Intervention de Ambroise Fayolle

Réunion du 19 février 2014 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Ambroise Fayolle, directeur général de l'Agence France Trésor :

Je remercie votre Commission de son invitation.

Permettez-moi d'aborder quelques points en introduction avant de répondre à vos questions. L'Agence France Trésor – AFT – est un service à compétence nationale au sein du ministère des Finances, donc à Bercy. Nous sommes une structure de trente-huit agents relevant de huit cellules opérationnelles, qui oeuvre en étroite relation avec la direction générale des finances publiques et la direction du budget.

Nous exerçons deux missions principales. La première consiste à pourvoir aux besoins de trésorerie de l'État, afin que celui-ci soit en mesure de respecter à tout moment l'ensemble de ses engagements financiers. Cette mission se décline au jour le jour dans le cadre de la gestion du compte du Trésor. Les prévisions d'encaissements et de décaissements de l'État sont mises à jour en permanence sur un calendrier glissant sur un an. L'exécution des flux d'encaissement et de décaissement sur le compte du Trésor est de l'ordre de 40 milliards d'euros par jour. Notre première mission consiste donc à faire en sorte que l'État puisse respecter en toutes circonstances ses engagements financiers. Cela nous conduit à préparer le programme de financement à moyen et long terme de l'État, joint au projet de loi de finances, et à évaluer en cours d'année le montant des besoins à court terme de l'État, qui sont financés par des bons du Trésor à taux fixe à moins d'un an.

Notre seconde mission consiste à gérer au mieux les intérêts du contribuable dans le cadre de notre programme d'émissions à moyen et long terme. Cela passe par des émissions qui mettent en avant certaines caractéristiques de long terme, et en particulier par une politique d'émissions mettant l'accent sur la liquidité de la dette, qui est l'une des raisons majeures qui peuvent conduire les investisseurs à choisir la dette française plutôt que d'autres types de dette. Nous avons d'ailleurs été rassurés par une enquête réalisée fin 2013, qui fait état de la satisfaction des investisseurs quant à cette caractéristique de notre dette.

S'agissant du besoin de financement de l'État en 2013, l'encours de la dette négociable au 31 décembre 2013 s'élevait à 1 457 milliards d'euros. Je parle ici de la dette de l'État, qui est celle que gère l'AFT. Les émissions nettes à moyen et long terme ont atteint 169 milliards, ce qui est conforme au montant annoncé dans le programme de financement. Fin 2013, la durée de vie moyenne de la dette s'élevait à 7 ans et 5 jours. Le taux de détention de la dette négociable par les non-résidents s'élevait à 64,5 % fin septembre 2013 ; le solde de 35,5 % est donc détenu par les investisseurs français. Enfin, des conditions de financement très favorables ont permis à l'AFT de contenir le montant de la charge de la dette pour l'année 2013 à 44,9 milliards d'euros, soit un montant inférieur de 2 milliards à ce qui avait été prévu en loi de finances initiale. Je reviendrai si vous le souhaitez sur les raisons pour lesquelles cette prévision a été revue à la baisse en exécution : elles tiennent à la baisse des taux d'intérêt, et surtout à la baisse de l'inflation par rapport aux prévisions retenues dans le budget.

J'en viens au besoin de financement de l'État pour 2014. Notre programme de financement s'élève à 173 milliards d'euros, soit une légère augmentation par rapport à 2013. Comme les années précédentes, nous nous efforcerons d'émettre le plus possible là où existe une demande des investisseurs. C'est en nous situant au plus près de cette demande que nous obtiendrons les meilleures conditions de financement à long terme. Comme chaque année, une partie de notre dette sera émise à des taux indexés sur l'inflation. Environ 10 % de notre dette est aujourd'hui indexée sur l'inflation ; cette proportion est maintenue dans notre programme de financement. Comme vous le savez, il existe deux types d'indexation, le premier sur l'indice des prix à la consommation français et le second sur l'indice des prix à la consommation de la zone euro, qui représentent chacun environ la moitié de nos émissions indexées.

La charge de la dette prévue dans la loi de finances initiale pour 2014 est de 46,7 milliards d'euros. Elle est donc en augmentation par rapport à 2013.

En ce qui concerne les conditions de marché, l'année 2013 a été assez exceptionnelle en termes de coût de financement pour l'État. Le taux moyen d'endettement à moyen et long terme – au-dessus d'un an – s'est établi à 1,54 %. Les conditions n'avaient jamais été aussi favorables ; cela concourt à expliquer une charge de la dette plus faible que prévu.

Par rapport à la fin 2012, le taux d'intérêt à dix ans de la France a augmenté de 56 points de base, soit 0,56 %, pour s'établir à 2,56 % fin décembre 2013. L'écart de taux avec l'Allemagne – indicateur important pour les marchés financiers – est resté stable au cours de l'année 2013. Il est d'environ 60 points de base, soit 0,6 %. Le taux d'intérêt allemand à dix ans est aujourd'hui inférieur de 0,6 % au taux d'intérêt français à dix ans.

En réalité, l'année 2013 a été marquée par des évolutions assez heurtées des taux d'intérêt. Le début de l'année a été très favorable, à la fois en raison de la normalisation de la situation dans la zone euro et en raison de l'annonce d'un important changement de politique monétaire au Japon, qui ont conduit les marchés à revoir assez fortement les taux d'intérêt à la baisse. En mai 2013, le taux à dix ans français a atteint un niveau historiquement bas de 1,8 %. Ce même mois, le président de la Réserve fédérale américaine – Fed – a déclaré qu'il n'excluait pas de durcir une politique monétaire jusque-là très accommodante, et que les achats de dette par la Fed – qui s'élevaient à 85 milliards de dollars par mois – pourraient être revus à la baisse. Cette seule annonce d'une réflexion sur un possible changement de la politique monétaire américaine a conduit les taux américains à remonter fortement au printemps 2013 ; les taux européens ont suivi. En l'espace de trois mois, les taux d'intérêt français à dix ans ont augmenté de 0,8 %, passant de 1,8 % en mai à 2,6 % en juillet.

À partir du troisième trimestre, deux phénomènes ont entraîné une stabilisation, voire une légère diminution des taux : à la fin de l'année, le taux à dix ans français s'établissait à 2,5 %. D'une part, le président de la Banque centrale européenne – BCE – a déclaré qu'il ne s'expliquait pas très bien la forte corrélation entre l'évolution des taux américains et celle des taux de la zone euro, alors que la situation macroéconomique n'était pas la même. Cela s'est traduit par une révision à la baisse des taux d'intérêt de la BCE et la mise en place d'une politique d'annonces sur ses intentions, qui a conduit à une décorrélation entre l'évolution des taux américains et celle des taux de la zone euro. D'autre part, la Fed a annoncé en septembre, à la surprise générale et alors que les marchés financiers continuaient à anticiper un resserrement de la politique monétaire américaine, qu'elle attendrait d'avoir plus d'éléments sur l'évolution des indicateurs économiques pour mettre celui-ci en oeuvre – ce qu'elle a fait en décembre.

Ce matin, les taux à dix ans s'établissaient à 2,25 %. La détente sur les taux d'intérêt s'est donc poursuivie. Cette évolution est contraire aux anticipations de la majorité des analystes. On assiste à une diminution des achats de titres de la Fed, qui s'élèvent aujourd'hui à 65 milliards de dollars par mois, contre 85 milliards avant décembre. La baisse des taux s'explique principalement par la conjonction d'une baisse des anticipations d'inflation dans la zone euro et d'interrogations sur les perspectives de croissance dans les pays émergents. Dans le même temps, l'amélioration du sentiment de marché sur les marchés de la périphérie, notamment l'Italie et l'Espagne, a conduit à une détente générale des taux d'intérêt dans la zone euro.

Il est très difficile d'anticiper sur les évolutions futures. Selon l'AFT, la poursuite du resserrement de la politique monétaire américaine et les perspectives de reprise de la croissance, notamment en Europe, devraient conduire à une hausse des taux à long terme, mais probablement moins rapide que ce qui avait été anticipé fin 2013.

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