Votre organisation a été vivement contestée ces dernières années pour avoir signé des partenariats avec des entreprises privées. Les accusations d'écoblanchiment (greenwashing) ont été nombreuses, le WWF apparaissant comme une caution pour certaines entreprises polluantes, comme Aéroports de Paris ou le cimentier Lafarge.
Dès lors que les financements privés entrent pour 30 % dans son budget, n'est-il pas difficile à WWF de dénoncer certaines actions de ses partenaires ? Comment peut-on juger de la pertinence des actions d'une entreprise en faveur de la protection de l'environnement quand on dépend de ses financements ? Est-ce le conseil d'administration de WWF France qui prend la décision de signer un partenariat ? La présidente a-t-elle un droit de veto sur ce point ?
Le WWF dresse un constat dramatique de la situation de la planète, qui nécessiterait une action vigoureuse. Pourtant, les partenariats semblent légitimer le système actuel, en laissant croire qu'il suffirait de le verdir un peu pour que tout aille mieux. Dans le cadre de ce partenariat, Lafarge s'est engagé à réduire de 20 % ses émissions de gaz à effet de serre. Est-ce suffisant face à l'ampleur de la crise écologique et climatique ? Peut-on préserver la nature et l'environnement sans changer en profondeur le modèle productiviste et consumériste qui gouverne notre société ? La polémique sur le sujet a-t-elle eu un impact sur la perception qu'a le public de votre organisation ?
On reconnaît avant tout dans le WWF une association de protection de la biodiversité, notamment de la biodiversité remarquable, dont l'érosion s'explique par cinq facteurs : la destruction des habitats, due notamment, en France, à l'artificialisation des sols ; la surexploitation des espèces ; la concurrence des espèces invasives ; la pollution des milieux et le changement climatique. Compte tenu de l'urgence écologique, quelles actions à court terme considérez-vous comme prioritaires ?
De nombreux projets de préservation de la biodiversité, dont l'objectif est de réguler les espèces, menacées ou non, témoignent d'une volonté sous-jacente d'organiser ou de réorganiser les écosystèmes, via des programmes de destruction ou de réintroduction d'espèces animales – on songe même à acclimater des tigres d'Asie en Afrique du Sud ! Cependant, le fonctionnement des biotopes étant encore mal connu, cette régulation artificielle des écosystèmes peut entraîner des réactions en chaîne insoupçonnées, comme la destruction de certaines espèces, telles que les cormorans ou les loups. Elle pose en outre un problème éthique, puisqu'on considère alors l'animal comme un simple objet surnuméraire. L'homme peut-il, ou doit-il, définir ainsi l'équilibre entre les espèces et remodeler les écosystèmes ?
Au lieu d'agir sur une espèce, si emblématique soit-elle, il serait plus utile – mais aussi plus difficile – de travailler sur les espaces, par exemple en instaurant en France des trames vertes et bleues. La biodiversité, notamment la biodiversité remarquable, ne peut être préservée que dans des écosystèmes protégés. Que pensez-vous de ces programmes de réintroduction ou de destruction d'espèces, au surplus très coûteux ?
La consommation excessive de viande en Occident est responsable de déforestations massives, notamment en Amérique du sud où le soja est produit en quantités énormes pour nourrir le bétail, mais cela suscite beaucoup moins d'émoi que la destruction des forêts primaires d'Asie du sud-est, due à la production d'huile de palme. Le WWF s'intéresse-t-il à cette question ?
Enfin, quelle est votre position sur les agrocarburants et sur les OGM ?