Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi tout d’abord de remercier le groupe écologiste et son président, François de Rugy, d’avoir proposé ce débat. Les interventions qui viennent de se succéder ont été riches et ont déjà posé un certain nombre de problèmes importants. La densité des interventions compense largement la faible densité de députés présents dans cet hémicycle. Ce débat est opportun, non seulement parce qu’il prend place peu avant les élections locales et que la question des transports de proximité et des transports urbains est au coeur du débat démocratique, mais aussi parce qu’il s’agit là d’enjeux du quotidien qui occupent et préoccupent nos concitoyens.
Les priorités du Gouvernement ont toujours été claires, et je les réaffirme : amélioration des conditions de transport au quotidien, qualité de service, fiabilité et régularité. L’action de notre gouvernement en la matière suit deux lignes. Il s’agit d’abord de définir, à travers la commission Mobilité 21, les priorités en matière de nouvelles infrastructures nécessaires pour désenclaver les territoires. Ces priorités, ce sont avant tout, vous le savez, les noeuds ferroviaires dans les agglomérations telles que Paris, Lyon, Marseille ou Bordeaux, les contournements routiers pour décongestionner les villes, comme Rouen par exemple, ou encore l’amélioration de la desserte des ports – ce dernier point a été un axe essentiel pour favoriser à la fois compétitivité et croissance économique.
Le deuxième axe consiste à renouveler et à moderniser les réseaux existants, notamment ferroviaires, à travers un grand plan de modernisation du réseau, qui a été demandé au président de Réseau ferré de France, et des contrats de plan État-région, qui sont actuellement en cours d’élaboration et qui devraient être finalisés d’ici l’été. Telles sont les priorités du Gouvernement, et vous les connaissez.
En ce qui concerne plus particulièrement les transports urbains, qui font l’objet du débat de ce soir, le rôle de l’État a beaucoup évolué, comme cela a été rappelé. Ce secteur a en effet accompagné depuis près de trente ans le vaste mouvement de décentralisation qu’a connu notre pays. Une grande partie des compétences en la matière a été progressivement dévolue aux collectivités, avec, il faut le souligner, un franc succès. Les agglomérations ont aujourd’hui la compétence d’organiser leurs transports urbains et elles le font avec efficacité. Les régions sont très impliquées dans le transport ferroviaire et les départements ont en charge les transports interurbains.
La loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, promulguée le mois dernier, a encore approfondi ce mouvement. En devenant des « autorités organisatrices de la mobilité », les collectivités verront leurs compétences élargies et disposeront désormais de l’ensemble des outils nécessaires pour organiser une politique de mobilité cohérente sur l’ensemble de leur territoire : covoiturage, autopartage, vélo, etc. Le futur schéma régional d’intermodalité permettra lui aussi de mieux coordonner les réseaux de transport entre la région, les départements et les communautés d’agglomération en matière d’information multimodale et de billettique.
Dans ce mouvement, l’État est présent, parce que le développement des transports collectifs a toute sa place dans l’objectif de transition écologique que poursuit le Gouvernement. Il doit, en accord avec les collectivités qui sont responsables au premier chef, inciter au changement de comportements vis-à-vis des déplacements. L’État stratège donne le cap et soutient le financement des projets.
Pour cela, un certain nombre d’initiatives ont été prises. J’ai notamment lancé un appel à projets « Transports collectifs et mobilité durable », auquel M. de Rugy a fait référence, d’un montant de 450 millions d’euros, afin de favoriser des solutions alternatives à la voiture individuelle en ville. Cet appel à projets répond à trois enjeux forts : répondre aux objectifs de développement durable par le développement des transports collectifs, comme alternative écologique et économique à la voiture individuelle ; soutenir l’économie dans le secteur des transports, car la construction d’infrastructures de transports collectifs, c’est aussi de l’emploi et de la compétitivité ; désenclaver les quartiers de nos collectivités et les relier aux centres-villes.
Ce dernier point est essentiel, car donner accès aux transports collectifs, c’est reconnaître une forme de citoyenneté à chacune et chacun de nos concitoyens dans les différents quartiers de nos territoires : il s’agit vraiment là d’une forme de reconnaissance. C’est du reste la première spécificité de ce nouvel appel à projets que d’affirmer, contrairement aux précédents, l’importance de cet accès aux transports : la desserte des quartiers est l’un des critères prioritaires de sélection des projets, et la subvention pourra être majorée de 10 % si ce critère est respecté. Nous avons porté ce bonus au plus haut.
La seconde spécificité de cet appel à projets tient au fait qu’il a été élargi aux transports par câbles, aux navettes fluviales ou maritimes, aux parkings à vélo, mais aussi aux services d’information multimodale ou de billettique. L’objectif est aussi bien de récompenser des démarches novatrices en matière de mobilité durable que de permettre à des collectivités de taille moyenne, qui n’ont pas vocation à installer des tramways ou des métros sur leur territoire, de bénéficier d’un soutien de l’État et de promouvoir ainsi les transports collectifs.
Les deux premières générations d’appels à projets issus du Grenelle de l’environnement ont permis à un certain nombre de collectivités, le plus souvent des capitales régionales, de se doter d’un tramway ou de structurer leur réseau. Je souhaite, par les modalités mêmes de ce nouvel appel à projets, élargir la liste des bénéficiaires et des projets éligibles. Plus de 120 collectivités ont répondu à cet appel : ce succès a dépassé nos espérances. Ce sont en effet plus de 6 milliards d’euros d’investissements – je confirme le chiffre donné par François de Rugy – qui ont été annoncés par les collectivités, ce qui montre la vitalité et la volonté d’innover de ces territoires et leur envie de développer les transports collectifs, qui correspondent, rappelons-le, à des emplois non délocalisables. Les dossiers sont en cours d’examen et les résultats devraient intervenir dans les prochaines semaines.
S’agissant de la région Île-de-France, à laquelle MM. Alexis Bachelay et Jean-Marie Tetart ont tous deux fait référence, le Gouvernement a voulu aller plus loin, car la qualité de service y est particulièrement préoccupante. Le Gouvernement, en lien avec la région Île-de-France, a pris des engagements fermes dans le cadre du nouveau Grand Paris, actés en mars 2013. Il s’agit tout d’abord de mieux relier les banlieues entre elles et avec Paris. C’est le but du Grand Paris Express, qui est désormais financé et qui sera entièrement mis en service avant 2030. Il s’agit aussi de moderniser et d’étendre les infrastructures existantes, avec 7 milliards d’euros d’investissements d’ici 2017, dont 2 milliards pour le RER. Des schémas directeurs sont définis pour les RER A, B, C et D et pour le prolongement d’Eole à l’ouest de La Défense.
Il s’agit aussi d’inciter les opérateurs publics à renforcer la régularité, par la préfiguration du gestionnaire d’infrastructures unique en Île-de-France, ou encore par un système d’information unique sur la ligne du RER A. Cela implique aussi de faire preuve d’exigence vis-à-vis des opérateurs. J’ai ainsi été amené récemment à missionner le Conseil général de l’environnement et du développement durable, afin de comprendre pourquoi la régularité du RER B s’est dégradée, alors même que la région et l’État ont investi près de 300 millions d’euros pour que le RER puisse circuler sur des voies dédiées au nord de la Gare du Nord. Compte tenu des moyens offerts, il faut qu’il y ait une obligation de résultat.
Monsieur le député Alexis Bachelay, la régularité des lignes L et J est effectivement inférieure aux objectifs fixés par le Syndicat des transports d’Île-de-France. Plusieurs actions sont engagées avec le STIF pour remédier à cette situation. Je pense par exemple au remplacement du matériel existant par du matériel neuf de type « Francilien » d’ici fin 2015 sur la ligne J et d’ici fin 2017 sur la ligne L, à l’installation progressive de la vidéosurveillance et à la pose de grillages pour lutter contre les actes de malveillance. Il est important que nous limitions ce type de perturbations.
Monsieur le député Tetard, le projet Eole est primordial aux yeux du Gouvernement. Il permettra de soulager le RER A dans sa partie centrale, de renforcer la desserte du quartier de La Défense, d’améliorer l’offre de transport ferré entre Mantes-la-Jolie et Poissy, de délester la Gare Saint-Lazare, bref, nous voyons bien combien ce projet est utile. Les travaux seront engagés dès 2015, afin de mettre en service ce prolongement en 2020.
Vous avez évoqué la nécessité d’un plan de bus en grande couronne. Je suis trop respectueux des prérogatives de chacune des autorités, et notamment du STIF, pour me prononcer sur une question qui relève de sa seule compétence. S’agissant de l’utilisation des bandes d’arrêt d’urgence, je suis en effet attaché à ce qu’on améliore le fonctionnement des infrastructures existantes, et à ce que nous les utilisions mieux en développant de nouveaux usages.
Par exemple, l’utilisation par des bus de la bande d’arrêt d’urgence offre un vrai potentiel. J’ai demandé il y a quelques semaines aux services de faire le bilan des expérimentations qui ont eu lieu, mais aussi d’identifier les projets en cours et les obstacles à lever pour faciliter leur réalisation. Le fruit de ce travail me sera rendu dans les prochaines semaines, et les conclusions me permettront d’ici cet été de prendre des initiatives dont vous serez bien évidemment informés.
En Île-de-France comme dans les autres régions, les efforts engagés avec le soutien de l’État pour des transports en commun étendus, à l’offre adaptée, fiables, sûrs et réguliers sont déterminants pour un report massif vers des modes de transports moins polluants, moins coûteux, pour intégrer les populations les plus démunies. Bref, il est important que les transports urbains oeuvrent dans la finalité du respect résolu de nos concitoyens. C’est le sens de l’action de ce gouvernement, et de mon action au quotidien.
En parallèle à ce travail sur le développement des transports collectifs, j’ai tenu à promouvoir d’autres modes de transports alternatifs à la voiture individuelle en ville, vous y avez fait référence.
Outre le covoiturage et l’autopartage, renforcés dans la loi de décentralisation, nous avons engagé, notamment à la demande du club vélo des parlementaires, dont M. Bachelay et M. Baupin font partie, un travail sur les modes actifs, vélo ou marche à pied.
Là aussi, l’État doit avoir un véritable rôle d’impulsion et de promotion. Le vélo doit être considéré comme un mode de déplacement à part entière. C’est une réalité, il a beaucoup de vertus.
C’est donc volontiers que j’ai accédé à votre demande d’installer un comité de pilotage pour le développement des modes actifs, le 3 juin 2013, composé de parlementaires, d’associations, et de plusieurs ministères.
Des thématiques prioritaires ont été identifiées. Il faut développer l’intermodalité entre transports collectifs et modes actifs ; partager l’espace public et sécuriser les modes actifs, ce qui est une question essentielle ; valoriser les enjeux économiques liés à la pratique du vélo – cette question a été traitée dans le cadre de cette première rencontre, elle est souvent méconnue ; prendre en compte les politiques de mobilité active dans l’urbanisme et le logement, notamment le logement social ; développer les itinéraires de loisir et le tourisme à vélo ; faire découvrir les bienfaits de la marche et du vélo. Ce sont des thématiques très larges.
Le 5 mars prochain, les premiers résultats concrets de ce travail vous seront présentés et je souhaite poursuivre cette démarche de manière transversale pour ancrer la promotion du vélo dans les politiques publiques. Un certain nombre de textes y font déjà référence.
Le Gouvernement s’est donc fixé pour priorité d’améliorer les conditions de déplacement de nos concitoyens au quotidien en ville. Mais je considère que notre rôle va plus loin. La mobilité urbaine de demain se prépare aujourd’hui. Il nous faut penser technologie et innovation en la matière. C’est l’objet du chantier des transports intelligents que j’ai ouvert et auquel je suis très attaché.
Les transports intelligents, c’est le déploiement massif des technologies de l’information et de la communication dans le secteur pour développer et créer des outils afin d’améliorer et d’optimiser les déplacements et la mobilité. C’est vrai de ces modes innovants qui permettront de mieux utiliser, d’optimiser les infrastructures. La course à l’infrastructure supplémentaire est coûteuse. Une meilleure utilisation de l’infrastructure est souvent la meilleure solution économique en ces périodes de carence des moyens budgétaires.
L’objectif est de faciliter le report modal du véhicule personnel vers les transports publics, de permettre des économies d’énergie substantielles, de garantir une meilleure qualité de service, de faciliter la vie des usagers. Je pense par exemple, dans le cadre de ces transports innovants, au développement de la billettique dématérialisée, qui facilitera le transport de tous en ville.
Nous avons mis en place une initiative innovante le 11 février dernier, la première journée « Mobilité 2.0 ». Elle nous a permis, au-delà des mesures annoncées, de mettre en commun l’ensemble des nombreuses initiatives de chercheurs, de passionnés, de pôles de compétitivités, de start-ups qui innovent et pensent aux solutions pour la mobilité de demain mais qui, faute de connaissance ou d’échanges, n’ont pas su mettre en avant les enjeux de ces innovations. Un grand programme sera engagé avec Fleur Pellerin pour valoriser ces innovations et faire en sorte que nous puissions accompagner ces start-ups.
Cette initiative de la Mobilité 2.0 a connu une belle réussite, un succès qui n’est pas simplement un succès d’estime mais aussi une confiance et une forte mobilisation. N’oublions pas que nous réunirons en 2015 à Bordeaux, au niveau mondial, le Congrès international des transports innovants et intelligents. À nous d’être à la hauteur et d’accompagner la ou les filières économiques qui permettront aux entreprises françaises d’être à la pointe de l’innovation en la matière.
Plusieurs actions concrètes ont été lancées à cette occasion. Je pense notamment au projet de construction d’un grand calculateur d’itinéraire national multimodal pour les voyageurs, et ce en 2015. Il existe aujourd’hui des initiatives régionales. Notre ambition est d’équiper la France d’un grand calculateur qui ferait référence, qui apporterait une information de porte à porte. C’est ce qu’attendent nos concitoyens et encore plus particulièrement les utilisateurs des transports publics. Ces nouveaux services doivent amener qualité de service mais aussi fiabilité.
Vous le voyez, ce sont autant de défis. Le transport urbain n’est pas simplement la question du quotidien, il doit amener nos collectivités à se projeter sur ce que nous pouvons et souhaitons offrir de meilleur à nos concitoyens. Nous le ferons par l’innovation, nous le ferons par la mise en réseau.
Je présidais avec Arnaud Montebourg le comité stratégique du ferroviaire. Il a pour intérêt de mettre autour de la table des personnes qui, souvent, s’ignorent. C’était le cas pour le ferroviaire, mais cette situation est aujourd’hui dépassée car Fer de France est maintenant rassemblé autour d’une même table pour se tourner vers l’international, pour innover et faire profiter. Nous devons le faire dans l’ensemble des domaines de transport, et notamment dans les transports innovants. L’avenir, dans les transports comme ailleurs, se prépare dès aujourd’hui par la confiance et les conditions que l’État et les collectivités peuvent mettre à la disposition de l’ensemble de celles et ceux qui souhaitent innover au profit de nos concitoyens.
Merci de me donner l’occasion de ce débat, qui permet de tracer ces grandes perspectives et de donner une dimension différente aux enjeux de transport.