Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’ampleur du recours au stage pour sanctionner un cycle d’étude et inaugurer l’entrée dans la vie professionnelle est un phénomène récent.
Depuis 2006, le nombre de stagiaires a ainsi presque triplé et il n’est pas rare que certaines PME, notamment pendant les vacances d’été, comptent plus de stagiaires que de salariés.
Véritable sas entre les études et le travail, le stage permet de surmonter l’injonction paradoxale des entreprises qui exigent des jeunes diplômés qu’ils disposent d’une expérience professionnelle.
Mais cette augmentation des stages est également le reflet d’un marché du travail toujours plus fermé aux jeunes générations. À ce titre, le stage est malheureusement de moins en moins un passage nécessaire, une source d’expérience, et de plus en plus une longue antichambre précaire avant le premier emploi durable, qui ne s’obtient en moyenne qu’à l’âge de 28 ans.
On voit ainsi apparaître entre la fin des études et ce premier emploi un nouveau prolétariat souvent surdiplômé, allant de stages en petits boulots dans des conditions matérielles difficiles. Ils subiront jusque dans le faible montant de leur retraite – à laquelle ils n’auront droit que bien tardivement – les conséquences de cette précarité.
C’est assez souligner combien le statut réservé aux stagiaires a des conséquences importantes sur leur vie et engage la société dans son ensemble. Il pose à la fois la question de l’encadrement des stages et de la juste rémunération du travail, ainsi que celle des droits accordés aux salariés dont les stagiaires ne bénéficient pas.
Plus fondamentalement encore, cette question des difficultés d’insertion des jeunes renvoie à celle de la place que notre société accorde aux jeunes générations.
Le texte qui nous est présenté aujourd’hui n’est pas la première tentative pour encadrer, à la marge, cette « fragmentation du travail » subie par les stagiaires.
Il en est ainsi, par exemple, de la prime à l’embauche d’un jeune stagiaire votée par la précédente majorité, qui offrait 3 000 euros aux entreprises recrutant un stagiaire de moins de 26 ans en contrat à durée indéterminée entre avril 2009 et juin 2010.
Le résultat de ce coûteux dispositif ne fut pas à la hauteur des espérances : en lieu et place des 50 000 embauches attendues, seuls 7 245 stagiaires en ont bénéficié. Et encore, l’effet d’aubaine a-t-il sans doute joué à plein puisque ce sont essentiellement des jeunes pourvus de diplômes d’un niveau très élevé qui ont été concernés.
Depuis 2009, tous les stages de plus de deux mois doivent être rémunérés 436,05 euros par mois, un montant ridiculement faible, inférieur au RSA, et qui correspond à la moitié du seuil de pauvreté fixé à 814 euros par mois pour une personne seule.
La loi sur l’enseignement supérieur de juillet 2009 a élargi cette obligation d’indemnité aux stagiaires de la fonction publique hospitalière et locale, mais les décrets d’application de cette disposition n’ont jamais été publiés.
Une autre proposition de loi présentée par notre collègue Gérard Cherpion, adoptée en 2011, prévoyait de limiter la durée des stages à six mois et imposait un délai de carence d’un tiers de la durée du stage du stagiaire sortant avant de pouvoir embaucher un nouveau stagiaire sur le même poste, afin que les entreprises n’enchaînent pas les stages plutôt que d’embaucher.
Malheureusement, ces intentions louables n’ont pas dépassé le stade de l’affichage puisqu’une fois de plus les décrets d’application de ces dispositions n’ont pas été publiés.