Intervention de Georges Fenech

Séance en hémicycle du 30 octobre 2012 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2013 — Justice

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorges Fenech :

Madame la garde des sceaux, le budget pour 2003 de la mission « Justice » que vous nous présentez s'élève à 7,7 milliards d'euros, soit une hausse de 4,3 % en crédits de paiement. Cette augmentation traduit l'une des priorités du Président de la République avec celles de l'éducation et de la santé. On ne peut que s'en féliciter, en tout cas dans les grandes lignes.

Plusieurs points positifs sont à relever : la confirmation de la généralisation des bureaux d'aide aux victimes à l'ensemble des TGI en 2013 ; une dotation de 10 millions d'euros destinée à aider les associations habilitées dans le domaine de l'aide et de l'accompagnement aux victimes ; une forte augmentation du parc informatique qui permettra de faciliter le travail quotidien de l'ensemble des personnels de la mission « Justice » et de recentrer le juge sur ses missions premières.

Or, malgré ces quelques efforts, la France se positionne encore au dix-huitième rang européen, ce qui a fait dire à notre président de la commission des lois que nous sommes la Cendrillon du continent. Jean-Jacques Urvoas n'a pas tort puisque force est de constater que la hausse des effectifs sur cinq ans n'est que de 2 500, chiffre qu'il faut mettre en perspective avec les 60 000 postes créés dans l'éducation nationale.

L'heure n'est donc pas à l'autosatisfaction, d'autant que si la mission « Justice » gagne 314 millions en crédits de paiement, soit une augmentation de 4,26 %, elle perd en réalité 2,41 milliards en autorisations d'engagement, soit une baisse de 24,78 % correspondant essentiellement au programme de construction de prisons que vous avez abandonné.

Dans ce contexte, de quelle hausse peut-on encore parler ? Deux chiffres doivent retenir notre attention pour ce qui concerne l'administration pénitentiaire. D'une part, les autorisations de paiement sont en baisse de 38 % au total ; d'autre part, les autorisations d'engagement de dépenses d'investissements de l'administration pénitentiaire sont en chute libre de 86 %. Ce pourcentage est la conséquence de votre décision de l'arrêt du projet de construction de 24 000 places de prison supplémentaires. Seul le programme « 13 200 », prévu par l'ancienne majorité, sera mené à terme avec un objectif de 63 500 places en 2018 alors que nous avons déjà plus de 67 000 détenus en 2012.

La question qu'on est en droit de se poser, madame la garde des sceaux, est la suivante : pourquoi renoncer à créer de nouvelles places de prison alors que, nous le savons, notre parc pénitentiaire est indigne d'un grand pays comme la France et que, d'autre part, la prison, que vous le vouliez ou non, est un mal nécessaire puisqu'elle permet de lutter contre la récidive en préparant la réinsertion ? Elle participe donc à la baisse de la délinquance. Elle met, en tout cas, hors d'état de nuire les délinquants les plus endurcis.

J'observe à cet égard que l'Institut pour la justice, qui regroupe des dizaines de milliers de citoyens, est inquiet de la politique pénale que vous préparez. Il est favorable à la construction de 30 000 places de prison supplémentaires, ne serait-ce que pour rejoindre la moyenne européenne en termes de capacité carcérale ramenée à 100 000 habitants, et pour permettre du même coup l'application intégrale des peines prononcées, ce qui est loin d'être le cas à l'heure actuelle.

Mais il est vrai, madame la garde des sceaux, que votre priorité est de développer les peines alternatives à l'emprisonnement. D'ailleurs, on pourrait vous y encourager. À cet égard, je vous ai dit en commission des lois qu'il me semblait important de faire monter en puissance le bracelet électronique mobile, dont seulement une cinquantaine d'exemplaires sont utilisés à ce jour, quand la Grande-Bretagne ou les États-Unis en sont à plusieurs milliers !

En fait, vous ne pourrez pas répondre à toute la délinquance uniquement par les peines alternatives, notamment à la délinquance la plus violente. Que l'on songe à la criminalité sanglante qui a frappé récemment Marseille ou la Corse. Quand votre collègue Manuel Valls tient des discours de fermeté, que lui répondez-vous ? Peines alternatives ? Peines alternatives pour les assassins de Me Sollacaro ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

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