Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, plus encore que dans les autres grandes agglomérations de notre pays, la situation des transports urbains est grave en Île-de-France. La distance des mouvements pendulaires entre le domicile et le travail y est de plus en plus importante tant nous sommes dans l’incapacité d’augmenter l’offre de logements dans la zone centrale.
Heureusement, le STIF semble renoncer au Pass Navigo unique, qui augmenterait encore cette migration pendulaire et coûterait près de 500 millions par an, lesquels pourraient avantageusement permettre la rénovation des lignes RER, qui n’en peuvent plus. Comment pourrait-il en être autrement quand on sait que, durant les dix dernières années, seuls 40 kilomètres du réseau RER ont été rénovés ?
La situation est tout aussi dramatique sur le réseau SNCF transilien et ses infrastructures obsolètes, quelquefois à risque. Il en est de même s’agissant du matériel roulant de deuxième main ou en réemploi sur des lignes comme Montparnasse-Houdan, qui n’est pas considérée comme prioritaire.
De plus en plus d’usagers de grande couronne, exaspérés, interpellent les élus locaux, les seuls à qui ils peuvent directement s’adresser à ce propos. Peuvent-ils le faire auprès des responsables du STIF ou de la région, seule compétente sur ces questions ? Et que diraient ces responsables à ceux qui sont à trois ans de la retraite ou à deux années de la fin de leurs études ? Ils leur diraient sans doute que le bonheur est pour demain : en 2022 ou 2023 avec Eole, en vallée de Seine, et avec le Grand Paris Express alors que ce dernier ne concerne pratiquement pas les Yvelines, même si les acteurs économiques de ce département sont de gros contributeurs aux redevances et taxes transport-bureaux. On ne manquera d’ailleurs pas d’appeler ce département au tour de table du financement, alors qu’il n’a pas de compétence en matière de transport.
Le grand bonheur sera pour demain, peut-être, mais les habitants, les usagers, préfèrent des petits bonheurs de chaque jour – par exemple, le petit bonheur du train qui arrive à l’heure, qui est confortable, et dans lequel on se sent en sécurité. Une priorité doit donc être accordée tout de suite au matériel roulant, aux rails, aux aiguillages, à la signalisation, aux caténaires.
Cette situation désastreuse brouille totalement tous les messages pour réduire la circulation automobile quand on ne propose pas d’alternative crédible.
Certes, les modes à énergie active prennent progressivement une part plus importante mais ils ne constituent pas la réponse qu’attendent les Franciliens, et particulièrement ceux des régions périphériques, pour leurs déplacements pendulaires depuis la grande couronne.
De la même manière, Eole ou le Grand Paris Express ne régleront pas les problèmes de bien des zones de la grande couronne.
Une récente enquête IPSOS sur l’ensemble des aires urbaines françaises montre que la situation est nettement plus dégradée en Ile-de-France. Les habitants de grande couronne savent bien que le transport est un facteur d’inégalité entre territoires, situation dont ils rendent les pouvoirs publics responsables.
Il faut redonner sa place à la grande couronne, partie intégrante de l’Ile-de-France. Il faut espérer que l’inconnue dans laquelle vous plongez cette région sera l’occasion de découvrir combien la nouvelle grande métropole tire aussi sa richesse de la contribution de tous les employés de la grande couronne. Il faut s’assurer, au-delà, que cette grande métropole découvrira combien elle a une dette de transport à l’endroit de la grande couronne et qu’elle a un devoir de solidarité vis-à-vis de ceux dont les temps de transport sont les plus longs.
Le STIF a commencé à en prendre conscience et a adopté un schéma d’augmentation de l’offre de bus, mais il ne faut pas s’arrêter à une augmentation des lignes de rabattement vers des gares pour prendre des trains déjà saturés. Non, il faut provoquer une reconnaissance du bus comme un moyen de transport de pôle à pôle à l’intérieur de la grande couronne et multiplier les lignes ainsi que les lignes directes de la grande couronne vers les grands centres d’emplois comme, par exemple, les lignes Mantes-La Défense.
La demande, pour ces lignes, est croissante et l’on pourrait presque leur dédier le slogan : « les essayer, c’est les adopter ». Il faut donc les multiplier et leur donner, en se multipliant, la capacité de rester performantes et d’exister là où la pénétration rapide des centres urbains en heure de pointe est difficile, voire impossible.
Il est donc nécessaire de permettre aux bus de devenir un moyen de transport collectif rapide, régulier et massif si ces conditions de pénétration en milieu urbain sont garanties.
Bien des villes capitales ont déjà réalisé ou expérimentent un tel processus. Je sais, grâce à vos réponses à des questions antérieures, que vous êtes favorable à ces évolutions qui vont de l’utilisation des bandes d’arrêt d’urgence aux voies dédiées aux bus dans les derniers kilomètres, ainsi qu’aux voies dédiées sur autoroutes ou voies rapides.
Si ces conditions sont réunies, elles permettront aussi de multiplier, à 30 ou 40 kilomètres des coeurs d’agglomération, des plates-formes multimodales voiture-bus au bord des autoroutes comme cela a été réalisé récemment dans le sud des Yvelines. Le même sondage IPSOS montre que les Français plébiscitent cette perspective.
Mais, pour les satisfaire, nous avons besoin d’un volontarisme politique qui bouscule les habitudes, les certitudes ou les pratiques techniques, et peut-être même les normes. Il faut une mobilisation pour un plan bus, avec des crédits réservés. Y êtes-vous prêt, monsieur le ministre ? Puis-je faire part de votre réponse positive, demain matin, à ces usagers pendulaires du pays Houdanais qui, en buvant le café, disent tout le mal qu’ils pensent du train en retard et inconfortable ou crient leur ras-le-bol des embouteillages quotidiens qu’ils doivent supporter ?