Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le débat qui nous rassemble concerne essentiellement les territoires ruraux et les territoires de montagnes.
Notre République s’est construite en favorisant l’égalité des chances au regard du milieu social de naissance comme du territoire de vie. Affirmons-le sans détour, les services publics sont un pilier de notre modèle républicain français.
Notre défi, c’est de réussir la transition avec une économie modernisée prospère et une action publique performante, efficace et recentrée sur des priorités.
Le service public, c’est une notion contenant une référence politique forte, une notion quasiment identitaire pour la République française. D’ailleurs, les services publics et les principes républicains du bien commun, d’égalité et de solidarité sont très proches.
Il s’agit de garantir à chacun le droit d’accéder à des biens ou services essentiels – éducation, santé, sécurité, transports, communication –, de construire des solidarités, de développer le lien social, de promouvoir l’intérêt général d’une collectivité, d’assurer la cohésion économique, sociale et territoriale, de remédier aux défaillances du marché, d’investir et de piloter pour mettre en place les conditions d’un développement harmonieux.
Comment appliquer ces principes aux territoires fragiles dans les domaines de la santé, de l’éducation nationale, de l’énergie, des réseaux de transports ?
Les services publics sont désormais soumis à des ressources contraintes et à l’ouverture à la concurrence d’une part croissante de leur activité. Ces contraintes nous obligent à des arbitrages permanents entre l’accessibilité et la recherche de la qualité. Renforcer l’accessibilité, c’est adapter leur présence. L’organisation des services publics dépend de facteurs évolutifs : la densité de la population, les besoins sociaux, les technologies et les moyens d’accès.
Puisqu’il n’est de richesse que d’hommes, comme l’affirmait Jean Bodin, un détour par la démographie s’impose.
Commençons par une bonne nouvelle : l’exode rural est terminé. Entre 1999 et 2009, la population des campagnes a progressé de 0,7 % par an selon la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale. Dans mon département du Lot par exemple, la population des communes rurales augmente régulièrement.
Nous devons aussi penser à la sociologie en tenant compte, par exemple, du fait que les retraités sont plus nombreux et qu’ils ont un besoin fort en matière de santé.
Dans son livre référence, L’Identité de la France, Fernand Braudel insiste sur l’armature urbaine française – Paris-villages-bourgs-territoires ruraux – et les services que se rendent mutuellement les différents échelons de ce maillage.
Avec les progrès techniques, ce maillage territorial a évolué. Que devient l’organisation de notre service public de santé – CHU, CHR, hôpitaux de proximité et médecin traitant – quand le CHU régional se rapproche à moins d’une heure ? Pour l’accessibilité, il faut en effet réfléchir en temps d’accès plus qu’en kilomètres.
Il y a quinze ans, la demande était structurée autour du triptyque : école, routes, poste. En quinze ans, ce triptyque s’est enrichi en matière de santé, avec notamment la demande de médecins généralistes de services d’urgence, dans le secteur des télécommunications, avec le téléphone portable et internet, et dans le domaine du commerce, avec surtout des magasins alimentaires de proximité.
Les problèmes de santé se sont durcis. L’offre de soins se raréfie et la demande change : plus de personnes âgées, plus d’inactifs, et donc plus de consommateurs de soins de proximité. Enfin, la demande de télécommunication s’impose comme la priorité des territoires ruraux.
L’organisation des services publics doit donc s’actualiser en fonction de cette demande. Cette organisation doit évoluer et c’est aussi l’exigence de qualité qui conduit au regroupement des services spécialisés.
Concernant la santé, nous devons renverser les courbes de la disparité de l’offre pour garantir une offre de soin de base de proximité de qualité. La France pratique l’incitation et non la coercition, avec par exemple le système de bourses aux étudiants en médecine qui s’engagent à travailler pendant une période déterminée dans les déserts médicaux, ou la création de postes de praticiens territoriaux.
Dans le numérique, internet est un nouveau territoire, un nouveau monde d’actions et d’échanges qui se superpose aux territoires dont il modifie les frontières. Il forme ce que Michel Serres appelle un hyperterritoire où les distances sont moins physiques que symboliques.
Cette transformation nous impose une réflexion stratégique pour l’action publique. À chaque rupture technologique, sa diffusion pose la question de l’égalité du territoire.
L’enjeu du déploiement du réseau très haut débit est majeur car il conditionne toute une panoplie de services au public. Dans le numérique, l’initiative privée se montre capable d’innover, de créer et d’investir mais le marché tend à préférer la rentabilité et les zones à forte densité de population. Nous devons donc trouver la bonne régulation pour accélérer le déploiement dans les territoires fragiles.
Pour conclure, je dirai que nous devons préparer les conditions pour une France plus équitable et plus cohérente. C’est cet objectif qui nous inspire et qui doit être notre boussole.
Nous avons un modèle social qui est une chance et une force pour la République. Pour les territoires fragiles, cela signifie une mise en oeuvre suffisamment souple pour s’adapter aux particularités locales et évolutives, pour s’ajuster en permanence aux besoins.