et qu’elles soient respectées par tous. Le jeune reste un apprenant. L’entreprise doit, avec l’établissement, par la désignation d’un tuteur, l’encadrer, l’accompagner, définir avec lui les compétences à acquérir. Aucune convention de stage ne peut être détournée, dévoyée de son objectif principal clairement identifié. Aucun stage ne doit être utilisé pour l’exécution d’une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent. Aucun stage ne doit remplacer un emploi quelle qu’en soit la raison.
Ce texte renforce la dimension pédagogique du stage déjà prévue par la loi de juillet 2013. Il faut plafonner la part des stagiaires dans les effectifs des entreprises, même avec quelques dérogations pour s’adapter à la réalité des entreprises. Il faut limiter la durée des stages longs à six mois : si le jeune remplit son engagement, qu’il apporte satisfaction à l’entreprise et que ses qualités sont appréciées, qu’elle l’embauche ! Il faut également renforcer l’interdiction de substituer un stage à un emploi permanent. Nous ne voulons pas que notre jeunesse soit de la main-d’oeuvre bradée. Il faut encore étendre aux stagiaires des dispositions prévues par le code du travail en matière d’absences, de congés, de repos. C’est le respect de la personne qui est en jeu.
Si le stagiaire a l’obligation de respecter les termes de la convention tripartite de stage que prévoit cette loi, il bénéficiera aussi des mêmes droits et de la même protection que les salariés dans l’entreprise. Il bénéficiera de congés et d’autorisations d’absence par exemple. Des dispositions permettront également de valider des stages écourtés pour des raisons médicales ou autres.
Pour éviter les dérives, qui existent, il faut le reconnaître, cette proposition met en place un registre unique du personnel où seront inscrits les stagiaires. Les représentants des DRH nous ont dit que cela ne posait aucun problème à l’entreprise. Cette loi permettra aussi, en cas d’embauche, la prise en compte de la période de stage dans la période d’essai.
Le travail approfondi des parlementaires en commission a enrichi le texte en prévoyant notamment que les gratifications versées aux stagiaires soient exonérées de l’impôt sur le revenu. Elles seront dues dès le premier jour de stage si celui-ci excède deux mois. Mais il n’est pas rare de voir des demandes de stages de moins de deux mois, les entreprises évitant ainsi d’avoir à verser des gratifications… Et le texte prévoit également des modalités spécifiques en matière de rupture.
Cette loi réaffirme clairement l’objectif du stage, le rôle de l’enseignant comme celui de l’entreprise. Le stage doit répondre à des exigences de qualité et d’encadrement indispensables pour garantir son bon déroulement et son efficacité. Il a pour vocation de préparer l’insertion professionnelle de l’élève ou de l’étudiant. L’entreprise a tout son rôle à jouer car si elle a d’abord une finalité économique, elle a également un rôle et une responsabilité sociale. On reproche trop souvent et trop facilement aux jeunes de méconnaître le monde de l’entreprise. Encore faut-il leur donner la chance de le découvrir dans de bonnes conditions.
Je terminerai mon propos en soulignant que le Président de la République s’était engagé pour la jeunesse à lutter contre les abus en matière de stage : c’était son engagement 39. Force est de constater, chers collègues de l’opposition, qu’une fois encore la promesse est tenue. Il n’est jamais trop tard pour changer d’avis. Ce qui figurait dans votre loi de 2006 est repris en partie dans ce texte. Je vous invite donc à nous rejoindre.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
Hier, lors de la séance des questions au Gouvernement, madame la ministre, vous avez déclaré que cette proposition de loi correspondait à une attente très forte de l’ensemble des jeunes. En fait, elle correspond à une attente très forte de certaines organisations syndicales et collectifs proches de votre majorité. Mais pour les jeunes, l’attente très forte est de trouver une formation qualifiante qui les conduira à l’emploi. Pour les jeunes, l’attente très forte est d’avoir l’offre la plus large possible de stages, encadrés certes, mais sans contraintes législatives supplémentaires. Ce que les jeunes veulent, c’est pouvoir compléter une formation théorique par une formation pratique en entreprise. Cette proposition de loi va à l’encontre de cette légitime volonté.
Le présent texte voudrait limiter les pratiques abusives et octroyer de nouveaux droits aux stagiaires, et c’est louable. Mais le dispositif législatif actuel est suffisant dans les deux cas. Tout au plus faudrait-il ajuster le dispositif réglementaire.
La dernière loi en la matière, celle du 28 juillet 2011, a apporté, après concertation avec les partenaires sociaux, des avancées importantes, comme l’a rappelé M. Hetzel. Elle a permis de fixer à six mois la durée maximale de stage sauf dérogations, comme les années de césure qui font partie du cycle universitaire. Elle a permis de créer un délai de carence entre deux stages pour un même poste, de rendre obligatoire la gratification au-delà de deux mois de stage continus ou discontinus dans l’année, de déduire la durée du stage de la période d’essai en cas d’embauche, d’intégrer la durée du stage dans le calcul des droits à l’ancienneté, de bénéficier des avantages sociaux de l’entreprise, et je m’arrête là.
Je tiens par ailleurs à rappeler qu’à l’heure actuelle il n’est déjà pas possible de faire un stage hors cursus de formation : il doit obligatoirement faire l’objet d’une convention entre l’établissement de formation, l’entreprise, et l’étudiant. Cette convention est d’ores et déjà très précise. Elle contient ainsi les dates, les lieux, les horaires du stage, les activités confiées au stagiaire ainsi que toutes indemnités et avantages.
S’il existe, et c’est le cas, des organismes intermédiaires douteux, il faut les supprimer en s’appuyant sur la législation existante.
Cette proposition de loi, sous couvert de bonnes intentions, aura ainsi des conséquences néfastes sur les entreprises, sur le nombre de stages qu’elles offrent et donc in fine sur les jeunes.
Tout d’abord, la fixation du quota maximum de stagiaires par effectif de l’entreprise est une erreur. Avec cette mesure, les petites et moyennes entreprises ne pourront prendre que peu de stagiaires. Pourtant c’est essentiel pour certaines d’entre elles, notamment les start-up et entreprises innovantes. Celles-ci seront entravées dans leur développement et ne formeront plus ces jeunes qui pour la plupart trouvent à l’issue de leur stage du travail, dans cette entreprise ou dans une autre, ou qui créent leur propre entreprise. Vous allez ainsi mettre un coup de frein au développement de tout un pan de notre économie.
D’autres entreprises, plus grandes, seront doublement pénalisées. Certaines ne peuvent recruter en apprentissage, car les qualifications nécessaires ne sont pas proposées en alternance. Elles ne peuvent donc atteindre le quota et payent des pénalités. Dans le même temps, elles sont à la recherche d’un grand nombre de stagiaires, qu’elles forment, qu’elles payent bien au-delà du minimum obligatoire et qu’elles recrutent souvent à la fin du stage. Avec cette proposition de loi, elles ne pourront plus accomplir leur volonté de responsabilité sociale. Que pouvez-vous répondre à cette situation qui pénalise tout autant l’entreprise que le jeune en formation ?
Vous proposez par ailleurs de supprimer toute dérogation à la durée maximale de six mois. Les années de césure prévues dans les cursus de formation vont disparaître et éloigner les jeunes de l’entreprise et donc du travail.
Enfin, rappelons-le, un stagiaire, c’est un étudiant qui, dans le cadre de son cursus universitaire, se forme dans une entreprise. Ce n’est pas un salarié. Ses obligations sont différentes, inscrites dans la convention, et il n’a pas les mêmes expériences. L’entreprise investit dans le stagiaire et le stagiaire s’investit dans l’entreprise avec un regard neuf, extérieur, enrichissant pour les deux parties. Malheureusement, cette proposition est en train de transformer le stagiaire en salarié. Le stagiaire, qui jusqu’à maintenant était inscrit dans un registre spécifique aux conventions de stage, sera dorénavant inscrit au registre du personnel. Cette modification est importante tant symboliquement que pratiquement : symboliquement car vous considérez que c’est un salarié, ce qu’il n’est pas, et pratiquement car il pourra être compris dans les seuils sociaux. En effet, la Cour de justice de l’Union européenne vient de statuer qu’exclure les apprentis et autres catégories de travailleurs de même nature du calcul des effectifs est contraire au droit de l’Union européenne. Avec l’inscription au registre et en accordant les mêmes avantages que les salariés, par exemple les congés familiaux, vous prenez le risque d’inclure les stagiaires dans les seuils des entreprises, avec les effets néfastes que nous connaissons tous. Il y a d’ailleurs une contradiction dans le texte puisque vous voulez exonérer d’impôt sur le revenu les gratifications des stagiaires, ce que j’accueille favorablement, mais ce qui les distingue bien sûr des salariés. Donc, quel statut : salarié ou stagiaire ?
Le Conseil économique, social et environnemental estime le nombre de stages à 1,6 million par an, contre 600 000 en 2006. Malgré ce chiffre impressionnant, seuls 32 % des étudiants d’université font un stage chaque année et un grand nombre d’étudiants n’arrivent pas à en trouver. Les besoins en stage sont là. Votre proposition va, pour toutes les raisons exposées, encore réduire cette offre, en limitant l’utilisation faite par les entreprises et en cassant la confiance entre étudiants, entreprises, et établissements de formation.
Vous l’aurez donc compris, parce que nous voulons que notre jeunesse réussisse, nous ne pouvons souscrire à cette proposition de loi, n’en déplaise à Mme la rapporteure de la commission des affaires sociales.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Votre texte est largement inspiré par le collectif Génération précaire et c’est donc un mauvais texte que vous nous présentez aujourd’hui, prétendument pour limiter les pratiques abusives de certaines entreprises en matière des stages et octroyer de nouveaux droits aux stagiaires.
On pourrait croire qu’en la matière, rien n’avait été fait auparavant. Pour ceux qui sont frappés d’amnésie, je voudrais rappeler qu’en juin 2011, les partenaires sociaux étaient parvenus par la négociation à la signature d’un accord national interprofessionnel sur les stages. Vous qui considérez la démocratie sociale comme prioritaire et impérative, vous faites fi de cet accord pour présenter un nouveau texte.
Cet accord équilibré s’était traduit par la loi Cherpion de juillet 2011, sous la conduite de la ministre Valérie Pécresse.
Cette loi prévoyait que les stages soient intégrés à un cursus pédagogique scolaire ou universitaire. Ils ne pouvaient pas avoir pour objet l’exécution d’une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent de l’entreprise. La durée des stages effectués par un même stagiaire dans une même entreprise ne pouvait excéder six mois. Étaient aussi abordés dans la loi Cherpion la gratification des stagiaires, les activités sociales et culturelles auxquelles ils accédaient dans les mêmes conditions que les salariés, le registre des conventions de stage que l’entreprise devait tenir à jour, la durée de la période d’essai ainsi que les droits du stagiaires liés à l’ancienneté.
Le texte que vous nous proposez aujourd’hui est inutile et dangereux. On risque de voir se tarir l’offre de stages aux dépens des jeunes qui cherchent à s’insérer dans le monde du travail, alors que le stage est devenu un véritable passeport pour l’emploi chez les étudiants en formation initiale. La teneur coercitive de ce texte risque clairement d’atrophier le nombre de stages, alors qu’ils sont aujourd’hui obligatoires dans un grand nombre de formations. Nous risquons donc de nous trouver dans une situation où des jeunes ne pourront valider leur cursus, faute d’offres de stage.
Vous prenez le problème à l’envers. En tant qu’élus, nous sommes tous les jours saisis par des jeunes qui veulent obtenir un stage, parfois à l’Assemblée nationale, ou en entreprise, et qui nous demandent des coups de pouce pour en obtenir. Cela montre bien que les étudiants ont de plus en plus de difficultés à trouver des stages. Au final, comme cela a été dit tout à l’heure, seuls les enfants des familles les plus favorisées auront accès aux stages car ils pourront les effectuer à l’étranger, où la réglementation est moins contraignante. Ce sera donc une régression sociale pour les jeunes !
J’ai soulevé, en commission, un problème lié à l’application de la loi Peillon. Cette loi, dont nous attendons d’ailleurs les décrets d’application, prévoit que les stages dans les collectivités territoriales et dans les hôpitaux seront désormais rémunérés. Or, ces structures n’ont pas, à ma connaissance, l’intention de payer, tout simplement faute de budget : rien n’est prévu. Comment vont faire les infirmières et les aides-soignantes, qui doivent obligatoirement effectuer un stage pendant leur cursus ?
Vous allez tarir l’offre dans les structures tant publiques que privées et créer une très grave pénurie de stages dans notre pays. Nous avons soulevé plusieurs fois en commission ce problème du financement des stages dans les hôpitaux, les services sociaux et les collectivités locales, sans qu’aucune réponse ne soit donnée. Mais la présidente de la commission nous a indiqué que le Gouvernement répondrait probablement lors des débats, madame la ministre.
J’ai appelé aussi votre attention sur un sujet qui affectera le milieu hospitalier. Si vous fixez un taux maximal de stagiaires par entreprise – Mme la rapporteure a parlé de 10 %, mais c’est le Conseil d’État qui décidera – comment allez-vous faire dans les structures hospitalières, où ce sont souvent 20 à 30 % des effectifs qui sont en stage ? Vous renvoyez cela à un décret, mais je pense qu’il devrait être du domaine de la loi, ce quota que nous n’acceptons pas.
Votre texte tend enfin à faire des stagiaires des petits salariés, en les inscrivant au registre unique du personnel, en calquant leurs horaires de travail sur ceux des salariés, en leur octroyant des droits salariaux tels que l’accès aux congés familiaux et en faisant contrôler leurs conditions de travail par l’inspection du travail.
Bref, le risque est grand d’obtenir le résultat inverse de celui que vous recherchez. En niant la spécificité des stagiaires, qui restent des élèves en formation, en rigidifiant les droits, vous allez contribuer à tarir la source des stages. C’est un très mauvais texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La jeunesse était l’un des axes de campagne du candidat François Hollande, et l’un de ses engagements était justement l’encadrement des stages, pour éviter les abus. Cette proposition de loi s’engage donc en ce sens. Elle est nécessaire : 24 % des jeunes de moins de vingt-cinq ans sont au chômage, tandis que l’âge moyen pour un premier contrat à durée indéterminée est de vingt-sept ans.
Pour faire face à cette problématique de l’emploi, les jeunes se retrouvent souvent dans l’obligation de multiplier les stages. Ainsi, en 2006, on dénombrait environ 600 000 stagiaires par an. En 2012, le Conseil économique, social et environnemental avançait le chiffre de 1,6 million.
Un stage, quel qu’il soit, dans quelque structure que ce soit, reste un outil de formation. Professionnalisant certes, mais un outil de formation. Pourtant, il existe un très grand risque de recours au stage comme substitut à un emploi. Ainsi, le Centre d’études et de recherche sur les qualifications juge que seulement 38 % des stages sont formateurs et rémunérés. Cela confirme le risque croissant d’emplois déguisés et de stages qui n’ont pas lieu d’être.
Cette tendance se caractérise aussi par l’inflation de la création d’établissements qui n’ont pour seule raison d’exister que la délivrance de conventions de stage. Pour 500 euros, un jeune peut ainsi s’acheter un nouveau stage. Il convient de lutter contre cet effet d’aubaine pour ces fausses formations.
Il est donc nécessaire d’encadrer davantage les stages, qui doivent rester une étape dans le parcours de formation des étudiants, en remettant à plat les prérogatives des établissements d’enseignement et des tuteurs, en définissant un véritable statut du stagiaire.
C’est à ces objectifs que tente de répondre cette proposition de loi. Cette démarche s’inscrit dans la ligne directrice des précédents textes sur le sujet : la loi sur l’égalité des chances de 2006, les lois de notre collègue Cherpion de 2009 et 2011 et, plus récemment, la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche de juillet 2013. Ces différentes lois ont permis des avancées, au-delà de clivages partisans, en faveur des étudiants et des stagiaires, comme la gratification obligatoire pour les stages d’une durée supérieure à trois mois, puis à deux mois, par exemple.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, quant à elle, présente de nouvelles avancées. Mais avant de m’y attarder, je tenais à saluer sincèrement l’excellent travail mené par Mme la rapporteure Chaynesse Khirouni, un travail d’audition très intéressant, de concertation et de discussion. Elle a qui plus est prêté une oreille attentive aux interrogations : cela n’est pas systématique et je l’en remercie.
Concernant le fond du texte, de nombreuses dispositions sont à souligner. Les missions de l’établissement d’enseignement sont redéfinies et précisées. Ainsi, on vise à s’assurer que les stages s’inscrivent dans un projet pédagogique clair et formateur pour l’étudiant, afin que ce dernier acquière de véritables connaissances et compétences professionnelles. Je le disais dans mon introduction, trop souvent désormais les stages sortent de leur véritable domaine, qui est la confrontation au terrain de la formation théorique dispensée au sein de l’université ou de l’école.
Ces stages ne doivent pas, ne doivent plus être des emplois déguisés. Les stagiaires ne sont pas une main d’oeuvre à bas prix dont les entreprises peuvent se servir aisément. C’est pourquoi des outils de lutte contre le recours abusif aux stages et contre ces emplois déguisés sont instaurés par cette proposition de loi. On peut citer la limitation dans le temps des stages. Une telle disposition existait déjà, mais avec un système dérogatoire trop important, si bien que, dans les faits, il était aisé de la contourner. Désormais, il faudra une raison valide pour effectuer un stage de plus de six mois au sein du même organisme.
Dans le même sens, il est prévu une limitation du nombre de stagiaires par entreprise. Je salue encore une fois à ce sujet les précisions apportées par la rapporteure, qui a bien expliqué que cette limitation se ferait par seuils. Ainsi, les TPE, PME et grandes entreprises ne seront pas soumises aux mêmes limitations. Il était important de prendre en considération ces différences.
Pour lutter efficacement contre les emplois déguisés, la mesure présentée à l’article 2 va dans le bon sens. En effet, l’inscription des stagiaires au registre unique du personnel est une proposition que les écologistes ont faite par voie d’amendement à de nombreuses reprises. À chaque fois, cela avait été renvoyé à texte ultérieur. Je suis donc très satisfaite que cette proposition de loi reprenne cette mesure. Cela apportera une plus grande transparence au sein des entreprises et organismes d’accueil.
Le registre unique du personnel pourra se montrer précieux pour l’inspection du travail, dont les prérogatives en matière de lutte contre les emplois déguisés sont renforcées, ce qui est une excellente nouvelle. À de trop nombreuses reprises, de grandes annonces ne sont pas suivies d’effets. Ici, l’objectif annoncé est clair : lutter contre le recours abusif aux stages et combattre les emplois déguisés. Et les moyens suivent. Nous nous en félicitons donc.
Outre la lutte contre le recours abusif, le statut des stagiaires est amélioré. De nouveaux droits, fondés enfin sur le code du travail, leur sont ouverts. Les stagiaires bénéficieront désormais des dispositions relatives aux autorisations d’absence en cas de grossesse, de paternité ou d’adoption, ainsi que les protections relatives aux durées maximales de présence et aux périodes de repos.
Enfin, l’article 6 prévoit un dispositif d’exonération d’impôt sur le revenu pour les gratifications de stage. Cela semble être une mesure intéressante dans le cadre de structures au sein desquelles la gratification est supérieure au minimum légal. Il conviendra toutefois de veiller à ne pas créer un effet d’aubaine pour les entreprises qui préféreraient proposer un stage moins bien rémunéré qu’un CDD, mais dont la gratification serait exonérée d’impôt sur le revenu.
Toutes ces mesures vont donc dans le bon sens et les écologistes les soutiennent pleinement. Toutefois, nous pensons que d’autres améliorations seraient encore souhaitables, qu’on aurait pu aller encore plus loin. Je pense notamment à la question des gratifications. Le minimum légal actuel est de 436 euros mensuels environ. Si, dans certaines structures d’accueil, le budget est très serré – et cela, on peut l’entendre – il n’en reste pas moins que cette somme est réellement trop faible. Je vais prendre trois illustrations.
Songez à l’étudiant qui, faute d’emploi, est contraint d’enchaîner les stages et va alors avoir recours à ces fameuses fausses formations qui délivrent les conventions moyennant quelques euros. Leur prix est généralement supérieur à la gratification mensuelle minimale. On pourra m’objecter que, justement, cela donne un caractère rédhibitoire à cette pratique, mais ne soyons pas aveugles, nous savons pertinemment que ce n’est pas le cas.
Et que dire du deuxième étudiant, de celui qui, pour payer ses études, est obligé d’avoir un petit boulot à côté ? Comment fait-il lorsqu’il entre en période de stage ? Il se retrouve moins payé et dans l’impossibilité de compléter, faute de temps. Essayez de vivre avec un revenu mensuel de 436 euros : payez votre loyer et vous êtes d’ores et déjà à découvert.
Enfin, le troisième étudiant est celui qui décide de bénéficier de la réforme des retraites et de s’acheter ses trimestres de stage. Il va donc devoir amputer sa gratification, déjà très faible, pour s’offrir un droit. Madame la ministre, ne faudrait-il pas revoir rapidement le montant de ces gratifications, afin de sortir plus d’un étudiant d’une précarité imposée ?
Par ailleurs, on a pu constater des dysfonctionnements au sujet de la durée minimale ouvrant droit obligatoirement à une gratification. Actuellement, tout stage de deux mois consécutifs oblige la structure d’accueil à rémunérer le stagiaire. Mais deux problèmes se retrouvent fréquemment : les stages d’un mois et vingt-neuf jours, et les gratifications versées à partir du troisième mois. Ne serait-il donc pas opportun d’abaisser le seuil garantissant aux stagiaires une gratification ?
Pour en finir avec la gratification, madame la ministre, je souhaitais vous interroger sur un sujet qui, en commission, a soulevé des questions de la part de plusieurs parlementaires et de Mme la présidente de la commission en particulier. Il s’agit de la fonction publique et des stages dans le secteur médico-social. Entre pénurie de stages et absence de gratification, la gronde des étudiants et professionnels concernés est légitime. Pouvez-vous, madame la ministre, nous rassurer sur les évolutions législatives et réglementaires à venir pour assurer une plus grande équité entre les secteurs ?
Enfin, au-delà de la gratification, et toujours pour lutter contre la précarité étudiante, il semblerait intéressant d’ouvrir aux stagiaires les droits dont bénéficient les salariés, tels que les titres de transport et les titres restaurant.
Je soulève ces interrogations, qui seront débattues via nos amendements, mais je réitère le soutien absolu des écologistes à cette proposition de loi qui va indéniablement dans le bon sens et pose de nouvelles et réelles avancées pour nos étudiants.
Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.
Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, c’est à une question très actuelle que cette proposition de loi tente de répondre de façon circonstanciée.
À mon tour et au passage, je tiens à féliciter madame la rapporteure, Chaynesse Khirouni, pour la qualité de son travail visant à améliorer et mieux structurer le statut des stagiaires étudiants, thème de cette proposition.
Trop longtemps, sur la plupart de ces bancs, nous avons considéré qu’il fallait combiner la formation initiale avec l’immersion des étudiants dans les entreprises. Puis, avec le temps, une différenciation s’est opérée selon les cursus suivis, les établissements privés étant plus prompts à proposer des stages en entreprises à leurs étudiants, quand les universités peinaient à répondre à une demande de plus en plus forte de ces derniers.
À partir de la loi du 31 mars 2006, un cadre a été fixé, renforcé par la loi du 28 juillet 2011 qui porte le nom de notre collègue Cherpion. Nul ne contestera que ce cadre législatif a bien encadré les premiers stages étudiants mais qu’il devra être adapté – tout en gardant à l’esprit que nous devons préserver cet équilibre entre le besoin des entreprises, la nécessité d’entrer dans le cursus pédagogique et celle de protéger l’étudiant stagiaire.
Aussi, cette proposition complète des dispositions déjà acceptées lors de la discussion de la loi sur l’enseignement supérieur et de la recherche du 22 juillet 2013 – sur laquelle nous avons passé pas mal de temps ensemble, madame la ministre !
II est vrai que certaines universités ont déjà mobilisé leur bureau d’aide à l’insertion professionnelle – lequel est issu de cette loi, je vous le rappelle – pour mieux aider les étudiants à trouver leur lieu de stage. Ce dispositif doit être encore plus étendu pour ne pas pénaliser ceux qui ne disposent pas du réseau relationnel nécessaire. L’objectif est clair : trouver l’adéquation entre la demande du stagiaire et l’offre des entreprises.
Nous avons déjà avancé au cours du travail parlementaire pour faciliter l’encadrement de ces stages et leur effectivité.
J’ai dit que cette question était actuelle car force est de constater que, ces dernières années, la pratique des stages intégrés dans le cursus de formation de nombre d’étudiants a connu une expansion considérable. Les chiffres sont là, ils figurent dans l’excellent rapport que j’ai cité. Alors qu’en 2006 on estimait le nombre de stages à 600 000, on en dénombre aujourd’hui 1,6 million selon le rapport cité et celui du Conseil économique, social et environnemental. Il ne faut pas s’en plaindre.
Mais si personne ne peut remettre en cause la plus-value incontestable que représente une période de stage dans la formation des étudiants, tant pour découvrir le monde du travail ou pour construire leur projet d’orientation que pour favoriser leur future insertion professionnelle, la pratique a toutefois révélé des dérives détournant la vocation première du stage : être un outil au service de la formation de l’étudiant dans son cursus pédagogique.
Dans un contexte où le taux de chômage des moins de 25 ans reste élevé – même s’il faut reconnaître qu’il baisse depuis quelques mois grâce aux efforts de la politique du Gouvernement que nous soutenons – et où l’âge d’accès au premier emploi ne fait que reculer, précarisant toujours plus ce public, nous ne pouvons accepter des emplois déguisés.
Ce sont près de 100 000 stages qui devraient être en réalité des emplois pérennes et ce sont donc autant de contrats de travail en moins, « cachés » par des stages dans lesquels l’étudiant exécute bien une tâche liée à l’activité permanente de l’entreprise dans laquelle il est affecté.
Il fallait réagir. La loi sur l’enseignement supérieur et la recherche, que j’ai citée, reconnaissait déjà que les périodes de stage correspondent à une période temporaire de mise en situation en milieu professionnel au cours de laquelle l’étudiant acquiert des compétences professionnelles qui mettent en oeuvre les acquis de sa formation en vue de l’obtention d’un diplôme ou d’une certification. Ce fut une reconnaissance importante.
Cette réaction, de surcroît, peut être salutaire pour couper court à toute suspicion car, comme je l’ai dit tout à l’heure, nous devons passer d’un climat de défiance à un climat de confiance.
Oui, les entreprises – vous n’avez pas le monopole de leur coeur, monsieur Hetzel, puisque nous le partageons –…
…dans leur très grande majorité jouent le jeu des stages en entreprise,…
…de cette immersion dans le monde professionnel si nécessaire pour préparer les étudiants à leur avenir à court et moyen terme.
Mais, comme je le disais, il faut passer du climat de défiance à un climat de confiance en la matière et tel est précisément l’apport essentiel de ce texte. C’est pourquoi, comme l’oratrice du groupe SRC, je ne comprends pas pourquoi cette proposition ne recueille pas ce soir l’assentiment de tous au sein de cet hémicycle.
Tout d’abord, cette proposition propose d’éviter l’effet d’aubaine en limitant le nombre de stagiaires au sein de chaque organisme d’accueil rapporté à son effectif global. C’est l’article premier de la proposition, qui renvoie cette limite à un décret – ce que nous pouvons finalement regretter, même si Mme la ministre nous a informés qu’elle retiendrait le seuil maximum de 10 % pour les sociétés de plus de cinquante salariés. Il n’aurait pas été plus mal que la loi le dise.
Cette disposition obligera certains organismes d’accueil à recourir aux stagiaires dans des proportions plus raisonnables, sans attenter à cette liberté dont vous vous faisiez tout à l’heure les parangons, mais en favorisant l’emploi. Ce dispositif sera d’autant plus dissuasif qu’une amende est prévue en cas d’infraction, ce qui est normal.
L’inscription des stagiaires accueillis dans l’organisme dans une partie spécifique du registre unique du personnel, prévue à l’article 2, permettra de bien distinguer la fonction de stagiaire de celle des salariés occupant une fonction régulière ou temporaire. Vous nous avez dit pendant dix minutes que les salariés et les stagiaires seraient confondus, or, ce registre attestera de leur différenciation. De cette façon, l’inspection du travail pourra également procéder plus facilement à ses contrôles.
Lutter contre les emplois déguisés passe aussi nécessairement par un meilleur encadrement des stages. C’est pourquoi il est prévu que leur durée ne peut excéder six mois, une durée plus longue s’apparentant à une formation en alternance ou révélant la nécessité d’une création de poste. Toute possibilité d’extension de la durée de ces stages sera réduite par rapport au dispositif Cherpion de 2011. Là encore, je crois que c’est une bonne chose.
En redonnant une véritable sécurité à la convention de stage, cette proposition vise, comme je le disais, à lutter contre certains abus actuels qui sont tout à la fois le fait des entreprises et des organismes d’accueil mais, aussi, des établissements de formation qui délivrent des conventions de stage sans toujours s’assurer d’un réel intérêt ou du lien avec la formation suivie par l’étudiant.
Pour responsabiliser les trois parties, l’article premier prévoit la désignation d’un tuteur de stage dans l’organisme d’accueil et d’un référent dans l’établissement, ce qui est nouveau. Ceci instaurera également des garde-fous contre le non-respect de la convention. C’est en effet aussi par un meilleur respect de la convention de stage et des tâches qui y sont stipulées qu’un stage demeurera un outil au service de la formation de l’étudiant.
À ce titre, le groupe des députés radicaux de gauche a déposé un amendement pour garantir que les tâches affectées au stagiaire soient expressément définies par la convention en accord avec les trois parties.
Certes, on m’a déjà rétorqué que cela ne relevait pas du domaine de la loi mais du règlement. Je m’obstine à penser que cela va toujours mieux en l’écrivant, et qu’une définition précise des tâches à accomplir encadrera mieux les obligations de l’étudiant stagiaire et de l’entreprise accueillante.
Autre partie importante de cette proposition : la précision des droits du stagiaire, ce qui contribuera à mieux le protéger, lui qui découvre souvent pour la première fois l’univers professionnel.
Les dispositions du code du travail relatives aux autorisations d’absence en cas de grossesse, de paternité ou d’adoptions pourront dorénavant être appliquées aux stagiaires. J’ai obtenu en commission que soit inscrite systématiquement dans la convention, pour les stages de plus de deux mois, la possibilité pour le stagiaire de bénéficier de congés et d’autorisations d’absence. C’est une belle avancée.
Toujours afin de mieux protéger le stagiaire, les mêmes protections que pour les employés contre toute forme de harcèlement lui sont reconnues.
Loin de ne prévoir que les droits des stagiaires, cette proposition de loi parvient tout de même à trouver un équilibre essentiel en rappelant également les devoirs qui leur incombent vis-à-vis de l’organisme d’accueil : respect du règlement intérieur de l’entreprise, du lien de subordination, et des obligations qui leur incombent.
Les radicaux de gauche ont souhaité également rapprocher le statut du stagiaire de celui du salarié, notamment, par l’inscription dans la convention de stage de la possibilité de bénéficier de congés et d’autorisation d’absence lorsque le stage est supérieur à deux mois.
Améliorer la qualité des stages sans tarir leur offre : tel est l’ambitieux objectif de cette proposition. Parce qu’elle répond à cette attente, parce qu’elle est adaptée à la situation présente, le groupe des radicaux de gauche et apparentés la votera avec détermination.
Je vous remercie.
Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, écologiste et SRC.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’ampleur du recours au stage pour sanctionner un cycle d’étude et inaugurer l’entrée dans la vie professionnelle est un phénomène récent.
Depuis 2006, le nombre de stagiaires a ainsi presque triplé et il n’est pas rare que certaines PME, notamment pendant les vacances d’été, comptent plus de stagiaires que de salariés.
Véritable sas entre les études et le travail, le stage permet de surmonter l’injonction paradoxale des entreprises qui exigent des jeunes diplômés qu’ils disposent d’une expérience professionnelle.
Mais cette augmentation des stages est également le reflet d’un marché du travail toujours plus fermé aux jeunes générations. À ce titre, le stage est malheureusement de moins en moins un passage nécessaire, une source d’expérience, et de plus en plus une longue antichambre précaire avant le premier emploi durable, qui ne s’obtient en moyenne qu’à l’âge de 28 ans.
On voit ainsi apparaître entre la fin des études et ce premier emploi un nouveau prolétariat souvent surdiplômé, allant de stages en petits boulots dans des conditions matérielles difficiles. Ils subiront jusque dans le faible montant de leur retraite – à laquelle ils n’auront droit que bien tardivement – les conséquences de cette précarité.
C’est assez souligner combien le statut réservé aux stagiaires a des conséquences importantes sur leur vie et engage la société dans son ensemble. Il pose à la fois la question de l’encadrement des stages et de la juste rémunération du travail, ainsi que celle des droits accordés aux salariés dont les stagiaires ne bénéficient pas.
Plus fondamentalement encore, cette question des difficultés d’insertion des jeunes renvoie à celle de la place que notre société accorde aux jeunes générations.
Le texte qui nous est présenté aujourd’hui n’est pas la première tentative pour encadrer, à la marge, cette « fragmentation du travail » subie par les stagiaires.
Il en est ainsi, par exemple, de la prime à l’embauche d’un jeune stagiaire votée par la précédente majorité, qui offrait 3 000 euros aux entreprises recrutant un stagiaire de moins de 26 ans en contrat à durée indéterminée entre avril 2009 et juin 2010.
Le résultat de ce coûteux dispositif ne fut pas à la hauteur des espérances : en lieu et place des 50 000 embauches attendues, seuls 7 245 stagiaires en ont bénéficié. Et encore, l’effet d’aubaine a-t-il sans doute joué à plein puisque ce sont essentiellement des jeunes pourvus de diplômes d’un niveau très élevé qui ont été concernés.
Depuis 2009, tous les stages de plus de deux mois doivent être rémunérés 436,05 euros par mois, un montant ridiculement faible, inférieur au RSA, et qui correspond à la moitié du seuil de pauvreté fixé à 814 euros par mois pour une personne seule.
La loi sur l’enseignement supérieur de juillet 2009 a élargi cette obligation d’indemnité aux stagiaires de la fonction publique hospitalière et locale, mais les décrets d’application de cette disposition n’ont jamais été publiés.
Une autre proposition de loi présentée par notre collègue Gérard Cherpion, adoptée en 2011, prévoyait de limiter la durée des stages à six mois et imposait un délai de carence d’un tiers de la durée du stage du stagiaire sortant avant de pouvoir embaucher un nouveau stagiaire sur le même poste, afin que les entreprises n’enchaînent pas les stages plutôt que d’embaucher.
Malheureusement, ces intentions louables n’ont pas dépassé le stade de l’affichage puisqu’une fois de plus les décrets d’application de ces dispositions n’ont pas été publiés.
Dernièrement encore, la loi sur les retraites a prévu la possibilité pour les stagiaires de moins de 30 ans de cotiser pour leur retraite en rachetant au maximum deux trimestres pour un montant de 150 euros par trimestre. Mais on voit mal comment un stagiaire royalement indemnisé 436 euros par mois ou un salarié en tout début de carrière pourrait débourser 150 euros pour racheter un seul trimestre et 300 pour en racheter deux.
Dans ce contexte, la proposition de loi qui nous est présentée aujourd’hui par nos collègues socialistes constitue une indiscutable avancée, car les mesures qu’elle contient vont sans aucun doute dans le bon sens. Je regrette néanmoins leur insuffisance, au regard de la réalité concrète. Il en est ainsi de l’indemnisation des stagiaires, qui est maintenue dans ce texte sans aucune revalorisation. Vous proposez seulement de l’exonérer d’impôt, ce qui pourrait passer pour une plaisanterie, étant donné que bien peu de stagiaires sont imposables. En tout cas, cela ne coûtera pas cher aux finances publiques, vu le montant des sommes en jeu… De même, les dispositions concernant la lutte contre le travail dissimulé, notamment les moyens de contrôle et les recours possibles, ne sont pas à la hauteur des problèmes que nous connaissons.
Nous avons donc déposé des amendements qui visent trois objectifs : renforcer le caractère pédagogique du stage, donner aux stagiaires davantage de droits et lutter contre les abus. Ce texte précise les missions des établissements d’où proviennent les stagiaires : nous proposerons de renforcer leur implication dans la recherche des stages pour leurs étudiants. En effet, plusieurs d’entre nous l’ont déjà souligné, si beaucoup d’étudiants peinent à trouver un stage, ceux qui sont issus d’un milieu modeste, parce qu’ils ne peuvent compter sur l’aide, voire sur le carnet d’adresses de leurs parents, connaissent davantage de difficultés et sont particulièrement pénalisés.
Le projet pédagogique sur lequel s’appuie le stage étant un élément essentiel, nous proposerons de préciser les conditions de son application. Le texte prévoit de mettre en place un enseignant référent et un tuteur au sein de l’entreprise qui accueille le stagiaire, ce qui est une excellente chose. Nous proposerons d’ajouter dans la loi l’obligation pour l’enseignant référent de rencontrer l’étudiant-stagiaire au moins une fois pendant son stage et de limiter à deux le nombre de stagiaires suivis par le tuteur professionnel. À ce propos, si l’intention de limiter le nombre de stagiaires par rapport au nombre de salariés dans l’entreprise est louable, le fait de renvoyer son application à un décret en réduit considérablement la portée – sans parler du risque que ce décret ne sorte jamais, ce que je préfère ne pas imaginer. C’est pourquoi nous proposerons de fixer dans la loi le nombre maximum de stagiaires qu’une entreprise pourra accueillir.
Nous soutenons également la volonté d’améliorer les droits des stagiaires en ce qui concerne les absences et les durées maximales de présence, d’autant que cette disposition figurait déjà dans une proposition de loi de notre groupe déposée en 2006. Mais les propositions qui sont faites restent timides, alors que les stagiaires devraient bénéficier des mêmes droits que les salariés, y compris s’agissant des transports. Compte tenu de leur statut, nous considérons même que les heures supplémentaires et le travail de nuit devraient être interdits…
…et que l’obligation d’autoriser les stagiaires à s’absenter pour des raisons pédagogiques dans certains cas devrait également figurer dans ce texte. Nous l’amenderons donc en ce sens.
Par ailleurs, nous proposerons de renforcer les dispositions visant à éviter le recours au travail dissimulé sous forme de stage, notamment avec l’extension de la compétence des prud’hommes et le renforcement des sanctions administratives en cas d’abus. Nous proposerons également d’améliorer les possibilités de recours pour les stagiaires confrontés à des employeurs indélicats, à des ruptures abusives de convention ou à des conditions de travail inappropriées pour un stage. Enfin, une indemnité de stage applicable dès le premier jour et au moins égale à la moitié du SMIC serait la moindre des choses.
Pour conclure, ce texte va dans la bonne direction et nous le soutenons, même s’il reste parcellaire et très insuffisant, au regard de la situation extrêmement précaire faite à ces jeunes et de leur trop fréquente exploitation éhontée pendant des mois, voire des années. C’est dommage, car présenter une grande loi modernisant les conditions de déroulement des stages pour notre jeunesse aurait pu constituer une belle avancée, digne d’un gouvernement de gauche, avec l’objectif, non seulement d’améliorer la qualité des stages, mais de rapprocher le statut des stagiaires de celui des salariés, de leur octroyer une indemnisation décente et de leur permettre, par exemple, la prise en compte des périodes de stage dans la durée de cotisation d’assurance-vieillesse. Malheureusement, vous ne présentez que des mesures timides, et souvent à doses homéopathiques, dont on peut de surcroît se demander, dans certains cas, par qui et comment leur application sera contrôlée dans la vie concrète.
Dans ce contexte, nous accordons une importance particulière à nos amendements. Le sort qui leur sera réservé déterminera donc notre vote final.
Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, je voudrais d’abord revenir sur un point de l’intervention de M. Hetzel qui est exact : les élèves avocats sont en effet tenus de faire des stages. J’en garde pour ma part un excellent souvenir, car c’est à cette occasion que l’on peut vérifier si le choix professionnel que l’on a fait nous convient. On voit de vrais dossiers, on assiste à de vraies audiences, on rencontre de vrais clients, et l’on a même un avant-goût de la confraternité, y compris parfois dans sa dimension de haine vigilante, pour reprendre la définition la plus exacte qu’on puisse en donner.
Sourires.
Deuxièmement, et à présent je m’éloigne de vous, monsieur Hetzel, on aurait voulu savoir, en écoutant votre motion, pourquoi vous vous écartez à ce point de l’analyse qui était celle du groupe UMP quand Mme Pécresse et les députés de son groupe ont déposé, le 16 mars 2006, dans des termes choisis, une proposition de loi sur ce sujet – mais vous n’en avez rien dit.
Les motifs de la présente proposition de loi sont d’autant plus fondés que le nombre de stages a plus que doublé entre 2006 et 2012, puisqu’il est alors passé, d’après les chiffres du Conseil économique, social et environnemental, de 600 000 à 1,6 million.
Regardez les mesures qui étaient proposées en 2006 ! Une gratification de 50 % du SMIC pour un stage d’une durée supérieure à trois mois. Comme vous le savez, notre proposition de loi ne précise pas le montant de la gratification, mais elle sera obligatoire pour tout stage supérieur à deux mois. Nous ramenons la durée minimale à deux mois, c’est vrai, mais vous, vous aviez fixé le montant à 50 % du SMIC !
Vous utilisiez par ailleurs des termes forts, lorsque vous dénonciez les « abus de stage » : « Constitue un abus de stage, le recours à un stagiaire pour assurer les tâches normales d’un emploi de l’entreprise, dès lors que ledit stagiaire a achevé le cursus de formation nécessaire pour être embauché pour occuper ce type d’emploi. » La notion avait le mérite d’être clairement définie, mais la pratique, elle, n’était pas sanctionnée – c’est ce qui manquait à votre proposition de loi.
Enfin, alors que vous dénoncez les sujétions administratives que nous imposerions aux administrateurs, vous aviez prévu, à l’article 3, qu’un « registre des stagiaires » serait annexé au registre du personnel. Nous, nous l’intégrons désormais au registre du personnel, mais je vous avoue qu’en termes de charge administrative, je ne vois pas bien la différence.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Il y a un équilibre à trouver, s’agissant des stages, et de ce point de vue je m’écarte un peu du groupe GDR. Le stage est un dispositif de formation,
« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP
ce qui suppose un projet pédagogique, un tuteur et des capacités d’encadrement. C’est pour préserver ces capacités d’encadrement qu’il importe de limiter le nombre de stagiaires accueillis dans une même structure. En effet, une petite structure ne peut pas sérieusement encadrer et former un trop grand nombre de stagiaires.
Le stagiaire n’a pas de contrat de travail, puisque le stage reste de l’ordre de la formation, mais il doit y avoir des limites. On ne peut pas demander davantage à un stagiaire qu’à un salarié, et les limites légales de la durée du travail ne peuvent pas être supérieures pour un stagiaire que pour un salarié. Pour autant, le stage n’étant pas encadré par un contrat de travail, il fait l’objet d’une gratification, et non d’un salaire. De ce point de vue, il me semble que notre proposition de loi fait bien la part des choses.
Si la proposition de loi de Mme Pécresse a introduit la notion d’abus de stage, nous, nous lui donnons une traduction juridique : un abus de stage, c’est interdit.
Un abus de stage, c’est un travail dissimulé. Or un travail dissimulé, cela se contrôle – d’où la nécessité de faire intervenir l’Inspection du travail – et cela se sanctionne, puisque c’est une infraction. C’est déjà le cas, dites-vous, mais la proposition de loi qui vous est soumise approfondit cette notion de travail dissimulé derrière un stage et permet de le sanctionner, d’un point de vue à la fois administratif et judiciaire, d’une façon beaucoup plus claire que ne le fait le droit positif actuel.
Vous savez, monsieur Hetzel, quand on admet qu’il existe des abus de stages, quand on reconnaît que certains stages dissimulent des emplois, mais que l’on ne fait rien, on est laxiste.
Telle est aujourd’hui la position du groupe UMP. Ce laxisme, nous n’en voulons pas, car il nous semble que dès lors que l’on constate un travail dissimulé, il faut le sanctionner.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP, écologiste et GDR.
Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous nous accorderons tous sur le constat simple, mais fondamental, qu’un meilleur encadrement des stages en France est une nécessité.
De grands progrès avaient déjà été réalisés en 2006, je l’ai rappelé tout à l’heure, sous l’impulsion de Jean-Louis Borloo, alors ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. C’est notamment la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances qui avait instauré le principe du versement obligatoire d’une gratification pour tous les stages en entreprise d’une durée supérieure à deux mois consécutifs.
Le nombre de stagiaires a presque triplé depuis 2006. Ce chiffre en lui-même ne poserait pas de problème majeur si nous ne savions pas que les stages abusifs sont estimés à 100 000 par an. Dès lors, il convient de protéger les stagiaires, qui sont toujours plus nombreux, et de garantir leurs droits. Dans le même temps, des règles doivent être établies afin d’éviter les comportements abusifs de certaines entreprises.
Une proposition de loi dans ce sens était donc attendue, mais nous ne pouvons cacher notre déception face à celle que nous examinons aujourd’hui. En effet, une très grande partie de cette proposition de loi ne consiste qu’à déplacer des articles du code de l’éducation et à les renommer. Certes, la création d’un chapitre dédié aux stages dans ce code est pertinente, mais ce travail de codification, si utile soit-il, n’est cependant pas très ambitieux. Quant aux autres dispositions de cette proposition de loi, elles ne traitent pas, selon nous, les problèmes fondamentaux liés aux stages, mais se contentent, au contraire, de créer de nouvelles contraintes et sanctions pour les entreprises.
Vous n’êtes pourtant pas sans savoir que de plus en plus de jeunes peinent à trouver des stages, alors même que ces derniers sont obligatoires afin de valider leur cursus. C’est un problème que nous nous devons de résoudre, et vous conviendrez que créer de nouvelles contraintes pour les entreprises se révélerait contre-productif. Sur un tel sujet, nous devrions plutôt nous attacher à responsabiliser les acteurs pour restaurer la confiance.
Faut-il vous rappeler que le taux de marge des entreprises françaises est à son plus bas niveau depuis 1985, à 28,1 % seulement, bien loin derrière nos voisins européens ? La politique menée par le Gouvernement et la majorité socialiste depuis vingt mois a fortement contribué à la dégradation de la compétitivité de nos entreprises. Mais après un matraquage fiscal de 14 milliards d’euros en 2013, et une nouvelle hausse de l’impôt sur les sociétés en 2014, le Président de la République leur avait promis un choc de simplification !
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Je serais curieux, mes chers collègues, de savoir en quoi la présente proposition de loi contribuera à un tel choc de simplification ! Pour nous, vous l’aurez compris, elle n’aborde pas la problématique des stages sous le bon angle. C’est pourquoi le groupe UDI a déposé un certain nombre d’amendements susceptibles de l’améliorer significativement, en particulier par la suppression des nouvelles contraintes imposées par le texte aux entreprises et une plus grande souplesse de l’organisation du temps de travail des stagiaires. Au lieu de leur faire suivre obligatoirement les règles applicables aux salariés, nous proposons que la détermination de leurs horaires de présence relève de la convention de stage. Ainsi, le stagiaire s’absentant quelques jours pour des examens ou des cours ne sera pas pénalisé mais en conviendra avec son tuteur. Une telle souplesse nous semble nécessaire.
Nous devons en outre réaffirmer que l’élève ou l’étudiant conserve le statut de stagiaire pendant toute la durée du stage et ne doit en aucun cas être apparenté à un salarié. C’est pourquoi les règles relatives aux congés de maternité, de paternité ou d’adoption doivent selon nous être discutées au cas par cas avec les organismes d’accueil.
En outre, il faut empêcher les abus liés aux stages. C’est pourquoi il nous paraît nécessaire d’inscrire clairement dans la loi l’interdiction des stages postérieurs à la formation effectués à l’issue d’un cursus universitaire, afin de lutter contre la pratique des étudiants fantômes et des réinscriptions fictives, qui est contre-productive pour les étudiants eux-mêmes. Nous en avions débattu lors de l’examen du projet de loi sur la sécurisation de l’emploi. Notre rapporteur déclarait alors que « nous devons encadrer ou interdire les stages post-scolaires et favoriser les stages plus brefs, utiles dans les cursus scolaires pour découvrir le monde de l’entreprise ». Afin de traiter la question dans sa globalité, il l’avait renvoyée à un texte ultérieur. Nous ne pourrons pas le faire dans un cadre plus approprié que celui d’une proposition de loi traitant précisément de l’encadrement des stages et de l’amélioration du statut des stagiaires.
Nous devons également nous pencher sur les stages de moins de deux mois, sources de nombreux abus mais passés sous silence par la proposition de loi du groupe socialiste, à notre grand regret. En effet, la rémunération des stagiaires n’étant obligatoire qu’à partir du troisième mois de stage, de nombreux organismes accueillent des stagiaires par périodes successives de deux mois sans les rémunérer. C’est pourquoi nous devons prendre des mesures grâce auxquelles élèves et étudiants accéderont plus facilement à des stages non seulement rémunérés, mais également plus longs et donc plus formateurs, au cours desquels ils auront le temps de s’impliquer davantage et d’acquérir une véritable expérience.
Quant aux entreprises, nous devons les encourager à accueillir des stagiaires pour des durées plus longues, ce qui favorisera la mise en place d’une véritable relation avec le stagiaire, chose impossible lors d’un stage de deux mois seulement. Bref, il s’agit d’inciter les deux parties à s’investir davantage, ce qui ne peut qu’améliorer les conditions des stages.
Permettez-moi également, chers collègues, de soulever la question des stages de plus de deux mois des étudiants dans les collectivités territoriales et les hôpitaux. Je rappelle que la loi relative à l’enseignement supérieur et la recherche du 22 juillet dernier prévoit qu’ils seront désormais rémunérés.
Toutefois, Mme la ministre a annoncé en octobre que la mesure ne s’appliquerait pas obligatoirement pour l’année scolaire 2013-2014 et qu’une concertation était engagée avec les organismes d’accueil. Où en est ladite concertation, madame la ministre ?
Pourrait-on envisager une telle mesure pour les stagiaires étudiants médicaux ou paramédicaux, qui sont les seuls stagiaires dont la rémunération n’est pas obligatoire ?
Le groupe UDI proposera également des amendements visant à améliorer de manière structurelle le statut des stagiaires. En effet, le Gouvernement a fait le choix hypocrite de ne pas repousser l’âge légal de départ à la retraite tout en allongeant la durée de cotisation nécessaire pour une retraite à taux plein. Un tel jeu de dupes ne doit tromper personne ! La conséquence de la réforme, c’est que les salariés devront travailler encore plus longtemps s’ils veulent une retraite à taux plein.
Les jeunes, qui entrent de plus en plus tardivement sur le marché du travail, sont les grands perdants de cette hypocrisie. La diminution constatée de l’acquisition de droits à la retraite en début de carrière rend compte à la fois de l’allongement de la durée des études et du caractère plus progressif de l’insertion sur le marché du travail. C’est pourquoi nous demandons au Gouvernement de prendre des mesures en faveur des jeunes en vue d’améliorer les conditions d’acquisition de leurs droits à retraite. La prise en compte des stages en milieu professionnel dans le calcul de la retraite est une mesure concrète qui constitue un signal fort à l’égard de la jeunesse.
Enfin, je ne dirai qu’un mot du volet de la proposition de loi relatif à l’inspection du travail. Tout d’abord, sur le fond, nous considérons que le contrôle de la bonne exécution du stage doit être avant tout opéré par les autorités académiques en vertu de leurs prérogatives d’inspection pédagogique et administrative. Elles pourraient ensuite, le cas échéant, en référer aux agents de contrôle de l’inspection du travail. Sur la forme, je ne peux que m’étonner de trouver dans le texte des dispositions relatives à l’inspection du travail, dont nous avons débattu voici seulement deux semaines lors de l’examen du projet de loi sur la formation professionnelle. Nous n’avons cessé de dire qu’une réforme de l’inspection du travail et des missions de ses agents supposait une concertation avec eux dans un cadre global et cohérent. Nous déplorons que la proposition de loi ne tienne aucun compte de nos remarques.
Vous l’avez compris, mes chers collègues, cette proposition de loi est à nos yeux non seulement décevante, mais également dangereuse à bien des égards.
C’est pourquoi nous espérons que nos nombreuses propositions constructives seront adoptées afin d’aboutir à une loi plus juste et plus ambitieuse.
Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, chers collègues, chaque année, des milliers d’étudiantes, d’étudiants et de jeunes en formation délaissent temporairement les bancs des écoles et de l’université pour suivre un stage. Il s’agit d’une étape importante et enrichissante, celle du premier contact avec le marché du travail, de la mise en pratique des apprentissages théoriques et de l’acquisition de compétences. Cela est fondamental au moment d’intégrer la vie professionnelle, d’autant plus que cette intégration peut se transformer en véritable parcours du combattant. En effet, les compétences acquises en dehors du système éducatif procurent aux stagiaires un avantage décisif pour trouver un emploi. À l’heure où la bataille de l’emploi est déterminante pour les jeunes et où le taux de chômage des jeunes baisse de façon significative depuis six mois, un stage contribue à ouvrir des perspectives de carrière.
Par conséquent, la recherche du stage est un moment pédagogique fondamental de l’année scolaire et constitue un apprentissage des réalités du marché du travail. L’établissement scolaire joue un rôle important dans ce processus dans la mesure où les équipes éducatives ont une démarche de conseil en vue d’une recherche efficace. Celle-ci nécessite un travail de préparation pour définir un projet de stage, préparer un CV et une lettre de motivation et surtout cibler les offres. L’établissement accompagne ainsi les élèves jusqu’à l’obtention de leur diplôme, les soutient dans la construction de leur projet professionnel et les encourage à ne pas censurer leurs ambitions.
J’insiste sur une telle démarche car on constate souvent l’activation d’un réseau familial et de contacts personnels qui facilitent, voire déterminent l’accès au stage. Tel est en effet souvent le principal moyen de voir aboutir une candidature. Par conséquent, les étudiants et les jeunes en formation sont trop souvent confrontés à des difficultés dans leur recherche, qui varient en fonction du milieu social. Les variables socio-économiques et l’activité professionnelle des parents sont ici très significatives. Nombreux sont les parents qui se rendent dans nos permanences, souvent en désespoir de cause, pour trouver un stage. Les enfants dont les parents ne disposent pas d’un réseau suffisant font encore une fois, malheureusement, l’expérience de la mise à l’écart. Comment rétablir, dans ces circonstances, l’égalité des chances ?
Beaucoup d’établissements mettent en place des sections comportant des stages obligatoires en entreprise. Dès lors, les jeunes qui se trouvent dans l’incapacité d’en effectuer ne peuvent obtenir leur diplôme. Il est donc nécessaire, comme le rappelle la proposition de loi, que l’école intervienne en dernier recours pour réduire les difficultés des élèves dans leur recherche et faire en sorte de n’en laisser aucun sans stage. L’aide des professeurs peut bénéficier en priorité à ceux qui déclarent rencontrer des difficultés. Le réseau d’entreprises de l’école constitue autant de lieux de stage et doit être développé sur la base de garanties et de contrats de confiance offerts par les établissements. Enseignants et chefs de travaux peuvent alors, en sus de leurs activités scolaires, établir des liens avec le tissu économique local.
Il s’agit notamment d’anticiper le moment à partir duquel il faudra suppléer les élèves et les accompagner plus fortement dans leur recherche de stage. Dès lors, le maintien d’un réseau où les relations sont bonnes est primordial.
C’est à la lumière du modèle de l’alternance, fondée sur la coopération dynamique des mondes académique et professionnel, qu’il faut encore faire évoluer les stages. L’alternance reste encore méconnue, malheureusement ; le recours y est insuffisant et une image stéréotypée nuit parfois à l’ensemble des acteurs, élèves, familles et enseignants. C’est pourtant bien l’alternance qui est susceptible de représenter une voie d’excellence demain, dans la mesure où l’école et l’entreprise sont indissociables. Elle représente en outre un outil extraordinaire de formation et de professionnalisation pour les jeunes.
Enseignante-chercheur à l’École nationale des travaux publics de l’État à Vaulx-en-Velin, qui est une école d’ingénieurs, avant d’être élue députée, j’y ai constaté comment s’établit une démarche de réseau. Les écoles d’ingénieurs ont mis en place de véritables services des stages, proposant aux étudiants diverses offres grâce à une politique de renforcement des partenariats avec les entreprises et bien entendu à un réseau d’anciens élèves. C’est une telle interaction entre l’école et l’entreprise, qui ne se résume pas à un simple envoi de conventions, qui permet une bonne définition des compétences à acquérir par l’élève et lui permet réellement d’obtenir un stage.
Il convient donc de mettre enseignants et responsables de formation en situation d’aider à trouver des solutions au problème de l’accès aux stages. En précisant les missions de l’établissement d’enseignement, chargé d’appuyer et d’accompagner les étudiants dans leur recherche, la proposition de loi dont Mme Khirouni, à l’ambition louable, est rapporteure s’inscrit donc bel et bien dans une telle démarche. Elle permettra la mise en place d’une formation de qualité offrant des perspectives pour répondre aux exigences du professionnalisme d’aujourd’hui et de demain.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.
Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, le chômage des jeunes est un fléau de notre société. En raison de la crise que nous connaissons depuis 2007, il a explosé pour les moins de 25 ans, passant de 19 % à 25 % en six ans. Durant la même période, chez nos voisins allemands, le chômage des jeunes reculait de quatre points, passant de 12 % à 8 %. Il y a là matière à s’interroger sérieusement, en commençant par dresser un constat : dans les pays où les jeunes sont moins nombreux à poursuivre des études universitaires, le chômage des 15-24 ans est plus faible. En France, nos diplômés n’ont jamais été aussi nombreux.
Un certain nombre d’entre eux trouve un emploi durable, ce qui est heureux, mais tous les autres, qualifiés ou non, subissent pendant plusieurs années la galère des stages, des missions d’intérim et des périodes d’inactivité. Il s’écoule parfois beaucoup de temps avant de décrocher un premier CDI et s’intégrer enfin au monde du travail. Pour faire face à cette situation préoccupante, le Gouvernement a inventé les emplois d’avenir en offrant un premier emploi à des jeunes, espérant par là même infléchir la courbe du chômage. Sans succès !
Je parle du chômage en général, chers collègues, pas uniquement de celui des jeunes. Avant d’évoquer la proposition de loi relative à l’encadrement des stages, je ne peux m’empêcher de dire ici tout le bien que je pense de la formation par alternance. Le Gouvernement prétend en faire une priorité, mais la réalité est malheureusement tout autre.
Depuis la réforme Séguin de 1987, l’apprentissage est ouvert à toutes les formations. Du CAP de niveau 5 à un diplôme de l’enseignement supérieur, on peut se former en alternant des périodes de cours avec des périodes de travail en entreprise. L’apprentissage se développe dans les filières très professionnalisées, comme les métiers du bâtiment, l’informatique ou la gestion, mais gagne aussi des domaines comme les sciences humaines. Incontestablement, l’apprentissage ouvre des voies de réussite et facilite l’insertion dans le monde professionnel.
Près de 80 % des apprentis obtiennent un premier emploi en trois mois après une formation en alternance, et sans avoir besoin pour cela d’effectuer un stage. En donnant aux acteurs de l’alternance les moyens et les financements nécessaires pour développer l’apprentissage, l’urgence de cette proposition de loi pour limiter les pratiques abusives de certaines entreprises en matière de stages devenait toute relative.
Mme la ministre, hier, en réponse à une question d’actualité, vous avez affirmé vouloir améliorer la qualité des stages, éviter les stages « photocopies – machine à café », et ne pas assimiler un stagiaire au substitut bon marché d’un salarié absent. La majorité précédente avait les mêmes objectifs. Permettez-moi de rappeler la loi Cherpion de 2011, qui a considérablement contribué à protéger les stagiaires. Elle a fixé la durée maximale de stage à six mois, créé un délai de carence, rendu la gratification obligatoire et posé le principe de la prise en compte de l’ancienneté en cas d’embauche.
Les six articles de la présente proposition de loi partent sans doute d’une bonne intention, mais risquent aussi de tarir les offres de stages. Si, pour un employeur, l’accueil d’un stagiaire devient un casse-tête, notamment à cause de la teneur coercitive du texte, il renoncera à prendre des stagiaires. On risque de se trouver dans une impasse, à savoir une situation où des jeunes ne pourront plus valider leur formation faute d’offre, ce qui serait dommage.
Un stage doit permettre à un jeune de vivre une vraie situation de travail, avec des objectifs, des délais et des exigences. Il faudra en analyser les succès et les échecs en en tirant toutes les conséquences. Et attention à ne pas faire évoluer le statut du stagiaire vers celui de salarié, car le stagiaire reste avant tout un étudiant ou un élève en formation.
L’encadrement est évidemment un facteur de réussite. Le stagiaire doit bénéficier d’un tuteur qui s’entretient régulièrement avec lui pour rappeler ou refixer les objectifs : cela lui est aussi nécessaire que l’encadrement pédagogique dispensé par l’établissement formateur. L’article 1er rappelle la cohérence nécessaire entre cursus pédagogique et stage. Si on ne peut qu’être d’accord avec les droits des stagiaires en matière de libertés individuelles ou collectives, j’exprime le voeu que la mise en place d’un taux maximal de stagiaires par entreprise et par tuteur ne soit pas trop rigide, notamment dans les petites entreprises.
Un stage doit être un système gagnant-gagnant, pour le stagiaire qui valide ainsi son cursus de formation, comme pour l’entreprise qui bénéficie du regard neuf d’un stagiaire, lequel peaufine son projet personnel tout en expérimentant des situations réelles de travail.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Je ne vais pas répondre maintenant à l’ensemble des interventions – j’aurai l’occasion de le faire lors de l’examen des articles –, mais je veux tout de même faire remarquer le caractère contradictoire de certaines interventions : comment un texte peut-il être à la fois inutile et dangereux ?
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Et s’il est inutile, c’est qu’il ne diffère pas du précédent, mis en oeuvre par la majorité précédente : est-ce à dire que ce texte précédent était donc dangereux ? Il y a là une difficulté logique qui a peut-être échappé à ceux qui ont voulu l’invoquer.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Mais je ne veux pas polémiquer. Sur le fond, j’apporterai une précision sur un point, à savoir l’extension et la généralisation des indemnisations, introduites par un amendement à la loi relative à l’enseignement supérieur et la recherche – l’absence de cette disposition dans le texte initial explique qu’elle n’ait pas fait l’objet d’une concertation, ni avec les établissements sociaux, ni avec les établissements médicaux, ni avec les collectivités territoriales.
Face aux difficultés qui ont surgi – car il y a des stages obligatoires pour certaines formations, notamment celle des éducateurs spécialisés et des assistantes sociales –, nous avons décidé, en attendant la publication des textes réglementaires, de surseoir à l’application de cette extension jusqu’à ce que nous parvenions à un accord. Nous avons établi une concertation entre le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et le ministère des affaires sociales et de la santé et sommes parvenus, la semaine dernière, à un arbitrage qui résout les problèmes.
Je veux d’abord préciser, car j’ai vu que ce point prêtait à confusion, que les auxiliaires médicaux, dont les infirmières et les orthophonistes, demeurent exonérés de gratification, cette exception étant prévue par la loi HPST de 2009 – elle a, par ailleurs, été confirmée par la loi relative à l’enseignement supérieur et la recherche. Ces personnels demeurent donc soumis aux dispositions de la loi HPST.
En revanche, les étudiants en travail social – assistantes sociales, éducateurs de jeunes enfants, éducateurs spécialisés – effectuant des stages à 52 % dans des associations et à 48 % dans des administrations de l’État, des collectivités, des établissements publics de santé, des hôpitaux ainsi que des établissements médico-sociaux, étaient, eux, concernés par l’indemnisation. Pour ces étudiants, nous avons trouvé une solution : un fonds de transition sera mis en place pour aider les organismes nouvellement soumis à gratification qui les accueillent. Ce soutien financier sera réservé aux structures qui en feront la demande auprès des ARS ou de la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale – la DRJSCS –, selon la nature de l’établissement concerné, avec l’obligation de documenter l’incapacité à s’acquitter de la gratification. Nous avons prévu pour ce fonds transitoire un montant total de 5,3 millions d’euros, qui suffira à répondre aux demandes de gratification.
C’est là un arbitrage interministériel qui a eu lieu la semaine dernière, et vous en avez donc la primeur.
C’est effectivement une excellente nouvelle que cet arbitrage qui vient résoudre de nombreuses difficultés.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
Mon rappel au règlement est fondé sur l’article 58, alinéa 1er de notre Règlement, madame la présidente. Si je me félicite de l’excellent travail que nous avons accompli en commission, je me pose tout de même une question au sujet de ce travail. Il nous a été impossible de prendre connaissance d’un certain nombre d’amendements, déposés par le Gouvernement et par certains députés dans un délai trop court pour que la commission puisse en prendre connaissance.
Je vois que Mme la présidente de la commission des affaires sociales nous rejoint, ce qui va me permettre de m’adresser à elle. Afin de permettre à la commission de continuer l’excellent travail qu’elle a d’ores et déjà accompli, en prenant connaissance des amendements qu’elle n’a pas pu examiner précédemment, il nous semble important qu’elle se réunisse soit ce soir, c’est-à-dire maintenant…
Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC
Je ne vois pas ce que cela a d’étonnant : c’est au contraire tout à fait justifié, puisque nous nous apprêtons à entamer l’examen des amendements. Nous souhaitons, disais-je, que la commission se réunisse soit ce soir, soit demain ou ce week-end, en tout cas avant que les travaux ne reprennent, lundi après-midi. Comme vous le voyez, madame Lemorton, même quand vous n’êtes pas là, il y a quelqu’un pour défendre la commission en soulignant l’intérêt de ses travaux.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
C’est avec un grand intérêt que nous avons assisté à votre numéro, monsieur Tian, mais redevenons un peu sérieux. Je rappelle que votre groupe a, lui aussi, déposé des amendements qui n’ont pu être examinés qu’au titre de l’article 88 – fort heureusement, la majorité a compris rapidement vos amendements, sans avoir besoin pour cela d’une nouvelle réunion de la commission. Une telle réunion paraît donc tout à fait inutile.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC
et je le reconnaîtrais d’autant plus volontiers si Mme la ministre et Mme la présidente de la commission ne nous livraient pas une vision simpliste de la situation, selon laquelle la droite n’aurait rien fait, et la gauche aurait tout fait
« Non, ce n’est pas ça ! » sur les bancs du groupe SRC.
S’il est une chose que la discussion générale a prouvée, c’est bien que depuis 2006 et ma proposition de loi, que Mme Fioraso a eu la gentillesse de citer, il y avait eu deux autres lois, l’une relative à l’autonomie des universités, l’autre dite Cherpion, ayant toutes deux eu pour objet de moraliser la pratique des stages…
…et à mieux encadrer et protéger les stagiaires. Certes, nous n’avons pas pu tout faire, mais il est vrai que notre notre méthode était un peu différente de la vôtre : elle reposait sur la concertation et le dialogue social. Nous avions ainsi créé un comité des stages où siégeaient tous les partenaires sociaux aux côtés de Génération Précaire et d’autres associations représentatives des étudiants et des enseignants. Cette méthode fondée sur la concertation et le dialogue est tout de même très utile, notamment en ce qu’elle permet d’éviter les caricatures.
Si je me félicite de constater que cette proposition de loi constitue, en de nombreux points, une prolongation de ce que nous avions fait, notamment en matière d’amélioration des droits des stagiaires, de défiscalisation de leurs revenus, d’instauration de mesures de protection et de lutte contre les abus, je suis tout de même choquée de voir, madame Lemorton, l’image caricaturale que vous donnez de l’entreprise.
On a l’impression, à vous entendre, que l’entreprise n’est pas là pour donner une formation et une expérience professionnelle au stagiaire, mais pour en abuser.
J’ai une entreprise et des stagiaires, madame Pécresse ! Je sais donc de quoi je parle !
Il faut savoir trouver un juste équilibre dans le ton. Aujourd’hui, avec plus d’un million de stages, il paraît difficile de ne pas tenir compte du fait que l’entreprise est considérablement mise à contribution dans la formation de nos jeunes. Si vous le voulez bien, évitons la caricature.
C’est ce que je fais ! Je vous le répète, je sais ce qu’est une entreprise.
Sur le fond, j’aurai l’occasion de m’exprimer dans le cadre de l’examen des amendements.
Il y a presque neuf ans, en septembre 2005, un mouvement de jeunes appelé Génération Précaire nous interpellait sur une pratique de plus en plus répandue, celle des stages, et sur la précarité croissante qui s’y attachait. Aujourd’hui, nous souhaitons renforcer notre politique d’intégration, de formation et de promotion sociale des jeunes en faisant des stages un véritable moment de formation. Tel est le but de cette proposition, qui rejoint, dans le même intérêt de formation et d’employabilité, la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche et celle sur la formation professionnelle ;sans oublier les dispositifs contre le décrochage scolaire et la précarisation. L’examen de cette proposition de loi est inscrit à l’ordre du jour au moment même où se définissent, dans les établissements, les nouvelles chartes de mobilité adaptées au nouveau programme Erasmus.
Le stagiaire est trop souvent défini comme un jeune sans droits, et cet article 1er comprend un ensemble de mesures qui accompagnent l’apprenant dans le cadre d’une formation, avec un rôle accru de l’établissement autour de tâches bien définies, dans le but de se former. Il s’agit aussi d’éviter, par cette précision, tout conflit sur le lieu de travail, ce qui devrait contribuer à vaincre les réticences des entreprises à s’engager à prendre un stagiaire.
Cette formation doit être aussi le moment de mobilités à l’étranger, un domaine où des progrès sont à faire, car seulement 6 % des stages des jeunes Français se font actuellement à l’étranger. Lors du conseil des ministres du 24 juillet 2013, le Gouvernement, soutenant votre action dans ce domaine, madame la ministre, a appelé de ses voeux l’objectif d’une démocratisation de la mobilité. Cette mobilité, obligatoire pour certains BTS et dans certains cursus, est accompagnée depuis cette année par un programme européen doté de 13 milliards d’euros.
Même si des progrès restent à faire dans ce domaine, la France est leader pour la mobilité des jeunes stagiaires à l’étranger, avec en moyenne 7 500 jeunes qui partent chaque année. Il y a en France un véritable savoir-faire émergeant du terrain en matière de mobilité des stagiaires, qui ne demande qu’à être accompagné par un cadre législatif, mais doit aussi être vulgarisé auprès des jeunes : c’est le sens de l’amendement que je proposerai.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, entre 2006 et 2012, le nombre de stagiaires a quasiment triplé pour atteindre plus de 1,6 million par an. Aujourd’hui, effectuer un stage est devenu un passage indispensable pour s’insérer dans le monde du travail. D’ailleurs, la majorité des cursus universitaires contiennent désormais une période de stage obligatoire. Cette évolution est une bonne chose. Un stage est en effet une belle opportunité pour le jeune de mettre en pratique ses savoirs acquis sur les bancs de l’université ou de l’école et de découvrir le fonctionnement d’une entreprise, de nouer les premiers contacts avec de potentiels recruteurs.
Le droit des stagiaires a pourtant été longtemps un grand oublié, perdu entre le code de l’éducation et le code du travail, les stagiaires n’étant vraiment considérés ni comme des étudiants ni comme des travailleurs. Cette situation a entraîné certaines dérives, comme le fait de recruter des stagiaires pour pallier une surcharge temporaire de travail ou pour éviter de recruter lors d’un congé maternité. Cela a également pu mener à des dénis de droits : horaires de travail extravagants, manque de statut, tâches à accomplir sans réel lien avec les qualifications et le projet professionnel de l’étudiant, harcèlement… – bref, un véritable no man’s land juridique auquel il faut mettre un terme.
Les objectifs de la loi sont d’améliorer le statut des stagiaires, de renforcer la dimension pédagogique des stages et de réaffirmer qu’ils ont pour vocation l’insertion professionnelle, ce dont je me réjouis. Pour aller plus loin, je propose, avec certains de mes collègues, un amendement permettant à tout stagiaire qui effectue un stage de plus de deux mois d’avoir droit à un remboursement partiel de ses frais de transport, ainsi qu’à une participation aux frais de repas, au même titre que les salariés de la structure d’accueil.
Par ailleurs, pour lutter contre les inégalités liées à la recherche d’un stage – souvent trouvé par le réseau familial ou l’entourage –, j’ai déposé un autre amendement qui prévoit de mutualiser la connaissance des opportunités de stages. Chaque établissement d’enseignement devra mettre à la disposition de ses étudiants un registre des structures d’accueil potentielles reprenant, entre autres, les conditions d’accueil proposées aux précédents stagiaires.
Je suis fière que l’Assemblée nationale se saisisse de ce dossier, afin de combler, enfin, les vides juridiques existants. Notre objectif est clair : garantir à tous les étudiants un égal accès aux stages de qualité, pour que le stage soit un vrai tremplin vers l’emploi.
L’article 1er de ce texte rappelle que l’établissement d’enseignement est chargé d’appuyer et d’accompagner les élèves dans la recherche de leurs stages. À cet égard, je voudrais profiter de l’examen de ce texte pour vous sensibiliser, madame la ministre, à la situation quelque peu singulière que nous connaissons sur certains de nos territoires. En effet, nous disposons d’outils de formation dans des domaines assez pointus, mais nous n’avons pas d’appareil entrepreneurial pour accueillir nos jeunes en stage. Or, à quelques kilomètres de ces établissements, dans un pays non européen, existent des possibilités énormes d’accueil de stagiaires, de la part d’organismes faisant appel à des savoir-faire très pointus, dans lesquels nous excellons mais pour lesquels nous ne trouvons pas de stages en France.
L’amendement de notre collègue Sandrine Doucet a retenu mon attention ; il appelle, me semble-t-il – c’est une volonté que nous partageons – à encourager la mobilité internationale. Il y a toutefois un problème particulier avec la Suisse, qui n’est pas membre de l’Union européenne, et dont les très belles entreprises pourraient accueillir des élèves stagiaires si, toutefois, la réglementation le permettait. Or, aujourd’hui, elle ne le permet pas et je trouve que c’est extrêmement dommage, car il y a des gisements d’emploi considérables dans ces entreprises situées aux marges de notre pays, à une époque où la mobilité des jeunes est encouragée.
Certes, la votation suisse a eu lieu il y a quelques jours, mais elle n’empêche pas que des Français aillent travailler en Suisse…
…en fonction des besoins des entreprises. Cette condition-là peut s’appliquer également aux stagiaires.
Je souhaiterais, madame la ministre, que vos services puissent s’emparer de cette question, parce qu’elle est importante pour les jeunes Français, qui, bien qu’ils disposent d’une excellente formation, ne trouvent pas de stage.
Alors que vous venez de voter la loi sur l’égalité, cet article 1er organise l’inégalité entre hommes et femmes par les congés familiaux prévus en cas d’arrivée d’un enfant. Il comporte en effet un risque de discrimination à l’égard des jeunes femmes. De fait, comment une entreprise pourra-t-elle accorder un congé de quatre mois dans le cadre d’un stage d’une durée maximale de six mois ? Entre quatre mois de congé maternité et onze jours de congé paternité, le choix sera vite fait pour l’employeur lorsqu’il devra signer la convention de stage, plusieurs mois avant le début de ce dernier.
Par ailleurs, le fait de confier le contrôle de la situation des stagiaires aux inspecteurs du travail plutôt qu’aux autorités académiques participe au glissement du statut de stagiaire vers le statut de salarié, alors que ce dernier est encore étudiant, voire même élève en formation.
De fait, le texte tend à faire des stagiaires des salariés en les inscrivant au registre unique du personnel et en leur octroyant des droits salariaux, alors qu’ils perçoivent non pas un salaire, mais une gratification.
Par cet article, vous niez la spécificité des stagiaires, alors que ce sont des élèves en formation.
Je voudrais revenir, à l’occasion de cette discussion sur l’article 1er, à des considérations de bon sens. Ce texte prétend renforcer la protection des stagiaires. Soyons logiques : pour protéger des stagiaires, il faut des stagiaires ; pour qu’il y ait des stagiaires, il faut des stages ; et pour qu’il y ait des stages, il faut que des employeurs en proposent.
Or, avec le dispositif actuel, il est certain que l’on va assister à une réduction du nombre de stages. Madame Lemorton, je vous vois rigoler régulièrement sur cette question.
J’ai d’ailleurs été quelque peu surpris, tout à l’heure, que la présidente de commission que vous êtes porte des attaques ad hominem à l’égard d’un certain nombre de commissaires mais enfin, peu importe.
Ce texte souffre donc d’un vrai problème de fond.
Par ailleurs, alors que vous limitez le nombre de stagiaires dans les organismes d’accueil, je veux évoquer le cas des start-up, qui doivent développer de l’innovation et accueillent assez régulièrement des stagiaires. Il est tout à fait normal que le nombre de stagiaires en leur sein soit parfois équivalent au nombre de leurs salariés, tout simplement parce que c’est inhérent au processus d’innovation. Vous ne tenez pas du tout compte de cette spécificité.
D’ailleurs, si vous aviez un minimum entendu ce que disent, par exemple, les directeurs des grandes écoles, vous sauriez qu’ils sont très alarmistes à ce sujet.
Ils ont indiqué, dans des communiqués, que ce texte est extrêmement toxique pour les élèves ingénieurs. Vous semblez l’ignorer.
Madame la ministre, vous disiez tout à l’heure qu’il était contradictoire de juger ce texte à la fois inutile et dangereux. Pourtant, ce texte est effectivement inutile et dangereux, et il n’y a pas là de contradiction : un texte peut cumuler ces deux travers ; c’est d’ailleurs ce qui fonde nos arguments.
Nous en venons aux amendements.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement no 22 .
Cet amendement a pour objet de compléter l’alinéa 5 par les deux phrases suivantes : « Cette convention prévoit expressément les objectifs de la formation, la ou les missions du stagiaire et les tâches afférentes au stage. Le projet pédagogique y est annexé. » Il s’agit, vous le voyez, de mettre en synergie dans le monde professionnel le projet pédagogique, les missions du stagiaire et les objectifs de sa formation. Cette précaution permet également de lutter contre certains employeurs qui abusent de leurs stagiaires pour faire face à un accroissement de l’activité et leur confient des tâches qui correspondent en réalité à un emploi salarié permanent. Autrement dit, il s’agit de combattre le travail dissimulé derrière des conventions de stage, ce qui, comme l’a très justement rappelé notre collègue Denys Robiliard, est interdit.
C’est pourquoi cet amendement a pour objet de faire figurer dans la convention de stage la ou les missions du stagiaire, ainsi que les tâches afférentes au stage.
La parole est à Mme Chaynesse Khirouni, rapporteure de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission.
La commission a émis un avis défavorable. En effet, cet amendement me semble satisfait par les dispositions existantes. En effet, le décret no 2013-756 du 19 août 2013 prévoit que les conventions type définissent les activités confiées aux stagiaires en fonction des objectifs de formation.
Par ailleurs, nous précisons bien, à l’article 1er de la proposition de loi, que le stagiaire se voit confier des missions conformes au projet pédagogique défini par son établissement d’enseignement. C’est donc bien son établissement d’origine qui doit définir le projet pédagogique.
Enfin, la proposition de loi insiste sur le fait que le meilleur des gages qualitatifs, pour le déroulement d’un stage, réside dans l’interaction permanente entre les trois parties : l’établissement d’accueil, le stagiaire et l’établissement d’enseignement.
Aussi je vous demande de retirer l’amendement ; à défaut, je serais au regret d’émettre un avis défavorable.
La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, pour donner l’avis du Gouvernement.
L’amendement no 22 est retiré.
La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement no 48 .
Cet amendement a pour objet de rétablir le contenu d’un décret abrogé par la loi Cherpion. En effet, les stagiaires connaissent souvent très mal leurs droits, notamment en ce qui concerne la rupture de leur convention. Ainsi, le décret du 29 août 2006 crée l’obligation de faire figurer dans les conventions les motifs de résiliation du stage. Cet amendement vise à inclure dans cette proposition de loi les dispositions du décret, en prévoyant que les motifs de résiliation du stage figurent dans la convention et que cette dernière comprend, en annexe, la charte des stages contenant les droits et devoirs des parties.
Chère collègue, vous savez que la charte des stages est indicative. Comme nous l’avons indiqué au cours de notre discussion, elle a été rédigée en 2006, donc avant les grandes avancées législatives. Les mesures contenues par la présente proposition de loi vont bien au-delà des dispositions de la charte.
Par ailleurs, s’agissant des motifs de résiliation de la convention, le cadre réglementaire actuel suffit, puisque le décret no 2013-756 du 19 août 2013 prévoit que les conventions comportent impérativement les modalités de suspension et de résiliation du stage. Par essence, la convention définit les droits et les devoirs de chacun.
Aussi je vous demande de retirer cet amendement ; à défaut, je serais dans l’obligation d’émettre, au nom de la commission, un avis défavorable.
L’amendement no 48 est retiré.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement no 24 .
Cet amendement a pour objet de faire approuver par l’organisme d’accueil, non seulement les missions qui seront confiées au stagiaire, mais également le projet pédagogique autour duquel devront s’articuler ces missions, afin que les tâches confiées soient en adéquation avec ce projet. Dans le texte, le mot « approuvées » est au féminin pluriel, parce qu’il ne s’applique qu’aux missions. Nous proposons de lui substituer un masculin pluriel, afin qu’il s’applique également au projet pédagogique.
Dans le texte, seules les missions sont approuvées par l’organisme d’accueil, parce que nous considérons que le projet pédagogique relève exclusivement de l’établissement d’enseignement et que les entreprises ou administrations d’accueil n’ont ni la vocation, ni la compétence pour l’approuver. Ce serait leur conférer un rôle qui n’est pas souhaitable et dont elles ne veulent d’ailleurs pas. Ce n’est donc pas à l’organisme d’accueil, mais à l’établissement d’enseignement de se prononcer sur le projet pédagogique de l’établissement. J’émets donc un avis défavorable.
Je suis en plein accord avec la rapporteure. C’est l’établissement de formation qui est responsable de l’ensemble du projet pédagogique. Comme on dit que le stage est un stage « de formation » et qu’il doit s’inscrire dans une maquette pédagogique, il faut absolument laisser à l’établissement de formation l’entière responsabilité pédagogique. Cela protège d’autant mieux, d’ailleurs, le stagiaire. Voilà pourquoi je vous demanderais de retirer cet amendement. Dans le cas contraire, nous serions obligés de ne pas le retenir.
L’amendement no 24 est retiré.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement no 23 .
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Non, cher collègue, par ces amendements, j’invite chacun à réfléchir.
Le projet pédagogique est partie prenante du contrat de stage ; il permet de lier le stagiaire à une mission articulée autour d’enjeux à la fois professionnels et pédagogiques permettant une synergie entre le parcours professionnel et les savoirs théoriques acquis dans son cursus scolaire. Le projet pédagogique doit donc prévoir que le stagiaire et le tuteur communiquent sur l’adéquation entre projet pédagogique et objectifs de la formation dans l’organisme d’accueil. Un bilan permettant de revisiter les compétences à atteindre et de redéfinir le cas échéant, en accord avec l’organisme d’accueil, les missions et les tâches du stagiaire doit pouvoir être dressé à intervalles réguliers : tel est l’objet de cet amendement, qui préconise notamment un bilan mensuel entre l’élève et son tuteur enseignant.
L’intention est louable, et je la partage. Pour autant, cette disposition ne me paraît pas adéquate : elle ferait peser une contrainte assez lourde sur les établissements et elle n’est pas nécessairement adaptée aux besoins pédagogiques.
L’organisation précise du suivi des jeunes me semble par ailleurs relever du niveau réglementaire ou de l’organisation des établissements d’enseignement. Nous sommes cependant également soucieux de la qualité de ce suivi : un amendement du Gouvernement vise à inscrire dans la loi que les modalités d’encadrement des stagiaires par les enseignants référents doivent être précisées par décret. La ministre pourra nous donner quelques informations à ce sujet. Je vous demande donc de retirer votre amendement, chère collègue ; à défaut, la commission donnera un avis défavorable.
Je confirme que cet objet ne relève pas du niveau législatif. Un décret sera discuté sur le sujet, car nous sommes nous aussi sensibles au dialogue social. La Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs, la CDEFI, qui a été consultée, a donné son accord sur cette proposition de loi.
Quant à la CGE, la Conférence des grandes écoles, dont j’ai bien compris qu’elle était votre seul interlocuteur, monsieur Hetzel, elle a approuvé la majorité des dispositions du texte, mais était plus réservée sur d’autres, comme c’est souvent le cas. Cela ne nous empêche d’entretenir une bonne qualité de dialogue et de continuer à oeuvrer pour le rapprochement des filières des grandes écoles et des filières universitaires, pour une convergence dans l’intérêt des étudiants.
Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
Cet amendement soulève une interrogation : comment a-t-il pu, alors qu’il crée une charge supplémentaire, passer la rampe de l’article 40 ? Certains amendements que j’avais déposés ont eux été déclarés irrecevables au titre de cet article. J’ai bien noté que Mme la ministre avançait une autre proposition, mais le Gouvernement n’est pour sa part pas soumis au régime de l’irrecevabilité financière. Je suis donc surpris que l’article 40 n’ait pas été appliqué à un tel amendement.
Un amendement plus souple sera examiné un peu plus tard dans la discussion de l’article 1er qui répondra à vos préoccupations, madame la députée.
La parole est à Mme la Présidente de la commission des affaires sociales.
Je voudrais répondre rapidement à M. Hetzel. L’amendement de Mme Fraysse n’induit aucune charge supplémentaire, monsieur Hetzel, relisez-le attentivement. Vous savez bien quelle règle régit ma pratique en la matière : je soumets tous les amendements à l’appréciation de M. Gilles Carrez pour ne faire aucune erreur dans l’application de l’article 40.
L’amendement no 23 n’est pas adopté.
La parole est à M. Thierry Braillard, pour soutenir l’amendement no 91 .
Cet amendement est très important à nos yeux. L’élément décisif pour un jeune étudiant qui termine son cursus pédagogique, dont les stages font partie intégrante, c’est le curriculum vitae. Or, on sait que de nombreux employeurs sont soucieux du contenu de celui-ci, et vont parfois jusqu’à demander des preuves de ce qui y est avancé. Si un jeune mentionne sur son curriculum vitae un ou plusieurs stages qu’il a effectués en entreprise, il doit pouvoir en attester.
C’est une des raisons pour lesquelles nous souhaitons instituer un certificat de compétences acquises durant le stage, qui serait remis par l’organisme d’accueil au stagiaire à la fin de la période de stage. Tel est l’esprit de cet amendement.
Cher collègue, la commission a émis un avis défavorable à votre amendement.
Sur le fond, nous devons rester très clairs sur le fait que l’évaluation des compétences relève de l’établissement d’enseignement. Par ailleurs, la mesure que vous proposez serait relativement contraignante pour les TPE et PME qui, souvent, ont peu de moyens en termes de ressources humaines. Une telle disposition pourrait ainsi les dissuader de proposer des stages.
Je vous propose donc de retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Monsieur le député Thierry Braillard, nous partageons votre préoccupation, mais, une fois encore, cela relève de l’évaluation par l’établissement de formation. Le stage faisant partie intégrante de la maquette de formation, il sera évalué, défini, qualifié dans le cadre de celle-ci. Un tel certificat ne peut donc pas relever de l’entreprise. Nous devons faire peser cette contrainte non pas sur les TPE, les PME ou les entreprises innovantes, dont je connais un peu la culture, monsieur le député Hetzel, pour y avoir travaillé pendant quelques années – nous y reviendrons au sujet des dispositifs spécifiques –, mais sur l’établissement de formation, dont c’est la vocation et la mission et qui dispose des compétences pour le faire, compétences qu’il doit conserver.
Je vous demande donc de retirer votre amendement. À défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
L’amendement no 91 est retiré.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement no 21 .
Il s’agit d’augmenter l’implication des établissements d’enseignement dans la recherche des stages des étudiants et élèves afin de faciliter l’accès à un premier stage et de limiter l’inégalité sociale constatée dans ce domaine.
En effet, plusieurs d’entre nous ont souligné le fait que les étudiants issus de milieux modestes rencontrent davantage de difficultés que les autres pour trouver des stages. Ils sont ainsi pénalisés dans leur formation mais aussi dans l’accès à l’emploi, puisque les stages peuvent déboucher sur un contrat de travail.
L’établissement d’enseignement doit donc intervenir pour accompagner les étudiants dans leurs recherches et contribuer ainsi à atténuer, ou du moins à lisser les inégalités que nous avons constatées. C’est le sens du présent amendement.
Chère collègue, il me semble que votre amendement est satisfait par l’alinéa 42 de l’article 1er du texte qui prévoit que le bureau d’aide à l’insertion professionnelle ou BAIP est chargé de cette mission. Plus précisément : « Ce bureau a pour mission de favoriser un égal accès aux stages à tous ses étudiants. [… ] Il recense les entreprises susceptibles d’offrir aux étudiants une expérience professionnelle en lien avec les grands domaines de formation enseignés dans l’université, en vue de leur proposer la signature de conventions de stage. »
Nous allons même plus loin, puisque ce bureau « présente un rapport annuel à la commission de la formation et de la vie universitaire du conseil académique sur le nombre et la qualité des stages effectués par les étudiants, ainsi que sur l’insertion professionnelle de ceux-ci dans leur premier emploi. »
Je vous demande donc de retirer votre amendement. À défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
Je souscris aux motifs que vient d’invoquer Mme la rapporteure. J’ajouterai que les mille emplois par an qui ont été attribués aux universités depuis la fin de l’année 2012 ont visé la réussite en premier cycle. À ce titre, certains d’entre eux ont été attribués, dans plusieurs pôles universitaires, aux bureaux d’aide à l’insertion professionnelle. C’est en effet en premier cycle, en particulier au moment du passage en deuxième année, que nous constatons le taux d’échec le plus important. Les BAIP sont donc mobilisés sur le terrain de l’insertion professionnelle et disposent pour cela de moyens renforcés.
Pour toutes ces raisons, je demande également le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y donnerai un avis défavorable.
Je suis sensible à la réponse qui m’est faite sur les universités, mais mon expérience me montre que les établissements ne sont pas suffisamment impliqués dans l’aide apportée aux étudiants dans la recherche de stages ; je pense notamment aux BTS. Les stages sont pourtant indispensables à leur formation et leur non-validation peut remettre en cause la validation d’une année.
Par conséquent, je maintiens mon amendement, tout en me félicitant que d’autres possibilités existent pour certains. Il me paraît important de souligner la responsabilité qui incombe aux enseignants pour ces recherches.
Je souhaite apporter une précision sur un point technique. Madame Fraysse, vous faites référence aux BTS, mais les bureaux d’aide à l’insertion professionnelle dont il est question à l’article L. 611-5 du code de l’éducation que vous invoquez dans votre amendement n’existent que dans les universités. Il y a donc une contradiction entre vos propos et la façon dont vous avez rédigé votre proposition.
L’amendement no 21 n’est pas adopté.
Cet amendement a pour objet de compléter l’alinéa 8 par la phrase suivante : « Il sollicite notamment les entreprises qui bénéficient des dispositions du pacte de responsabilité et leur propose de signer des conventions de stage d’étudiants intégrées dans les contreparties. »
En effet, la proposition de loi a, entre autres objectifs, celui de favoriser les stages de qualité.
Pour ce faire, l’article 1er précise les missions et le rôle de l’établissement d’enseignement, qui doit être une véritable ressource pour l’élève ou l’étudiant, notamment en l’aidant à identifier les structures susceptibles de l’accueillir. La mise en oeuvre du pacte de responsabilité voulu par le Président de la République constitue une opportunité exceptionnelle pour les pouvoirs publics, le patronat et les salariés de faciliter l’accès du plus grand nombre aux stages et de diversifier les offres de stage proposées.
L’implication des entreprises et leur effort pour répondre favorablement aux demandes qui leur seront adressées pourront en outre être vérifiés par l’observatoire des contreparties appelé à s’installer prochainement.
La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir le sous-amendement no 122 .
Ce sous-amendement a simplement pour objet de permettre à l’amendement de notre collègue de prospérer sur la base du droit positif. L’idée est de partir de ce qui existe en droit positif, car le pacte de responsabilité n’a actuellement pas de traduction juridique.
À cette fin, je propose de remplacer les mots : « des dispositions du pacte de responsabilité » par les mots : « du crédit d’impôt compétitivité emploi », car le CICE, qui est une des composantes du pacte de responsabilité, a une existence juridique.
Concernant l’amendement no 47 , la commission a émis un avis défavorable, même si je connais l’engagement de M. Daniel en faveur de la formation des jeunes, en particulier la recherche d’un terrain de stage, car nous en avons beaucoup discuté.
Cet amendement soulève en effet plusieurs difficultés. Parce que nous ne connaissons pas encore les contours définitifs du pacte de responsabilité, qui n’a pas de valeur juridique à l’heure actuelle, il ne paraît pas possible d’en définir par avance certaines contreparties dans la présente proposition de loi. À ce jour, nous ne savons pas non plus si ce pacte sera décliné entreprise par entreprise.
Quant au sous-amendement no 122 de notre collègue Denys Robiliard, il n’a pas été examiné en commission. Je ne dispose donc d’aucun élément sur la manière dont les établissements pourront se procurer la liste des entreprises ayant bénéficié du CICE, ou sur la nature du contrôle qui pourrait être exercé pour vérifier que ces entreprises jouent le jeu. J’émets un avis défavorable.
Pour simplifier les débats, il me paraît préférable de laisser la négociation sociale en cours sur le CICE et le pacte de responsabilité se poursuivre sans interférence. Cette négociation intègre la question de l’alternance et des stages dans le cadre des contreparties. Pour ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable.
Le sous-amendement de M. Robiliard est intéressant dans la mesure où il y est fait référence au droit positif. Sans doute souhaitiez-vous aussi vous référer au principe juridique selon lequel « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ».
Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Il est clair en effet que le pacte de responsabilité est pour l’instant une simple promesse du Président Hollande. Or, depuis vingt mois, beaucoup des promesses qu’il avait faites n’ont pas été tenues. C’est sans doute la raison pour laquelle vous souhaitez vous prémunir d’une nouvelle promesse qui, à son tour, ne serait sans doute pas tenue par le Président Hollande. Il faut dire que c’est une habitude depuis vingt mois.
Quand vous parlez ainsi, vous avez un petit côté Morano, monsieur Hetzel !
Monsieur Hetzel a tout à fait raison. En ce qui me concerne, je note également le désarroi de Mme la rapporteure qui nous dit que, puisque la commission ne s’est pas réunie pour examiner l’amendement, elle ne sait pas s’il est bon ou pas. C’est là une remarque de bon sens : comme nous n’en avons pas parlé en commission, il est normal que Mme la rapporteure soit en quelque sorte désarmée. Le problème est que nous en sommes seulement à l’article 1er. Il faudrait donc, madame la présidente de la commission, que nous nous réunissions pour discuter de tout cela.
Sourires.
Lors des débats sur le projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche, nous avions eu l’occasion, madame la ministre, d’évoquer cette question à propos d’un amendement que j’avais présenté. Vous m’aviez indiqué que ce n’était pas dans le cadre de ce texte qu’il fallait aborder le sujet, même si, sur le fond, vous reconnaissiez l’intérêt de proposer des solutions destinées à augmenter les capacités d’accueil des stagiaires. C’est la raison pour laquelle je vous ai soumis aujourd’hui le présent amendement.
Je comprends bien les arguments que vous m’avez opposés. Cela dit, tous les orateurs ont parlé, au cours de la discussion générale, de l’intérêt de bien situer les stages comme un véritable outil de formation et non pas un travail. Je ne comprends donc pas que l’on ne puisse pas, grâce au sous-amendement, trouver une solution au problème que je soulève. Certes, le pacte de responsabilité n’a pas d’existence juridique, mais le CICE, quant à lui, en a bel et bien une. Ce serait là un bon levier.
Le sous-amendement no 122 n’est pas adopté.
L’amendement no 47 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Valérie Corre, pour soutenir l’amendement no 101 rectifié .
Comme je le disais tout à l’heure, la recherche du lieu où le stage sera effectué est un facteur d’inégalités, qui se font sentir aussi bien dans le parcours universitaire que dans le chemin qui mène à l’emploi. Aujourd’hui, l’obtention d’un stage intéressant est fortement tributaire du réseau de connaissances de l’étudiant et de sa famille. Aussi, cet amendement vise à doter les bureaux d’aide à l’insertion professionnelle des établissements d’enseignement d’une nouvelle mission : tenir à jour un registre des organismes d’accueil, qui devra rassembler un maximum d’informations utiles à l’étudiant en vue de lui permettre de prendre connaissance des différentes opportunités de stage qui s’offrent à lui, comme les conditions d’accueil proposées par l’entreprise aux précédents stagiaires.
Chère collègue, il me semble que votre amendement est satisfait par les dispositions législatives en vigueur, notamment l’article L. 611-5 du code de l’éducation. Comme je l’ai rappelé à propos d’un amendement défendu précédemment par notre collègue Mme Fraysse, le bureau d’aide à l’insertion professionnelle a pour mission de favoriser un égal accès aux stages pour tous ses étudiants. Cela passe par la diffusion des offres de stage et d’emploi et par le suivi de l’insertion professionnelle des jeunes. Je vous demande donc de retirer votre amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.
J’ajouterai, en complément à ce que vient de dire Mme la rapporteure, que le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, le CNESER, a approuvé, les 16 et 17 décembre derniers, l’arrêté fixant le cadre national des formations. Celui-ci prévoit déjà un cahier des charges des stages où il est indiqué que « les structures de formation conservent la mémoire des stages des années précédentes et du portefeuille des structures d’accueil ». De plus, toutes ces informations peuvent être consolidées dans les établissements. Cela va dans le sens d’une banque de données proposant des informations et qui sera mise en oeuvre par les BAIP, lesquels ont, par ailleurs – je n’y reviendrai pas –, bénéficié de moyens supplémentaires depuis deux ans. Je vous demande de retirer cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.
L’amendement no 101 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement no 25 .
Cet amendement de précision vise à augmenter le nombre d’occurrences du terme « projet pédagogique », de manière à renforcer l’idée selon laquelle le stage est bien une période de formation professionnelle et non une période de salariat classique.
La commission a émis un avis défavorable. L’alinéa 6 de l’article 1er prévoit de rédiger l’article L. 124-1 du code de l’éducation de manière à ce que le stagiaire se voie confier « une ou des missions conformes au projet pédagogique défini par son établissement d’enseignement et approuvées par l’organisme d’accueil ». Dans ce texte, l’établissement d’origine doit donc bien définir le projet pédagogique du stage. En outre, cet amendement vise à faire participer l’organisme d’accueil à la définition du projet. Or, comme je le disais tout à l’heure, je pense que cela doit rester de la compétence exclusive de l’établissement d’enseignement.
L’amendement no 25 n’est pas adopté.
L’amendement no 89 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Les stages sont l’outil professionnalisant d’une formation dispensée dans les écoles, au sein d’un cursus universitaire. Cela signifie qu’un suivi important doit être assuré, aussi bien au sein de la structure accueillant le stagiaire, par un tuteur, qu’au sein de l’établissement d’enseignement.
Cet amendement vise donc à faire en sorte que les enseignants référents ne puissent encadrer plus de vingt-cinq étudiants simultanément. Il est nécessaire d’assurer un suivi pédagogique de qualité pour tous les étudiants, ce qui demande nécessairement du temps. Si chaque enseignant accompagne un trop grand nombre d’étudiants, il existe un risque qu’il ne consacre pas à chacun le temps nécessaire. Nous pensons donc qu’il est préférable d’instaurer une limite qui permettra d’assurer la qualité du suivi. Dans le même sens, une disposition prévoit qu’un entretien portant sur le déroulement du stage aura lieu tous les mois.
La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement no 80 .
Le présent amendement vise à répondre au même objectif que l’amendement précédent, à savoir assurer la qualité du suivi pédagogique du stage et de l’accompagnement.
Il y a deux aspects dans cet amendement. D’abord, la limitation du nombre de stagiaires suivis par chaque enseignant-chercheur. Je propose pour ma part de limiter encore plus ce nombre en le fixant à quinze. Ensuite, il s’agit de prévoir, pour tous les stages de plus de deux mois, un entretien mensuel portant sur le déroulement du stage entre l’enseignant-chercheur et le stagiaire, ainsi qu’une visite de l’enseignant référent sur le lieu du stage.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement no 26 .
Nous proposons de compléter l’alinéa 10 en précisant que l’enseignant référent est tenu, au moins une fois pendant chaque période de stage, de rencontrer le tuteur désigné pour encadrer le stagiaire. Comme vous le voyez, notre objectif est de veiller à la qualité de la formation et de faire en sorte qu’il existe une synergie entre les missions confiées au stagiaire et les objectifs pédagogiques définis par l’établissement d’enseignement. Cela passe évidemment par un encadrement suffisant et par une coopération entre l’enseignant responsable et le tuteur, lesquels doivent pouvoir échanger régulièrement.
Voici donc l’amendement que j’avais annoncé tout à l’heure. Il vise à renvoyer à un décret le soin de fixer le nombre maximum de stagiaires qui peuvent être suivis simultanément par un même enseignant référent, ainsi que les modalités de ce suivi. Nous souhaitons passer par un décret car il nous semble nécessaire de donner un peu de souplesse. En effet, il faut tenir compte de la nature et de la taille des établissements et des équipes pédagogiques. Il faut également prendre le temps de la discussion avant la rédaction et la publication de ce décret.
La commission a émis un avis défavorable sur les amendements de nos collègues députés, dans la mesure où l’amendement du Gouvernement permet de répondre au souci, que nous partageons, d’améliorer l’accompagnement et le suivi pédagogique des stagiaires. L’amendement du Gouvernement prévoit de fixer une limite au nombre de stagiaires suivis par l’enseignant référent. Je vous demande donc de bien vouloir retirer ces amendements. À défaut, avis défavorable.
Je propose à leurs auteurs de bien vouloir les retirer au profit de celui du Gouvernement, et cela d’autant plus que l’arrêté, pris au mois de janvier, qui fixe le cadre national des formations, prévoit plusieurs modalités possibles, illustrant ainsi la souplesse que j’estime nécessaire : points d’étapes réguliers, visites sur les lieux du stage, rendez-vous téléphoniques réguliers, échanges par courriels ou encore visioconférences. Comme vous le voyez, l’arrêté publié par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, et approuvé par le CNESER, propose un cadre.
L’examen de ces quatre amendements montre bien les risques que comporte cette proposition de loi, à savoir développer la méfiance et réguler de façon trop poussée les comportements.
Autant l’amendement de Mme Fraysse me paraît de bon sens – l’enseignant référent doit évidemment rencontrer au moins une fois le tuteur du stagiaire dans le cadre de la formation de celui-ci –, autant celui du Gouvernement me paraît aller trop loin en prévoyant de fixer par décret le nombre d’étudiants qui vont être encadrés en fonction du type de formation, de même que le nombre de visites. Ne pourrait-on pas, de temps en temps, faire un peu confiance aux établissements, nouer un dialogue avec eux, quitte à vérifier ensuite comment les choses se passent ?
Dans certaines formations, il y aura trente étudiants par classe. Si vous fixez la barrière à vingt-cinq, que fera-t-on des cinq autres ? Si vous la fixez à quinze, un enseignant aura seulement dix étudiants et un autre quinze.
Il faut faire attention avant de mettre en place de tels dispositifs. Cette remarque vaut également pour l’année de césure et la durée maximale des stages fixée à six mois – je défendrai tout à l’heure un amendement sur ce sujet. Vous envisagez de limiter la période de stage à six mois, sans aucune dérogation possible, alors que certains établissements pratiquent une année de césure.
Je vous le dis franchement, madame la ministre : je ne comprends pas. Je comprends d’autant moins que – prenons un exemple dans la fonction publique – les enseignants stagiaires des écoles supérieures du professorat et de l’enseignement, que l’on va envoyer dans les écoles, collèges et lycées, vont bel et bien accomplir un stage qui durera une année scolaire entière. On voit bien, à travers cet exemple, que, pour certaines formations, il faut un an de stage afin d’apprendre le métier.
J’ai l’impression que vous voulez tout réguler, tout contrôler, tout resserrer. C’est le contraire du choc de simplification que le Président Hollande appelle de ses voeux. Je ne comprends donc pas bien l’esprit de ces amendements. Retenons celui de Mme Fraysse, qui est au moins de bon sens, et laissons tomber tous les autres. C’est du moins notre avis.
Tout à l’heure, lorsque je défendais la motion de rejet, j’insistais sur trois choses : la liberté, la simplification et la responsabilisation. On voit bien que, avec l’amendement que présente le Gouvernement, on est aux antipodes de la liberté, de la responsabilisation et de la simplification.
De surcroît, vous voulez déterminer cela par décret. Vous faites d’ailleurs la même chose au sujet de l’université des Antilles et de la Guyane : là aussi, il s’agit de fixer les choses par ordonnance, ce qui n’est pas du tout dans les traditions universitaires.
On nous parle de concertation et de liberté, mais ce ne sont là que des discours, parce qu’aujourd’hui, dans ses actes, ce Gouvernement se veut extrêmement coercitif et – je pèse mes mots – liberticide.
Madame la ministre, il est étrange que vous prétendiez donner plus de souplesse en passant par un décret. Vous indiquez en outre que la fixation de cette limite doit relever du décret pour tenir compte de la taille de l’établissement. Mais là n’est pas le problème. Il faudrait, en réalité, plus de souplesse pour tenir compte de l’ensemble des problèmes qui peuvent se poser. Nous pourrions le faire nous-mêmes, au sein de la commission des affaires sociales.
Le bon sens consiste à reconnaître qu’un enseignant-chercheur ne peut pas suivre correctement un nombre illimité de stagiaires. Il convient de poser des règles, car les règles protègent.
Je retire mon amendement au profit de celui du Gouvernement, car ce qui m’importe est que le principe de la limitation soit inscrit dans la loi. Je ne suis pas défavorable à ce que le seuil soit fixé par décret, estimant qu’il est préférable de se concerter avec les acteurs sur cette question. Je remercie Mme la ministre pour les précisions qu’elle a apportées sur l’arrêté pris au CNESER, relatif aux modalités du suivi des stages et de l’encadrement des enseignants.
Encore une fois, il ne faut pas caricaturer le débat. Les règles ont pour fonction de protéger et nous assumons parfaitement de les mettre en place. Il ne s’agit pas de faire montre de défiance à l’égard des entreprises, mais de prévoir les garde-fous nécessaires afin que les choses se passent le mieux possible.
L’amendement no 80 est retiré.
Une précision qui apportera peut-être quelque souplesse : les enseignants d’une même classe dans le secondaire pourront aisément se répartir un effectif de 30 élèves, ce qui leur permettra d’assurer le suivi d’un nombre réduit de stagiaires.
Les commentaires des députés qui viennent d’intervenir montrent que le bon sens est plutôt de ce côté-ci de l’hémicycle. On a vu que les cas concrets ne permettaient pas de légiférer d’une manière uniforme. Je comprends que l’on puisse avoir besoin de livrer une charge idéologique contre le Gouvernement. Voilà qui est fait. Nous allons pouvoir poursuivre le débat.
L’amendement no 110 est adopté.
Rappel au règlement, au titre de l’article 58, alinéa 1 du règlement. J’espère que le ministre du travail, retenu au Sénat aujourd’hui, sera présent dans l’hémicycle lors de la reprise de nos débats lundi. Nous pourrons ainsi avoir avec lui un échange nourri. J’aimerais en effet savoir comment il compte concilier cette proposition de loi avec la réduction du chômage, et surtout s’il a l’intention d’apporter à notre jeunesse une autre réponse que des emplois précaires dans la fonction publique.
Monsieur Hetzel, il appartient au Gouvernement de décider qui siège au banc du Gouvernement. Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche a beaucoup apporté à la qualité du débat que vous avez eu ce soir.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :
Proposition de loi tendant à encadrer les conditions de la vente à distance des livres ;
Proposition de loi organique créant des objectifs régionaux de dépenses d’assurance maladie ;
Proposition de loi visant à affirmer le caractère intangible de l’appellation de la « Voie sacrée nationale » ;
La séance est levée.
La séance est levée, le jeudi 20 février 2014 à une heure cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron