Le texte que vous nous proposez aujourd’hui est inutile et dangereux. On risque de voir se tarir l’offre de stages aux dépens des jeunes qui cherchent à s’insérer dans le monde du travail, alors que le stage est devenu un véritable passeport pour l’emploi chez les étudiants en formation initiale. La teneur coercitive de ce texte risque clairement d’atrophier le nombre de stages, alors qu’ils sont aujourd’hui obligatoires dans un grand nombre de formations. Nous risquons donc de nous trouver dans une situation où des jeunes ne pourront valider leur cursus, faute d’offres de stage.
Vous prenez le problème à l’envers. En tant qu’élus, nous sommes tous les jours saisis par des jeunes qui veulent obtenir un stage, parfois à l’Assemblée nationale, ou en entreprise, et qui nous demandent des coups de pouce pour en obtenir. Cela montre bien que les étudiants ont de plus en plus de difficultés à trouver des stages. Au final, comme cela a été dit tout à l’heure, seuls les enfants des familles les plus favorisées auront accès aux stages car ils pourront les effectuer à l’étranger, où la réglementation est moins contraignante. Ce sera donc une régression sociale pour les jeunes !
J’ai soulevé, en commission, un problème lié à l’application de la loi Peillon. Cette loi, dont nous attendons d’ailleurs les décrets d’application, prévoit que les stages dans les collectivités territoriales et dans les hôpitaux seront désormais rémunérés. Or, ces structures n’ont pas, à ma connaissance, l’intention de payer, tout simplement faute de budget : rien n’est prévu. Comment vont faire les infirmières et les aides-soignantes, qui doivent obligatoirement effectuer un stage pendant leur cursus ?
Vous allez tarir l’offre dans les structures tant publiques que privées et créer une très grave pénurie de stages dans notre pays. Nous avons soulevé plusieurs fois en commission ce problème du financement des stages dans les hôpitaux, les services sociaux et les collectivités locales, sans qu’aucune réponse ne soit donnée. Mais la présidente de la commission nous a indiqué que le Gouvernement répondrait probablement lors des débats, madame la ministre.
J’ai appelé aussi votre attention sur un sujet qui affectera le milieu hospitalier. Si vous fixez un taux maximal de stagiaires par entreprise – Mme la rapporteure a parlé de 10 %, mais c’est le Conseil d’État qui décidera – comment allez-vous faire dans les structures hospitalières, où ce sont souvent 20 à 30 % des effectifs qui sont en stage ? Vous renvoyez cela à un décret, mais je pense qu’il devrait être du domaine de la loi, ce quota que nous n’acceptons pas.
Votre texte tend enfin à faire des stagiaires des petits salariés, en les inscrivant au registre unique du personnel, en calquant leurs horaires de travail sur ceux des salariés, en leur octroyant des droits salariaux tels que l’accès aux congés familiaux et en faisant contrôler leurs conditions de travail par l’inspection du travail.
Bref, le risque est grand d’obtenir le résultat inverse de celui que vous recherchez. En niant la spécificité des stagiaires, qui restent des élèves en formation, en rigidifiant les droits, vous allez contribuer à tarir la source des stages. C’est un très mauvais texte.