La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
L’ordre du jour appelle le débat sur le bilan et les perspectives de l’action de l’État en matière de transports urbains.
Je vous rappelle que la Conférence des présidents a décidé que ce débat serait organisé en deux phases : après l’intervention des orateurs des groupes et du Gouvernement, il sera procédé à une série de questions-réponses.
La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, chers et nombreux collègues,
Sourires
nous allons interrompre nos travaux à la fin de cette semaine pour la campagne des élections municipales.
Le groupe écologiste que je co-préside a souhaité saisir l’occasion de cette semaine de contrôle pour organiser un débat sur l’action de l’État en matière de transports urbains. Il nous a semblé que c’était particulièrement bienvenu dans cette période.
Depuis trente ans, les modalités d’intervention de l’État dans ce secteur ont profondément évolué. D’abord, on constate que les investissements de l’État diminuent légèrement au fil des années, alors que ceux des collectivités territoriales augmentent.
Aujourd’hui, les investissements de l’État en matière de transports en commun urbains ne représentent que 4 % des dépenses totales du ministère, alors qu’en parallèle les collectivités territoriales prennent en charge 75 % des investissements publics dans ce secteur.
Ensuite, on notera que les outils d’intervention de l’État ont été modifiés au fil du temps. Jusqu’en 2006, la contribution aux projets de transports collectifs urbains se faisait sous la forme d’attributions d’aides. Je me souviens, en tant qu’élu nantais, que la première ligne de tramway, décidée en 1979, avait reçu en 1981 du nouveau gouvernement une subvention qui couvrait plus de 50 % du montant de l’investissement. Nous en sommes évidemment bien loin aujourd’hui.
Depuis 2006, l’État a développé les appels à projets de transports collectifs en site propre, et les contrats de projets État-région par ailleurs.
Pour notre groupe, une politique nationale en la matière peut avoir au moins deux intérêts : accélérer la réalisation de projets et susciter un effet d’entraînement sur le territoire, dans l’ensemble des villes, avec un effet de levier pour celles-ci.
Les besoins en investissements restent importants, et ce dans au moins deux cas de figure. Il y a d’abord les agglomérations qui doivent rattraper un retard. J’y reviendrai ; je pourrais prendre notamment l’exemple de l’agglomération d’Amiens, chère à mon groupe et à sa co-présidente Barbara Pompili. Mais il y a aussi les agglomérations qui ont déjà beaucoup fait pour les transports urbains et qui se retrouvent néanmoins avec d’importants besoins de financement d’investissements, pour la rénovation et les extension du réseau, sans parler des problèmes de saturation.
On peut observer que sur les trois appels à projets de transports en commun en site propre qui ont été lancés depuis 2006, le premier, qui concernait essentiellement des projets de tramway, à Angers, Dijon, Brest, Le Havre ou encore Reims, a débouché sur 800 millions d’investissements d’État qui ont entraîné 6 milliards d’investissements des collectivités, soit un coefficient multiplicateur de 7,5.
Le deuxième, qui visait principalement les bus à haut niveau de service, les extensions de lignes de tramway et la création d’une ligne de métro à Rennes, a été soutenu par une dotation de 598 millions d’euros, ce qui a produit 7,5 milliards d’euros d’investissements des collectivités, soit un effet de levier de 12.
Enfin, le troisième appel à projets, pour lequel l’État avait prévu d’injecter 450 millions d’euros, a été gelé. Mais le ministère des transports tablait – si mes informations sont bonnes, monsieur le ministre – sur un apport des collectivités de près de 6 milliards d’euros, ce qui aurait représenté un effet de levier de 13.
L’action de l’État dans le secteur des transports urbains semble ainsi plus que jamais nécessaire, et ce quel que soit le niveau d’équipement des communes. Dans certaines villes, tout reste à faire : il y en a encore quelques-unes, même si cela peut paraître étrange à un élu d’une ville où beaucoup a été fait, comme moi. Je parlais d’Amiens, où je crois, monsieur le ministre, que vous êtes récemment allé pour rencontrer les élus et leur réaffirmer l’intention du Gouvernement de soutenir le projet de tramway. C’est typiquement le cas d’une ville où il y a un retard d’équipement à rattraper, ainsi qu’un certain volontarisme, qui doit se confirmer, de la part des élus locaux.
Dans d’autres villes, comme la mienne, Nantes, où beaucoup de projets ont été réalisés, et où la dynamique de fréquentation est très forte – parce qu’il ne suffit pas de réaliser des projets, qui ne serviraient à rien si personne n’empruntait les tramways ou les bus –, les réseaux sont parfois saturés et les besoins en entretien, en rénovation, voire en extension sont grands, alors que les capacités de financement sont déjà très fortement absorbées par les dépenses de fonctionnement.
Enfin, il y a le cas de la région parisienne, passée depuis 2006 sous la gestion unifiée et décentralisée du Syndicat des transports d’Île-de-France. Les projets en attente de financement sont nombreux, qu’il s’agisse de l’amélioration d’EOLE, de la ligne E du RER ou du plan d’urgence du réseau express régional.
Contrairement à certaines idées reçues – qui ont notamment cours dans nos villes de province –, si la région Île-de-France est déjà très équipée, elle manque encore de nombreuses infrastructures, notamment pour relier les banlieues directement entre elles, sans passer par Paris. Elle a besoin, outre l’extension des réseaux existants, de rénover ses infrastructures, ce qui est souvent lourd et coûteux.
Je prendrais un exemple, celui des infrastructures qui sont utilisées à la fois pour le transport régional et le transport national, ce qui est bien plus fréquent en Île-de-France. Je citerai un cas qui me concerne en tant qu’élu de l’ouest de la France : le barreau sud Île-de-France. C’est un sujet qui est souvent renvoyé à plus tard dans les projets d’investissement, mais sur ce barreau qui permet la connexion des TGV Atlantique, Sud-est, Est et Nord, on doit attendre que les RER passent et il y a une saturation de cet axe qui rend son utilisation très délicate, avec des lenteurs.
J’organisais ce matin une conférence de presse avec Pierre Serne, vice-président du STIF, qui expliquait que malgré les engagements extrêmement volontaristes pris par le Gouvernement il y a un an presque jour pour jour, à propos du Grand Paris Express, les financements tardent à arriver.
Dans le même temps, l’État demande à la région de cofinancer certains grands projets, comme le canal Seine-Nord, pour 200 millions d’euros, ou la nouvelle ligne Paris-Normandie, pour 60 millions d’euros rien qu’en crédits d’études.
Ce retard est non seulement préjudiciable aux collectivités, mais il l’est aussi, et surtout, aux usagers et à l’économie du pays. Car les transports urbains sont fortement créateurs d’emplois, dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, pour les infrastructures, mais aussi dans celui du matériel roulant. Je crois, monsieur le ministre, qu’aujourd’hui même, vous avez participé à une table ronde sur l’industrie ferroviaire. La commande du STIF à l’entreprise Bombardier représente pour l’usine de Valenciennes une charge de travail de trois ans et demi pour 2 000 salariés. C’est important et on ne le dit pas assez, peut-être parce que nous sommes dans un pays où on a souvent les yeux rivés sur nos entreprises nationales d’automobile. Nous avons tendance à oublier que la France est un des champions du monde de l’industrie ferroviaire, avec bien sûr Alstom, mais aussi Bombardier qui est installé sur le territoire national. Nous fabriquons tous les types de matériel : trains, TGV, TER, tramways, tram-trains… Nous produisons aussi des bus, il faut le rappeler. On parle souvent des difficultés d’Heuliez, mais sa filiale, Heuliez Bus, continue à très bien fonctionner, tout comme Iris bus, Volvo, Mercedes, qui produisent des bus en France.
Soit nous considérons que l’État doit se retirer du financement des transports urbains, ce qui reviendrait, in fine, à aller au bout d’une logique de décentralisation totale, et dans ce cas, il faudrait accompagner ce mouvement par la mise en place de nouveaux dispositifs de financement pour les collectivités locales. Soit au contraire, nous considérons que l’État a un rôle à jouer, qu’il doit assumer cette fonction d’entraînement, de levier, et nous devons alors faire des choix pour relancer un processus de financement clair et dynamique.
Pour les écologistes, la priorité doit être accordée aux transports du quotidien, c’est-à-dire à l’amélioration des réseaux existants, via des chantiers de rénovation, de modernisation ou de prolongation des lignes de transport en commun. Cela doit bien sûr s’intégrer dans la politique des plans de déplacement urbain avec les autres modes, comme le covoiturage, la voiture partagée, le développement de l’utilisation des deux-roues et de la marche à pied.
Inévitablement, cette orientation implique pour nous des choix budgétaires par rapport à de grands projets qui sont de grands consommateurs de crédits : je pense au canal Seine-Nord, nous pourrions aussi parler du Lyon-Turin qui, si j’ai bien compris, coûterait à lui seul 25 milliards d’euros et dont les recettes ne couvriraient qu’à peine 10 % des coûts. Vous connaissez également notre opposition au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, qui s’inscrit dans la même logique, ou au grand contournement routier de Strasbourg.
Voilà des exemples concrets de choix budgétaires à faire. Mais notre réflexion prend un tour particulier à la lumière de l’actualité, marquée ces derniers mois par la suspension de la taxe poids-lourds, qui était la recette toute trouvée pour développer le financement des infrastructures de transport.
C’est l’écotaxe !
Votre neutralité de président, jamais je ne me permettrais de la mettre en cause.
La recette de cette taxe était estimée en année pleine, pour 2014, à 800 millions d’euros, à destination de l’Agence de financement des infrastructures de transport. Or cette dernière, ne sachant pas quand la taxe poids lourds entrerait en vigueur, a estimé le manque à gagner à 450 millions pour cette année. L’Agence a donc bouclé son budget avec retard. Par ailleurs, la conséquence directe et concrète de la suspension de la taxe a été celle des appels à projets concernant les transports en commun ainsi que de la négociation des contrats de plan État-région.
Vous le savez, monsieur le ministre, les écologistes avaient accepté le principe d’une suspension temporaire de cette taxe – je dis bien, temporaire –, au nom de l’apaisement. Il n’en reste pas moins qu’elle nous prive d’une recette majeure. Nous appelons donc à son entrée en vigueur d’ici la fin du premier semestre 2014.
Monsieur le ministre, chers collègues, tout au long du mois de mars, des femmes et des hommes de tous horizons politiques se présenteront devant les électeurs dans le cadre des élections municipales et, conséquemment, au sein des structures intercommunales. Ils feront campagne sur des propositions et des engagements dont certains, évidemment, concerneront les transports urbains. Ils ont besoin de visibilité et notre débat, je l’espère, contribuera à les éclairer.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous sommes aussi ravis que nos collègues du groupe écologiste à l’idée de pouvoir évoquer le rôle de l’État en matière de transports urbains. Ceux-ci sont, pour des millions de nos concitoyens, une préoccupation quotidienne en même temps qu’ils constituent un enjeu fondamental pour le développement urbain et économique de nos agglomérations. Ils sont également un enjeu majeur de la transition écologique et énergétique que nous appelons de nos voeux.
Nous le savons, habiter à proximité d’une gare, d’une station de bus ou d’une ligne de tramway est un plus indéniable pour la qualité de vie de nos concitoyens.
Les études les plus récentes montrent qu’environ les trois quarts des déplacements se font encore en voiture. Néanmoins, ce chiffre diffère largement en fonction des zones – ce mode de transport domine à hauteur de 90 % dans les zones rurales alors que dans les zones les plus urbanisées, et c’est le cas en Île-de-France, ce chiffre peut parfois descendre à moins de 50 %, ce qui constitue me semble-t-il un progrès.
Ces mêmes études démontrent que les Français souhaitent diversifier leurs modes de transports. Cette évolution vers des modes alternatifs à la voiture particulière – notamment vers les transports urbains collectifs comme le bus, le tram et le métro – est due à la fois à une problématique économique et à la volonté des ménages de maîtriser leur budget de transport. Elle est aussi due à la prise de conscience des coûts et des nuisances de la voiture : pollutions sonore et environnementale, coût des assurances, du stationnement et de l’entretien.
Le monopole de la voiture est d’autant plus remis en cause dans nos agglomérations que les pouvoirs publics sont à même d’offrir des solutions alternatives crédibles comme l’est le tramway, par exemple, qui est peu à peu réapparu au coeur de nos cités.
C’est par des modes de transports collectifs durablement fiables, réguliers et confortables que nous continuerons à offrir à nos concitoyens une alternative à la voiture, dont ils sont d’ailleurs parfois prisonniers.
Malheureusement, trop d’usagers ne trouvent pas nécessairement le service de qualité qu’ils sont en droit d’attendre.
Je dois m’arrêter ici sur la situation particulière de l’Ile-de-France, région dont je suis élu et qui connaît une crise chronique due au manque d’investissements ces dernières années.
J’ai coutume de rappeler que si le réseau francilien ne représente que 10 % du réseau ferré français, il correspond à 40 % des trains qui circulent dans notre pays, pour un total d’environ huit millions d’usagers chaque jour, chiffre impressionnant, vous le reconnaîtrez, qui justifie pleinement que l’on s’intéresse à la situation francilienne.
Je me félicite que le projet du Grand Paris Express – pour lequel nous sommes nombreux à nous être mobilisés – initié par la loi de juin 2010 permette d’apporter des réponses à ces difficultés.
Depuis le mois de juin 2012, la majorité s’est mobilisée pour conforter le projet et pérenniser son financement. Et comme l’a rappelé mon collègue François de Rugy, le 6 mars dernier, le Premier ministre a annoncé un plan de financement renforcé et a conforté l’ambition de construire 200 kilomètres de nouvelles lignes de métro et 72 nouvelles gares, de même qu’il a affirmé sa volonté de rattraper les investissements sur les réseaux existants dont le manque de fiabilité et les difficultés quotidiennes pénalisent de nombreux usagers.
Je prends souvent l’exemple du renouvellement des matériels roulants – qui a déjà commencé et doit se poursuivre dans les années à venir. Compte tenu des difficultés subies par les usagers – je pense, notamment, aux lignes L et J au départ de la gare Saint-Lazare –, il est particulièrement attendu ; j’espère donc qu’il sera rapidement effectif. C’est en effet, me semble-t-il, le rôle de l’État, en relation avec l’opérateur SNCF, de tout mettre en oeuvre pour que les lignes les plus en souffrance soient prioritairement dotées des nouveaux matériels et des investissements dans les infrastructures.
Le transport urbain de demain, c’est aussi l’intermodalité et la multimodalité. Nous n’opposons pas le rail à la route. Dans des milieux urbains peu denses, le bus peut être une solution particulièrement satisfaisante, à condition que la régularité et l’état des lignes soient conformes aux attentes de la population.
Le multimodal, c’est également se tourner vers les modes actifs : marche à pieds, vélo, voiture. Nous le savons, parce que nous travaillons avec le ministre depuis plusieurs mois, un plan en faveur des mobilités actives sera annoncé dans quelques jours comprenant des mesures très concrètes pour oeuvrer en ce sens.
Une de mes collègues interviendra à propos des systèmes de transport intelligents, d’autres collègues interviendront quant à eux sur la réforme ferroviaire. Pour ma part, je termine en vous assurant que nous sommes totalement mobilisés sur cet enjeu que constituent les transports urbains, avec les investissements nombreux que nous attendons, et dont nous avons besoin. Même si, cela a été dit, l’État n’est plus le principal financeur, il a un rôle stratégique à jouer. Vous savez pouvoir compter sur le soutien de notre majorité à votre action, monsieur le ministre.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Je vous remercie.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, plus encore que dans les autres grandes agglomérations de notre pays, la situation des transports urbains est grave en Île-de-France. La distance des mouvements pendulaires entre le domicile et le travail y est de plus en plus importante tant nous sommes dans l’incapacité d’augmenter l’offre de logements dans la zone centrale.
Heureusement, le STIF semble renoncer au Pass Navigo unique, qui augmenterait encore cette migration pendulaire et coûterait près de 500 millions par an, lesquels pourraient avantageusement permettre la rénovation des lignes RER, qui n’en peuvent plus. Comment pourrait-il en être autrement quand on sait que, durant les dix dernières années, seuls 40 kilomètres du réseau RER ont été rénovés ?
La situation est tout aussi dramatique sur le réseau SNCF transilien et ses infrastructures obsolètes, quelquefois à risque. Il en est de même s’agissant du matériel roulant de deuxième main ou en réemploi sur des lignes comme Montparnasse-Houdan, qui n’est pas considérée comme prioritaire.
De plus en plus d’usagers de grande couronne, exaspérés, interpellent les élus locaux, les seuls à qui ils peuvent directement s’adresser à ce propos. Peuvent-ils le faire auprès des responsables du STIF ou de la région, seule compétente sur ces questions ? Et que diraient ces responsables à ceux qui sont à trois ans de la retraite ou à deux années de la fin de leurs études ? Ils leur diraient sans doute que le bonheur est pour demain : en 2022 ou 2023 avec Eole, en vallée de Seine, et avec le Grand Paris Express alors que ce dernier ne concerne pratiquement pas les Yvelines, même si les acteurs économiques de ce département sont de gros contributeurs aux redevances et taxes transport-bureaux. On ne manquera d’ailleurs pas d’appeler ce département au tour de table du financement, alors qu’il n’a pas de compétence en matière de transport.
Le grand bonheur sera pour demain, peut-être, mais les habitants, les usagers, préfèrent des petits bonheurs de chaque jour – par exemple, le petit bonheur du train qui arrive à l’heure, qui est confortable, et dans lequel on se sent en sécurité. Une priorité doit donc être accordée tout de suite au matériel roulant, aux rails, aux aiguillages, à la signalisation, aux caténaires.
Cette situation désastreuse brouille totalement tous les messages pour réduire la circulation automobile quand on ne propose pas d’alternative crédible.
Certes, les modes à énergie active prennent progressivement une part plus importante mais ils ne constituent pas la réponse qu’attendent les Franciliens, et particulièrement ceux des régions périphériques, pour leurs déplacements pendulaires depuis la grande couronne.
De la même manière, Eole ou le Grand Paris Express ne régleront pas les problèmes de bien des zones de la grande couronne.
Une récente enquête IPSOS sur l’ensemble des aires urbaines françaises montre que la situation est nettement plus dégradée en Ile-de-France. Les habitants de grande couronne savent bien que le transport est un facteur d’inégalité entre territoires, situation dont ils rendent les pouvoirs publics responsables.
Il faut redonner sa place à la grande couronne, partie intégrante de l’Ile-de-France. Il faut espérer que l’inconnue dans laquelle vous plongez cette région sera l’occasion de découvrir combien la nouvelle grande métropole tire aussi sa richesse de la contribution de tous les employés de la grande couronne. Il faut s’assurer, au-delà, que cette grande métropole découvrira combien elle a une dette de transport à l’endroit de la grande couronne et qu’elle a un devoir de solidarité vis-à-vis de ceux dont les temps de transport sont les plus longs.
Le STIF a commencé à en prendre conscience et a adopté un schéma d’augmentation de l’offre de bus, mais il ne faut pas s’arrêter à une augmentation des lignes de rabattement vers des gares pour prendre des trains déjà saturés. Non, il faut provoquer une reconnaissance du bus comme un moyen de transport de pôle à pôle à l’intérieur de la grande couronne et multiplier les lignes ainsi que les lignes directes de la grande couronne vers les grands centres d’emplois comme, par exemple, les lignes Mantes-La Défense.
La demande, pour ces lignes, est croissante et l’on pourrait presque leur dédier le slogan : « les essayer, c’est les adopter ». Il faut donc les multiplier et leur donner, en se multipliant, la capacité de rester performantes et d’exister là où la pénétration rapide des centres urbains en heure de pointe est difficile, voire impossible.
Il est donc nécessaire de permettre aux bus de devenir un moyen de transport collectif rapide, régulier et massif si ces conditions de pénétration en milieu urbain sont garanties.
Bien des villes capitales ont déjà réalisé ou expérimentent un tel processus. Je sais, grâce à vos réponses à des questions antérieures, que vous êtes favorable à ces évolutions qui vont de l’utilisation des bandes d’arrêt d’urgence aux voies dédiées aux bus dans les derniers kilomètres, ainsi qu’aux voies dédiées sur autoroutes ou voies rapides.
Si ces conditions sont réunies, elles permettront aussi de multiplier, à 30 ou 40 kilomètres des coeurs d’agglomération, des plates-formes multimodales voiture-bus au bord des autoroutes comme cela a été réalisé récemment dans le sud des Yvelines. Le même sondage IPSOS montre que les Français plébiscitent cette perspective.
Mais, pour les satisfaire, nous avons besoin d’un volontarisme politique qui bouscule les habitudes, les certitudes ou les pratiques techniques, et peut-être même les normes. Il faut une mobilisation pour un plan bus, avec des crédits réservés. Y êtes-vous prêt, monsieur le ministre ? Puis-je faire part de votre réponse positive, demain matin, à ces usagers pendulaires du pays Houdanais qui, en buvant le café, disent tout le mal qu’ils pensent du train en retard et inconfortable ou crient leur ras-le-bol des embouteillages quotidiens qu’ils doivent supporter ?
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans une société de plus en plus mobile, les transports urbains sont au coeur du quotidien des Français et conditionnent le dynamisme de nos villes. Chaque jour, ce sont plusieurs millions de nos concitoyens qui les utilisent pour se rendre à leur travail.
Le secteur des transports et de la logistique assure à lui seul plus de 6 % du produit intérieur brut. Il représente également la deuxième source de consommation d’énergie en France, avec plus de 30 % de la consommation totale, sachant que la route représente 80 % de la consommation d’énergie des transports du pays.
Le groupe UDI a toujours plaidé pour renforcer l’utilisation des transports collectifs urbains, car on voit bien que son développement se situe à la confluence d’enjeux économiques, de transition énergétique et d’aménagement du territoire.
Or, si la fréquentation de ces transports a augmenté de 25 % en France entre 2000 et 2010, 80 % des actifs de province continuent d’utiliser leur voiture pour se rendre à leur travail, faute d’alternative attractive.
Face à un prix de l’essence qui pèse de plus en plus lourd sur le pouvoir d’achat des ménages, l’État donne-t-il aux citoyens les moyens de se déplacer différemment ? À travers votre réponse, monsieur le ministre, le groupe UDI attend un cap clair et des perspectives ambitieuses.
Lors de la loi Grenelle de l’environnement, la précédente majorité avait fixé les orientations de l’État en matière de développement, de modernisation et d’entretien des réseaux.
Jean-Louis Borloo avait mis en évidence l’intérêt du développement des réseaux de transports urbains et périurbains en site propre, non seulement pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et favoriser le report modal vers les transports publics, mais également pour lutter contre la congestion urbaine et fournir au plus grand nombre des conditions de transport de qualité pour leurs déplacements.
À cet effet, la loi du 3 août 2009 prévoyait des concours de l’État aux projets de transports collectifs en sites propres portés par les collectivités territoriales à hauteur de 2,5 milliards d’euros d’ici 2020. Il était également prévu que l’État puisse apporter une aide sous la forme de prêts bonifiés et qu’il accompagne les collectivités dans la mise en place de dispositifs de financement adaptés. Malheureusement, cette ambition semble avoir fait les frais de l’alternance. Le rapport de la commission Mobilité 21 aurait pu être l’occasion de poursuivre ce cap et même de voir plus loin, mais il s’est malheureusement brisé sur le mur de l’argent, notamment avec la non-réaffectation de la totalité de la taxe poids lourd, dont chacun connaît la situation actuelle.
Nous souhaitons que la priorité donnée à la modernisation du réseau existant permette d’améliorer les performances du système de transport dans la desserte du territoire. Il s’agira de participer au financement des projets des collectivités territoriales qui s’insèrent dans une stratégie urbaine, qui comprennent des objectifs de cohésion sociale, de gestion coordonnée de l’espace urbain et de développement économique, et qui intègrent les enjeux environnementaux touchant à l’air, la biodiversité, le cadre de vie, le paysage et la limitation de l’étalement urbain.
Il est essentiel, monsieur le ministre, que vous nous disiez quelles sont vos intentions, car une politique ambitieuse en matière de transports urbains ne peut se faire sans un investissement important de la part de l’État, autrement dit sans moyens financiers clairement ciblés. C’est d’autant plus important que les transports publics sont de plus en plus chers et de moins en moins rentables. Le ratio recettes sur dépenses est passé de 39 % à 31,5 % en France entre 2002 et 2012, alors qu’il est passé en Allemagne de 41,9 % à 49,1 %. La raison de ce déficit réside en premier lieu dans l’étalement urbain et dans l’extension des réseaux urbains. Là encore, nous souhaiterions, monsieur le ministre, connaître la politique que vous entendez mener en ce domaine.
Par ailleurs, le transport urbain pèse de plus en plus fortement sur le budget des collectivités. La demande variée des modes de transport appelle des solutions adaptées pour répondre à une demande grandissante des habitants des villes moyennes. Or le budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France diminue, le « versement transport » n’augmente plus, la TVA vient de passer de 7 à 10 % et les dotations de l’État sont gelées jusqu’en 2016. Dans un tel contexte, les collectivités sont désarmées et ne sont plus en mesure de répondre à la demande des habitants de leur territoire. Et ne parlons pas du développement des véhicules électriques : il est indispensable de poursuivre les efforts dans ce domaine. Le bonus énergétique constitue un outil essentiel pour accélérer l’équipement des ménages des Français. Nous souhaitons le prolonger durablement et le rendre plus attractif dans le prochain projet de loi de finances.
Vous le voyez, monsieur le ministre, de grands efforts restent à accomplir en matière de développement des transports urbains. Le groupe UDI appelle donc le Gouvernement à retrouver l’esprit et les objectifs définis lors du Grenelle de l’environnement et à mettre en oeuvre des financements innovants.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi tout d’abord de remercier le groupe écologiste et son président, François de Rugy, d’avoir proposé ce débat. Les interventions qui viennent de se succéder ont été riches et ont déjà posé un certain nombre de problèmes importants. La densité des interventions compense largement la faible densité de députés présents dans cet hémicycle. Ce débat est opportun, non seulement parce qu’il prend place peu avant les élections locales et que la question des transports de proximité et des transports urbains est au coeur du débat démocratique, mais aussi parce qu’il s’agit là d’enjeux du quotidien qui occupent et préoccupent nos concitoyens.
Les priorités du Gouvernement ont toujours été claires, et je les réaffirme : amélioration des conditions de transport au quotidien, qualité de service, fiabilité et régularité. L’action de notre gouvernement en la matière suit deux lignes. Il s’agit d’abord de définir, à travers la commission Mobilité 21, les priorités en matière de nouvelles infrastructures nécessaires pour désenclaver les territoires. Ces priorités, ce sont avant tout, vous le savez, les noeuds ferroviaires dans les agglomérations telles que Paris, Lyon, Marseille ou Bordeaux, les contournements routiers pour décongestionner les villes, comme Rouen par exemple, ou encore l’amélioration de la desserte des ports – ce dernier point a été un axe essentiel pour favoriser à la fois compétitivité et croissance économique.
Le deuxième axe consiste à renouveler et à moderniser les réseaux existants, notamment ferroviaires, à travers un grand plan de modernisation du réseau, qui a été demandé au président de Réseau ferré de France, et des contrats de plan État-région, qui sont actuellement en cours d’élaboration et qui devraient être finalisés d’ici l’été. Telles sont les priorités du Gouvernement, et vous les connaissez.
En ce qui concerne plus particulièrement les transports urbains, qui font l’objet du débat de ce soir, le rôle de l’État a beaucoup évolué, comme cela a été rappelé. Ce secteur a en effet accompagné depuis près de trente ans le vaste mouvement de décentralisation qu’a connu notre pays. Une grande partie des compétences en la matière a été progressivement dévolue aux collectivités, avec, il faut le souligner, un franc succès. Les agglomérations ont aujourd’hui la compétence d’organiser leurs transports urbains et elles le font avec efficacité. Les régions sont très impliquées dans le transport ferroviaire et les départements ont en charge les transports interurbains.
La loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, promulguée le mois dernier, a encore approfondi ce mouvement. En devenant des « autorités organisatrices de la mobilité », les collectivités verront leurs compétences élargies et disposeront désormais de l’ensemble des outils nécessaires pour organiser une politique de mobilité cohérente sur l’ensemble de leur territoire : covoiturage, autopartage, vélo, etc. Le futur schéma régional d’intermodalité permettra lui aussi de mieux coordonner les réseaux de transport entre la région, les départements et les communautés d’agglomération en matière d’information multimodale et de billettique.
Dans ce mouvement, l’État est présent, parce que le développement des transports collectifs a toute sa place dans l’objectif de transition écologique que poursuit le Gouvernement. Il doit, en accord avec les collectivités qui sont responsables au premier chef, inciter au changement de comportements vis-à-vis des déplacements. L’État stratège donne le cap et soutient le financement des projets.
Pour cela, un certain nombre d’initiatives ont été prises. J’ai notamment lancé un appel à projets « Transports collectifs et mobilité durable », auquel M. de Rugy a fait référence, d’un montant de 450 millions d’euros, afin de favoriser des solutions alternatives à la voiture individuelle en ville. Cet appel à projets répond à trois enjeux forts : répondre aux objectifs de développement durable par le développement des transports collectifs, comme alternative écologique et économique à la voiture individuelle ; soutenir l’économie dans le secteur des transports, car la construction d’infrastructures de transports collectifs, c’est aussi de l’emploi et de la compétitivité ; désenclaver les quartiers de nos collectivités et les relier aux centres-villes.
Ce dernier point est essentiel, car donner accès aux transports collectifs, c’est reconnaître une forme de citoyenneté à chacune et chacun de nos concitoyens dans les différents quartiers de nos territoires : il s’agit vraiment là d’une forme de reconnaissance. C’est du reste la première spécificité de ce nouvel appel à projets que d’affirmer, contrairement aux précédents, l’importance de cet accès aux transports : la desserte des quartiers est l’un des critères prioritaires de sélection des projets, et la subvention pourra être majorée de 10 % si ce critère est respecté. Nous avons porté ce bonus au plus haut.
La seconde spécificité de cet appel à projets tient au fait qu’il a été élargi aux transports par câbles, aux navettes fluviales ou maritimes, aux parkings à vélo, mais aussi aux services d’information multimodale ou de billettique. L’objectif est aussi bien de récompenser des démarches novatrices en matière de mobilité durable que de permettre à des collectivités de taille moyenne, qui n’ont pas vocation à installer des tramways ou des métros sur leur territoire, de bénéficier d’un soutien de l’État et de promouvoir ainsi les transports collectifs.
Les deux premières générations d’appels à projets issus du Grenelle de l’environnement ont permis à un certain nombre de collectivités, le plus souvent des capitales régionales, de se doter d’un tramway ou de structurer leur réseau. Je souhaite, par les modalités mêmes de ce nouvel appel à projets, élargir la liste des bénéficiaires et des projets éligibles. Plus de 120 collectivités ont répondu à cet appel : ce succès a dépassé nos espérances. Ce sont en effet plus de 6 milliards d’euros d’investissements – je confirme le chiffre donné par François de Rugy – qui ont été annoncés par les collectivités, ce qui montre la vitalité et la volonté d’innover de ces territoires et leur envie de développer les transports collectifs, qui correspondent, rappelons-le, à des emplois non délocalisables. Les dossiers sont en cours d’examen et les résultats devraient intervenir dans les prochaines semaines.
S’agissant de la région Île-de-France, à laquelle MM. Alexis Bachelay et Jean-Marie Tetart ont tous deux fait référence, le Gouvernement a voulu aller plus loin, car la qualité de service y est particulièrement préoccupante. Le Gouvernement, en lien avec la région Île-de-France, a pris des engagements fermes dans le cadre du nouveau Grand Paris, actés en mars 2013. Il s’agit tout d’abord de mieux relier les banlieues entre elles et avec Paris. C’est le but du Grand Paris Express, qui est désormais financé et qui sera entièrement mis en service avant 2030. Il s’agit aussi de moderniser et d’étendre les infrastructures existantes, avec 7 milliards d’euros d’investissements d’ici 2017, dont 2 milliards pour le RER. Des schémas directeurs sont définis pour les RER A, B, C et D et pour le prolongement d’Eole à l’ouest de La Défense.
Il s’agit aussi d’inciter les opérateurs publics à renforcer la régularité, par la préfiguration du gestionnaire d’infrastructures unique en Île-de-France, ou encore par un système d’information unique sur la ligne du RER A. Cela implique aussi de faire preuve d’exigence vis-à-vis des opérateurs. J’ai ainsi été amené récemment à missionner le Conseil général de l’environnement et du développement durable, afin de comprendre pourquoi la régularité du RER B s’est dégradée, alors même que la région et l’État ont investi près de 300 millions d’euros pour que le RER puisse circuler sur des voies dédiées au nord de la Gare du Nord. Compte tenu des moyens offerts, il faut qu’il y ait une obligation de résultat.
Monsieur le député Alexis Bachelay, la régularité des lignes L et J est effectivement inférieure aux objectifs fixés par le Syndicat des transports d’Île-de-France. Plusieurs actions sont engagées avec le STIF pour remédier à cette situation. Je pense par exemple au remplacement du matériel existant par du matériel neuf de type « Francilien » d’ici fin 2015 sur la ligne J et d’ici fin 2017 sur la ligne L, à l’installation progressive de la vidéosurveillance et à la pose de grillages pour lutter contre les actes de malveillance. Il est important que nous limitions ce type de perturbations.
Monsieur le député Tetard, le projet Eole est primordial aux yeux du Gouvernement. Il permettra de soulager le RER A dans sa partie centrale, de renforcer la desserte du quartier de La Défense, d’améliorer l’offre de transport ferré entre Mantes-la-Jolie et Poissy, de délester la Gare Saint-Lazare, bref, nous voyons bien combien ce projet est utile. Les travaux seront engagés dès 2015, afin de mettre en service ce prolongement en 2020.
Vous avez évoqué la nécessité d’un plan de bus en grande couronne. Je suis trop respectueux des prérogatives de chacune des autorités, et notamment du STIF, pour me prononcer sur une question qui relève de sa seule compétence. S’agissant de l’utilisation des bandes d’arrêt d’urgence, je suis en effet attaché à ce qu’on améliore le fonctionnement des infrastructures existantes, et à ce que nous les utilisions mieux en développant de nouveaux usages.
Par exemple, l’utilisation par des bus de la bande d’arrêt d’urgence offre un vrai potentiel. J’ai demandé il y a quelques semaines aux services de faire le bilan des expérimentations qui ont eu lieu, mais aussi d’identifier les projets en cours et les obstacles à lever pour faciliter leur réalisation. Le fruit de ce travail me sera rendu dans les prochaines semaines, et les conclusions me permettront d’ici cet été de prendre des initiatives dont vous serez bien évidemment informés.
En Île-de-France comme dans les autres régions, les efforts engagés avec le soutien de l’État pour des transports en commun étendus, à l’offre adaptée, fiables, sûrs et réguliers sont déterminants pour un report massif vers des modes de transports moins polluants, moins coûteux, pour intégrer les populations les plus démunies. Bref, il est important que les transports urbains oeuvrent dans la finalité du respect résolu de nos concitoyens. C’est le sens de l’action de ce gouvernement, et de mon action au quotidien.
En parallèle à ce travail sur le développement des transports collectifs, j’ai tenu à promouvoir d’autres modes de transports alternatifs à la voiture individuelle en ville, vous y avez fait référence.
Outre le covoiturage et l’autopartage, renforcés dans la loi de décentralisation, nous avons engagé, notamment à la demande du club vélo des parlementaires, dont M. Bachelay et M. Baupin font partie, un travail sur les modes actifs, vélo ou marche à pied.
Là aussi, l’État doit avoir un véritable rôle d’impulsion et de promotion. Le vélo doit être considéré comme un mode de déplacement à part entière. C’est une réalité, il a beaucoup de vertus.
C’est donc volontiers que j’ai accédé à votre demande d’installer un comité de pilotage pour le développement des modes actifs, le 3 juin 2013, composé de parlementaires, d’associations, et de plusieurs ministères.
Des thématiques prioritaires ont été identifiées. Il faut développer l’intermodalité entre transports collectifs et modes actifs ; partager l’espace public et sécuriser les modes actifs, ce qui est une question essentielle ; valoriser les enjeux économiques liés à la pratique du vélo – cette question a été traitée dans le cadre de cette première rencontre, elle est souvent méconnue ; prendre en compte les politiques de mobilité active dans l’urbanisme et le logement, notamment le logement social ; développer les itinéraires de loisir et le tourisme à vélo ; faire découvrir les bienfaits de la marche et du vélo. Ce sont des thématiques très larges.
Le 5 mars prochain, les premiers résultats concrets de ce travail vous seront présentés et je souhaite poursuivre cette démarche de manière transversale pour ancrer la promotion du vélo dans les politiques publiques. Un certain nombre de textes y font déjà référence.
Le Gouvernement s’est donc fixé pour priorité d’améliorer les conditions de déplacement de nos concitoyens au quotidien en ville. Mais je considère que notre rôle va plus loin. La mobilité urbaine de demain se prépare aujourd’hui. Il nous faut penser technologie et innovation en la matière. C’est l’objet du chantier des transports intelligents que j’ai ouvert et auquel je suis très attaché.
Les transports intelligents, c’est le déploiement massif des technologies de l’information et de la communication dans le secteur pour développer et créer des outils afin d’améliorer et d’optimiser les déplacements et la mobilité. C’est vrai de ces modes innovants qui permettront de mieux utiliser, d’optimiser les infrastructures. La course à l’infrastructure supplémentaire est coûteuse. Une meilleure utilisation de l’infrastructure est souvent la meilleure solution économique en ces périodes de carence des moyens budgétaires.
L’objectif est de faciliter le report modal du véhicule personnel vers les transports publics, de permettre des économies d’énergie substantielles, de garantir une meilleure qualité de service, de faciliter la vie des usagers. Je pense par exemple, dans le cadre de ces transports innovants, au développement de la billettique dématérialisée, qui facilitera le transport de tous en ville.
Nous avons mis en place une initiative innovante le 11 février dernier, la première journée « Mobilité 2.0 ». Elle nous a permis, au-delà des mesures annoncées, de mettre en commun l’ensemble des nombreuses initiatives de chercheurs, de passionnés, de pôles de compétitivités, de start-ups qui innovent et pensent aux solutions pour la mobilité de demain mais qui, faute de connaissance ou d’échanges, n’ont pas su mettre en avant les enjeux de ces innovations. Un grand programme sera engagé avec Fleur Pellerin pour valoriser ces innovations et faire en sorte que nous puissions accompagner ces start-ups.
Cette initiative de la Mobilité 2.0 a connu une belle réussite, un succès qui n’est pas simplement un succès d’estime mais aussi une confiance et une forte mobilisation. N’oublions pas que nous réunirons en 2015 à Bordeaux, au niveau mondial, le Congrès international des transports innovants et intelligents. À nous d’être à la hauteur et d’accompagner la ou les filières économiques qui permettront aux entreprises françaises d’être à la pointe de l’innovation en la matière.
Plusieurs actions concrètes ont été lancées à cette occasion. Je pense notamment au projet de construction d’un grand calculateur d’itinéraire national multimodal pour les voyageurs, et ce en 2015. Il existe aujourd’hui des initiatives régionales. Notre ambition est d’équiper la France d’un grand calculateur qui ferait référence, qui apporterait une information de porte à porte. C’est ce qu’attendent nos concitoyens et encore plus particulièrement les utilisateurs des transports publics. Ces nouveaux services doivent amener qualité de service mais aussi fiabilité.
Vous le voyez, ce sont autant de défis. Le transport urbain n’est pas simplement la question du quotidien, il doit amener nos collectivités à se projeter sur ce que nous pouvons et souhaitons offrir de meilleur à nos concitoyens. Nous le ferons par l’innovation, nous le ferons par la mise en réseau.
Je présidais avec Arnaud Montebourg le comité stratégique du ferroviaire. Il a pour intérêt de mettre autour de la table des personnes qui, souvent, s’ignorent. C’était le cas pour le ferroviaire, mais cette situation est aujourd’hui dépassée car Fer de France est maintenant rassemblé autour d’une même table pour se tourner vers l’international, pour innover et faire profiter. Nous devons le faire dans l’ensemble des domaines de transport, et notamment dans les transports innovants. L’avenir, dans les transports comme ailleurs, se prépare dès aujourd’hui par la confiance et les conditions que l’État et les collectivités peuvent mettre à la disposition de l’ensemble de celles et ceux qui souhaitent innover au profit de nos concitoyens.
Merci de me donner l’occasion de ce débat, qui permet de tracer ces grandes perspectives et de donner une dimension différente aux enjeux de transport.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
Nous en venons aux questions.
Nous commencons avec le groupe écologiste. La parole est à M. François-Michel Lambert.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question portera essentiellement sur les enjeux de la logistique urbaine, logistique du dernier kilomètre. Aujourd’hui, cet enjeu est peu et mal pris en compte dans les politiques locales de transport.
Ainsi, les PDU ont rendu obligatoire la prise en compte des marchandises dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants, mais beaucoup de villes et d’agglomérations rendent un dossier sans véritable analyse de ce point, qui est pourtant majeur pour la dynamique des villes. Comment inciter les villes et les agglomérations à traiter pleinement cet enjeu de logistique urbaine ?
La dichotomie entre un PDU prescripteur porté par l’agglomération et les communes de cette agglomération qui doivent les traduire et les mettre en oeuvre, notamment sur le foncier, conduit à une inefficacité qui pose aussi question sur les outils et les rôles attribués aux différentes collectivités.
Au-delà, les fortes évolutions de nos modèles de consommation telles que l’e-commerce notamment ou bien les enjeux de la reverse logistic, nécessaires dans un modèle d’économie circulaire voulu par le Président de la République à l’horizon 2025, entraînent de nouvelles logistiques urbaines.
Ma question sera en forme de métaphore. Monsieur le ministre, comment comptez-vous faire mentir l’adage : « les voyageurs votent, pas les marchandises », qui traduit le peu d’intérêt des politiques pour la chose logistique, notamment urbaine, alors qu’il en est tout autrement dans la dynamique et la vitalité de nos communes ?
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
Monsieur le député, certes les marchandises ne votent pas, mais les personnes qui sont gênées par l’organisation du transport de marchandises dans les coeurs de villes votent, elles. Il faut gérer cette problématique du dernier kilomètre. Si aujourd’hui les collectivités savent parfaitement gérer et organiser les transports de voyageurs, il n’en est pas de même pour ce qui est du transport de marchandises. Nous n’en sommes qu’aux balbutiements.
Ce sujet de logistique urbaine, le dernier kilomètre, est extrêmement important. Il y a une pluralité d’intervenants : les collectivités, les transporteurs, les chargeurs, les acteurs économiques. La réglementation est souvent extrêmement disparate en matière de réglementation de la circulation, d’horaires de livraisons, de contraintes.
C’est pourquoi, dans le cadre du comité interministériel pour la qualité de l’air, nous avons travaillé avec l’ensemble des acteurs à définir un cadre national pour la logistique et le transport de marchandises dans les zones urbaines. Il est en cours de finalisation et permettra l’élaboration de chartes locales qui s’adapteront aux spécificités géographiques et économiques des agglomérations.
Ce cadre du comité interministériel pour la qualité de l’air permet aux entreprises de promouvoir, chacune dans leur domaine respectif de responsabilité, des solutions vertueuses pour les livraisons urbaines, telles que l’utilisation de véhicules propres, la mise en cohérence des horaires de livraison ou des espaces dédiés.
La prochaine étape sera l’organisation d’une conférence nationale sur la logistique d’ici la fin 2014, tel que cela est prévu par l’article de la loi que j’ai défendue au Parlement en mai 2013. Il s’agissait d’ailleurs d’une initiative parlementaire de M. Savary, que je salue. Cette conférence nous permettra d’embrasser la question de la logistique.
La logistique et le transport de fret représentent plus de 1,5 million d’emplois en France. C’est un levier de compétitivité. Il faut être engagé, et c’est pourquoi je suis preneur des productions, des propositions ou des suggestions qui pourront être les vôtres.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Nous en venons aux questions du groupe SRC. La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le péage urbain constitue un système incitatif prometteur pour les grandes agglomérations, pour limiter la pollution et la congestion du trafic, mais aussi pour favoriser l’usage des transports en commun, à condition, bien sûr, que ceux-ci soient suffisamment développés et accessibles, ce que la perception d’une recette de péage urbain peut permettre.
Nous savons tous combien les émissions de particules fines dues à la circulation des véhicules individuels dans les agglomérations ont pris des proportions alarmantes. Outre le danger direct pour la santé de nos concitoyens, la France encourt une condamnation pour non-respect des normes européennes en matière de qualité de l’air : le statu quo n’est plus acceptable. À défaut d’actions rapides au niveau national, des expérimentations locales à l’échelle des métropoles seraient un pas dans la bonne direction.
Plusieurs expérimentations à l’étranger montrent que les technologies disponibles aujourd’hui donnent aux péages urbains une grande souplesse, les différentes modalités de péage permettent une adaptation fine aux situations locales : ainsi, il est possible, au cours d’une journée, de moduler la tarification selon les heures ou de ne taxer que certaines voies sur un axe donné. Certaines expériences, comme à Stockholm, n’ont pas fait la preuve de leur acceptabilité par les habitants et ont dû être modifiées, mais d’autres constituent de véritables succès : c’est le cas à Singapour, à Dublin, à Milan ou à Vancouver.
L’article 65 de la loi Grenelle 2 prévoit la possibilité, pour les agglomérations de plus de 300 000 habitants qui le souhaitent, d’expérimenter en la matière. Concrétiser cette disposition irait à la fois dans le sens de l’affirmation des métropoles, que nous avons encouragée par la loi du 27 janvier dernier, et d’une orientation plus déterminée de notre système fiscal vers les objectifs du Grenelle de l’environnement.
Enfin, les péages urbains peuvent s’inscrire dans le cadre des directives européennes en vigueur.
Monsieur le ministre, quelle est la position du Gouvernement dans ce domaine ? Quelles sont les difficultés qui n’ont pas encore permis de telles expérimentations dans notre pays ?
Monsieur le président Chanteguet, vous avez fait référence aux péages urbains qui existent dans un certain nombre de villes européennes telles qu’Oslo, Stockholm, Londres et Milan. Ces péages urbains répondent à des problématiques de densité ou de congestion de territoires, mais aussi de recherche d’une meilleure fluidité du trafic et de nouveaux modes de financement des infrastructures. Ils ont également pour finalité de limiter les émissions de gaz à effet de serre : c’est une problématique extrêmement sensible.
Vous avez mentionné le dispositif législatif mis en place, à savoir l’article 65 de la loi Grenelle 2. Cet article prévoit la mise en place de péages urbains dans le cadre d’expérimentations, avec une limite importante qui réduit les possibilités de retours d’expérience : l’expérimentation est limitée à trois ans. Les collectivités doivent se doter d’infrastructures pour accompagner la mise en place du péage urbain, notamment de services de transport collectif, avant même d’avoir perçu la moindre recette nouvelle. Se pose aussi le problème du retour sur investissement : trois ans, c’est une période beaucoup trop courte pour pouvoir assurer le financement de ces infrastructures.
L’expérimentation du péage urbain est autorisée par décret en Conseil d’État. Mais, à ce jour, aucune autorité organisatrice de transports n’a manifesté auprès des services de l’État l’intention d’aller en ce sens. Cela est dû à des raisons d’acceptabilité sociale, auxquelles vous avez fait référence, mais aussi au sentiment, pour un certain nombre de territoires périurbains ou ruraux, de se heurter à une mesure discriminatoire.
Il faut donc faire preuve de pédagogie. Or nous avons déjà vu combien la mise en place de l’écotaxe poids lourds a suscité des difficultés d’explication, compte tenu de la complexité du dispositif insuffisamment précis et stable dont nous avons hérité. Il faut que nous puissions expliquer les enjeux, en termes d’urbanisme et d’environnement.
Enfin, il est extrêmement difficile de prendre en compte les ressources des individus dans la tarification du péage.
Monsieur le député, vous avez raison de souligner que cette question constitue un enjeu pour le comité interministériel de la qualité de l’air. Nous prenons un certain nombre d’initiatives, comme l’identification positive des véhicules, le renforcement des mesures en cas de pic de pollution, et l’amélioration de la logistique urbaine, à laquelle je viens de faire référence, pour répondre à ces enjeux environnementaux et urbains.
Monsieur le ministre, depuis plusieurs années, certains territoires désireux d’apporter à leurs populations des systèmes de transport efficients ont misé sur ce qu’il est convenu d’appeler les « systèmes de transport intelligents », c’est-à-dire dire l’application des nouvelles technologies au domaine des mobilités.
L’enjeu de la mobilité est notamment déterminant dans les zones à faible densité de transport, comme les communes périurbaines et rurales, particulièrement en Île-de-France où la croissance démographique n’est pas sans poser de réelles difficultés en termes de pouvoir d’achat et d’engorgement des réseaux actuels de transports en commun, avec une utilisation intense de la voiture individuelle.
Mais le prochain saut technologique est devant nous, avec l’apparition de véhicules connectés et automatisés, la mise en place d’infrastructures connectées et la création de nouveaux services à la mobilité. L’enjeu économique et social est prégnant pour une filière qui représente déjà 4,5 milliards d’euros et 45 000 emplois directs. Ce secteur, pour lequel nous disposons de solides atouts, représente un grand potentiel pour le redressement productif de notre pays.
Des territoires très avancés dans certains de ces domaines souhaiteraient pouvoir devenir des sites d’expérimentation, des laboratoires in vivo avant le déploiement à l’échelle nationale de solutions innovantes qui font leurs preuves. Je pense, par exemple, à la Seine Aval. Ces territoires peuvent se trouver contraints dans leur bonne volonté par notre réglementation ou le manque de moyens.
Aussi, dans cette perspective, il faut saluer les mesures que vous avez annoncées, monsieur le ministre, lors d’une conférence nationale autour des transports intelligents. Je pense notamment au déploiement expérimental de plus de 3 000 véhicules communicants sur 2 000 kilomètres de routes connectées, avec plusieurs sites pilotes, ainsi qu’à la mise en place de la « fabrique de la mobilité 2.0 » dès le mois de mars, afin de lever, entre autres, les obstacles réglementaires au développement des mobilités de demain. Cette dernière mesure devrait permettre, comme le recommandait une note du Conseil d’analyse stratégique de février 2012, de partir des initiatives existantes dans nos territoires ou nos entreprises pour opérer un changement d’échelle significatif. En suivant cette méthode, il s’agit d’actionner un levier essentiel pour l’attractivité économique des territoires, et donc pour la croissance.
Monsieur le ministre, vous avez déjà évoqué ces mesures tout à l’heure : pouvez-vous nous les présenter plus en détail, et nous expliquer comment elles doivent permettre aux territoires innovants qui le souhaitent d’aller plus vite et plus loin ?
Madame la députée, merci d’avoir évoqué cette question stratégique. J’ai effectivement organisé le 11 février dernier une conférence nationale sur les transports innovants, ou intelligents. Il s’agit de dispositifs innovants appliquant les nouvelles technologies aux transports ; je pense par exemple aux véhicules automatisés sans conducteur, ou aux véhicules et aux routes qui s’échangent des informations, pour accroître la sécurité, la qualité et le confort de l’usager, pour permettre l’accessibilité du plus grand nombre aux infrastructures, et pour assurer un développement durable et des économies d’énergie.
Vous avez raison de souligner cet enjeu de filière économique. Nous avons une forte capacité d’impulsion et d’innovation, un grand nombre de chercheurs et des centaines de start-ups : il s’agit d’un segment de marché en pleine croissance, et la France peut être leader mondial – elle l’est, d’ailleurs – sur un certain nombre d’initiatives.
Il était tout à fait passionnant d’être au milieu de ces personnes qui innovent et qui imaginent le transport de demain. J’ai annoncé quatre mesures concrètes.
Tout d’abord, j’ai annoncé le déploiement expérimental de plus de 3 000 véhicules communicants sur cinq ou six sites pilotes, sur 2 000 kilomètres de routes connectées. Ce sera le cas en Île-de-France, en Gironde et dans l’Isère d’ici 2016. Les routes et les véhicules communiqueront grâce à des bornes en bord de route et à des récepteurs wifi dans les véhicules, par le biais des réseaux publics de téléphonie. Ce projet permettra de prévenir des embouteillages, des accidents ou des aléas routiers.
Deuxième annonce : le lancement d’un débat national sur l’ouverture des données publiques dans le domaine des transports. Des recommandations me seront remises en octobre 2014.
Troisième mesure, à laquelle j’ai déjà fait référence tout à l’heure : le lancement de la construction d’un grand calculateur d’itinéraire national multimodal à partir de 2014.
Enfin, la « fabrique de la mobilité 2.0 » sera mise en place dès mars 2014. Cette mesure permettra de regrouper l’ensemble des acteurs du secteur et de mettre en synergie des industriels, des acteurs publics et des organismes de recherche.
Vous le voyez, c’est un potentiel énorme qui s’ouvre devant nous. Il nous faut relever ce défi, car c’est à partir de ces initiatives que nous élaborerons les modes de transport et de communication, dans le cadre d’une conception durable de nos infrastructures et de notre société.
Monsieur le ministre, je veux vous parler de l’Europe au quotidien, et en particulier des relations existantes dans le cadre de la métropole constituée par le Luxembourg et le nord de la Lorraine.
Le Luxembourg est un pays de 525 000 habitants, qui compte 360 000 salariés et 160 000 travailleurs venus de l’extérieur, dont 80 000 Lorrains, principalement des Nord-Lorrains. Pour ces derniers, de nombreuses initiatives ont été prises en matière de transport, qu’il s’agisse des réseaux de bus, des parkings de covoiturage ou des pistes cyclables. Ainsi, les Français peuvent se regrouper avant de partir vers le Luxembourg, en bus ou en covoiturage.
Même si les TER sont pleins à craquer et si les chemins de fer luxembourgeois font le maximum, nous pouvons encore progresser en matière de multimodalité ; d’ailleurs, nous envisageons la création d’un groupement européen de coopération territoriale en 2016. Il n’empêche que le nombre de voitures va rester significatif. Si 80 000 Lorrains vont aujourd’hui travailler au Luxembourg, ils seront 100 000 ou 110 000 en 2025. Alors que la part de la voiture dans les modes de trajet se réduira petit à petit, ce mode de déplacement restera toujours important en valeur absolue.
C’est la raison pour laquelle je veux revenir sur la nécessité de réaliser une troisième voie sur l’autoroute A31, qui permet de mener tous ces travailleurs transfrontaliers vers le Luxembourg, où se trouve leur emploi. En juin dernier, monsieur le ministre, vous avez pris une décision qui nous satisfait, mais qui se trouve aujourd’hui quelque peu parasitée par des informations qui proviennent notamment de l’opposition. Le Conseil économique, social et environnemental de Lorraine est lui-même inquiet. Monsieur le ministre, pouvez-vous aujourd’hui nous rassurer sur ces perspectives ? Il y va évidemment du confort des habitants de la Lorraine, mais également de leur emploi.
Monsieur le député, merci d’avoir évoqué les innombrables initiatives prises sur votre territoire pour accompagner la mise en cohérence des modes de mobilité, quels qu’ils soient. Vous avez fait référence à la part modale de plusieurs moyens de transport. Vous avez parlé de ces parkings qui permettent le covoiturage, de l’autopartage et du vélo, dont la part est importante mais encore très insuffisante – de l’ordre de 3 % de l’ensemble des modes de déplacement.
J’ai oublié de le dire tout à l’heure, mais je profite de votre question pour le souligner : le travail des parlementaires intègre la nécessité d’adapter la législation à cet enjeu. Je pense notamment à la loi de modernisation de l’action publique territoriale, qui encourage les modes de transport doux, et à la loi ALUR, qui intègre l’obligation de réaliser des espaces de stationnement comme des parcs à vélo. Je pense aussi au groupe de travail qui s’est constitué sur cette problématique. Il n’en demeure pas moins qu’il faut des infrastructures adaptées pour des modes de transport adaptés.
Vous m’avez interrogé sur le projet de liaison autoroutière A31 bis, et je vous en remercie. Ce projet fait aujourd’hui consensus, compte tenu des importants problèmes de congestion que vous connaissez et que génèrent les déplacements des travailleurs transfrontaliers depuis et vers le Luxembourg. La commission « Mobilité 21 » l’a classé parmi les opérations de première priorité. Je confirme et réaffirme que le Gouvernement a fait siennes ces conclusions : j’attache donc une importance particulière au bon avancement du projet de liaison autoroutière A31 bis.
Pour illustrer cette volonté, j’ai demandé au préfet de la région Lorraine de me proposer des scenarii d’aménagement permettant la tenue rapide du débat public. Je souhaite vivement – mais j’ai cru comprendre que c’était le cas – que toutes les collectivités publiques partagent pleinement les solutions qui seront apportées à l’issue de cette procédure, les atouts que ce projet peut comporter, et surtout les mesures qui permettront de faire progresser rapidement cette opération essentielle. Je retiens ainsi l’objectif d’une saisine de la commission nationale du débat public d’ici la fin de l’année 2014 et, si la commission en décide ainsi, d’une tenue du débat dans le courant de l’année 2015.
Monsieur le ministre, je ne vous parlerai pas ce soir de la réforme ferroviaire : cette question a déjà été abordée par Alexis Bachelay. Cependant, c’est un grand jour : aujourd’hui s’est tenu un vote qui valide les efforts que vous faites depuis plusieurs mois en faveur d’un certain modèle de réforme ferroviaire. Je me permets de vous en féliciter : après une longue marche, le Parlement européen, dont on connaît l’importance décisive, vient aujourd’hui de pencher plutôt vers le type de réforme envisagée par le Gouvernement et dont nous débattrons ultérieurement dans cet hémicycle.
Je continuerai à évoquer le sujet des transports urbains, mais de façon un peu collatérale, en abordant la question du rail. Nous en parlons très souvent en Île-de-France, parce que nous vivons dans l’une des plus grandes agglomérations d’Europe : d’une certaine façon, le rail est un mode de transport urbain de tout premier ordre dans une agglomération comme Paris. Or, dans les villes de province, on parle un peu moins de cette question et du problème des goulets d’étranglement.
Au cours de ces dernières années, nous avons privilégié, d’une façon d’ailleurs assez aveugle, le développement de lignes nouvelles qui n’étaient pas financées. Mais nous avons toujours occulté le fait que ces lignes arrivaient le plus souvent dans des villes dont le trafic commençait à être totalement saturé, notamment à cause du formidable essor du TER. Aujourd’hui, ce dernier sature les entrées et les sorties des villes ; il crée des goulets d’étranglement tout à fait considérables qui rendent très difficile la relance du fret. Comme vous le savez, les arbitrages sont naturellement plutôt favorables aux passagers, au détriment du fret, car ceux-ci tiennent à arriver à l’heure. Le transport de personnes correspond souvent à des trajets domicile-travail, et mobilise donc des trains de banlieue. Cette logique, que l’on connaît depuis très longtemps à Paris, est désormais à l’oeuvre à Bordeaux et à Toulouse.
Monsieur le ministre, avez-vous identifié ces goulets d’étranglement, dont on parle peu ? Les actions de lutte contre ces goulets peuvent bénéficier de subventions européennes à un taux tout à fait remarquable, à hauteur de 30 % : les villes ont donc aujourd’hui les moyens d’obtenir des financements européens pour désengorger le trafic et débloquer les goulets d’étranglement. Ces derniers ont-ils fait l’objet d’un recensement systématique ? Cette action est-elle inscrite dans les contrats de projet, ou comptez-vous nous faire part d’un programme spécifique à ces goulets d’étranglement ferroviaire autour des grandes agglomérations, qui déterminent très largement l’avenir du rail, et du fret en particulier ?
Monsieur le député Savary, pour vous qui êtes un fin connaisseur des questions européennes de transport, c’est une belle journée et j’accompagne vos propos. Je me souviens des premières réflexions de spécialistes, de journalistes et de responsables politiques. Selon eux, la réforme ferroviaire sur laquelle nous travaillons et qui sera présentée au Parlement ne pourrait prospérer compte tenu de son caractère euro-incompatible, avant même que les réformes européennes et le quatrième paquet n’aient été votés. Or le Parlement européen vient de donner un démenti cinglant à ceux qui voulaient un modèle unique, un modèle sur la concurrence, le libéralisme, l’explosion des modèles intégrés, le refus d’une réalité historique dans le domaine ferroviaire. Nous avons là des perspectives heureuses pour le débat à venir dans les prochaines semaines au sein de l’hémicycle.
Vous avez raison d’insister sur les enjeux de modernisation des infrastructures. Une des conclusions de la commission Mobilité 21 avait été, qu’en parallèle de la modernisation du réseau structurant, le traitement des noeuds ferroviaires les plus importants devait être prioritaire. Nous aurons beau rénover les voies sur des kilomètres, si nous ne savons pas faire accéder les trains de marchandises ou de voyageurs dans des centres ferroviaires, qu’il s’agisse des grands noeuds prioritaires de Lyon, Marseille, Tours, Rennes ou Bordeaux, nous n’aurons rien résolu. Il faut faire sauter ces noeuds ferroviaires. Il s’agit d’une priorité identifiée par la commission Mobilité 21 laquelle a été reprise par le Gouvernement. C’est pourquoi, dans le cadre du grand plan de modernisation des infrastructures, nous avons donné une lettre de mission au président de RFF.
Dans le cadre du grand plan de modernisation du réseau, des schémas directeurs d’étoiles ferroviaires seront définis et des propositions devraient m’être remises au cours du deuxième trimestre 2014 afin de donner de l’oxygène et de surmonter le blocage actuel. Les travaux menés dans ce même cadre permettront d’alimenter l’identification des investissements dans les prochains CPER, qui sont en discussion.
Dès lors que nous aurons la possibilité de mobiliser le financement européen, nous en ferons la demande car il n’y aura pas d’amélioration du fret ferroviaire ni dans la régularité dans le transport de personnes, si nous ne réussissons pas à traiter prioritairement ces grands noeuds ferroviaires. C’est la condition même de la réussite du ferroviaire pour les prochaines années.
Nous en venons à la question du groupe UDI.
La parole est à M. Bertrand Pancher.
Ma question portera sur l’impact de deux décisions que vous avez récemment prises, et qui portent préjudice au développement des transports urbains. La première est bien entendu la suspension de l’écotaxe, qui fragilise considérablement le financement de l’Agence des infrastructures de transport. Quand la taxe poids lourds entrera-t-elle en vigueur ?
Sans cette taxe, il n’y aura pas d’abondement des financements de l’AFITF. Notre collègue Michel Liebgott se réjouissait tout à l’heure du lancement du débat public sur l’A31. Je l’invite à se réjouir le jour où il y aura une confirmation du financement des travaux, c’est-à-dire le jour où la taxe poids lourds aura été mise en oeuvre. Je ne crois pas, monsieur le ministre, que vous n’ayez pas de calendrier précis en tête.
La seconde décision est l’augmentation de la TVA de 7 à 10 % pour les transports publics de voyageurs. Elle a suscité l’incompréhension et constitue à nos yeux une triple erreur. Une erreur sociale, d’abord, parce que la répercussion de la TVA sur le prix du billet sera quasiment automatique car ni les opérateurs, ni les collectivités ne voudront assumer un coût estimé à près de 300 millions d’euros. Vous pénalisez ainsi des millions d’usagers qui utilisent quotidiennement les transports. Une erreur économique, ensuite, parce que vous allez fragiliser l’équilibre économique des opérateurs de transports collectifs. Une erreur environnementale, enfin, à l’heure où nous cherchons à encourager les comportements vertueux.
Alors que certains réseaux accusent une sévère vétusté, cette hausse de TVA sera un véritable frein à l’investissement des collectivités.
Ma question est simple : quel est l’impact de ces deux mesures sur l’indispensable développement des transports urbains de voyageurs ? Et si je dispose encore de temps pour poser une dernière question, je vous demanderais si vous envisageriez de revenir sur l’augmentation de la TVA sur les transports collectifs, notamment dans la prochaine loi de finances ?
Le passage de 7 à 10 % du taux de TVA dans les transports fait partie des mesures votées l’an dernier afin de financer le crédit d’impôt compétitivité emploi, le CICE, qui doit permettre de restaurer la compétitivité des entreprises.
Le CICE aura en effet un impact bénéfique sur les entreprises, par exemple sur les coûts de la SNCF, ce qui lui permettra par ailleurs d’absorber une partie l’impact de la TVA. La hausse des tarifs SNCF pour 2014 a été comparable à celle des années précédentes, de l’ordre de 2,8 %. S’agissant des tarifs qui ne relèvent pas de l’État – les transports en Île-de-France et les transports urbains de province –, ce sont les autorités organisatrices qui ont décidé des augmentations. La plupart ont fait preuve de responsabilité en ayant une attitude équilibrée. Grâce au dispositif du CICE dont vont bénéficier les opérateurs de transport, les hausses des tarifs pour l’année 2014 ont été limitées. Ainsi, le STIF a limité à 3 % la hausse dans les transports en Île-de-France.
Vous m’avez également interrogé sur le financement de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France. Le débat reste d’actualité après la suspension – n’est-ce pas, monsieur le président ? – de cette taxe, qui est vertueuse puisqu’elle permet de financer des infrastructures de transport et de donner une chance à la compétitivité et à l’égalité de nos territoires. Bref, nous avons tous conscience qu’elle est nécessaire pour permettre le financement, la modernisation et l’entretien des infrastructures non par l’impôt, donc par les contribuables, mais par l’utilisateur économique.
C’est une nécessité sur le plan environnemental, mais aussi pour le financement des grands enjeux de compétitivité de notre territoire. Ses effets sont bénéfiques en termes d’environnement et de compétitivité. Le principe retenu permet de répercuter le coût non sur le transporteur, mais sur celui qui commande le transport. Nous n’allons pas reprendre ce débat, monsieur le président. Il a été riche et nourri. Quoi qu’il en soit, la suspension de l’écotaxe a conduit à préciser et à informer.
Et je n’ai jamais entendu autant de personnes favorables à l’écotaxe que depuis sa suspension !
C’est dire si, grâce à la pédagogie et à la répétition, nous avons fait oeuvre utile. Le Premier ministre a indiqué qu’une subvention budgétaire supplémentaire de 650 millions d’euros était prévue pour permettre à l’État de faire face à ses engagements vis-à-vis des collectivités territoriales et des entreprises de travaux publics. Cette subvention permet de régler la situation durant la période de suspension, mais elle ne saurait apporter de solution pérenne.
Il nous faut donc faire confiance au travail remarquable engagé par l’ensemble des parlementaires sous la présidence de M. Jean-Paul Chanteguet…
…qui ne manquera pas, au mois d’avril, de nous remettre les conclusions de la mission d’information sur l’écotaxe pour nous permettre d’établir un dispositif qui sera accepté, équilibré et permettra de donner une perspective au financement des infrastructures de transport.
Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :
Discussion de la proposition de loi relative aux effets de la prise d’acte de rupture du contrat de travail par le salarié ;
Discussion de la proposition de loi relative à la réforme des procédures de révision et de réexamen d’une condamnation pénale définitive.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-deux heures cinquante-cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron