La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Mes chers collègues, avant de commencer la série des questions au Gouvernement, je voudrais vous adresser quelques mots.
Les questions au Gouvernement sont un moment important de la vie parlementaire. Au-delà, parce qu’elles sont retransmises en direct par une chaîne de télévision nationale et sont regardées par nombre de nos concitoyens, elles jouent un rôle essentiel pour l’image que ceux-ci se font de leurs représentants. Je reçois d’ailleurs de très nombreux courriers de nos compatriotes qui déplorent l’ambiance générale de nos séances. J’ai souvent eu l’occasion de regretter que la passion légitime qui sous-tend nos échanges laisse trop souvent la place aux cris, aux provocations et aux invectives.
Je pense que ce type de comportement est préjudiciable à la dignité de nos débats et contribue à alimenter les attaques contre la démocratie représentative, qui est notre bien commun.
Le principal groupe de l’opposition a décidé de boycotter cette séance. Sans porter de jugement sur le choix qu’il a fait, je déplore cette situation et forme le voeu qu’à la reprise de nos travaux, après les élections municipales, nous puissions siéger dans un climat plus apaisé.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.
L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Nous en venons donc directement à la deuxième question.
La parole est à M. Yves Goasdoué, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l’économie et des finances, les prévisions macroéconomiques sur la croissance et les déficits publics ont été publiées hier par la Commission européenne. Ces prévisions confirment la reprise économique. La France sort peu à peu de la crise, grâce à la politique économique équilibrée que nous conduisons avec détermination, constance et, je le crois, un certain courage. Cette politique conjugue sérieux budgétaire et ambition sur le front socio-économique.
L’indispensable sérieux budgétaire permet à la France de ne pas sombrer dans la spirale de l’endettement, dans laquelle elle avait été engagée sous le quinquennat précédent.
L’ambition économique, c’est le redressement de la production française, c’est la réforme fiscale, c’est la construction d’une croissance durable.
L’ambition sociale, c’est la création de nouveaux droits : compte personnel de formation, prise en compte de la pénibilité dans l’accès à la retraite, généralisation de la complémentaire santé.
Mes chers collègues, avec 1 % de croissance en 2014 et 1,7 % en 2015, nous devrions être en mesure de faire durablement baisser le chômage.
Monsieur le ministre, la Commission fait des prévisions ; le Gouvernement, lui, est dans l’action. Il obtient des résultats, et il en obtiendra, demain, de bien meilleurs encore lorsque les fondamentaux économiques et financiers auront été redressés. Quel regard doit être porté sur les annonces d’hier ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le député, mon regard est le même que le vôtre. C’est celui d’un ministre de l’économie et des finances qui revient du G20 qui s’est tenu à Sydney, où l’ensemble des ministres de l’économie et des finances des grands pays industrialisés ont dit que, désormais, l’objectif des politiques économiques ne pouvait plus, ne devait plus être l’austérité, même s’il faut être sérieux dans la gestion budgétaire, mais pouvait et devait être la croissance.
Je constate que la croissance mondiale devrait être plus élevée en 2014 qu’en 2013 – elle devrait être de 3,6 % –, que la reprise est là dans la zone euro, qui sort de la récession – la croissance devrait y être supérieure ou égale à un point alors qu’elle a baissé en 2012 et 2013 –, et que la France a, elle aussi, repris sa marche en avant, avec une croissance de 1 % en 2014 et 1,7 % en 2015.
Est-ce satisfaisant ? Non, ce n’est pas suffisant : il faut aller plus loin, plus vite, plus fort, et j’ai la conviction que notre potentiel de croissance est encore supérieur. Tel est le sens du Pacte de responsabilité lancé par le Président de la République le 14 janvier, qui vise à créer les conditions pour qu’en France on puisse investir davantage tout en protégeant le pouvoir d’achat. C’est le sens de la politique économique du Gouvernement.
En même temps, il est vrai que la Commission européenne porte un jugement un peu plus serré sur nos finances publiques. À cet égard, je veux dire que nous réduisons les déficits qu’on nous a laissés, et que cela se fait année après année. Je veux dire aussi que nous tenons la dépense publique – c’est absolument fondamental. Pour le reste, nous aurons un débat avec la Commission européenne sur la façon dont la France peut consolider ses finances publiques, remplir ses obligations budgétaires et, surtout, continuer à aller de l’avant en matière de croissance et d’emploi. C’est le cap de la politique définie par le Président de la République et menée par le Gouvernement sous l’égide du Premier ministre.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, notre industrie ferroviaire nationale, c’est 30 000 emplois. Six mille dans le Valenciennois avec les constructeurs Alstom et Bombardier, des PME, un centre d’essai, des atouts considérables à l’heure où les marchés du matériel ferroviaire se développent : plus 7 % en Europe, plus 9 % dans le monde.
Pourtant, de fortes interrogations pèsent sur la visibilité du secteur. En 2009, la SNCF a signé avec Alstom un contrat portant sur l’achat de mille trains régionaux, et avec Bombardier sur huit cents trains. Cinq ans après, ces contrats n’ont produit que 216 et 159 trains. En outre, lorsque l’État remplace ses trains Corail, il annonce un nouvel appel d’offres, alors que la mise en concurrence a déjà eu lieu en 2009 et que les contrats actuels permettraient de répondre aux besoins.
Organisés pour des niveaux de commande bien supérieurs, les entreprises et leurs salariés ont besoin de certitudes. Pourquoi fragiliser ainsi l’existant ?
Deuxième exemple : le renouvellement des RER à deux niveaux en Île-de-France. Là aussi, la SNCF relance une consultation. Alstom et Bombardier ont décidé de répondre ensemble et de faire valoir leurs références. Allez-vous leur faire confiance et soutenir la filière ? Ou laisserez-vous entrer de nouveaux acteurs étrangers ? Voilà l’enjeu ! Quelles suites allez-vous donner, monsieur le ministre, pour conforter nos entreprises ferroviaires françaises et l’emploi chez nous, ici, en France ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe RRDP.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Monsieur le député, cher Alain Bocquet, merci pour cette question qui est véritablement d’actualité, puisque ce soir, au ministère des transports, je réunirai avec Arnaud Montebourg le comité stratégique de la filière ferroviaire et nous ferons le point sur les différentes mesures qui ont été prises. C’était à Valenciennes, il y a un peu plus d’un an, le 11 janvier 2013, dans le cadre du soutien à la filière ferroviaire « Fer de France ».
Vous parlez de visibilité, vous parlez d’emploi, vous parlez de commande publique. Où en sommes-nous de ces engagements ?
Nous avions annoncé l’éligibilité du renouvellement du matériel roulant des TER à l’enveloppe de 20 milliards de fonds d’épargne : cet engagement a été tenu. Nous avions annoncé la première tranche, de 400 millions, du renouvellement des Intercités, des Corail qui, depuis les années 1980 du siècle dernier, n’avaient pas été renouvelés. Là encore, c’est une commande à Alstom qui a été engagée. Nous avons lancé le troisième appel à projets concernant les transports en commun en site propre : cent vingt projets sont en retour des collectivités. Autre engagement : une commande de quarante rames de TGV à Alstom, l’appel à projet permettant de bénéficier du programme d’investissements d’avenir qui a été abondé à hauteur de 12 milliards. Là encore, cet engagement est tenu. Il s’accompagne d’un certain nombre de mesures destinées à donner une plus grande visibilité au plan international à notre filière ferroviaire.
Je ne parlerai pas de la relance du fret, même si nous avons réuni à deux reprises une conférence sur ce thème et si de premiers signes sont en train d’être perçus. Le fret gagne des parts de marché. C’est encore trop timide.
S’agissant de l’Île-de-France, le STIF a lancé un plan de modernisation du matériel et je vous confirme qu’à ce titre, ce sont cent soixante-douze rames du Francilien Bombardier, de fabrication française, qui sont concernées, et je vous confirme aussi la commande de quarante-trois nouveaux trains Francilien et quarante-huit trains Regio2N.
Vous parlez de visibilité : le Gouvernement est au rendez-vous des engagements qu’il a pris pour conforter la filière ferroviaire et l’emploi français.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Dominique Orliac, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la ministre de la santé, l’alcoolisme touche 1,5 à 2 millions de personnes en France, induit 49 000 morts chaque année. Les centres d’addictologie prennent en charge 150 000 personnes, dont seulement la moitié sont concernées par l’addiction à l’alcool. Au total, moins de 10 % des malades bénéficient d’un traitement chaque année en France.
Dans ce contexte, on comprend pourquoi la question de la prise en charge de la dépendance à l’alcool constitue un enjeu de santé publique essentiel. Après qu’a été admise l’efficacité du Baclofène, qui est encore en expérimentation, dans le traitement de l’alcoolisme – médicament prescrit hors autorisation de mise sur le marché à des milliers de patients par des médecins généralistes –, une recommandation temporaire d’utilisation doit être délivrée prochainement.
Ce médicament, dont la prescription serait alors limitée aux seuls spécialistes, devrait en fait bénéficier d’une extension d’AMM, afin que le traitement en cours de milliers de patients ne soit pas suspendu.
D’autre part, le Nalméfène, médicament indiqué dans l’aide au sevrage alcoolique, ayant obtenu une AMM européenne, sera bientôt commercialisé en France. Sa prescription était initialement réservée aux addictologues. Ce produit pourrait maintenant être prescrit par le médecin généraliste, mais sans que son patient soit remboursé par l’assurance maladie. Seules les prescriptions des spécialistes pourraient donner droit à remboursement : la commission de transparence a donné pour argument que l’accompagnement psychosocial ne serait pas réalisable par les généralistes, qui pourtant l’assurent pour d’autres médicaments contre la dépendance alcoolique.
C’est pourquoi, madame la ministre, je vous demande de clarifier votre position. Comment pourriez-vous soustraire de la solidarité nationale le remboursement d’un traitement prescrit par un généraliste, pivot de la santé publique, alors que ce traitement présente un intérêt essentiel pour lutter contre l’alcoolisme ?
Lutter contre l’alcoolisme, c’est miser sur la prévention des violences intra-familiales, des violences routières, de cancers, de maladies neurologiques et digestives dont le coût humain et financier est considérable.
Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et UDI.
Vous avez raison de souligner l’enjeu de santé publique majeur que représente l’alcoolisme. Je ne reviens pas sur ce que vous avez dit : plus de huit millions de personnes concernées dans notre pays, près de 50 000 personnes qui, directement ou indirectement, en meurent chaque année.
Nous devons rappeler que la consommation d’alcool chez les jeunes est un véritable fléau et je profite de votre question pour réaffirmer ma détermination à lutter contre ce phénomène, notamment contre ce qui est apparu sur Internet et qu’on appelle la « neknomination ».
Vous m’interrogez plus particulièrement sur le Nalméfène, qu’on appelle aussi le Selincro et qui a obtenu une AMM européenne en février 2013. Ce médicament peut être prescrit dans le cadre d’une réduction de la consommation d’alcool à risque élevé, en association avec un suivi psychosocial continu.
La Haute Autorité de santé a évalué cette spécialité, la négociation sur le prix et le remboursement du médicament va être engagée. Je veux vous dire que ce médicament sera remboursé. À l’issue de la procédure de fixation de prix, je donnerai la possibilité à tous les médecins, qu’ils soient généralistes ou spécialistes, de prescrire avec remboursement ce médicament, compte tenu de l’enjeu majeur que représente la prise en charge de l’alcoolisme en France.
Cela coïncide avec ma volonté, exprimée dans le cadre de la stratégie nationale de santé, de faire des médecins de premier recours, en particulier des généralistes, le pivot de notre système de santé.
Vous le voyez, madame la députée, le Gouvernement est déterminé à tout mettre en oeuvre pour faire reculer le fléau de l’alcoolisme dans notre pays.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et RRDP.
Monsieur le ministre du travail et de l’emploi, la Commission européenne a annoncé hier ses prévisions économiques pour la France d’ici 2015. Les perspectives en matière d’emploi sont particulièrement inquiétantes puisque l’on nous prédit une stabilisation du chômage à 11 % en 2014 et 2015.
Depuis 2011, la France a réduit de près de cinq points son déficit structurel, effort exceptionnel qui, aux dires de la Commission elle-même, a coûté trois points de chômage à notre pays.
Face à la résignation qui gagne aujourd’hui nombre de nos concitoyens, n’est-il pas temps de donner la priorité à l’emploi plutôt qu’à la réduction des déficits ?
N’est-il pas temps, en particulier, de lancer un plan d’investissement ambitieux dans les domaines des économies d’énergie, des énergies renouvelables et des transports collectifs qui, nous le savons, recèlent un potentiel de créations d’emplois majeur ? L’OFCE et l’ADEME ont en effet montré que la transition énergétique pouvait générer 330 000 créations d’emplois d’ici 2030.
N’est-il pas temps de dépasser une conception de la modernité, celle des années soixante-dix, avec ses mines, ses aéroports et son plan autoroutier, pour nous tourner enfin vers l’économie de l’avenir ?
L’économie de l’avenir, c’est celle des transports collectifs. Vous le savez, un déplacement en transports en commun, c’est deux fois plus d’emplois que s’il est effectué en voiture.
L’économie de l’avenir, ce sont les énergies renouvelables. Vous le savez aussi, pour produire un mégawatt, il faut neuf emplois dans le solaire, 3,3 emplois dans l’éolien et un seul dans le nucléaire.
L’économie de l’avenir, c’est enfin celle des économies d’énergie qui, à elles seules, peuvent générer jusqu’à 70 000 emplois d’ici 2030.
Monsieur le ministre, vous avez mis en oeuvre avec succès une politique d’emplois d’avenir ciblée courageusement sur les jeunes les moins diplômés qui a permis de créer plus de 85 000 emplois.
Au-delà de cette première étape, ne pensez-vous pas qu’il faut désormais donner priorité à l’emploi et relancer un plan d’investissement public ambitieux ciblé sur la transition écologique ?
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Je vous remercie, monsieur le président, pour cet énoncé si complet !
Sourires
Je vous remercie pour votre question, madame la députée. Je commencerai ma réponse où vous avez commencé cette dernière.
Le ministre de l’économie et des finances a commenté les prévisions de la Commission européenne concernant la croissance. S’agissant de l’emploi, vous avez raison de souligner qu’elle prévoit une stabilisation du chômage alors que, l’année dernière, elle envisageait une hausse pour 2014.
La Commission a ainsi pris en compte la réalité de l’action gouvernementale car nous, ce que nous voulons, c’est poursuivre la baisse du chômage et continuer d’agir afin que le nombre de chômeurs diminue.
Pour ce faire, nous nous appuyons sur deux grandes manettes.
Tout d’abord, celle des politiques de l’emploi. Vous avez salué la politique des emplois d’avenir. Oui, c’est une belle réussite ! Les contrats de génération, contrairement à ce que l’on peut entendre, sont en train de faire leur preuve. Nous avons réorienté les contrats aidés en direction de ceux qui éprouvent le plus de difficulté sur le marché du travail : les personnes âgées de plus de cinquante ans et qui connaissent un chômage de longue durée.
Ensuite, la manette de l’activité économique, la création d’emploi au sein même du tissu économique. Oui, madame la députée, vous avez raison : un certain nombre de secteurs doivent être développés parce qu’ils sont plus riches en emplois.
Beaucoup assurent qu’il faut 2 % de croissance pour créer des emplois, mais c’était il y a vingt ans ! D’autres considèrent qu’il en faut 1,5 %, mais c’était il y a dix ans ! Aujourd’hui, peut-être qu’avec une croissance de 1 % ou 1,5 % il est possible de créer beaucoup plus d’emplois que précédemment si nous développons certaines filières.
C’est précisément ce que fait le ministre du redressement productif avec les 34 plans de la nouvelle France industrielle au nombre desquels figurent les secteurs liés à la transition écologique et énergétique, qui sont bien entendu extrêmement porteurs d’emplois.
Qu’il s’agisse d’investissements, d’innovation ou de formation professionnelle, c’est là que nous devons mettre le paquet pour lutter contre le chômage !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.
La parole est à M. Yannick Favennec, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Avant toute chose, je tiens à dire au nom du groupe UDI que je condamne les propos que le ministre de l’intérieur a tenus hier à l’endroit de l’un de nos collègues
Protestations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.
Alors que la plus belle vitrine de la ferme France s’expose à la Porte de Versailles, nos éleveurs continuent d’être inquiets pour leur avenir et ils ont malheureusement des raisons de l’être.
Je pense à la nouvelle PAC qui devait répartir de manière plus équitable les aides européennes entre les céréaliers et les éleveurs pour mieux soutenir les productions animales.
Résultat : seul l’élevage extensif est concerné.
Conséquence : pour un département comme la Mayenne, 22,5 millions de pertes pour nos éleveurs chaque année.
Je pense, aussi, aux producteurs de lait qui rencontrent de sérieuses difficultés dans la contractualisation et qui réclament les outils leur permettant de faire respecter les contrats passés avec les industriels.
Je pense, enfin, aux normes et aux charges, toujours plus nombreuses, qui sont autant de freins et de découragement pour celles et ceux qui sont pourtant des générateurs d’emplois et les garants de notre indépendance alimentaire.
Alors, monsieur le ministre, quelles mesures concrètes et précises comptez-vous prendre pour que les éleveurs de viande bovine en système intensif, notamment ceux des régions au nord de la Loire, ne soient pas les grands perdants de la nouvelle PAC, et pour que nos producteurs de lait récupèrent davantage de valeur ajoutée par le biais d’une contractualisation plus équilibrée des relations avec leurs entreprises laitières ?
Enfin, quelles mesures comptez-vous prendre pour favoriser un véritable choc de simplification ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.
Monsieur le député, je vous rappelle quelle est l’ambition du Gouvernement pour nos agriculteurs : nous voulons une politique à la fois plus juste et plus efficace.
Nous avons choisi la justice, en particulier s’agissant de la PAC, en réorientant une partie des aides au bénéfice de nos éleveurs. À l’horizon 2019, un milliard leur sera ainsi réaffecté,…
…car nous connaissons bien leurs difficultés et leurs attentes. Nous les rencontrons chaque jour de l’année et en particulier, bien entendu, au Salon de l’agriculture.
Mais il faut aller plus loin et faire en sorte que chacun puisse tirer un véritable revenu, digne et décent, de son travail. C’est tout l’enjeu des négociations autour du prix du lait, dont vous savez qu’elles ne sont pas forcément faciles.
Nous attendons leurs conclusions dans les meilleurs délais à partir d’une base : le prix payé aux producteurs en 2013 – en souhaitant bien entendu qu’il soit supérieur. En l’occurrence, nous avons besoin d’un accord entre les producteurs, les transformateurs et la grande distribution. Tel est l’enjeu, tel est l’avenir : imaginer un contrat tripartite dans le cadre d’une économie désormais contractuelle !
Enfin, la question de la simplification se pose en effet d’autant plus que nous disposons de marges de progression.
« Ah ! » sur les bancs du groupe UDI.
Ce gouvernement, notre gouvernement, a pris le taureau par les cornes, pour user d’une métaphore agricole en cette période du Salon de l’agriculture
Sourires
!
Nous avons déjà agi, en particulier dans le domaine de la production porcine, afin de concilier performances écologique et économique. C’est cela qui restera et qui fera de notre pays une grande nation dans le secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Gérard Terrier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je voudrais commencer par dire à nos collègues de l’UDI qu’il faut savoir raison garder
Exclamations sur les bancs du groupe UDI
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le ministre de l’économie et des finances, la semaine dernière, d’importantes avancées ont été enregistrées sur le front de la régulation financière internationale. En effet, à l’occasion du dernier conseil des ministres franco-allemand, nos deux pays ont affiché une position commune, qui devrait définitivement aboutir à une coopération renforcée, à travers la création d’une taxe sur les transactions financières. Notre combat pour une taxe de type Tobin sera donc bientôt une réalité.
Par ailleurs, à l’occasion du G 20, qui s’est réuni le week-end dernier à Sydney, les principales économies de la planète ont pris la décision de durcir considérablement la lutte contre l’optimisation fiscale. Le groupe SRC, qui avait présenté plusieurs amendements à la loi de finances pour mettre en évidence les pratiques pernicieuses de diverses multinationales, salue cette décision, qui va mieux protéger les intérêts des peuples de la planète.
Monsieur le ministre, dans la droite ligne du discours du Bourget, le Gouvernement de la France oeuvre sans relâche, depuis l’élection de François Hollande, pour faire avancer ce grand chantier de la régulation financière internationale. Des dispositions ont d’ores et déjà été adoptées : vote d’une loi bancaire limitant les activités spéculatives, introduction par anticipation d’une taxe sur les transactions financières et alignement de la fiscalité du capital sur la fiscalité du travail.
Monsieur le ministre, de retour de Sydney, pouvez-vous nous dire quels résultats peuvent être attendus des avancées significatives de la semaine dernière ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le député Gérard Terrier, j’ai déjà évoqué les résultats obtenus à Sydney s’agissant de la croissance, mais il est vrai que des avancées ont également été faites en matière de lutte pour la régulation financière, laquelle, vous le savez, est un cheval de bataille du Gouvernement. Le G20 a d’abord entériné un nouveau standard d’échange automatique d’informations dans le secteur bancaire. C’est une avancée que nous avons souhaitée et défendue, à tel point que j’ai invité mes homologues du G5, qui réunit les cinq grands pays européens, à savoir la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et la Grande-Bretagne, à une conférence fiscale sur ce thème, avec la perspective de signer entre nous un « FATCA européen », pour reprendre le nom de l’accord, le Foreign account tax compliance act, qui existe déjà entre la France et les États-Unis.
Deuxièmement, le G20 a marqué son soutien renouvelé à l’initiative BEPS – Base erosion and profit shifting – de lutte contre l’érosion des bases fiscales, en prenant en compte, ce qui était très important à nos yeux dans le cadre d’une économie de plus en plus mondialisée, les spécificités de l’économie numérique – et avec pour principe la prise en compte des territoires.
Enfin, nous avons également montré notre détermination à nous mobiliser contre les pratiques de certaines juridictions non coopératives en matière, non seulement d’échange automatique de données, mais aussi d’échange à la demande – quatorze pays sont concernés. Vous avez mentionné la taxe sur les transactions financières européennes : nous y travaillons et les choses avancent. Lors de la dernière réunion du conseil des ministres franco-allemand, deux décisions ont ainsi été prises : d’abord militer pour une taxe très sérieuse et consistante incluant tous les dérivés, ensuite parvenir à une proposition en matière de coopération renforcée avant les élections européennes.
Vous le voyez, la coopération financière, ce n’est pas le combat d’un jour, c’est un combat dans la durée, qui exige constance et mobilisation.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Hervé Féron, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre de la culture et de la communication, le MEDEF a proposé récemment la suppression pure et simple du régime d’indemnisation chômage des intermittents du spectacle, le jugeant trop coûteux. Vous avez réaffirmé, à bon escient, votre attachement à ce régime spécial des intermittents du spectacle, qui est nécessaire à notre pays. Sans lui, notre richesse culturelle, qui est faite de nombreux festivals, concerts, manifestations et installations artistiques, serait impossible. De plus, selon le rapport conjoint des ministères de la culture et de l’économie, la culture contribue au PIB à hauteur de 57,8 milliards d’euros et les entreprises culturelles emploient à elles seules 670 000 personnes en France.
Les personnes bénéficiant de ce régime sont touchées par une précarité importante : en 2011, un artiste conclut en moyenne quinze contrats par an, d’une durée moyenne de trois jours. C’est donc à raison, madame la ministre, que vous défendez le maintien d’un régime spécifique d’assurance chômage au sein de la solidarité interprofessionnelle – ce que la Cour des comptes considère d’ailleurs comme souhaitable. Ce régime ne coûte pas un milliard d’euros puisque, selon l’UNEDIC, le surcoût des annexes VIII et X par rapport au régime général est de 320 millions. Le régime de l’intermittence du spectacle n’est donc pas responsable du déficit de l’UNEDIC.
Plutôt que de réintégrer maladroitement le régime des agents et techniciens de l’audiovisuel et des artistes du spectacle vivant dans le régime commun, améliorons le statut d’intermittent en suivant, notamment, les recommandations du rapport de Jean-Patrick Gille : plafonnement à 4 000 euros du cumul mensuel des rémunérations et des indemnisations – ce qui représenterait déjà une économie de 32 millions d’euros ; déplafonnement des cotisations assurance chômage, ou encore lutte contre la permittence, notamment dans le secteur du cinéma et de l’audiovisuel, avec l’obligation de proposer un contrat à durée indéterminée à chaque salarié qui travaille plus de 600 heures et une requalification automatique en CDI à partir de 900 heures.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le député Hervé Féron, le régime des annexes VIII et X, qui est celui des intermittents, permet effectivement aux artistes et aux techniciens du spectacle, du cinéma et de l’audiovisuel, dont les métiers sont par nature plus précaires que d’autres, de bénéficier d’une indemnisation du chômage adaptée à cette extrême précarité. C’est pour cela – et nous l’avons rappelé avec Michel Sapin – que le Gouvernement est fortement attaché au maintien de ces annexes VIII et X et au principe d’une indemnisation spécifique pour des métiers spécifiques.
Ces métiers, vous l’avez dit, se sont encore précarisés au cours des dernières années, et même paupérisés, notamment pour les femmes. Il faut donc examiner les propositions formulées par la mission parlementaire présidée par Jean-Patrick Gille, qui a fait une analyse tout à fait remarquable et dont le rapport a été adopté à l’unanimité par la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe écologiste.
Certaines propositions sont également mises sur la table aujourd’hui par les organisations professionnelles du spectacle vivant, c’est-à-dire par ceux qui connaissent la réalité de ces métiers. Ces propositions émanent des employeurs du spectacle vivant, et pas du MEDEF, qui campe jusqu’à présent sur des positions caricaturales et tout à fait scandaleuses. Ces propositions doivent à présent être examinées par les partenaires sociaux, puisque c’est à eux qu’il revient d’avoir cette discussion.
Le Gouvernement l’a clairement dit : il ne laissera jamais détruire la spécificité de ces annexes VIII et X. À présent, c’est aux partenaires sociaux de négocier, pour préserver la vie culturelle et artistique dans l’ensemble de nos territoires.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe écologiste.
La parole est à M. Maurice Leroy, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, mes chers collègues, le groupe UDI a tenu à ce que l’avant-dernière question de cette dernière séance de questions au Gouvernement avant la suspension de nos travaux porte sur la démocratie. Cette question aurait pu être posée par nos collègues radicaux de gauche, communistes ou écologistes.
Elle ne s’adresse pas au Premier ministre, elle s’adresse au meilleur ouvrier de France en charge du tripatouillage et du charcutage des cantons.
« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.
Monsieur le ministre de l’intérieur, pour masquer votre tripatouillage, vous vous servez de la démographie et de la parité. Or, comment justifiez-vous qu’avec 10 000 habitants de moins, le Cher comptera quatre cantons de plus que le Loir-et-Cher ?
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Eh, mes seigneurs, cela vous gêne-t-il qu’il y ait juste un petit peu d’opposition de temps en temps dans cet hémicycle ?
Sourires.
Le Lot, avec 160 000 habitants de moins, aura deux cantons de plus que le Loir-et-Cher. Je pourrais citer tant d’autres exemples d’inégalités devant le suffrage entre les départements ! Si votre objectif réel avait été la parité,…
… suffisait de retenir un mode de scrutin proportionnel majoritaire par liste, comme dans les régions. Alors, vous n’auriez pas été suspects de charcutage et de tripatouillage.
Le bon principe de la parité ne peut pas masquer votre mauvais coup : la « PS-arité ».
« Oh ! » sur de nombreux bancs du groupe SRC.
Vous infligeant un désaveu cinglant, cinquante-quatre conseils généraux viennent de rejeter votre charcutage et votre tripatouillage.
« Son temps de parole est écoulé ! » sur de nombreux bancs du groupe SRC.
Monsieur le meilleur ouvrier de France du charcutage et du tripatouillage, quand allez-vous entendre…
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur Maurice Leroy, je ne vais pas vous parler de votre passé,
Rires. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC
qui est absolument honorable. Le texte de loi qui a été voté par le Parlement, par l’Assemblée nationale, et avalisé par le Conseil constitutionnel,…
…repose sur deux principes : le premier est l’égalité devant le suffrage, le second la parité. Vous n’y êtes pour rien mais, dans votre département, par exemple, il y a sept femmes sur trente conseillers généraux. Demain, grâce à ce nouveau mode de scrutin, il y aura quinze femmes, et il en ira ainsi partout : c’est la parité que nous avons voulue.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe écologiste.
Nous avons également proposé ce mode de scrutin parce que nous avons souhaité préserver la proximité.
Cinquante-sept décrets ont d’ores et déjà été publiés au Journal officiel, dont le décret concernant votre département, ce matin. Les autres le seront d’ici à la fin de la semaine. J’ai cru comprendre que des recours massifs allaient être déposés.
Je vous mets en garde : prendre ainsi en otage le Conseil d’État, en tout cas essayer de le bloquer, n’amènera à rien. Nous sommes confiants parce que nous avons préparé sérieusement cette loi.
Vous pensiez qu’elle allait être censurée par le Conseil constitutionnel, elle ne l’a pas été. Il n’y a pas eu un tel changement concernant les départements depuis deux siècles. Nous sommes attachés aux départements, nous sommes attachés à l’égalité devant le suffrage. Nous voulions la parité, accompagnez-nous, rejoignez-nous dans cette révolution démocratique !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Kheira Bouziane, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre de la culture et communication, la première question posée par notre groupe en 2014 portait sur la commémoration du centenaire de la Première Guerre mondiale. Aujourd’hui, nous voulons terminer cette séquence des questions par une évocation forte de notre mémoire collective, qui ne devrait pas être polémique.
Au Mont-Valérien, à l’occasion du soixante-dixième anniversaire de l’exécution de vingt-deux résistants du groupe Manouchian, le Président de la République a annoncé le prochain transfert au Panthéon de quatre grandes figures de la Résistance. Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillon et Jean Zay vont rejoindre ce temple républicain qui permet à notre nation d’exprimer gratitude et reconnaissance à ceux de ses enfants qui, par leurs engagements, leurs combats et leur courage, ont oeuvré à la grandeur de la France. Ces femmes et ces hommes qui ont fait le choix de la liberté, au péril de leur vie, ont pleinement leur place au Panthéon.
Cette annonce permet également de mettre en évidence le rôle des femmes durant cette période de notre histoire et la reconnaissance qui leur est due. La Résistance est au coeur de notre récit national. Elle rassemble aujourd’hui tous les républicains, mais au-delà, elle est devenue une composante centrale de notre histoire commune et de notre identité.
Oui, même au coeur des plus grandes difficultés, il est important de rappeler aux jeunes, et parfois aux moins jeunes, les valeurs qui fondent notre République.
Il faut croire en la France, en la grandeur de son projet et en la ténacité de son peuple, qui a toujours su se relever face aux épreuves.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
Madame la députée, vendredi dernier, au Mont-Valérien, le Président de la République rendait hommage aux victimes de la barbarie nazie et à cet esprit de résistance qui a permis à un certain nombre d’entre eux de se lever et de dire non à l’oppression, et oui à la République et à ses valeurs. C’est le cas des membres du groupe Manouchian, ces vingt-deux personnes qui ont été fusillées au Mont-Valérien aux côtés des trois lycéens de Saint-Brieuc, sans oublier cette jeune femme décapitée un peu plus tard dans un camp en Allemagne.
Par cette évocation, le Président de la République rendait hommage à ceux qui se sont battus pour la France, y compris lorsqu’ils n’étaient pas français. Car le groupe Manouchian était composé de FTP-MOI, ces noms étrangers – « Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles », comme l’a écrit Aragon.
Le Président de la République a aussi saisi cette occasion pour annoncer le transfert au Panthéon de quatre personnalités de la Résistance, car la Résistance était une histoire collective, et a été une réussite collective. Ces quatre personnalités sont deux femmes qui ont participé ensemble à la Résistance au sein du groupe du Musée de l’Homme : Geneviève de Gaulle-Anthonioz et Germaine Tillon ; ainsi que deux hommes, Jean Zay, ministre des beaux-arts et de l’éducation nationale, arrêté, torturé puis exécuté par la milice en 1944,…
…et Pierre Brossolette, journaliste, intellectuel, qui lui aussi faisait partie du groupe du Musée de l’Homme et qui a préféré se défenestrer plutôt que de prendre le risque de parler alors qu’il était arrêté et emprisonné.
Ces quatre figures de la Résistance sont quatre magnifiques figures de la République. D’abord, vous l’avez dit, il fallait rendre hommage aux femmes, à ces ombres de l’armée des ombres dont le rôle a trop souvent été oublié. Cette fois, les femmes ne seront plus dans les oubliettes de l’histoire. Et puis, il fallait aussi rendre hommage au courage d’hommes ordinaires qui ont accompli des choses extraordinaires, comme le soulignait Régis Debray.
Leurs dépouilles seront donc transférées au Panthéon le 27 mai 2015, journée nationale de la Résistance. Le Panthéon, ce n’est pas un mausolée comme l’a dit le Président de la République, c’est un lieu d’éducation, de culture, de citoyenneté qui nous permet, par l’évocation de notre histoire commune, de nous projeter dans l’avenir et de nous en montrer digne.
Applaudissements.
Entrée au Panthéon de figures de la Résistance
La séance, suspendue à quinze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Marc Le Fur.
Le président de l’Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre une lettre l’informant de sa décision de charger Mme Corinne Erhel, députée des Côtes-d’Armor, d’une mission temporaire auprès de la ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, et de la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique.
L’ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d’examen simplifié, en application de l’article 103 du règlement, de cinq projets de loi autorisant l’approbation de conventions et accords internationaux (nos 1220, 1801 ; 1503, 1802 ; 976, 1803 ; 782, 1805 ; 974, 1804).
Ces textes n’ayant fait l’objet d’aucun amendement, je vais directement mettre aux voix l’article unique de chacun d’entre eux, en application de l’article 106 du règlement.
L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.
L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.
L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.
L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.
L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.
L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale (no 1813).
La parole est à M. Jean-Patrick Gille, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, mes chers collègues, le projet de loi initial comportait vingt-deux articles, auxquels l’Assemblée nationale a ajouté dix articles additionnels. Sur ces trente-deux articles, le Sénat en a adopté neuf conformes, en a modifié vingt-deux, en a supprimé un – et non des moindres, nous allons y revenir – et a introduit quatre articles additionnels.
Même si vingt-six articles restaient en discussion, la commission mixte paritaire, comme vous le savez, est parvenue lundi dernier à un accord dont je dois aujourd’hui vous présenter les grands équilibres et apports. Cet accord a été rendu possible par le maintien de la suppression de l’article 20 relatif à la réforme de l’inspection du travail, qui constituait la principale pierre d’achoppement entre nos deux assemblées.
Pour ne pas aboutir à un rejet du texte, qui se serait révélé préjudiciable pour la mise en oeuvre des mesures phares qu’il contient, et particulièrement pour celle du compte personnel de formation dès le 1er janvier 2015, je n’ai pas déposé d’amendement de rétablissement de l’article 20. La conjonction d’oppositions fortes liées d’un côté, même si nos collègues du groupe UMP ne sont pas encore revenus en séance, au refus des amendes administratives et de l’autre côté à des inquiétudes à mon avis injustifiées quant à l’indépendance des inspecteurs du travail, laissait peu d’espoir de trouver le consensus minimum pour rétablir ces dispositions. Enfin, il est apparu que la suppression de l’article 20 permettait une adoption large du texte, alors que son rétablissement aurait été perçu comme un passage en force tout à fait contraire à notre volonté de refonder la démocratie sociale ainsi qu’à l’état d’esprit qui a présidé à nos débats.
Cela étant dit, je me réjouis du travail accompli par nos collègues du Sénat, qui ont respecté le coeur de l’Accord national interprofessionnel du 14 décembre et les avancées apportées par l’Assemblée, qu’il s’agisse de la reconnaissance du secteur dit « hors champ », qu’il conviendra désormais d’appeler « organisations multi-professionnelles », de la reconnaissance et de la validation des acquis de l’expérience, du travail de notre collègue Christophe Cavard sur les groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification ou des mesures visant à tenir compte de toutes les conséquences de la réforme de l’insertion par l’activité économique. En commission mixte paritaire, nous avons pu approfondir ce travail commun et ajuster certaines rédactions.
À l’article 1er, nous sommes revenus sur deux amendements sénatoriaux qui avaient introduit des niveaux supplémentaires de réglementation quant à la qualité des formations, d’une façon difficilement praticable, instaurant quasiment une forme de profession réglementée incompatible avec le droit européen.
L’objectif de qualité est par ailleurs satisfait, un peu plus loin, par l’adoption de l’article 3 bis A qui prévoit que les organismes paritaires collecteurs agréés, l’État, les régions ou Pôle emploi s’assurent, lorsqu’ils financent une action de formation, de la capacité du prestataire à dispenser une formation de qualité. De surcroît, je suis convaincu que le dispositif du compte personnel de formation, recentré sur la qualification, aura en lui-même un effet positif sur la qualité de l’offre de formation.
La commission mixte paritaire a également amélioré la prise en compte des salariés à temps partiel, en portant à 130 heures de formation l’abondement correctif attribué à ceux qui n’auraient pas bénéficié de formation ou de progression salariale au cours des six dernières années.
À l’article 3, la question du prolongement de la fameuse expérimentation relative aux contrats de professionnalisation conclus par des particuliers employeurs a fait l’objet d’échanges. Cette disposition avait été supprimée en première lecture par l’Assemblée nationale, puis rétablie par le Sénat. Un compromis a été trouvé : la durée de la prolongation, initialement fixée à trois ans, a été réduite à dix-huit mois, le temps de mener l’expérimentation en cours jusqu’à son terme et de l’évaluer.
Je me félicite des différentes modifications apportées par le Sénat aux articles 4 et 5, dans le but de faciliter la répartition des sommes versées au titre du congé individuel de formation. Désormais, ces sommes transiteront par le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Est également sécurisé le versement au même fonds paritaire des excédents des OPCA au titre du compte personnel de formation, une disposition que j’avais introduite à l’Assemblée nationale. En CMP, nous avons apporté une précision supplémentaire afin de garantir l’affectation de l’intégralité de ces excédents au financement du plan de formation des entreprises de dix à moins de cinquante salariés, ou au financement des heures de formation au titre des comptes personnels de formation des demandeurs d’emploi ou des personnes en congé individuel de formation. En outre, à l’article 5, la CMP a fait figurer dans les missions des OPCA, lorsqu’ils s’assurent de la qualité des formations, une obligation de lutter contre les dérives thérapeutiques et sectaires, conformément à une recommandation formulée par une commission d’enquête du Sénat.
S’agissant de la partie relative à l’apprentissage,…
…la CMP a précisé que la mobilité internationale des apprentis doit être favorisée, au même titre que celle des étudiants, dans le cadre des programmes de l’Union européenne. Elle a par ailleurs réécrit l’article 9 ter relatif à la réforme de la taxe d’apprentissage, afin de permettre une codification plus cohérente et plus lisible.
Quant à l’article 11, qui prévoit le transfert aux régions des compétences en matière de formation professionnelle, la CMP a principalement procédé à trois modifications. La première concerne le champ des formations financées à titre gratuit par la région. Le Sénat avait souhaité y inclure des formations de niveau 3, ou plus pour certaines professions. La CMP a souhaité revenir au texte de l’Assemblée, en s’en tenant au financement des formations jusqu’au niveau 4 seulement.
La deuxième modification concerne l’achat coordonné de formations collectives par la région et Pôle emploi. La rédaction issue des travaux du Sénat pouvait laisser planer des doutes quant aux modalités de cet achat collectif. La CMP a souhaité affirmer clairement que Pôle emploi ne peut procéder à des achats de formations collectives que dans le cadre d’une convention avec la région.
La troisième modification concerne l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, un sujet sur lequel nous avons de concert largement progressé. Le texte adopté par le Sénat a prévu que l’immobilier de l’AFPA puisse être transféré aux régions à titre gratuit ; il convenait de s’assurer que cette sécurisation soit également suffisamment incitative pour les régions. La CMP a donc prévu que les régions ne pourront procéder à la désaffectation des biens en question aux missions de service public assurées par l’AFPA qu’à la condition que cette dernière dispose de garanties similaires sur un autre immeuble. En outre, si cette désaffectation est opérée dans les vingt ans suivant le transfert aux régions, les biens concernés pourront retourner dans le patrimoine de l’État ; le cas échéant, la région devra verser à l’État la somme correspondant à la valeur du bien immobilier en question, éventuellement minorée du montant des investissements réalisés pendant ce laps de temps. Les choses nous semblent donc désormais totalement sécurisées, que ce soit pour l’État et les régions ou pour l’AFPA.
À la faveur de l’adoption par le Sénat d’un amendement déposé par le groupe CRC, l’intitulé des contrats de plan régionaux relatifs à la formation et l’orientation professionnelles avait été modifié dans l’ensemble du texte. Ce changement alourdissant inutilement l’intitulé et l’acronyme déjà complexe CPRDFOP, il a semblé plus raisonnable à la CMP de s’en tenir à la rédaction du texte initial.
À l’article 12, la CMP a convenu qu’il fallait mentionner explicitement la participation au service public régional de l’orientation des organismes parties prenantes au conseil en évolution professionnelle : Pôle Emploi, les missions locales, le réseau Cap Emploi, l’APEC et les FONGECIF.
À l’article 14, les débats ont porté sur la délicate question des organismes consulaires. Cela nous a pris beaucoup de temps. Le Sénat avait souhaité qu’ils soient associés à différentes instances de concertation et de gouvernance, à quatre niveaux : par leur association à la concertation nationale organisée par le futur CNEFOP, et par leur représentation dans le CNEFOP, les CREFOP et leurs bureaux. S’agissant de leur association à la concertation nationale et de leur présence dans les bureaux des CREFOP, la CMP a considéré que ce serait une erreur de les associer à ces lieux de gouvernance et de discussion réservés à l’État, aux régions et aux partenaires sociaux. C’est un des élément fort de la réforme. En revanche, il a été décidé de faire figurer explicitement les chambres consulaires, et elles en seront heureuses, dans la composition des CNEFOP et CREFOP.
Sur le titre II, relatif à la démocratie sociale, peu de modifications ont été apportées par la CMP, les deux chambres étant parvenues sur ces articles à des rédactions quasiment identiques. Nous avons seulement souhaité pouvoir réintroduire la notion de personne interposée dans le contrôle des conventions conclues par un comité d’entreprise.
Pour conclure, je voudrais souligner la qualité d’écoute qui s’est manifestée durant nos travaux, tant de la part du ministre et de son cabinet…
Sourires.
…qu’entre nous, mes chers collègues, et j’en remercie chacun. Je voudrais aussi remercier les personnes qui restent généralement un peu dans l’ombre, la jeune et sympathique équipe d’administrateurs qui m’ont épaulé, ainsi, même si ce n’est pas la tradition, que la responsable du groupe socialiste, qui est une véritable encyclopédie sur les questions de formation et d’emploi depuis des années, Sylvie Loisel, dont c’est presque la dernière séance.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Au final, je voudrais vous faire partager ma conviction qu’au-delà de nos divergences légitimes, nous avons collectivement élaboré une réforme profonde de la formation professionnelle et accompli une avancée importante en dotant, avec le compte personnel de formation, chaque salarié et chaque demandeur d’emploi d’un droit effectif à la formation et d’un outil de promotion sociale. Je vous invite donc à voter cette loi, fruit d’un dialogue social rénové et renforcé, pour pouvoir en partager la paternité… ou la maternité !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, vous qui suivez avec assiduité les sujets que nous évoquerons une dernière fois cet après-midi, je reviens devant vous avec plaisir. Je reviens au terme d’un examen parlementaire à la fois rapide, on peut le dire…
…mais approfondi – tout le monde y a pris sa part, y compris vous, monsieur Cherpion – pour le vote d’un texte qui permettra de donner corps à la réforme de la formation professionnelle et de la démocratie sociale.
Avant toute chose, je voudrais remercier chacun d’entre vous parce que dans la richesse de nos échanges, et au-delà des postures parfois exprimées, j’ai ressenti une appréciation positive du texte dans sa globalité ou de nombre de ses dispositions. Si près d’aboutir, je voudrais revenir sur le processus dans son entier, sur ces mois de concertation et de négociation, pour mesurer avec vous le chemin parcouru. À l’été dernier, lorsque nous avons lancé ces exercices, à la deuxième grande conférence sociale, nous avions une idée claire des objectifs, de l’image globale mais tout restait à dessiner concernant la formation professionnelle, l’apprentissage, la représentativité patronale et le financement des organisations patronales et syndicales. Les pièces du puzzle ont pris place progressivement jusqu’à l’Accord national interprofessionnel du 14 décembre 2013 et jusqu’à ce projet de loi adopté en conseil des ministres le 22 janvier dernier, il y a à peine plus d’un mois.
C’est d’abord le travail des partenaires sociaux que je souhaite saluer, leur capacité à parvenir à un accord difficile, ambitieux sur un sujet aussi important que la formation professionnelle, à contribuer à des réformes aussi structurantes que l’apprentissage ou la démocratie sociale. Le dialogue social, méthode que nous portons avec conviction, a une nouvelle fois produit d’importants résultats. Le constat, nous l’avons tous fait : aujourd’hui, notre système de formation professionnelle n’est plus adapté aux grands enjeux du monde, de l’économie française, des entreprises qui ont besoin d’utiliser leur seule véritable richesse, celle des hommes et des femmes qui y travaillent. Et la réforme change la donne.
Cette réforme est aussi une réponse au formidable défi de la promotion individuelle et personnelle, à ce fameux ascenseur social dont tout le monde constate qu’il a été stoppéet parfois même inversé.
Pendant des années, après 1971 et la loi Delors, l’appareil de formation professionnelle a permis des promotions individuelles remarquables et une montée collective en compétences vraiment considérable. Mais depuis de trop nombreuses années, le contexte a changé et les résultats ne sont plus au rendez-vous.
La réforme qui vous est soumise est décisive et porte de grands changements : un compte personnel de formation attaché à chaque individu, qui le suivra tout au long de sa vie professionnelle, qui bouleverse le schéma classique d’une formation professionnelle destinée aux salariés à l’initiative de leur employeur, et financé majoritairement dans le cadre du plan de formation des entreprises. Qui peut dire que ce n’est pas une avancée ? Ni ceux qui ont instauré le droit individuel à la formation, ni ceux qui croient profondément à la sécurité sociale professionnelle.
La réforme instaure ensuite une obligation de former plutôt qu’une obligation de financer, par le biais de la suppression de la dépense obligatoire de 0,9 % de la masse salariale au titre du financement du plan de formation. Qui peut dire que ce n’est pas pertinent ? Ni ceux qui croient à la formation comme facteur de compétitivité de l’entreprise, ni ceux qui font le pari des connaissances individuelles.
La réforme porte enfin une réorientation des fonds de la formation vers la qualification et vers ceux qui en ont le plus besoin, grâce à l’augmentation des financements pour la formation des jeunes en alternance, des bas niveaux de qualification, des salariés des petites entreprises et des demandeurs d’emploi. Qui peut dire que ce n’est pas juste ? Ni ceux qui croient au mérite, ni ceux qui croient à la solidarité, et surtout pas ceux qui, comme nous, croient au mérite et à la solidarité.
C’est la raison pour laquelle vous êtes là, monsieur Cherpion, pour apporter votre appui à cette réforme.
Cette réforme ouvre par ailleurs un nouvel espace de dialogue social, sur la formation professionnelle et les compétences, dans les branches comme dans les entreprises, rendant dès lors chacun acteur de son parcours. Qui peut dire que ce n’est pas utile, à l’heure où le dialogue social s’impose comme une condition indispensable à la performance de l’économie française ? J’ajoute qu’elle introduit une simplification radicale du système de collecte, d’affectation, de mobilisation des fonds pour le rendre plus transparent, plus lisible, plus simple d’accès pour les entreprises comme pour les personnes grâce notamment à la réforme des contributions obligatoires et à la rationalisation du réseau des organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage. Qui peut dire que ce n’est pas nécessaire ? Ni ceux qui croient à la simplification, ni ceux qui recherchent l’efficacité de l’affectation des fonds de la formation professionnelle.
Mais surtout, c’est une réforme globale, qui prend en charge tous les champs de la formation, des savoirs de base aux savoirs de pointe, de la sécurisation des parcours à la simplification des démarches, de l’envie de se former au contrôle de la formation, de la formation des plus fragiles à la montée générale du niveau des compétences.
Mais si cette refondation remet les individus au centre de la formation et fait le pari de la responsabilité de l’entreprise, elle ne sera fructueuse que dans un cadre de garanties collectives, de solidarités, de régulations, qui doivent s’exprimer à trois niveaux : au niveau territorial, au niveau professionnel et au niveau national.
L’ancrage territorial est fort, tout d’abord, avec l’achèvement de la décentralisation de la formation professionnelle des personnes privées d’emploi, mais aussi du pilotage de l’apprentissage et du service public de l’orientation. C’est à l’échelle de chaque territoire, chaque bassin d’emploi, chaque tissu économique et social que se construira désormais la politique de formation professionnelle.
Au-delà du territoire, la réforme de la formation professionnelle repose aussi sur des solidarités et des garanties collectives au niveau professionnel, dans la branche, ou au niveau interprofessionnel. Il ne s’agit pas de laisser l’individu seul avec ses doutes et ses projets. Le compte personnel de formation n’est pas un « chèque formation » que le salarié ou le demandeur d’emploi devrait mobiliser seul face à lui-même. C’est pourquoi la réforme donne corps au conseil en évolution professionnelle et élargit l’accès à la validation des acquis de l’expérience. En effet, l’enjeu de l’époque que nous vivons n’est plus seulement le diplôme, mais bien de se former tout au long de la vie.
De la même façon, les entreprises, notamment les plus petites, ne seront pas abandonnées dans cette réforme. La mutualisation vers les très petites entreprises est développée de manière inédite et le débat parlementaire a permis de renforcer les outils de mutualisation au profit des PME. Ces fonds mutualisés seront affectés plus puissamment à des enjeux relevant de l’intérêt général et pour lesquels une régulation publique est légitime : l’accès à un premier niveau de qualification, la progression et la promotion professionnelle, le retour à l’emploi durable.
Cet après-midi, alors que l’accord des partenaires sociaux se transforme pour devenir la loi de tous, je veux vous dire ma fierté, fierté d’un moment que je crois important dans la vie parlementaire, fierté de la manière dont la démocratie politique, dont vous, mesdames et messieurs les députés, avez accueilli en votre sein la démocratie sociale en la respectant, fierté que cette loi ne soit pas une loi minimale mais qu’elle tire jusqu’au bout son ambition initiale : changer en profondeur le visage de la formation professionnelle.
Comme si cette réforme d’ampleur ne suffisait pas, la loi en porte une autre, fondamentalement liée puisque le paritarisme est consubstantiel à la formation professionnelle. Puisque nous reconstruisons un système fondé sur la maturité des acteurs, il nous faut des acteurs en capacité de dialoguer, c’est-à-dire reconnus, légitimes et donc forts. Reconnus parce que légitimes ; légitimes parce que responsables ; responsables parce que forts ; forts parce que capables d’obtenir des avancées par le compromis. Voilà la mécanique vertueuse du dialogue social à la française.
Cet enjeu-là aussi doit nous rassembler. Bien souvent, notre pays est caricaturé comme le pays du conflit social. Personne ne peut nier les divergences des intérêts. Personne ne peut nier non plus qu’il faut les dépasser, au bénéfice de tous, et fonder des compromis non seulement solides économiquement et socialement, mais qui permettent à chacun d’avoir la tête haute, notamment aux représentants syndicaux qui retournent devant leurs bases après avoir signé un accord. Contrairement aux idées reçues, notre pays a connu une diminution importante de la conflictualité. La négociation collective est intense dans les branches et les entreprises et tous les syndicats signent des accords.
Nous rendrons donc service aux acteurs de la démocratie sociale, souvent trop peu considérés, en fondant leur représentativité sur des bases désormais claires, y compris du côté patronal, ce qui était une lacune de notre système, et en rendant leur financement plus transparent, en particulier en reconnaissant qu’au-delà du socle essentiel que constitue l’adhésion, les missions d’intérêt général exercées par les syndicats et le patronat doivent être financées dans un cadre clair. Il en va de même pour les comités d’entreprise.
Toutes ces avancées sont dans le texte. Il clôt un cycle, celui d’une démocratie sociale parvenue à maturité. Le débat parlementaire et surtout les délais qui s’imposaient à nous pour assurer la bonne mise en oeuvre de la réforme de la formation professionnelle n’ont pas permis, M. le rapporteur y a fait plus qu’allusion, de conserver dans ce texte l’article 20 relatif à l’inspection du travail.
Cet article avait été adopté ici même par vous.
Après des débats intéressants et sereins, après l’adoption d’amendements apportant des clarifications utiles, notamment pour confirmer l’indépendance des agents de contrôle, qui du reste n’a jamais été menacée par la réforme, je ne peux que regretter que cet article ne soit pas adopté au sein de ce projet de loi, d’autant que cela n’est pas la conséquence d’un rejet franc et massif par la représentation nationale mais d’une rencontre de préoccupations diamétralement opposées. Certains prétendent, à tort, que le texte remet en cause l’indépendance d’une inspection du travail dépourvue de tout pouvoir ; d’autres prétendent, toujours à tort, qu’il crée une forme d’arbitraire de la part d’inspecteurs du travail rendus surpuissants.
Mais je note que le débat a déjà porté ses fruits et que des parlementaires ayant initialement exprimé des réticences sur cet article 20 en ont perçu progressivement l’intérêt et les potentialités et ont fait part de leur volonté d’y revenir dans un autre cadre, selon un autre calendrier.
Je vous indique donc ici que ma détermination à conduire cette réforme de l’inspection du travail est inchangée : parce que je crois que l’inspection du travail le mérite, pour ses valeurs, pour son histoire ; parce que je crois que l’inspection du travail en a besoin, pour répondre au mieux aux enjeux actuels ; parce que je crois que les salariés et les entreprises ont besoin d’une inspection du travail efficace, protectrice des droits des individus et protectrice des entreprises qui respectent ces droits et n’ont pas à subir la concurrence de celles qui ne les respectent pas.
Je ferai donc dans les prochains jours des propositions de méthode et de calendrier pour que cette réforme continue à se faire, comme depuis dix-huit mois, dans le dialogue et la concertation. Nous aurons certainement l’occasion d’en reparler ici.
Je conclus en vous remerciant collectivement pour votre contribution à ce débat qui aura été pour moi un grand plaisir, d’un point de vue politique comme intellectuel.
Plaisir d’échanger, désir de faire avancer de belles réformes à travers des débats parlementaires qui, même dans des délais très courts, ont permis de bonifier le texte sur de nombreux points. Le premier est la formation professionnelle bien sûr, avec par exemple la mutualisation vers les petites entreprises, les publics prioritaires au titre du compte personnel, la qualité des formations, la VAE… Je pourrais citer beaucoup d’autres exemples d’enrichissements apportés par votre assemblée comme au Sénat. Mais il y a aussi la démocratie sociale, en particulier avec le traitement des organisations patronales dites multiprofessionnelles, qui ont trouvé leur place grâce à ce texte. Des amendements issus de tous les groupes ont été adoptés dans les deux chambres. Les deux rapporteurs, Claude Jeannerot au Sénat et Jean-Patrick Gille ici, ont été d’une efficacité et d’une pédagogie remarquables et je tiens à les en remercier chaleureusement, ainsi que les équipes, jeunes ou moins jeunes mais tout aussi sympathiques (Sourires), qui les entourent.
Les deux présidentes de commission, Annie David et Catherine Lemorton, ont parfaitement su mener les débats de leur commission, comme d’habitude,…
…et sont pour beaucoup dans le succès de ces travaux. Qu’elles en soient remerciées, tout comme les présidentes et rapporteurs des commissions et délégations saisies pour avis, en particulier de la délégation aux droits des femmes.
Je vous invite donc, mesdames, messieurs les députés, à voter à une large majorité ce projet de loi qui, je le dis sans emphase, restera pour moi un des textes les plus importants de ce quinquennat et imprimera une marque profonde et positive pour notre démocratie sociale et notre système de formation professionnelle.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et UDI.
Monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je voudrais à mon tour adresser félicitations et remerciements. Je remercie tout d’abord Sylvie Loisel, qui m’a fait découvrir un autre pan du droit du travail. Finir avec la loi Sapin après avoir commencé à l’Assemblée avec les lois Auroux, c’est une belle continuité ! Je sais désormais la façon un peu particulière dont certaines dispositions essentielles peuvent être adoptées dans cette noble assemblée…
Je me félicite aussi de l’état d’esprit qui a régné lors de nos travaux et remercie tout particulièrement M. Cherpion de son exquise courtoisie qui ne se dément jamais, quelles que soient les circonstances, ou presque.
Rires.
Venons-en au texte lui-même. Je commencerai par ce que nous n’allons pas voter : l’article 20, consacré à l’inspection du travail. Après sa suppression par le Sénat, nous avons fait le choix délibéré de ne pas le réintroduire devant la commission mixte paritaire, ce qui aurait conduit à son échec. Mais cela demeure une réforme nécessaire. L’inspection du travail est un corps remarquable, dont l’indépendance est la substance même. Il n’a jamais été question de la remettre en cause. L’égalité entre hommes et femmes est un principe qui nous anime dans tous les secteurs de notre société et à l’heure où nous ressentons une impuissance à résorber les discriminations objectives, prouvées par les statistiques, il importe que nous nous dotions d’une inspection du travail plus efficace et plus puissante, d’autant que les fraudes s’internationalisent. Il faut donc la réorganiser, ce qui ne veut pas dire lui faire perdre son indépendance.
Pour la restructurer, le ministre du travail a choisi d’associer en un seul et même texte tous les éléments de la panoplie à sa disposition : réorganisation des unités, à travers les unités de contrôle, maintien des sections et des pouvoirs des inspecteurs, déploiement de nouveaux outils à travers les sanctions et la transaction pénale. Ce n’était pas une obligation, puisque l’organisation même de l’inspection du travail est de nature non pas législative mais réglementaire : je me réfère sur ce point à la décision du 17 janvier 2008 du Conseil constitutionnel, dont le considérant 14 est particulièrement clair.
Si le temps dont nous avons disposé pour discuter de l’ensemble de cette réforme a été limité, je le reconnais, il ne faut pas oublier qu’il y a eu une véritable concertation au sein du ministère du travail. Simplement, concertation ne veut pas dire codécision. Nos concitoyens doivent savoir que ce n’est pas parce que la concertation n’aboutit pas au résultat souhaité par certains qu’elle n’a pas eu lieu.
Reste que nous devrons remettre l’ouvrage sur le métier, toujours dans le souci de l’améliorer car on peut toujours améliorer les choses. Si nous avions bénéficié de plus de temps, peut-être que notre travail de conviction aurait pu être mené à son terme.
La réforme n’est pas immédiate, tant pis, mais elle ne doit pas être trop longtemps reportée car elle est indispensable.
Sur la question de la formation, la présente réforme est d’une ampleur qu’on ne mesure pas encore. Tout le monde a souligné que l’on passait de l’obligation de financer à l’obligation de former. Je n’y reviens pas, c’est une dimension acquise. Toutefois, le changement de nature intervenu entre le DIF et le CPF n’a quant à lui pas encore été pleinement pris en compte.
On passe d’une créance sur l’entreprise à une créance acquise dans l’entreprise, mobilisable à l’intérieur comme l’extérieur de celle-ci. Il ne s’agit pas simplement d’une portabilité généralisée, c’est un compte qui accompagne le salarié tout au long de sa vie. Après les débats en commission, en séance publique et en commission mixte paritaire sur la sanction d’une faute lourde du salarié, maintenue dans le texte des partenaires sociaux, je me rends compte que la portée de ce changement de nature, y compris chez ces derniers, n’avait pas été pleinement mesurée. Le créancier ou le débiteur de l’obligation de formation n’est plus simplement l’employeur. Il faut insister sur l’importance de cette rupture dont nous avons pu évaluer l’ampleur au fur et à mesure de l’avancée de nos travaux.
J’ajoute que la rénovation ne s’arrête pas là. Nous avons créé des outils qui permettront davantage que par le passé de mobiliser l’effort de formation professionnelle au bénéfice de ceux qui n’ont pas de formation. C’est le principe du socle et du droit opposable donné aux salariés qui souhaitent en bénéficier. Le CPF sera également mobilisable par les chômeurs alors que le DIF n’était que faiblement mobilisé, à hauteur de 6 % des salariés, et qu’il ne pouvait plus l’être une fois le préavis terminé.
Enfin, nous avons réformé la gouvernance de la formation professionnelle, à travers différentes institutions : je citerai simplement le CNEFOP et le CREFOP. Je salue aussi l’inventivité linguistique de notre rapporteur, à l’origine de l’acronyme mémorable de COPINEF, qui apporte le sourire même en matière de formation professionnelle.
Chacun sait que cette réforme a inquiété la CGPME, qui a suggéré certains amendements. Je n’ai pas de souci particulier, compte tenu de l’étude d’impact qui montre que toutes les entreprises de plus de dix salariés, dans l’état du droit actuel, consacrent davantage de moyens à la formation professionnelle…
Non ! Pas en moyenne mais prises tranche par tranche : de dix à cinquante salariés, de cinquante à cent, de cent à trois cents. Les sommes progressent, il est vrai, selon la taille de l’entreprise mais elles sont toutes supérieures au minimum légal. Il n’y a pas de raison que cela change à partir du moment où ce minimum légal est abaissé. Il y a toutefois un point auquel il nous faudra veiller. Nous y serons tous attentifs.
J’évoquerai brièvement l’apprentissage. Contrairement à ce que nous avons pu entendre, nous n’avons pas entamé la capacité des entreprises à financer directement les organismes de formation.
Non, monsieur Cherpion. Je ne vais pas me lancer dans une discussion technique sur la décomposition du financement de l’apprentissage… C’est tout un apprentissage que de la comprendre ! Mais le ministre devant notre assemblée et au Sénat a fait la démonstration comptable que les mêmes financements pouvaient être alloués, même si c’est selon des techniques différentes.
Passons maintenant à la question de la représentation patronale. Sur ce point, je veux redire que le parallélisme des formes entre les organisations salariales et les organisations patronales est en trompe-l’oeil. C’est vrai qu’elles partagent les mêmes valeurs républicaines et les mêmes exigences en matière de transparence. Mais on ne peut comparer les organisations syndicales, dans lesquelles un homme, une femme égale une voix, avec les organisations patronales dans lesquelles les adhérents sont des entreprises qui peuvent avoir des centaines de salariés comme ne pas en avoir du tout. De ce point de vue, nous étions obligés d’intégrer à la fois la notion d’adhésion individuelle de l’entreprise et leur diversité de taille. L’équilibre qui a été trouvé, issu du rapport de M. Combrexelle, me paraît relativement satisfaisant, outre le fait qu’il a recueilli l’accord des organisations patronales.
Je ne reviendrai pas sur le hors-champ, point déjà développé par Jean-Patrick Gille.
Pour finir, j’évoquerai la transparence. Le fonds paritaire de financement du dialogue social va permettre d’assumer le coût de la démocratie sociale de manière séparée du financement de la formation professionnelle. Je salue aussi l’effort de transparence qui porte sur les institutions représentatives du personnel et les comités d’entreprise : ils devront avoir recours à un trésorier, à un expert-comptable pour établir les comptes dès lors que les produits dépassent 153 000 euros, à un commissaire au compte au-delà de 3 millions d’euros – pour simplifier – et à une commission des marchés.
Je ne sais pas si cette réforme sera l’une des plus importantes de ce quinquennat, monsieur le ministre, mais ce ne sera en tout cas pas l’une des plus petites. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera sans aucune difficulté ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
Après un sprint parlementaire qui pourrait figurer dans le Guinness des records, nous arrivons au terme de l’examen de cette réforme de la formation professionnelle, de l’emploi et du dialogue social – ou, devrais-je dire plutôt, la réforme de la formation professionnelle, des contrats de génération, de la durée des contrats à temps partiel, de la représentativité patronale, du financement du paritarisme, de l’apprentissage et, à quelques jours près, de l’inspection du travail et de la prud’homie !
Ce texte, présenté comme « la » réforme de la formation professionnelle, qui est en réalité la simple transposition d’un accord national interprofessionnel non consensuel, et pour cause, est devenu un texte fourre-tout et mal préparé, nous en aurons une nouvelle preuve dans quelques instants avec de nouveaux amendements du Gouvernement.
Bref, un texte dans lequel vous avez essayé de placer un maximum de mesures n’ayant aucun lien avec l’Accord national interprofessionnel.
Afin d’atteindre votre objectif, vous avez, sous la pression de certains membres de votre majorité, retiré du texte d’abord les dispositions relatives aux prud’hommes, puis celles relatives à la réforme de l’inspection du travail, concernant tant ses moyens que sa structuration… Mais il fallait que le texte soit adopté avant la « trêve » des élections municipale ! Pourquoi cette précipitation ?
Le texte que vous nous demandez aujourd’hui de voter a battu un autre record : celui du plus grand manque de travail en amont, alors qu’il est censé n’être qu’une transposition. Ainsi, pour les vingt-deux articles du projet de loi, vous avez présenté au Parlement, à la dernière minute, en séance, cinquante-deux amendements gouvernementaux et cinq sous-amendements. Nous avons ainsi ce soir, avec les amendements complémentaires, près de trois amendements du Gouvernement pour chaque article de ce projet de loi qu’il a pourtant lui-même préparé. Un record !
Enfin, je souligne l’excellent travail de notre rapporteur, qui a permis d’améliorer certains points du texte et de le corriger, avec plus de deux cents amendements rédactionnels. Je remercie également les services de notre commission des affaires sociales qui, dans des délais aussi restreints, ont su apporter une contribution de grande qualité. Je me demande d’ailleurs si l’inspection du travail n’y trouverait pas à redire, monsieur le ministre ! Ces simples chiffres démontrent l’impréparation totale du Gouvernement. Ajoutons-y l’application de la procédure accélérée et du temps programmé, dans le but de sortir cette réforme du Parlement au forceps.
Sur le fond, si vous aviez présenté la réforme de la formation professionnelle, c’est-à-dire la simple transposition de l’Accord national interprofessionnel signé par les partenaires sociaux en décembre, et accepté tout ou partie de nos amendements, nous aurions pu nous abstenir, voire voter en faveur de ce texte. Bien qu’il subsiste un problème sur la mutualisation des fonds de la formation professionnelle pour les entreprises de moins de trois cents salariés, la réforme, ou du moins cette partie de la réforme, va dans le bon sens. Le compte personnel de formation, qui, rappelons-le, n’aurait pas été possible sans les réformes de 2004 et de 2009 concernant le DIF et la création du Fonds de sécurisation des parcours professionnels – un fonds paritaire – devrait constituer une simplification. Souhaitons qu’il réponde à la nécessité de formation des salariés et des demandeurs d’emploi !
La réforme responsabilise aussi les chefs d’entreprise, en passant d’une obligation de payer à une obligation de former. Je redoute toutefois les complexités liées à ce système, notamment en ce qui concerne la mise en oeuvre des listes, nombreuses, et le financement. Enfin, la clarification du financement du paritarisme était nécessaire et ce projet de loi va donc dans le bon sens.
Malheureusement les points négatifs sont très nombreux. Je vais revenir rapidement sur certains d’entre eux. Le plus important concerne l’apprentissage. Ainsi que j’ai eu l’occasion de vous le dire à cette tribune à plusieurs reprises, monsieur le ministre, l’apprentissage est en très forte baisse dans notre pays : 8 % de signatures de contrat en moins en 2013, soit 24 000 apprentis de moins, et ce chiffre sera encore plus important en 2015. Or vous avez inséré dans ce texte, par voie d’amendement et donc sans évaluation préalable, à une heure tardive, comme je l’avais signalé, une réforme de son financement. Vous allez ainsi prélever plus de 380 millions d’euros sur les entreprises pour masquer le désengagement de l’État et répondre à la compensation légale de transferts de compétences aux régions. Cette disposition avait par ailleurs été invalidée par le Conseil constitutionnel, et nous ne pouvons pas accepter qu’elle soit réintroduite de cette manière.
En ce qui concerne la représentativité patronale, dont la réforme, nécessaire, n’avait pas été intégrée dans la loi de 2008, un point est particulièrement dommageable : vous n’avez pas accepté de reconnaître, quoi qu’en dise Denys Robiliard, que le poids d’une entreprise de 10 000 salariés n’est pas le même que celui d’une entreprise de 10 salariés. Ce système va priver des entreprises, voire des branches professionnelles, d’une légitime représentativité. Vous créez ainsi une représentation patronale non représentative : c’est un comble ! Ce texte crée sur ce sujet un déséquilibre profond.
Vous modifiez par la même occasion deux dispositifs qui, pour être courtois, fonctionnent mal ; nous vous avions du reste prévenu lors de leur adoption. Ainsi vous allez ouvrir les aides des contrats de génération aux entreprises de cinquante à trois cents salariés, tout en les obligeant à y recourir. Avec vous, c’est, comme d’habitude, la carotte et le bâton – surtout le bâton ! Vous rallongez par ailleurs le délai de négociation pour déroger à la durée minimale de 24 heures des contrats à temps partiel. Vous reconnaissez donc implicitement votre erreur mais, sous la pression de votre majorité, vous reculez en différant l’application de la mesure au lieu de la supprimer.
Lors de la discussion au Sénat, vous avez retiré votre projet de réforme de l’inspection du travail, qui était selon nous inacceptable. Mais ne soyons pas dupes : si vous aviez pris, ou pu prendre, une semaine de plus, ce que nous aurions souhaité, vous seriez passé outre le vote du Sénat en forçant le passage à cette réforme. Il ne fait pas de doute que vous reviendrez sur ce sujet après les élections : vous venez d’ailleurs de nous le confirmer à l’instant, monsieur le ministre. Nous y serons tout autant opposés que nous l’avons été ces dernières semaines.
Ce texte, qui aurait pu et qui aurait dû être un texte de progrès, a été mal préparé et manque son objectif, malgré la densité du travail parlementaire – nous n’avions pas d’autre choix ! Encore une fois, monsieur le ministre, le Gouvernement se trouve en contradiction avec ses discours sur le pacte de responsabilité, le pacte de compétitivité et le choc de simplification. En conséquence, le groupe UMP votera contre ce texte.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, chère Catherine, monsieur le rapporteur, cher Jean-Patrick Gille, père du COPINEF, mes chers collègues, alors que le Gouvernement nous présente ce texte comme le plus important de la législature sur le travail et la formation, ainsi que M. le ministre vient de nous le dire,…
Non : l’un des plus importants !
Soit ! Alors que nous attendions effectivement un projet de loi ambitieux réformant profondément la formation professionnelle, nous faisons le constat, avec Francis Vercamer, que ce texte n’est pas en mesure de répondre aux défis actuels, en particulier en matière d’apprentissage et de formation.
Oui, monsieur le ministre, il y a urgence : urgence sociale, qui nécessite une mobilisation très forte ; urgence parce que le chômage continue de frapper encore et encore, hélas, en dépit de la promesse restée vaine ces derniers mois ; urgence parce qu’au moment où il faudrait libérer toutes les énergies, elles ont été contraintes, muselées, découragées ; urgence parce que vous avez matraqué les ménages et les entreprises – je ne reviendrai pas sur les impôts supplémentaires que vous avez levés ces dix-huit derniers mois ; urgence parce que la politique de votre gouvernement, monsieur le ministre – pas encore tout à fait « votre » gouvernement ! – a profondément nui à la compétitivité de nos entreprises, avec un taux de marge aujourd’hui le plus bas depuis trente ans.
Oui, il y a urgence. Mais plutôt que ce texte dont M. Cherpion a dit à juste titre qu’il avait été rédigé à la va-vite, présenté en outre en procédure accélérée, nous attendions du Gouvernement une mobilisation nationale sur ce sujet essentiel pour notre pays qu’est la formation professionnelle. Sur ce sujet crucial, vous qui avez la sagesse du panda, monsieur le ministre, avez fait le choix du sprint, imposant des conditions de travail difficiles, souvent à des heures tardives, avec des amendements présentés en dernière minute. Ce travail n’a donc pas été accompli dans de bonnes conditions.
La formation professionnelle, c’est d’abord une question d’efficacité de la lutte acharnée qui doit être menée contre le chômage. C’est aussi une question structurelle, touchant à la compétitivité de nos entreprises et se fondant sur les coûts et sur la qualification de leurs salariés. Or la France compte cette année 24 000 apprentis de moins que l’année dernière, alors même que le Gouvernement a affiché l’objectif de passer de 435 000 jeunes actuellement en alternance à 500 000 en 2017. Ainsi, les entrées en apprentissage ont reculé de manière significative : moins 8,1 % en 2013, après trois années de hausse continue. Même en 2009, au coeur de la crise, le nombre de contrats d’apprentissage signés avait été meilleur !
Il est évident, monsieur le ministre, que votre politique y est pour beaucoup, entre la loi Peillon et la réduction en loi de finance de 20 %, soit 550 millions d’euros, des aides à l’apprentissage. À titre de comparaison, alors que la France compte trois fois plus de jeunes chômeurs que l’Allemagne, elle compte trois fois moins d’apprentis. Dans le même temps, l’Allemagne a ramené l’âge d’entrée en apprentissage à 13 ans quand vous, vous l’avez porté à 16 ans. Nous devrions tirer les conclusions qui s’imposent de ces chiffres.
Une meilleure formation professionnelle est une garantie tant pour les salariés, qui pourront conserver leur emploi ou évoluer professionnellement, que pour les demandeurs d’emploi, qui verront de plus grandes opportunités s’offrir à eux. Dans le même temps, une meilleure formation professionnelle constitue indéniablement un atout pour les entreprises, qui pourront ainsi gagner en compétitivité grâce à des salariés qui sauront répondre aux nouveaux défis technologiques et auront développé de nouvelles compétences et connaissances.
Nous saluons bien entendu l’accord signé le 14 décembre 2013 par la majorité des partenaires sociaux, à l’exception de la CGT et de la CGPME. Un tel accord, issu de la démocratie sociale, entraînera sans doute une stabilité juridique, élément essentiel de la confiance tant des entreprises françaises que des citoyens dans leur ensemble. Ce projet de loi est la traduction législative de cet accord et bien des dispositions nous en semblent utiles, en principe du moins. Qui s’opposerait en effet à la création du compte personnel de formation, à la simplification des modalités de financement par les employeurs de la formation professionnelle continue ou encore à l’organisation du réseau des centres de formation d’apprentis ?
Mais, une fois encore et en dépit des grandes ambitions affichées d’emblée par le Gouvernement, ce qui nous frappe et nous déçoit, monsieur le ministre, c’est l’absence d’une véritable perspective. En effet, vous avez voulu donner plus de compétences aux régions en matière de formation et d’orientation professionnelles. Nous ne contestons pas les missions essentielles que les régions peuvent remplir en la matière, en relation logique avec leurs compétences en matière de stratégie de développement économique de leurs territoires : c’est un point sur lequel nous avions fortement insisté lors des réformes précédentes, sans avoir été entendus à l’époque, je vous l’accorde. Néanmoins, ce projet de loi procède à des ajustements sans réelle vision d’ensemble de la refonte de la carte territoriale et de ses conséquences sur les compétences exercées par les différents niveaux d’administration publique locale. Nous ne pouvons que le déplorer.
En outre, nous contestons, tant sur le fond que sur la forme, les mesures proposées pour l’apprentissage. Sur la forme, les amendements gouvernementaux présentés nuitamment, à la dernière minute, sans examen par la commission, n’ont fait que compliquer encore la tâche du Parlement dans l’examen de ce texte et témoignent de l’impréparation du Gouvernement. Cela étant, monsieur le ministre, je tiens à vous dire que nous avons eu grand plaisir, avec Francis Vercamer, à travailler avec vos services ainsi que votre cabinet.
Sur le fond, le groupe UDI a toujours considéré que l’apprentissage était un sujet d’une importance cruciale et fondamentale pour l’avenir de notre jeunesse et pour l’emploi. Nous aurions espéré un consensus, une large consultation, bref une réforme d’ensemble et non ces deux amendements sur la redistribution de la taxe d’apprentissage. Comme nous n’avons cessé de le répéter, l’apprentissage doit impérativement faire l’objet d’un plan global mobilisant la représentation nationale et tous les acteurs, les entreprises privées comme l’ensemble des fonctions publiques.
Le groupe UDI appelle de ses voeux la promotion d’une réelle ambition pour l’apprentissage. Il est grand temps d’ériger cet outil d’insertion professionnelle majeur comme priorité nationale, avec des régions en puissants chefs de file, une meilleure lisibilité et cohérence des acteurs ou encore une simplification des systèmes d’aide aux entreprises et des circuits de financements. Nous devons constituer une grande filière de formation d’excellence par l’apprentissage, car c’est souvent la porte d’entrée de très belles carrières.
Je reviendrai également sur les dispositions qui ne figuraient pas dans l’Accord national interprofessionnel et que le Gouvernement a cru bon de rajouter à ce texte, sans aucune concertation ni étude d’impact. Des mesures concernant les prud’hommes figuraient dans l’avant-projet de loi, mais le Gouvernement a fait le choix de les retirer du texte présenté au Parlement, ce que nous ne pouvons que saluer. Il n’en avait pas été de même avec la réforme de l’inspection du travail, qui suscitait pourtant de vives inquiétudes des inspecteurs du travail eux-mêmes et des organisations syndicales les représentant.
L’absence de concertation ainsi que les conditions d’examen de ce texte, en procédure accélérée, n’ont pas permis un débat de fond suffisamment attentif aux enjeux de ce corps de l’État qui est essentiel pour les droits de nos compatriotes. Les députés du groupe UDI se félicitent donc, comme le rapporteur, du rejet de l’article 20 par le Sénat, article qu’ils avaient eux-mêmes combattu sans succès dans cet hémicycle. Des réformes des prud’hommes et de l’inspection du travail ne pourront se faire que dans la concertation et le consensus. Nous espérons donc, comme vous l’avez précisé, monsieur le ministre, que le Gouvernement s’attachera à créer un climat propice lors des discussions à venir sur ces sujets.
Vous l’aurez compris, nous regrettons qu’en dépit des nombreuses propositions constructives émises tout au long du débat, le Gouvernement n’ait pas eu plus d’ambition pour la formation professionnelle. Nous ne pensons pas que ce texte soit en mesure de répondre à la situation de crise que connaît notre pays, de lutter efficacement contre ce fléau que constitue le chômage, des jeunes en particulier, et de relancer massivement l’apprentissage. En outre, cette réforme ne résout en rien la complexité des acteurs de la formation professionnelle et de son financement à plus de 32 milliards d’euros.
La rénovation de notre démocratie sociale, frappée par le foisonnement des organismes, doit être une priorité. Je salue, à titre personnel, les avancées réalisées en matière de démocratie sociale dont vous venez de parler, monsieur le ministre. Néanmoins, nous n’oublions pas que ce projet de loi tire son origine d’un accord national interprofessionnel signé par les partenaires sociaux. Viscéralement attachés au dialogue social, nous ne pouvons pas nous opposer à une avancée, même réduite, vers une amélioration sociale qui fait l’objet d’un consensus. C’est pourquoi, le groupe UDI s’abstiendra sur ce projet de loi.
Nous voici arrivés au bout de l’examen marathon d’un projet de loi important visant à réformer, en trois semaines ! la formation professionnelle et la démocratie sociale. Le rythme auquel s’enchaînent les propositions de loi tendant à améliorer les droits des salariés et l’accès à l’emploi bouscule la démocratie parlementaire. Ces derniers jours, nous avons fait progresser la lutte contre le dumping social, le soutien à l’économie réelle face à la finance et le statut des stagiaires. Dès le mois d’avril, nous examinerons le projet de loi sur l’économie sociale, cher aux écologistes en raison du mode de fonctionnement des employeurs de ce secteur au sein duquel un homme ou une femme égale une voix. En effet, renforcer la démocratie sociale, c’est réaffirmer notre engagement pour une citoyenneté active au sein de l’entreprise comme dans la cité, pour une participation des salariés, pour l’innovation et l’initiative. C’est garantir les contre-pouvoirs au-delà de la seule intervention de l’État. C’est aussi garantir la loyauté des négociations. Ce sont non seulement des valeurs démocratiques, mais, au-delà, une question de pragmatisme.
Lutter contre la finance et le sentiment d’impuissance, c’est aussi donner des moyens et un pouvoir d’agir aux salariés, aux petites entreprises, aux coopératives, aux artisans… bref aux humains face aux capitaux. Je salue le travail parlementaire de qualité que nous avons mené ici. C’est dans un climat constructif que le projet de loi a évolué de manière positive et que certaines positions portées par les écologistes ont pu être intégrées au texte. J’en profite moi aussi pour remercier le rapporteur Jean-Patrick Gille, qui a accompli, en dépit des délais, un remarquable travail collectif de coordination et de fond sur ce texte, ainsi que vous-même, monsieur le ministre, et votre équipe.
J’entrerai dans le vif du sujet avec l’avancée principale de ce texte, à savoir la création du compte personnel de formation. Nous nous en sommes ici toutes et tous félicités. Le compte personnel de formation constitue une avancée en ce qu’il permettra la création d’un droit universel à la formation tout au long de la vie, principe que nous défendons. Directement rattaché à la personne, il l’accompagne pendant toute sa vie professionnelle. Mais nous avons également, depuis le début des discussions, unanimement pointé que 150 heures ne permettaient pas d’accéder à une formation qualifiante. C’est pourquoi les écologistes ont défendu dès le départ la possibilité de renégocier ce volume horaire par conventions de branche et d’assurer des abondements adaptés à chacun. Nous en avons débattu ici même et nos collègues sénateurs y ont partiellement répondu. Nous nous félicitons également que le plancher des 150 heures puisse être obtenu en sept ans plutôt qu’en neuf.
Les écologistes ont été également très attentifs à une meilleure prise en compte des publics cibles, grâce notamment à une mesure qui a permis de rendre le compte personnel de formation plus équitable envers les demandeurs d’emploi et les salariés à temps partiel, en insertion et à bas niveau de formation initiale. Nous avons pour cela présenté de nombreux amendements et obtenu des possibilités d’abondements supplémentaires, fléchés vers trois catégories prioritaires : les salariés exposés à des facteurs de pénibilité, les salariés menacés par des évolutions économiques ou technologiques et les salariés à temps partiel, ce que renforce l’accord trouvé en commission mixte paritaire, lundi dernier. Par ailleurs, il était indispensable que les droits soient ouverts à des publics supplémentaires tels que les intermittents du spectacle et les travailleurs d’établissements et services d’aide par le travail, ce que ne prévoyait pas le texte initial. C’est chose faite. Ces publics pourront bien bénéficier du compte personnel de formation. Comme je l’ai déjà dit, l’étape suivante est d’en ouvrir l’accès aux fonctionnaires.
S’agissant du service public de la formation professionnelle, alertés par l’AFPA, nous avons défendu une sécurisation de ses biens immobiliers. Nous avons là aussi été entendus et l’AFPA reste ainsi un centre de formation au statut particulier et, à ce titre, protégé des logiques parfois mortifères de la concurrence.
Ce texte prend de surcroît les devants de la loi de décentralisation que nous examinerons bientôt. Les écologistes sont convaincus que la région est un bon échelon pour développer et traiter des problématiques d’orientation, de formation et d’emploi. Ce projet de loi prend en compte la notion de territoires, de bassins de vie et la mobilité choisie des individus. La future loi de décentralisation devra prendre en considération cette réalité des compétences des régions et procéder, nous semble-t-il, à une réforme fiscale qui leur ouvre une autonomie financière leur permettant d’assurer pleinement leurs nouvelles compétences.
Ici aussi, les débats parlementaires ont permis de clarifier leur rôle, notamment leurs compétences s’agissant de nouveaux publics, comme les personnes en situation de handicap par exemple. La région doit jouer un rôle dans le domaine de l’emploi et de la formation. Les écologistes ont proposé d’en faire l’acteur principal, qu’il s’agisse des formations collectives pour les demandeurs d’emploi ou de celles proposées par Pôle emploi. Lundi, en commission mixte paritaire, nous avons apporté un éclaircissement bienvenu en précisant que Pôle emploi devra passer une convention avec la région pour l’achat de formations collectives.
En lien avec cette volonté décentralisatrice, les écologistes demandent également le renforcement des outils territoriaux de gouvernance partagée. Ainsi, pour permettre une vraie diversité et une bonne représentativité au sein des instances régionales et nationales, ils ont estimé nécessaire d’ouvrir le droit de participer aux dispositifs de financement à l’ensemble des acteurs locaux. À ce sujet, le deuxième volet du texte, sur la démocratie sociale, a lui aussi bien évolué pendant les débats parlementaires.
Ainsi, les acteurs dits du hors-champ, c’est-à-dire des secteurs de l’économie sociale et solidaire, de l’agriculture ou des professions libérales, qui fédèrent un tiers de l’activité économique et des emplois en France, trouvent enfin leur place dans les instances de l’emploi, de l’orientation et de la formation. Si nous approuvons la volonté de s’appuyer sur le dialogue social, donc sur les négociations entre partenaires sociaux, il faut aller plus loin en ce sens. Pour cela, et surtout pour que cette méthode soit efficace et équitable dans les accords conclus, il est indispensable que le nombre de salariés syndiqués évolue. Nous avons redonné sa force au dialogue social. Cela devrait permettre le renforcement du syndicalisme.
La démocratie sociale n’est cependant qu’un des piliers d’une démocratie active, vivante, innovante et inclusive. Si la démocratie institutionnelle est bien entendu nécessaire à la décision publique, nous devons soutenir la démocratie participative, notamment celle qu’on nomme « 2.0 ». Celle-ci s’essouffle aujourd’hui, car elle n’est pas suffisamment prise au sérieux, en dépit des efforts que déploient ses militants et acteurs. La décentralisation implique nécessairement de renforcer sa pratique, car les bonnes idées ne viennent pas toujours d’organisations corporatistes.
Par ailleurs, la formation professionnelle doit être un levier pour l’adaptation aux changements et aux besoins de la société. Nouvelles technologies ou techniques, nouveaux modes d’échanges, nouvelles filières, nouveaux métiers : la formation professionnelle est à la fois une opportunité d’émancipation individuelle, mais également une manière d’anticiper les transitions. Je le disais lundi soir, ici même, à propos de la proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle, nous devons réorienter nos modes de productions vers les circuits courts, vers la sobriété énergétique, vers des modes de production et de consommation plus soutenables. Nous devons également restaurer le lien social, apprendre à vivre mieux ensemble et, pour cela, renforcer l’éducation, l’animation et le soin apportés aux plus fragiles.
Dans ce cadre, les activités que nous devons favoriser doivent être socialement utiles. Ce sont celles des filières d’avenir, que nous évoquons à chaque texte, mais aussi l’éducation et la santé. La formation professionnelle a plus qu’un rôle à jouer, elle a la responsabilité d’accompagner ces mutations et cette transition écologique. Les amendements de Denis Baupin vont dans ce sens, leur adoption est une avancée non négligeable. Pour cela, la dimension qualitative est évidemment fondamentale.
Le texte final renforce cette exigence en intégrant la qualité des actions de formation dans le code du travail et en posant l’exigence pour les financeurs publics et paritaires de la formation professionnelle de s’assurer de la capacité des prestataires de formation à réaliser une formation de qualité. Les régions devront, bien sûr, s’impliquer dans cet enjeu. Les écologistes ont défendu la volonté de mettre la formation professionnelle au service de la transition écologique. Ils ont été entendus dans une certaine mesure. Cette position doit continuer à être portée dans les régions, et nous y veillerons.
Enfin, nous sommes bien entendu satisfaits, monsieur le ministre, que le volet concernant l’inspection du travail n’ait pas été réintroduit en commission mixte paritaire après à sa suppression au Sénat. Nous avions depuis le début exprimé notre désaccord et avions voté contre l’article 20 en première lecture. Je vous l’ai dit, monsieur le ministre, on ne peut pas utiliser et valoriser la méthode du dialogue social et passer outre les inquiétudes des inspecteurs du travail. Il est nécessaire de prendre le temps d’une vraie discussion avec eux pour une réforme qui les concerne directement et qui, je le rappelle, peut-être utile.
Ce texte est un premier pas indispensable et comporte des avancées dans plusieurs domaines. Alors que les parcours professionnels se font parfois chaotiques, les temps entrecoupés sans emploi doivent permettre de se former afin de pouvoir se reconvertir. Il nous faut continuer dans cette direction et aller plus loin vers la construction d’un droit universel à la formation tout au long de la vie. Nous en reparlerons à l’occasion des prochains textes sur la décentralisation, sur l’économie sociale et solidaire et bien entendu sur la transition énergétique, texte dont, vous l’avez compris, nous attendons beaucoup. Les écologistes voteront ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Depuis sa prise de fonction, le Gouvernement a lutté sans relâche contre le chômage. J’en profite pour saluer ici son action et lui renouveler tout notre soutien. Même si les résultats globaux sont encore timides, le chômage des jeunes baisse sensiblement et nous sommes, j’en suis persuadé, sur le bon chemin. Aussi, ce présent projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale renforcera, je le crois, notre arsenal pour inverser définitivement et durablement cette fameuse courbe du chômage.
Le potentiel humain est la principale richesse de nos entreprises et sa valorisation peut en faire un véritable moteur pour la croissance. Pourtant, notre système de formation reste complexe, cloisonné et même parfois opaque. Depuis 1971 et la création de la formation professionnelle, les besoins ne sont plus les mêmes et si de nombreuses réformes ont permis quelques adaptations, aucune réforme globale n’a été entreprise.
Après les emplois d’avenir, les contrats de génération et la sécurisation de l’emploi, cette réforme globale était donc attendue pour placer l’individu au coeur du dispositif et passer d’une obligation de payer à une obligation de former.
Rappelons déjà que ce projet de loi rapporte le résultat d’une négociation sociale fructueuse qui a débouché sur un accord national interprofessionnel. C’est votre méthode et c’est la bonne. La mesure phare de ce texte réside dans la mise en place du compte personnel de formation créé par la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi.
Le compte personnel de formation constitue un outil privilégié dans la réforme de notre système de formation. Ce dispositif permettra enfin à un grand nombre de salariés et de demandeurs d’emploi de mieux se responsabiliser pour mieux se former. Surtout, les nouveaux droits acquis au titre de ce compte seront attachés à la personne et ouverts dès l’entrée dans la vie professionnelle jusqu’au départ en retraite. Nous sommes bien loin du DIF, comme nous l’a très bien expliqué M. Robiliard.
Ces nouveaux droits acquis seront comptabilisés en heures et mobilisés volontairement et librement par la personne titulaire, qu’elle soit salariée ou demandeuse d’emploi. C’est donc un très bon projet, qui doit permettre à quiconque de rebondir dans sa vie professionnelle, volontairement ou lorsque la fatalité des situations l’impose.
L’augmentation du plafond à 150 heures, qui représentent le minimum horaire pour une formation qualifiante, est une avancée significative, que nous saluons également.
Sur le fond, les radicaux de gauche, et ils ne sont pas les seuls, ont toujours défendu l’idée qu’il fallait instaurer une formation continue effective tout au long de la vie. Nous pensons même que ce droit doit être d’autant plus élevé que la formation initiale aura été courte. La mise en oeuvre du compte personnel de formation est donc une excellente chose.
Pour que l’offre de formation soit complète, adaptée à la demande, il fallait simplifier son organisation et son financement. Dorénavant, la région prendra un rôle majeur dans le service public régional de la formation professionnelle, en l’organisant et en le finançant. Afin de garantir l’accès à la qualification, elle sera désormais compétente vis-à-vis de tous les publics. Son rôle est également intensifié dans l’organisation du service public régional de l’orientation tout au long de la vie, mais aussi dans le cadre de l’apprentissage, avec notamment une compétence exclusive en matière de création des centres de formation d’apprentis.
L’apprentissage est, en effet, un vrai défi à relever. Avec le maintien des aides et un fléchage mieux ciblé, avec une plus grande part de la taxe d’apprentissage vers les centres de formation, les choses vont s’améliorer car, pour lutter contre la persistance des stéréotypes sur l’apprentissage, il faut bien sûr valoriser cette voie de formation, qui souffre toujours aujourd’hui d’une image négative. Oui, mes chers collègues, l’apprentissage est malheureusement souvent considéré comme une voie de garage alors qu’il constitue pourtant un véritable rempart contre le chômage et une perspective d’emploi pérenne pour des jeunes à la limite de quitter le système scolaire.
Je note aussi que l’article 8 du présent projet renforce les missions assignées aux CFA à travers la pédagogie, l’assistance aux apprentis et à ceux qui veulent l’être, et un accompagnement matériel et social.
Le titre II du projet, relatif à la démocratie sociale, apporte de la transparence : sur la représentativité des organisations patronales, afin de sécuriser la négociation collective à tous ses niveaux ; sur le financement des organisations syndicales et patronales et la création d’un fonds paritaire qui répartira les crédits objectivement ; sur les comptes des comités d’entreprise, avec une législation mieux adaptée. Là encore, il fallait le faire.
Saluons également la volonté de transparence sur les négociations préélectorales ainsi que le protocole négocié pour que les élections des représentants du personnel se déroulent dans les meilleures conditions possibles.
Concernant les comités d’entreprise, les mesures proposées renforcent la légitimité de ces instances, sur lesquelles pèse depuis trop longtemps un climat de suspicion. Il était temps d’en finir avec cette réglementation opaque qui prévalait, réglementation propice à une gestion inefficace dénoncée à maintes reprises par la Cour des comptes et par des rapports parlementaires souvent alarmistes.
Il fallait que ce projet de loi soit voté avant la fin du mois, à la demande du Gouvernement, et ce sera donc chose faite. Pour l’efficacité, nous nous en félicitons, même si nous regrettons, une nouvelle fois, que les radicaux de gauche ne soient pas présents au sein de la commission mixte paritaire. Nous en avons malheureusement l’habitude, et ce n’est pas une bonne habitude.
Le groupe des radicaux de gauche et apparentés votera ce texte, pour une réforme profonde de la formation professionnelle, au service de l’emploi et du développement personnel des individus. Nous sommes à vos côtés, monsieur le ministre, et à ceux du Président de la République pour gagner la bataille de l’emploi. Vous connaissez notre loyauté. Nous connaissons votre détermination.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’issue de la commission mixte paritaire, nous voici amenés à nous prononcer sur un texte finalement expurgé de tous ses cavaliers législatifs.
C’était d’abord l’article 19 qui, dans le texte initial, envisageait de supprimer purement et simplement les élections prud’homales, un article que vous avez eu la sagesse d’enlever de votre propre initiative, face à l’ampleur des protestations et à la mobilisation des organisations syndicales, notamment la CGT.
C’est maintenant l’article 20 du texte que nous avons examiné en séance, lequel réorganisait en profondeur les modalités de fonctionnement de l’inspection du travail, non à votre initiative cette fois-ci, mais face à l’opposition du Sénat et à l’impossibilité d’obtenir un consensus en CMP, ce qui aurait empêché l’adoption du texte avant l’interruption de nos travaux à la fin de la semaine. C’est une bonne nouvelle, qui correspond à ce que nous demandions depuis le début des débats, non parce que nous serions opposés à toute réforme, mais parce qu’il n’est pas acceptable de la traiter ainsi.
Je maintiens en effet que les responsabilités exercées par l’inspection du travail au service de la protection des salariés constituent un sujet trop important et trop complexe pour être abordé sans prendre le temps de la concertation avec les professionnels concernés et les organisations syndicales de salariés, pour être examiné au Parlement dans l’urgence et au détour d’un texte sur la formation professionnelle.
II soulève en effet des questions de fond : la menace sur l’indépendance effective des agents, même si ce principe reste énoncé dans les textes, la dépénalisation dans les faits de pans entiers du droit du travail, en dépit des dénégations de notre rapporteur et de M. le ministre, dont l’argumentation ne nous a pas convaincus. Il en est ainsi d’ailleurs, en raison du nombre anormalement bas de poursuites autorisées par les procureurs de la République.
C’est une évidence, la réforme de l’inspection du travail, avec l’objectif d’en améliorer l’efficacité et le fonctionnement face aux mutations actuelles et à l’accroissement des missions qui lui sont confiées, encore lundi dernier avec le contrôle de la conformité des stages en entreprise, exige d’être traitée sérieusement dans le cadre d’un texte spécifique, qui devra également aborder, bien sûr, la question des moyens financiers et humains pour être efficace.
Enfin, je répète que cet article 20 n’a pas sa place dans ce projet de loi sur la formation professionnelle, où il constitue un cavalier législatif, et je veux croire qu’il ne trouvera pas une autre monture pour être adossé de façon artificielle à un autre texte.
J’en viens maintenant au coeur du sujet, à savoir la formation professionnelle, les dispositions de ce texte étant issues d’un accord national interprofessionnel signé par l’ensemble des organisations syndicales et patronales, à l’exception de la CGT et de la CGPME.
Cette réforme était très attendue, elle était même indispensable dans un contexte de chômage de masse et de mobilité professionnelle accrue. La première raison est donc l’importance considérable de la formation professionnelle dans un monde du travail où les carrières évoluent rapidement et où les salariés connaissent plusieurs expériences professionnelles. Partant, la deuxième raison est la nécessité d’améliorer la qualification et les compétences des travailleurs. Il s’agit là d’un levier puissant, où se conjuguent, avec des salariés mieux formés et plus qualifiés, lutte contre le chômage et compétitivité accrue pour les entreprises, je veux parler de la vraie compétitivité, et non du coût du travail. Enfin, troisième raison, il était urgent de réformer un secteur marqué par la complexité pour les salariés, mais aussi par l’opacité, voire le détournement, d’une partie des fonds destinés à la formation professionnelle.
Dans ce contexte, cette réforme aurait pu être consensuelle, car nous en partageons les objectifs. La création d’un droit à la formation professionnelle attaché à la personne est une mesure que nous réclamons avec force depuis longtemps. Nous nous réjouissons donc de la création du compte personnel de formation. Il en est de même pour l’amélioration du système afin d’en accroître la lisibilité pour les salariés et l’efficacité, et de passer, comme il est écrit dans l’exposé des motifs, d’une obligation de financer à une obligation de former. Il s’agit de parvenir à un réel droit à la formation professionnelle pour chaque salarié de ce pays, qui pourrait ainsi se former tout au long de la vie, évoluer, acquérir des compétences, au bénéfice de tous : le salarié, l’entreprise et le pays tout entier.
Mais, lorsque l’on étudie les dispositions précises du texte, force est de constater qu’une fois de plus, les actes ont du mal à atteindre le niveau des intentions. Les avancées sont réelles, mais insuffisantes, et nous craignons fort que ces lacunes ne rendent le dispositif sinon inopérant, du moins très limité, notamment pour celles et ceux qui en ont le plus besoin.
Première limite, le droit d’opposabilité est marginal. Je veux redire avec force que la lutte contre l’illettrisme n’est pas du ressort individuel d’un salarié mais relève de l’État, avec le concours des régions et des employeurs. Or, avec cette loi, vous faites finalement porter sur les salariés la responsabilité de leur situation, en leur enjoignant d’utiliser les heures durement et longuement accumulées pour simplement apprendre à lire et à écrire. Nous considérons, ce faisant, qu’il s’agit d’un dévoiement du droit d’opposabilité.
Quant aux salariés à temps partiel, qui, je le répète, sont à 80 % des femmes, ils subissent une double injustice : injustice car leur rythme d’acquisition des heures portées au compte de formation est proportionnel à leur temps de travail, un temps de travail subi pour l’immense majorité d’entre eux, qui voudraient travailler plus longtemps, alors que ce public a besoin plus que d’autres de formation professionnelle ; injustice encore quand vous reportez de six mois, à la demande du patronat, la mise en oeuvre de l’une des rares avancées de la loi dite de sécurisation de l’emploi, à savoir le plancher de vingt-quatre heures de travail hebdomadaire, une disposition qui arrange le patronat, comme le souligne le journal les Échos : « les organisations patronales qui ont signé l’accord sur l’emploi, et donc cette mesure sur les temps partiels, comptaient beaucoup sur ces accords de branche pour pouvoir déroger à la règle. » Ainsi, vous tendez la main aux entreprises, telles que celles de la grande distribution, que nous ne plaignons pas vraiment, plutôt qu’à leurs salariés, essentiellement des femmes.
De façon plus générale, le rythme d’acquisition des heures portées au compte n’est pas à la hauteur des enjeux. Certes, vous avez réduit de neuf à huit le nombre d’années à temps plein nécessaires pour avoir droit à 150 heures de formation, mais huit années, c’est encore long, surtout pour n’acquérir que 150 heures. Aussi, nous regrettons que vous ayez repoussé notre amendement qui réduisait à six le nombre d’années nécessaires, ce qui était déjà beaucoup.
Cette demande, pourtant légitime, se heurte, bien sûr, à la baisse massive du financement du régime général de la formation professionnelle, et c’est bien à nos yeux le point essentiel d’achoppement de ce texte.
Engoncé dans le carcan de la baisse du coût du travail, le Gouvernement a donc une fois de plus cédé. Les chiffres sont têtus : le financement du régime général de la formation professionnelle par le patronat est en baisse de près d’un tiers. Nous parlons ici de 2,5 milliards d’euros, ce qui est considérable, d’autant qu’à ce fort recul s’ajoute la possibilité pour les employeurs de déroger partiellement à leur financement du régime général en cas d’accord d’entreprise.
Pour conclure, si nous nous réjouissons du retrait de l’article traitant de l’inspection du travail, lequel nous aurait conduits à voter contre ce texte, nous considérons qu’en dépit d’intentions louables et de certaines dispositions positives, le compte n’y est pas, notamment au niveau financier. Pour ces raisons, les députés du Front de gauche s’abstiendront.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
C’est un très beau texte que nous allons voter dans quelques instants, et nous le ferons avec fierté. Fierté parce que ce texte concrétise une belle idée, que nous portons depuis longtemps : donner à chacun un droit réel à la formation tout au long de la vie. Un droit réel, oui, pour chacun et non collectivement, un droit transférable d’une entreprise à l’autre, à l’heure où les carrières ne se font plus du début à la fin dans la même. Un droit pour l’égalité réelle, c’est-à-dire un droit qui donne plus à ceux qui ont moins.
Fierté aussi parce qu’il apporte une nouvelle arme anti-chômage, à l’heure où celui-ci frappe durement le pays et où il ne faut céder à aucun découragement jusqu’à ce que ce mal soit renvoyé aux livres d’histoire.
Fierté, enfin, parce que malgré la crise, nous montrons avec ce texte, comme avec d’autres, que le progrès est possible. Pour nous d’ailleurs, il n’est de réforme qui mérite ce nom que celle qui est synonyme de progrès : progrès scientifique, technologique, mais pour nous, à gauche, progrès qui doit aussi être social. Le droit à la formation tout au long de la vie et le compte personnel de formation que nous créons aujourd’hui permettent aussi, au-delà de la lutte contre le chômage et de l’adaptation des salariés à leurs postes de travail, la progression professionnelle tout au long de la vie. À l’heure où le sentiment des jeunes qu’ils vivront moins bien que leurs parents est si fortement ancré dans notre pays, je crois que c’est un élément essentiel du retour de la France dans la bonne direction.
La création du compte personnel de formation ne règle pas tout. Il faudra bien sûr lui donner un contenu, au-delà de ce que fait déjà la loi. Alors que se déroule une négociation très importante sur le régime d’assurance chômage, j’invite les partenaires sociaux à se saisir pleinement de cet outil en direction des chômeurs. Alors que s’engage une nouvelle étape de décentralisation, j’invite les régions à se saisir pleinement de leurs nouvelles compétences en matière de formation. Leur tâche est immense. Il leur revient de créer un conseil en évolution professionnelle partout sur le territoire, efficace, pour permettre à chacun, dans toutes les étapes de sa vie, d’être orienté correctement, s’agissant à la fois du sens des formations à suivre et de leur qualité. Il leur revient aussi d’abonder ces comptes personnels de formation pour les publics prioritaires.
À l’heure, enfin, où les partenaires sociaux réfléchissent à l’invitation du Président de la République et du Gouvernement au pacte de responsabilité, je veux vous dire ici ma conviction. Je ne sais pas si notre pays a un problème de compétitivité coût ou hors coût. Je ne sais pas d’ailleurs si distinguer l’un de l’autre a du sens. Ce que je crois profondément, c’est qu’il n’y a pas de solution dans une fuite en avant vers la baisse des coûts, sauf à vouloir des salaires réduits à peau de chagrin et une protection sociale au rabais. Cette voie est sans issue.
La sortie est par le haut : l’investissement, dans la recherche, dans l’innovation, dans la robotisation et, oui, dans la formation.
Je veux dire à tous ceux qui réfléchissent en ce moment, et notamment aux partenaires sociaux qui se réuniront une première fois vendredi, que les fameuses contreparties du pacte de responsabilité peuvent aussi emprunter la voie de la formation. Il en est une qui est claire, simple, précise, chiffrable : c’est, comme le prévoit la loi, d’inviter tous les gestionnaires des fonds de la formation professionnelle, que ce soit au niveau interprofessionnel ou au niveau des branches et des entreprises, au niveau national ou régional, à flécher vers les comptes de formation une partie des moyens qui seront à leur disposition par le biais du crédit d’impôt compétitivité emploi ou des allégements complémentaires.
Lundi, nous avons adopté une loi très importante, la loi « Florange », pour sauver les usines rentables de ce pays. Mardi, nous avons encadré les stages, pour permettre aux jeunes qui en ont besoin de découvrir le monde de l’entreprise tout en évitant que les stages ne se substituent à de vrais contrats de travail. Aujourd’hui, nous créons le compte personnel de formation que nous attendons depuis si longtemps. Trois jours, trois lois ; chers collègues, nous pouvons être fiers, à la veille de cette trêve parlementaire, du travail que nous accomplissons ensemble pour l’emploi, la croissance et le progrès social.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.
La discussion générale est close.
Sur l’ensemble du projet de loi, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
J’appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire.
Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d’abord appeler l’Assemblée à statuer sur les amendements dont je suis saisi.
La parole est à M. Jean-Patrick Gille, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 2 .
Favorable.
L’amendement no 2 est adopté.
Je suis saisi d’un amendement rédactionnel no 3 du rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Favorable.
Avec cette série d’amendements, nous avons la confirmation que ce texte est arrivé trop vite sur nos pupitres, qu’il a été mal préparé. Après la CMP, en être encore à déposer des amendements rédactionnels montre l’ampleur du déficit de travail accompli en amont.
« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.
L’amendement no 3 est adopté.
Je suis saisi de quatre amendements rédactionnels, nos 4, 5, 6 et 1, du rapporteur.
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements adoptés par l’Assemblée.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 56 Nombre de suffrages exprimés: 54 Majorité absolue: 28 Pour l’adoption: 52 contre: 2 (L’ensemble du projet de loi est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes SRCRRDP.)
Je remercie chacun d’entre vous. Comme je l’ai dit en introduction, tout texte fait débat, tout texte vaut contradiction, y compris jusqu’au bout. Qu’un groupe ait choisi de voter contre celui-ci fait partie des règles de la démocratie. Il m’a toutefois semblé que, sur tous les bancs, chacun a pris de l’intérêt à parler de ces sujets et a apporté sa contribution à l’amélioration de ce texte. Même si vous avez travaillé rapidement, et je vous remercie de la manière dont vous avez surmonté cet obstacle, nous faisons aujourd’hui un bon travail, un beau travail. Je pense, mesdames et messieurs les députés, que vous serez fiers, dans la durée, du texte que vous venez d’adopter à une très large majorité. Je vous remercie individuellement et collectivement pour ce travail et pour ce vote.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
Vote sur l’ensemble
La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures cinquante.
L’ordre du jour appelle le débat sur l’accessibilité des services au public dans les territoires fragiles. Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce débat serait organisé en deux phases : après les interventions du Gouvernement et des orateurs de chaque groupe, il sera procédé à une séance de questions-réponses.
La parole est à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.
Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et messieurs les députés, je suis ravie d’avoir l’occasion d’échanger avec vous sur le thème de l’égalité des territoires et de l’accessibilité des services publics, puisque ces questions sont en lien direct avec les textes de décentralisation et de réforme de l’action publique sur lesquels nous travaillons avec Anne-Marie Escoffier. J’ai encore en tête les débats que nous avons eus, ici comme au Sénat, sur l’organisation des pôles territoriaux, dans le cadre de l’adoption du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et de l’affirmation des métropoles. Dans ce premier texte, en effet, figurent plusieurs mesures pour les territoires ruraux ou périurbains et apparaissent déjà les premiers outils pour les accompagner dans leurs initiatives et dans leurs projets, afin qu’ils participent à la même dynamique d’innovation et de croissance que celle que l’on constate dans les grandes métropoles. Je tenterai de vous répondre aussi précisément que possible sur les différentes propositions que vous formulerez.
Votre travail souligne la nécessité et l’urgence qu’il y a à agir. Plusieurs propositions ont déjà été traduites dans le droit et elles le seront bientôt dans les faits. Je pense notamment à la question de la mutualisation des moyens. C’est toute la philosophie du premier projet de loi qui a mis en place les outils efficaces d’une meilleure gouvernance. Je pense en particulier aux conférences territoriales d’action publique, que l’on doit en grande part à l’Assemblée nationale, chargées de favoriser un exercice concerté des compétences entre les différentes collectivités, mais aussi, s’agissant plus spécifiquement des débats d’aujourd’hui, aux pôles d’équilibre territoriaux et ruraux qui ont vocation, sinon à susciter les dynamiques, tout au moins à les accompagner sur le long terme. Les EPCI à fiscalité propre pourront même s’accorder pour leur confier de véritables missions et, s’ils le souhaitent, fusionner en leur sein.
Ont également été introduites, dans le champ de l’intercommunalité, des dispositions de nature à permettre aux petites communes et aux petites villes de supporter un avenir plus difficile en termes de moyens. Je pense notamment au coefficient de mutualisation pour les intercommunalités, sur lequel travaille en ce moment Anne-Marie Escoffier, mais il faudra sans doute plusieurs semaines, sinon plusieurs mois, pour trouver la bonne solution. La mutualisation est aussi un levier mis à la disposition des territoires les plus fragiles, pour acquérir véritablement l’esprit intercommunal qui concrétise la volonté d’un projet entre communes solidaires – je ne manque d’ailleurs jamais de souligner que l’intercommunalité d’Annonay a réussi avant bien d’autres à être exemplaire. Dans leur rapport, Mme Delga et M. Morel-A-L’Huissier recommandent la mise en oeuvre de schémas départementaux d’accès aux services. Jusqu’en 2006, date de leur suppression, il existait des schémas départementaux d’organisation et de modernisation des services publics. Il s’agit aujourd’hui de les réactiver, de les élargir, de les renforcer, de les rendre plus efficaces et de les mettre en cohérence avec les compétences des collectivités. Une dizaine de départements ont déjà commencé à travailler sur une préfiguration, sous l’égide du ministère du logement et de l’égalité des territoires de Cécile Duflot.
Tous les opérateurs publics et privés assumant une mission d’intérêt général sur le département ont vocation à être associés à leur élaboration. C’est d’ailleurs dans ces schémas que seront esquissées les grandes lignes de la répartition géographique des futurs relais de l’action publique – quelle que soit leur forme juridique – que le Gouvernement entend mettre en place avec tous les acteurs concernés. Mesdames et messieurs les députés, nous aurons, je l’espère, l’occasion de constater que nos positions se rejoignent : le développement des maisons de services publics que vous proposez figure dans le projet de loi sur l’égalité des territoires. Un fonds destiné à en financer la mise en place sera proposé par Mme Duflot pour faire de cette idée une réalité tangible.
La loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 définit un principe « d’égal accès au savoir et aux services publics sur l’ensemble du territoire » et confère à l’État le rôle d’assurer « la présence et l’organisation des services publics » dans le respect de ce principe. Nous allons enfin mettre les moyens en face de cette politique, de concert avec l’État et, je l’espère, avec les grands opérateurs. L’État lui-même doit revoir sa manière de fonctionner, en particulier l’État territorial. Depuis ma prise de fonction, c’est l’action publique prise globalement que je défends. Il n’y a pas des acteurs publics, des guichets, des locaux ou des maisons mais, pour les Français, il y a une action publique, une fonction publique et les élus sont tous, à un moment ou à un autre, perçus comme comptables des décisions prises par les uns ou par les autres, pour les uns ou pour les autres. Montrons à nos concitoyens notre capacité à converger là où ils nous attendent le plus.
La ministre de l’égalité des territoires et du logement a annoncé la mise en place de 1 000 maisons de service au public d’ici à 2017. Dans le cadre de la révision de la charte de la déconcentration et de la réforme du réseau des sous-préfectures, je réfléchis également, sous l’égide du Premier ministre, avec le ministre de l’intérieur Manuel Valls, à la manière dont nous devons avancer pour éviter de créer de nouveaux doublons. Cela est complexe, car il n’y aura certainement pas deux départements identiques. Mais l’enjeu est capital, puisque c’est celui de l’égal accès au service public, fondement de notre pacte républicain. Trop de nos compatriotes éprouvent des difficultés à accéder à l’emploi, aux transports et aux services essentiels, qu’ils soient publics ou privés, tels que les guichets bancaires, les pharmacies ou les médecins. Trop d’entre eux, dans les quartiers populaires comme dans les campagnes périurbaines, dans les petites villes frappées par la désindustrialisation et le départ des services publics, ou encore dans les zones hyper rurales ou montagnardes, madame Massat, nous expriment, très distinctement aujourd’hui, leurs besoins, leurs attentes et leurs fragilités.
Cette réalité menace ce qui fait une grande part de l’attractivité de nos territoires, de notre développement économique et de notre compétitivité internationale. Parce que je suis aussi, avec Anne-Marie Escoffier, responsable des collectivités, qui sont de bons relais, j’ai clairement conscience de ces difficultés. Certes, l’État et les collectivités publiques n’ont pas à répondre à l’objectif qui serait celui de mettre tout habitant à équidistance d’un service, qu’il habite en ville ou à la campagne. Ne mettons pas les villes à la campagne ! Le choix de vivre à la campagne a des avantages propres et la solidarité nationale ne pourra jamais prétendre combler les attentes des citoyens qui choisissent ou sont obligés de s’y installer, en espérant y trouver tous les avantages de la ville. Quand bien même nous le voudrions, les finances de notre pays, sur lesquelles veille Christine Pires-Beaune, et ses ressources foncières et naturelles ne le permettraient pas, mais ne pénalisons pas ceux qui y vivent, ceux qui y restent et ceux qui n’ont pas d’autres choix.
Il y a donc urgence à développer d’autres types de services, sur la base de nombreuses expériences qui ont déjà vu le jour : partage de personnel, stations itinérantes, regroupements de services publics ou privés. Parce que les difficultés de certains territoires se sont exacerbées, des réponses différenciées doivent aussi être trouvées dans les départements comme dans les régions. Voilà sans doute ce que j’ai entendu le plus souvent depuis vingt et un mois : la nécessité de reconnaître la diversité des territoires. Les réformes que nous conduisons visent à créer des territoires attractifs économiquement et socialement. Tel est, par exemple, l’objectif en matière de couverture numérique du territoire. Monsieur Morel-A-L’Huissier, vous qui tenez beaucoup à la notion d’adaptation du droit aux territoires,…
…demain, avec des schémas régionaux d’aménagement et de développement durable du territoire, rendus opposables et simplifiant les trop nombreux schémas régionaux existants, les élus pourront adapter les règles nationales aux réalités et aux diversités de leurs territoires. Voilà tout l’enjeu des conférences territoriales de l’action publique.
L’État doit aller plus loin et permettre aux territoires d’inventer des solutions adaptées à la relance d’une croissance solidaire. Nous proposons de transférer de nouvelles compétences aux régions en matière d’aides aux entreprises et de soutien à l’innovation, mais nous allons aussi consolider la compétence départementale de solidarité territoriale. Demain, les actions des collectivités seront concentrées sur leurs compétences majeures et cibleront les atouts de chaque bassin de vie et les besoins de chaque citoyen. Je crois que nous devons nous dire tous ici que nous avons à défendre les valeurs républicaines ensemble, et que la défense de ces valeurs passe par la fin d’une histoire aujourd’hui mal écrite qui cause ce sentiment d’abandon ressenti par certains citoyens dans certains territoires de notre pays. Pour que tous les enfants de France puissent un jour porter, mieux que nous encore, les valeurs républicaines, il est temps de se poser la question non pas de la seule égalité des territoires, mais bien de l’équité entre eux.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je me félicite que notre assemblée, à l’initiative du groupe socialiste, consacre cette séance de contrôle à la question de l’accessibilité des services au public dans les territoires fragiles. S’interroger sur l’accessibilité des services au public, et pas seulement des services publics, c’est en quelque sorte prendre le pouls de notre démocratie et s’assurer que le coeur de la République bat pour créer et maintenir un sentiment d’appartenance chez chaque citoyen à un destin commun sur l’ensemble du territoire.
Tous les territoires ne sont pas également dotés. L’extrême diversité territoriale, dont le spectre va de la métropole européenne au hameau de montagne, en passant par la zone industrielle en déprise, a nécessairement pour les populations une traduction directe en termes d’accès aux services.
Mais notre pacte républicain, et donc notre spécificité française, repose sur un idéal d’égalité qui commande de transcender cette variété et d’unir tous ces territoires au service d’un intérêt commun.
Le défi qui se présente aujourd’hui à nous, élus de la République, est de redonner du sens au vivre-ensemble en garantissant l’accès aux services publics partout en France, plus particulièrement dans les territoires les plus fragiles.
La dénomination de territoires fragiles recouvre des réalités différentes – quartiers sensibles, territoires ruraux, péri-urbanité en développement, zones victimes de restructurations économiques –, mais tous ont en commun d’être marqués par un fort sentiment de délaissement, de déclassement. C’est parmi les populations de ces territoires fragiles que l’on voit en effet le plus se propager un sentiment de défiance à l’égard des institutions et s’éroder le capital confiance des élus, même des élus locaux. La tendance actuelle confirme qu’il y a un lien direct entre la difficulté d’accès aux services dans les territoires et le rejet des institutions en place. Mais nous ne sommes pas démunis face à ce phénomène et nous devons affirmer le lien entre les citoyens et les institutions, via les services à la population. L’installation du premier ministère de l’égalité des territoires a été le point de départ d’une réflexion plus vaste.
C’est notamment dans ce cadre que j’ai remis, en octobre dernier, à la ministre de l’égalité des territoires, un rapport qui porte sur l’accessibilité des services au public dans les territoires fragiles, corédigé avec mon collègue Pierre Morel-À-l’Huissier. L’esprit général de ce travail milite pour une approche nouvelle des services au public qui dépasse la segmentation par politiques publiques. Afin d’être pleinement efficaces, nous devons privilégier une logique transversale et abandonner l’opposition public-privé, pour partir de la population et de ses attentes. Autrement dit, il s’agit de se demander : « qui veut quoi ? », avant : « qui fait quoi ? ». Ce n’est qu’à partir de là que nous pourrons déployer les solutions les plus adaptées. Il ne peut y avoir de formule identique et uniforme pour répondre aux besoins de la population. Plasticité, adaptabilité, riment avec efficacité ; ainsi, nous rappelons les lois de Rolland pour les services publics : mutabilité, continuité, égalité. Partant de cette approche, j’ai notamment proposé l’élaboration de schémas d’accès aux services dans chaque département, réalisés conjointement par l’État et par les collectivités locales. Ce diagnostic indispensable servira de base à un plan d’action pour le développement des services dans les territoires fragiles, par exemple en dynamisant le dispositif des maisons de services publics, ou le développement du très haut débit, offrant ainsi des services aux entreprises et aux citoyens : téléformation, télétravail, télémédecine et téléassistance. L’ingénierie territoriale est également une condition essentielle pour le développement local.
Mais, plus généralement, je crois à la mise en oeuvre d’un pacte pour la ruralité qui permette une contractualisation entre les territoires, l’État et les collectivités locales.
Ce contrat pour les territoires fragiles s’inscrirait dans le cadre du volet territorial des contrats de plan et permettrait de définir les priorités pour un territoire, en adéquation avec ses vocations, c’est-à-dire avec son projet de développement à partir de ses potentialités, tout en mobilisant de façon complémentaire et transversale les fonds budgétaires. Ici, nous oublions les approches sectorielles, verticales et parfois inadaptées, et privilégions la construction collective d’un projet politique territorialisé, avec des actions et des moyens complémentaires et surtout adaptés aux besoins des populations et des spécificités géographiques. À la politique de la ville, doit correspondre une politique interterritoires, comme la vivent chaque jour nos concitoyens à l’échelle des bassins de vie et d’emploi. Ainsi, mesdames les ministres, les solutions sont à portée de main pour redonner de l’espoir aux territoires fragiles, ceux-là même qui sont de plus en plus en proie au populisme.
Le nouveau projet de loi de décentralisation devrait comprendre cette composante afin de répondre aux attentes fortes des territoires. Après le renforcement des métropoles, le temps est venu de prendre à bras-le-corps le sort des territoires non métropolitains. Le nouveau texte législatif sera ainsi l’occasion, absolument nécessaire, de défendre une nouvelle dynamique de ces territoires ; il pourra dessiner la carte des bourgs-centres et permettre le déploiement d’une politique transversale en fonction des territoires fragiles. C’est dans ce moment que nous devons tendre la main aux territoires fragiles : c’est ainsi que nous renouerons avec la population, c’est ainsi que nous ferons vivre la République des territoires, condition indispensable du ciment de la citoyenneté et du vivre-ensemble français.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, mesdames les ministres, je pensais m’adresser à Mme Duflot, mais je vais essayer d’adapter un peu mon intervention…
C’est pareil !
Je le comprends bien, il s’agit du Gouvernement.
Vous avez pour objectif, semble-t-il, d’assurer à tous un accès à des services publics de qualité. C’est notre combat à tous, on peut donc le partager, mais les remèdes que vous proposez ne sont pas à la hauteur des difficultés. Force est de constater que les inégalités territoriales ne cessent de s’accentuer en France et que depuis vingt mois, rien n’a été fait pour les territoires ruraux.
Sous l’ancienne législature, vous n’avez eu de cesse de critiquer la politique menée sur les territoires fragiles : vous avez critiqué la suppression de tribunaux d’instance et de TGI, la suppression de perceptions, la fusion des DDE et des DDA, la suppression d’un fonctionnaire sur deux … Mais qu’avez-vous fait depuis vingt mois ?
Un seul TGI… Peu vous suffit pour vous satisfaire, ma chère collègue.
Madame la ministre de la décentralisation, je me demandais ce que le Gouvernement avait fait depuis presque deux ans, hormis, il y a quelques semaines, l’adoption d’une proposition de résolution sur la ruralité – à la demande du député Calmette, que je salue –, une petite discussion qui a certes occupé l’Assemblée nationale mais sans apporter grand-chose. Quant à la mission d’information que Mme Duflot m’a confié avec Carole Delga, je me demande où sont les actes. Qu’en est-il aujourd’hui ? Comment pouvez-vous expliquer qu’aucune initiative concrète n’ait été entreprise ?
Bien pire, je note la baisse des dotations aux collectivités locales, la baisse du FISAC, la suppression de l’ATESAT, la disparition programmée de certaines sous-préfectures, les rythmes scolaires indifférenciés entre le rural et l’urbain – ce qui va poser de sérieux problèmes au monde rural, et j’ai déposé à ce propos un recours devant le Conseil d’État –, la réforme des cantons qui amène à s’interroger sur le maintien de certains bureaux de poste, de gendarmeries et d’écoles, ainsi que le fameux article 78 sur les ZRR – un comble ! –, un article sur les organismes d’intérêt général qui gèrent des maisons de retraite et des centres de handicapés, et en vertu duquel on a supprimé les bénéfices d’exonération de charges patronales… Qu’attendez-vous pour agir ?
Votre gouvernement a créé un ministère de l’égalité des territoires, un joli mot, et il y a un ministère délégué à la ville, mais surtout pas un ministère de la ruralité.
Voilà pour le constat négatif. Mais vous me connaissez, mesdames les ministres, je suis un spécialiste de l’aménagement du territoire, et je veux également faire quelques propositions positives.
Les commerces de proximité, c’est-à-dire de première nécessité, souffrent et doivent être considérés comme des services de proximité. J’ai déposé une proposition de loi portant création d’une prime de service public pour certains bars, boucheries, boulangeries, qui ne peuvent pas se maintenir ouverts toute l’année. Je souhaite que cette proposition trouve un écho, madame Lebranchu.
S’agissant des normes, arrêtez de parler de choc de simplification : faites-le !
J’ai déposé deux propositions de loi, que vous avez refusées, qui tendaient à l’adaptation et à la proportionnalité. On m’a dit à l’époque que c’était inconstitutionnel, et j’ai demandé à Mme Escoffier d’entreprendre une mission juridique à laquelle j’aurais travaillé avec un collègue socialiste, mais j’attends toujours ce groupe de travail avec des spécialistes pour finir par mettre un terme à l’asphyxie. Avec mon collègue de la Mayenne, M. Favennec, on a beaucoup travaillé sur la problématique des normes, et il y a là une réponse à trouver à nombre de problèmes.
S’agissant des ZRR, qui font l’objet d’une mission parlementaire, il y a deux problèmes : le périmètre et le contenu. C’est la seule mesure de discrimination positive pour les territoires ruraux. Maintenons les ZRR et renforçons les dispositifs d’exonérations fiscales et de charges sociales.
Les relais de service public, chère Carole Delga, nous les avons proposés : à l’époque, la DATAR disait qu’il fallait en rester à 250 parce que cela coûtait cher, et nous en sommes à 300 ; nous en avons proposé 1 000, ce qui me semble un bon chiffre. Où en sommes-nous ? Il devait y avoir un CIADT en juillet, puis en septembre, puis en octobre… 2013. Nous sommes en février 2014, et toujours pas de CIADT. J’ai bien entendu, madame Lebranchu, ce que vous proposez, mais faut-il une loi pour créer des relais de service public ? Mais non, faites-le, c’est du réglementaire, demandez que la DETR des préfets, la dotation d’équipement des territoires ruraux, soit mise en place pour financer des relais de services publics, et pas en 2017 mais dès 2014.
On va le faire.
Vous l’aurez compris : je suis assez dubitatif sur ce débat et sur votre volonté réelle de sortir les territoires ruraux de leur marasme actuel.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, ce débat nous donne l’occasion d’évoquer l’une des problématiques essentielles auxquelles sont aujourd’hui confrontés nos territoires : l’isolement, les difficultés d’accès à des services pourtant nécessaires à la vie en société, que rencontrent quotidiennement les habitants des quartiers populaires, des campagnes périurbaines et des territoires ruraux. Le Parlement a déjà débattu à plusieurs reprises du thème plus large de l’égalité des territoires. Le groupe UDI, particulièrement attaché à cette question, se félicite de ces initiatives. Prenons garde cependant à ne pas multiplier les déclarations d’intention sans jamais aboutir à des solutions concrètes en faveur de nos territoires.
En effet, mes chers collègues, le sujet n’est pas anodin. À travers l’accès aux services publics, véritable facteur d’attractivité, c’est la survie de nos territoires qui est en jeu. Qu’attend-on des services publics dans ces zones fragiles ? Non pas la reproduction de la vie citadine, mais l’assurance de la qualité de vie, qui passe par les nouveaux moyens au service de la communication, de la connaissance, du travail, de la santé, de la famille et aussi de la sécurité. Ces questions nous préoccupent tous, et nos collègues Carole Delga et Pierre Morel-À-L’Huissier ont remis, en octobre dernier, un rapport sur le sujet à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement, Cécile Duflot. Ils ont présenté une vingtaine de recommandations qui, je l’espère, seront prises en compte par le Gouvernement pour améliorer les moyens à la disposition des pouvoirs publics et pour garantir l’accessibilité et la qualité des services au public dans les territoires fragiles.
Le choix de la mutualisation reste évidemment à privilégier. Nos concitoyens doivent pouvoir bénéficier d’un meilleur accès aux services publics, mais aussi aux services au public qui évoluent en fonction de ses besoins. Il ne faut surtout pas opposer ces deux notions, mais plutôt réfléchir à un moyen de mettre en commun tous ces services pour le bien-être des habitants. À cette fin, nous devons nous appuyer sur des structures déjà existantes et stables, dont le savoir-faire n’est plus à démontrer : je pense notamment aux buralistes qui, grâce à leurs horaires d’ouverture, pourraient concentrer plusieurs services, ou encore aux commerces de proximité, qui représentent encore un véritable lien social pour les habitants, peut-être le seul dans certains territoires.
C’est vrai que les buralistes le souhaitent, mon cher collègue. À ce titre, le développement des maisons de services au public récemment annoncé est une bonne mesure. Il me semble primordial de respecter une règle : un habitant ne devrait pas faire plus de trente minutes de trajet pour accéder aux services publics et aux infrastructures médicales, hospitalières et sanitaires. Mais vérifions, avant de financer ces maisons, qu’elles correspondent bien aux besoins réels des habitants !
Les territoires fragiles doivent également disposer d’un accès aux technologies comparable à celui des zones urbaines. Nous devons donc mettre en place un plan national d’extension des liaisons numériques. Cessons donc de nous reposer sur les opérateurs privés qui choisissent, logiquement mais malheureusement, de se déployer dans les zones rentables et donc urbaines, et mettons en place une vraie politique numérique !
En outre, nous souhaitons voir enfin émerger un plan national ambitieux de financement des infrastructures routières pour favoriser le désenclavement mais aussi la sécurité des habitants. J’en sais quelque chose puisque, dans mon département de la Mayenne, je vois la nécessité de la modernisation et de la sécurisation de la route nationale 12.
Favoriser l’accès aux services publics, cela implique aussi de lutter contre les déserts médicaux. La ministre de la santé a promis que « l’accès aux soins urgents en moins de trente minutes sera une réalité pour un million de personnes en plus ».
En effet, mon cher collègue : ne nous leurrons pas, nous ne pourrons pas attirer des médecins sur ces territoires si l’accès aux services publics reste insuffisant.
Enfin, le Gouvernement doit en priorité cesser de fragiliser les territoires comme il le fait depuis maintenant vingt mois à travers ses décisions, mesdames les ministres. Les territoires ruraux sont devenus les grands oubliés de la République : réforme des rythmes scolaires sans concertation,…
…qui pénalise les établissements ruraux ; suppression annoncée de sous-préfectures, derniers symboles de la présence de l’État républicain sur ces territoires ; réforme du mode de scrutin des élections départementales, évoquée tout à l’heure par Pierre Morel-À-L’Huissier, qui profitera malheureusement aux pôles urbains ; réduction sans précédent des dotations aux collectivités locales qui asphyxie nos petites communes ; fracture numérique croissante entre urbains et ruraux.
L’accessibilité des services au public ne sera garantie que si, en parallèle, une véritable politique est menée en faveur de nos territoires qui, rappelons-le, sont une véritable chance et une richesse pour la France.
Monsieur le président, mesdames les ministres, chers collègues, diverses études montrent que les inégalités territoriales ont tendance à s’accentuer en France.
Les habitants des quartiers populaires, des campagnes périurbaines, des territoires ruraux sont les premiers confrontés aux difficultés quotidiennes d’accès aux services nécessaires à la vie en société.
Pour les écologistes, l’accès aux services au public est un enjeu majeur de la cohésion sociale. Les services publics sont le patrimoine commun tous et particulièrement de ceux qui, individuellement, n’en ont pas.
Je voudrais, madame la ministre, vous questionner sur trois aspects : sur les maisons de services au public, sur le déploiement du très haut débit et sur les questions liées à la santé.
Des zones toujours plus importantes, en milieu rural, mais aussi dans certaines zones urbaines, connaissent des difficultés importantes pour assurer l’accès aux administrations, à la Caisse d’allocations familiales, à Pôle emploi, aux associations, au médecin, à une infirmière, etc.
La création de maisons de services au public pourrait venir simplifier cet accès. Elles visent à simplifier les démarches, par exemple administratives, pour les usagers, ce qui suppose des agents d’accueil très polyvalents, la capacité pour les agents des différentes entités de travailler ensemble, et aussi des moyens techniques performants pour organiser, par exemple, des visioconférences.
Ces maisons visent également à rapprocher les services des habitants dans les territoires ruraux et les territoires urbains fragiles, à jouer le rôle d’intermédiaire entre les usagers et les autorités publiques, à participer à l’animation de la vie du territoire concerné pour renforcer le lien social et soutenir l’activité économique locale, à développer la polyvalence comme réponse à la nécessaire réorganisation des services publics dans les territoires ruraux ou de banlieue et au maintien de ces services publics.
Ce serait la mise en oeuvre d’un lieu unique d’accès à des services relevant des collectivités locales, de l’État, d’organismes sociaux comme Pôle emploi ou la CPAM, d’associations pour de l’aide à l’insertion ou du conseil, par exemple, et aux bailleurs sociaux. On peut aussi imaginer l’accès à d’autres services comme ceux d’EDF, de GDF et autres.
Leur création demande de gros efforts des collectivités locales et elles restent beaucoup trop rares. Une couverture large du territoire nous paraît nécessaire.
Dans un texte législatif de juin 1999, il était prévu une participation financière de l’État qui n’est pas venue. La question de l’intervention financière de l’État reste donc posée.
Notre commission des affaires économiques a reçu récemment le président de La Poste, M. Philippe Wahl. Comme ses prédécesseurs, il a parlé de la diversification des missions de La Poste, notamment de l’accompagnement des personnes, et donc de manière indirecte de sa participation et des 12 000 bureaux qu’elle possède à des structures communes de services au public.
De plus, le maintien des bureaux de plein exercice de La Poste est tout à fait nécessaire, comme l’est la distribution du courrier à domicile, y compris pour la presse. C’est une question d’égalité entre citoyens et c’est indispensable aux dynamiques économiques locales.
Madame le ministre, pouvez-vous nous dire ce que le Gouvernement envisage pour que les projets de maisons de service au public se traduisent dans les faits ?
Si, je crois qu’il existe des projets pour les maisons de service au public.
En ce qui concerne le très haut débit, de plus en plus de personnes veulent travailler dans les territoires ruraux et ont besoin de ce service. C’est une nécessité économique.
Or le Plan France Très haut débit pose problème car les zones denses, donc rentables, seront rapidement couvertes par des opérateurs privés. Les zones rurales seront équipées essentiellement par les collectivités locales et seulement dans un délai de dix ans, semble-t-il, ce qui accentue l’inégalité entre territoires. Un plan plus dynamique est-il prévu, madame la ministre ?
S’agissant de la santé, la loi HPST n’a pas permis le maintien d’une présence médicale sur tout le territoire, de manière équitable, et particulièrement en zone rurale. La question des urgences est symptomatique de la situation vécue : dans certaines banlieues, c’est l’encombrement des urgences qui crée de graves difficultés ; en zone rurale, c’est l’éloignement des services qui pose problème.
Une coopération plus intégrée entre services d’urgence, médecins généralistes, médecins urgentistes et services des pompiers ne pourrait-elle pas améliorer la situation ?
Plus de la moitié des maires des cantons ruraux peu denses de ma circonscription ont répondu à un questionnaire que je leur avais envoyé et que je pourrai vous donner. Il en ressort que près de la moitié des communes interrogées font état de difficultés pour leurs administrés de trouver un médecin réfèrent.
Dans les deux-tiers des communes, on ne peut pas avoir un médecin qui vienne à domicile, même si c’est pour une urgence, et dans près de 50 % des cas, les pompiers viennent sans personnel médical. Le délai pour atteindre l’hôpital est estimé supérieur à trente minutes dans les trois-quart des cas, et il serait même d’une heure dans un quart des situations. En cas d’urgence, les secours doivent venir au domicile du patient auparavant, ce qui rallonge d’autant les délais. Ce constat traduit une réalité inquiétante.
Pour conclure, je ferai deux remarques. D’une part, la politique de la ville annoncée est tout à fait louable, mais elle ne concerne pas les territoires ruraux. D’autre part, le pacte de responsabilité, lui aussi annoncé, pourrait conduire à une baisse des moyens de l’État. Si cela entraînait une dégradation des services au public dans les territoires fragiles, ce serait dramatique pour l’égalité entre citoyens, pour l’égalité entre territoires et pour la cohésion nationale.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le débat qui nous rassemble concerne essentiellement les territoires ruraux et les territoires de montagnes.
Notre République s’est construite en favorisant l’égalité des chances au regard du milieu social de naissance comme du territoire de vie. Affirmons-le sans détour, les services publics sont un pilier de notre modèle républicain français.
Notre défi, c’est de réussir la transition avec une économie modernisée prospère et une action publique performante, efficace et recentrée sur des priorités.
Le service public, c’est une notion contenant une référence politique forte, une notion quasiment identitaire pour la République française. D’ailleurs, les services publics et les principes républicains du bien commun, d’égalité et de solidarité sont très proches.
Il s’agit de garantir à chacun le droit d’accéder à des biens ou services essentiels – éducation, santé, sécurité, transports, communication –, de construire des solidarités, de développer le lien social, de promouvoir l’intérêt général d’une collectivité, d’assurer la cohésion économique, sociale et territoriale, de remédier aux défaillances du marché, d’investir et de piloter pour mettre en place les conditions d’un développement harmonieux.
Comment appliquer ces principes aux territoires fragiles dans les domaines de la santé, de l’éducation nationale, de l’énergie, des réseaux de transports ?
Les services publics sont désormais soumis à des ressources contraintes et à l’ouverture à la concurrence d’une part croissante de leur activité. Ces contraintes nous obligent à des arbitrages permanents entre l’accessibilité et la recherche de la qualité. Renforcer l’accessibilité, c’est adapter leur présence. L’organisation des services publics dépend de facteurs évolutifs : la densité de la population, les besoins sociaux, les technologies et les moyens d’accès.
Puisqu’il n’est de richesse que d’hommes, comme l’affirmait Jean Bodin, un détour par la démographie s’impose.
Commençons par une bonne nouvelle : l’exode rural est terminé. Entre 1999 et 2009, la population des campagnes a progressé de 0,7 % par an selon la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale. Dans mon département du Lot par exemple, la population des communes rurales augmente régulièrement.
Nous devons aussi penser à la sociologie en tenant compte, par exemple, du fait que les retraités sont plus nombreux et qu’ils ont un besoin fort en matière de santé.
Dans son livre référence, L’Identité de la France, Fernand Braudel insiste sur l’armature urbaine française – Paris-villages-bourgs-territoires ruraux – et les services que se rendent mutuellement les différents échelons de ce maillage.
Avec les progrès techniques, ce maillage territorial a évolué. Que devient l’organisation de notre service public de santé – CHU, CHR, hôpitaux de proximité et médecin traitant – quand le CHU régional se rapproche à moins d’une heure ? Pour l’accessibilité, il faut en effet réfléchir en temps d’accès plus qu’en kilomètres.
Il y a quinze ans, la demande était structurée autour du triptyque : école, routes, poste. En quinze ans, ce triptyque s’est enrichi en matière de santé, avec notamment la demande de médecins généralistes de services d’urgence, dans le secteur des télécommunications, avec le téléphone portable et internet, et dans le domaine du commerce, avec surtout des magasins alimentaires de proximité.
Les problèmes de santé se sont durcis. L’offre de soins se raréfie et la demande change : plus de personnes âgées, plus d’inactifs, et donc plus de consommateurs de soins de proximité. Enfin, la demande de télécommunication s’impose comme la priorité des territoires ruraux.
L’organisation des services publics doit donc s’actualiser en fonction de cette demande. Cette organisation doit évoluer et c’est aussi l’exigence de qualité qui conduit au regroupement des services spécialisés.
Concernant la santé, nous devons renverser les courbes de la disparité de l’offre pour garantir une offre de soin de base de proximité de qualité. La France pratique l’incitation et non la coercition, avec par exemple le système de bourses aux étudiants en médecine qui s’engagent à travailler pendant une période déterminée dans les déserts médicaux, ou la création de postes de praticiens territoriaux.
Dans le numérique, internet est un nouveau territoire, un nouveau monde d’actions et d’échanges qui se superpose aux territoires dont il modifie les frontières. Il forme ce que Michel Serres appelle un hyperterritoire où les distances sont moins physiques que symboliques.
Cette transformation nous impose une réflexion stratégique pour l’action publique. À chaque rupture technologique, sa diffusion pose la question de l’égalité du territoire.
L’enjeu du déploiement du réseau très haut débit est majeur car il conditionne toute une panoplie de services au public. Dans le numérique, l’initiative privée se montre capable d’innover, de créer et d’investir mais le marché tend à préférer la rentabilité et les zones à forte densité de population. Nous devons donc trouver la bonne régulation pour accélérer le déploiement dans les territoires fragiles.
Pour conclure, je dirai que nous devons préparer les conditions pour une France plus équitable et plus cohérente. C’est cet objectif qui nous inspire et qui doit être notre boussole.
Nous avons un modèle social qui est une chance et une force pour la République. Pour les territoires fragiles, cela signifie une mise en oeuvre suffisamment souple pour s’adapter aux particularités locales et évolutives, pour s’ajuster en permanence aux besoins.
Monsieur le président, mesdames les ministres, chers collègues, l’accessibilité des services au public est une problématique cruciale pour les territoires fragiles.
Si je ne devais faire passer qu’un seul message, mettre en avant une seule idée, insister sur une seule priorité, je choisirais de dire qu’il faut enfin changer d’approche. Il faut passer d’une logique verticale à une logique horizontale, de l’étanchéité des administrations centrales entre elles à la complémentarité et la cohérence d’une vision territoriale transversale.
Monsieur Morel-A-L’Huissier, monsieur Favennec, la RGPP, la loi HPST et la diminution des postes d’enseignants dans le milieu rural ont fait beaucoup de mal à nos territoires fragiles pendant le quinquennat précédent.
Remonter la pente, après ce que vous avez fait, est quelque chose de difficile. Nous avons commencé à le faire en matière de santé et d’éducation et même dans le domaine agricole. Puisque nous sommes en période de salon, disons que la réforme de la PAC a été très profitable aux zones rurales, notamment aux zones d’élevage.
La RGPP a fait beaucoup de mal, davantage en raison de son caractère aveugle que par l’objectif annoncé de mieux organiser les services déconcentrés de l’État. Chaque administration centrale, chaque ministère pouvait avoir de bonnes raisons de diminuer ses effectifs, de regrouper des services, d’en supprimer d’autres.
Mais l’absence de toute communication interministérielle, et donc l’accumulation de décisions concomitantes au même endroit, dans le même territoire ont eu des effets souvent désastreux.
Comment un territoire peut-il réagir lorsque, au cours d’une même période, un tribunal, une gendarmerie, un collège, des classes en primaire sont fermés ou menacés ?
Il a d’abord un ressenti de territoire laissé en déshérence, de territoire de deuxième zone, où l’égalité républicaine devant l’accès au service public n’est plus garantie. Puis des réactions en chaîne se produisent. Après l’État et les services publics, ce sont les opérateurs et les services privés, c’est-à-dire les services au public qui désertent : poste, banque, professions médicales ou paramédicales …
C’est une spirale qu’il faut briser, et peut-être le rapport de Carole Delga et Pierre Morel-A-L’Huissier, autour du triptyque « mesurer, mutualiser, moderniser », donne-t-il effectivement de bonnes pistes.
En ce sens, les dernières annonces gouvernementales vont dans le bon sens, ce sont des éléments encourageants.
Premièrement, la mise en place obligatoire de schémas départementaux d’accès aux services, regroupant l’État et les opérateurs, sera un préalable indispensable à cette vision territoriale dont je parlais.
Deuxièmement, les maisons de services au public avec de larges missions, et dont le nombre sera porté à 1 000 en 2017, seront aussi un élément fort d’une accessibilité de proximité. Elles rassembleront dans un même lieu services d’État, opérateurs et autres services au public.
La création annoncée d’un fonds spécifique en investissement mais aussi en fonctionnement était la condition d’acceptabilité de ce dispositif.
Les choses vont donc dans le bon sens, depuis quelques mois, mais je plaide – et nous sommes nombreux à le faire – pour aller plus loin et plus vite, avec quelques propositions.
Il s’agit d’aller plus loin avec l’idée de la contractualisation avec une entrée simple, lisible et efficace, celle des bourgs-centres. Les bourgs-centres peuvent présenter des profils très divers.
Il peut s’agir de communes ayant connu un dépeuplement du fait de restructurations de services publics ou de l’évolution de l’appareil économique, de communes situées en zone rurale ou encore de communes périurbaines ayant accueilli récemment une population sous l’effet de l’extension du champ d’influence des grandes agglomérations. Tous les bourgs-centres se définissent néanmoins par leur rôle d’animation du tissu local non urbain environnant, et ils ont une fonction particulière, une fonction de centralité qui entraîne des charges propres.
Nous considérons qu’il convient de s’appuyer sur ce tissu des bourgs-centres – l’INSEE en a repéré 1 200, soit le même nombre que celui des quartiers prioritaires dans la politique de la ville – pour organiser et mettre en réseau nos territoires.
La coopération des collectivités entre elles est indispensable à leur développement mutuel.
Nous plaidons aussi pour une approche interministérielle et transversale de ces bourgs-centres ou territoires fragiles, avec une mobilisation de chaque ministère autour d’un projet de développement et de renforcement. Nous préconisons donc des contrats de bourgs ou des contrats de territoires fragiles mobilisant et coordonnant un certain nombre de fonds dédiés aujourd’hui aux différentes politiques publiques verticales : fonds pour le développement des maisons de santé, fonds pour les maisons de services au public, mais aussi – pourquoi pas ? – FNADT, FISAC, FEADER, FEDER et aussi une partie des fonds consacrés aux ZRR et une partie de la DETR.
Aller plus loin, donc, avec une politique de contractualisation, mais aussi plus vite en inscrivant ces dispositifs dans le projet de loi de décentralisation. En tout état de cause, il nous semble qu’un volet législatif est nécessaire.
De même, l’intégration de ces contrats de bourg ou de territoire fragile dans le cadre du volet territorial des futurs contrats État-région paraît indispensable pour lancer la dynamique de la prise en compte spécifique des inégalités territoriales, qui deviennent, de plus en plus, infrarégionales.
Nous mesurons régulièrement les effets du délaissement ressenti par les populations des territoires non métropolisés. Cette tendance concerne les territoires éloignés du coeur des grandes agglomérations et touche tout autant les zones rurales et les zones périurbaines. Il s’agit non pas de s’opposer au processus de métropolisation – tendance incontestable – mais bien d’organiser le développement des territoires qui en sont exclus.
Cette politique de contractualisation avec les territoires fragiles donnerait sens à cette nouvelle notion d’égalité des territoires en promouvant une conception de l’aménagement du territoire en rupture avec la logique libérale de mise en compétition des territoires qui prévaut jusqu’ici. Ce serait aussi l’annonce d’une politique territoriale qui, à côté de l’affirmation nécessaire des métropoles, organise derrière elles, à côté d’elles les autres territoires afin d’assurer un maillage équilibré des régions de France permettant de dépasser la dichotomie ville-campagne, urbain-rural, largement obsolète aujourd’hui.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la décentralisation.
Mesdames, messieurs les députés, je répondrai vraiment très rapidement à ces observations générales, étant entendu que nous nous réservons pour répondre aux questions plus particulières.
Je veux remercier les orateurs qui ont souligné les difficultés mais aussi les efforts que le Gouvernement est en train de faire.
En revanche, les points de vue pour le moins caricaturaux que vous avez défendus, messieurs les députés Favennec et Morel-A-L’Huissier, n’ont pas manqué de me gêner quelque peu.
Rappelons seulement quelques points particuliers, notamment ce que le Gouvernement a fait au profit des territoires ruraux.
Vous oubliez la péréquation départementale. Vous oubliez les fonds d’urgence, qui sont venus compenser, précisément, les difficultés que connaissaient nos départements ruraux. Vous oubliez la péréquation faite au sein du bloc local, avec le FPIC, le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales. Vous oubliez la dernière réponse, faite récemment, sur la taxe à la consommation finale d’électricité, qui permettra, effectivement, de résoudre une difficulté que nous connaissons. Vous oubliez que le Premier ministre,…
…dans des déclarations sur les bourgs-centres, a bien annoncé clairement que seraient maintenues les aides aux bourgs-centres et les indemnités. Vous oubliez les encouragements prodigués aux communes nouvelles, et qui seront encore approfondis. Vous oubliez tous les engagements pris en ce qui concerne la mutualisation.
Vous oubliez que nous sommes en train de travailler avec les départements qui ont mis en place toute une réflexion sur la nouvelle ruralité. Tout cela, nous sommes en train de le faire, et ce ne sont pas des paroles, ce sont des réalités, et nous vous apporterons la preuve que, ces réalités, nous les mettrons en oeuvre dans un calendrier aussi rapide que possible. En effet, nous savons ce que c’est que des territoires qui ont besoin d’être soutenus, et nous l’avons fait, je veux le dire, nous l’avons fait enfin, dans le cadre de la loi du 27 janvier dernier. À côté des métropoles, nous avons mis en place, avec le soutien, sur ce point, des deux assemblées, des pôles d’équilibre – ce mot est essentiel –, des pôles d’équilibre territoriaux et ruraux.
Nous en venons aux questions. Je rappelle que la durée de chaque question et de chaque réponse est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
La parole est à Mme Sabine Buis.
Monsieur le président, mesdames les ministres, en France, les territoires ruraux qui nous sont chers, et qui structurent notre identité, sont caractérisés par une diversité géographique très marquée, ce qui entraîne bien souvent des enclavements et des ruptures territoriales trop fortes, aux conséquences lourdes sur la vie de ces territoires, leur démographie et leur force socio-économique. L’amélioration de l’accessibilité des services au public est devenue un facteur essentiel de consolidation et de dynamisation des espaces ruraux.
Dans un souci de lisibilité, la circulaire du 2 août 2006 du gouvernement Villepin avait créé le label « relais de services publics ». Aujourd’hui, l’heure est au bilan : la circulaire n’a pas atteint ses objectifs.
Partout en France, on critique le manque de cohérence dans la couverture territoriale de ces structures. La trop forte hétérogénéité de leur implantation laisse ainsi démunies de trop grandes portions de nos territoires. De même, ces points d’accueil n’intègrent pas ou intègrent peu de stratégie numérique alors que cet impératif était un des piliers de la circulaire de 2006. En Ardèche, les RSP ont trop souvent été synonymes de désengagement des services publics dans le contexte d’une RGPP déconnectée des réalités locales.
Il est donc devenu nécessaire de changer de cap et d’avancer vers une nouvelle dynamique de création de points d’accueil tout en évitant le brouillage du paysage institutionnel et le manque de lisibilité. Depuis plusieurs mois maintenant, vous avez pris cette bonne direction et nous vous en sommes reconnaissants. Poursuivant l’expérimentation « Plus de services au public », le Gouvernement s’est ainsi engagé, au mois de novembre dernier, à aller plus loin en permettant l’ouverture de 1 000 maisons de services publics d’ici à 2017. De même, dans le but d’impulser cette nouvelle dynamique, et vu le rapport de Carole Delga sur l’amélioration de la qualité et des services au public, madame la ministre, pouvez-vous nous faire part de la volonté…
Merci, chère collègue !
La parole est à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.
Par anticipation, et avant même l’examen du projet de loi dont la première lecture interviendra, je l’espère, avant l’été, seront créés, et dotés des moyens nécessaires, des espaces mutualisés de service public : 1 000 maisons de service au public, à l’horizon 2017. Cela représente un triplement de leur nombre en cinq ans. J’espère que cette réponse que je vous fais, madame la députée, satisfera aussi ceux qui, de l’autre côté de l’hémicycle, ont l’air de ne croire en rien.
Les solutions sont variées : par exemple dans la communauté de communes du pays de Murat, on arrive à regrouper trente-six organismes, de l’emploi, de la formation, la CPAM, la CCI, la MSH, l’espace info jeunesse. Des communes portent aussi des dispositifs simplifiés. Ce type de réponse est donc proposé. Je vous encourage à continuer cette réflexion, et le Gouvernement portera ces maisons.
Le fonds national d’aide au développement du territoire, le fameux, le bien connu FNADT, dispose de moyens renforcés, et l’objectif est bien de rééquilibrer en cours de négociation la charge du financement de ces espaces. Cela pourrait permettre de réduire la participation des collectivités territoriales dans les territoires qui en ont le plus besoin, c’est vraiment un engagement d’équité, ces territoires qui supportent actuellement la majeure partie du financement. On souhaite – Cécile Duflot l’avait d’ailleurs rappelé il y a quelque temps et Anne-Marie Escoffier y a fait allusion – augmenter la participation des opérateurs nationaux, Pôle emploi, GDF Suez, EDF et la SNCF. C’est bien de cela qu’il s’agit : l’accès aux services et à tous les services. Nos citoyens confondent d’ailleurs parfois service public et service des entreprises publiques.
Enfin, il faut permettre de réduire les risques d’une fracture sociale liée au développement du numérique. Les espaces mutualisés sont donc tous dotés d’équipements pour effectuer des démarches en ligne. Je m’arrête là parce qu’il y a d’autres questions.
Cela ne vous étonnera pas, mesdames les ministres : je vais vous parler de la montagne. Les territoires de montagne sont soumis à des contraintes spécifiques fortes, qui appellent des réponses adaptées, notamment en matière d’accès au service public, comme le prévoit la loi montagne de 1985.
Concernant l’accès aux soins, je salue le pacte santé territoire. C’est une bonne réponse. En 2013, 180 praticiens territoriaux de médecine générale ont été recrutés, il y en aura 200 en 2014. Il serait important qu’une partie de ces recrutements soient fléchés vers les zones sous-dotées des territoires de montagne.
S’agissant de l’école, dont tout le monde a parlé, la préservation du maillage actuel est primordiale.
Je salue également la convention expérimentale signée avec les maires du Cantal. Serait-il possible que ce type d’expérimentation puisse également être mené dans d’autres territoires de montagne ?
Enfin, le dernier sujet que je souhaite évoquer est celui des communautés de communes, qui me tient particulièrement à coeur. Elles constituent très souvent, en montagne, l’échelon pertinent en matière d’organisation et de mutualisation des services publics. Et c’est précisément parce que l’égalité ne signifie pas l’uniformité que le législateur, en 2010, n’a pas rendu opposable le seuil minimum de population de 5 000 habitants pour les intercommunalités en zone de montagne, alors que c’est la norme sur le reste du territoire. Un seuil minimal de population pour la création d’intercommunalités ou pour des fusions n’est ni réaliste, ni compatible avec les réalités géophysiques des communes de montagne. Pouvez-vous me confirmez que l’exception montagne, qui, aujourd’hui, est la règle en matière d’intercommunalité, ne sera pas remise en cause par les futurs textes de décentralisation ?
Je souhaite également évoquer les zones de revitalisation rurale. On en a parlé ici, et elles sont l’objet de missions et au Parlement et à la DATAR. Aujourd’hui, on a besoin d’un peu plus de visibilité. Avez-vous des pistes de réflexion ?
La parole est à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.
J’admire cette façon de poser trois questions en une. Simplement, en ce qui concerne les EPCI, la spécificité évoquée sera maintenue. Je m’y suis déjà engagée lors de la discussion du projet de loi, et, d’ailleurs, notre souci, ce ne sont pas les EPCI en zone de montagne, ce sont toutes les EPCI de moins de 5 000 habitants qui ne sont pas en zone de montagne. Voilà une vraie difficulté, que nous prendrons en compte.
J’essaie de répondre en m’exprimant aussi vite que vous lorsque vous m’avez interrogée. Cela devient un exercice de diction !
Sourires.
En ce qui concerne l’accès à la santé, je ne peux pas vous répondre au nom de Marisol Touraine, mais je trouve intéressant ce que vous avez dit sur l’expérimentation. En créant le statut du praticien territorial et avec les maisons de santé, dont nous avons aujourd’hui, je crois, des échos favorables, Marisol Touraine a organisé le mouvement. Que devons-nous, tous, avoir en tête ? CHU, CHR, hôpitaux locaux, maisons d’accueil, maisons de santé : il faut avoir un vrai parcours de santé, qui permette, d’abord, de désengorger les CHU et de répondre aux besoins. Il faut une vraie négociation entre ce qu’on appelle les hélicoptères rouges et les hélicoptères blancs, une vraie négociation entre les services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, et les systèmes de santé, en particulier en zone de montagne.
Nous devons avancer rapidement sur ce sujet. Si je vous réponds ainsi, c’est parce que nous avons commencé ce travail avec Marisol Touraine et Anne-Marie Escoffier.
Vous avez posé une autre question à propos des zones de revitalisation rurales, les ZRR. Vous avez raison, une mission d’évaluation a été lancée pour mesurer les effets des aides associées aux classements. Le Gouvernement est très attentif aux conclusions de cette mission pilotée par M. Calmette, ici présent. Sur cette base, des propositions seront faites pour faire évoluer ce dispositif, plus précisément pour améliorer les critères de classement ou les mesures incitatives. Cela vaudrait peut-être le coup de débattre, en commission, de l’ensemble de ces sujets.
Monsieur le président, mesdames les ministres, chers collègues, dans les territoires ruraux, comme, par exemple, dans ma circonscription, le pays Charolais-Brionnais, les risques de disparition d’un tribunal, d’une gendarmerie ou d’un commerce, la reprise d’un cabinet après le départ à la retraite du médecin du village, ou encore les dessertes routières ou ferroviaires, tous ces sujets font partie de nos combats d’élus, au quotidien.
Pour autant, la ruralité ne doit pas être appréhendée comme un naufragé qui se débat. C’est autant pour le quotidien de nos populations que pour l’attractivité et le développement de nos territoires ruraux que nous nous engageons, parce que nous croyons en leur avenir. Nos villages font preuve d’imagination, d’esprit d’initiative, et innovent au quotidien. Je pense, dans le pays Charolais-Brionnais, au développement des points d’information médiation multi-service, les PIMMS, mais aussi aux impulsions des associations.
Le rapport de nos collègues Carole Delga et Pierre Morel-A-L’Huissier cite de nombreux exemples. Il propose des pistes intéressantes pour améliorer l’accessibilité des services au public dans nos territoires, et assurer un égal accès aux services publics : maisons de service au citoyen, très haut débit, recentrage du FISAC, le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce. Ce rapport fait le point sur les différentes possibilités : structures porteuses, financement, perspectives, services publics, marchands ou non, commerces : le panel abordé pour assurer l’égalité devant le service public, mais aussi pour redynamiser les centres de nos bourgs, est extrêmement vaste, et porteur d’espoir pour l’avenir. Il représente, à mon sens, une boîte à outils très riche, et permettra de répondre à tous ces territoires qui ont le sentiment d’être abandonnés.
Se pose alors, nécessairement, la question de l’ingénierie, non seulement pour trouver la meilleure solution, mais aussi pour la mettre en oeuvre. L’enjeu sera évidemment l’égalité d’accès aux services. L’État doit jouer son rôle, mais les solutions ne peuvent être transposées d’un territoire à l’autre : elles doivent être adaptées aux spécificités territoriales et institutionnelles. Pour cela, il convient de partir de ce qui existe déjà, dans une démarche prospective. Quelle place l’État entend-il accorder à l’ingénierie ? Comment entend-il faire vivre cette dynamique, pour que les acteurs puissent s’approprier ces outils et actualiser leur potentiel ? Surtout, comment la pérenniser ?
Madame la députée, j’ai hésité entre plusieurs manières de répondre à votre question. Vous avez d’abord rappelé que les pôles d’équilibre territoriaux et ruraux peuvent solliciter, afin de financer des projets, les fonds spécifiquement consacrés au développement des services aux populations en zone rurale, fonds dont le montant a été fixé à 15 millions d’euros. Cela servira d’expérimentation : si nous avons choisi, avec Cécile Duflot et Anne-Marie Escoffier, de distraire 15 millions d’euros des enveloppes consacrées aux collectivités territoriales afin de permettre ce type d’échange, c’est précisément pour pouvoir en tirer toutes les leçons.
Vous avez également, dans votre question, évoqué ce que nous appelons le schéma départemental d’accès aux services publics. Il est d’ores et déjà prévu que ce dispositif sera inclus dans le projet de loi constituant la deuxième partie de la réforme de la décentralisation. Pour rendre plus clair l’accès aux services publics sur le territoire du département, il est important de construire ce cadre, et ensuite de définir des priorités pour les investissements, en favorisant la concertation entre l’État, le département et le bloc communal – c’est-à-dire les communes et les groupements de communes concernés – pour faciliter les mutualisations sur l’ensemble du territoire.
Dans ce projet de loi, nous affirmerons des principes. Par ailleurs, à partir des pôles d’équilibre territoriaux et ruraux, nous proposerons une politique publique – qui sera sans doute mise en oeuvre par des mesures réglementaires – qui rentrera dans le cadre de cette enveloppe. Il s’agira d’une aide spécifique aux territoires fragiles. Je crois que tous ces dispositifs répondent à l’ensemble de vos questions.
J’ajoute que Manuel Valls et moi voulons réécrire la charte de déconcentrations. À la demande du Premier ministre – tout le monde peut témoigner de sa position sur cette question – nous nous soucions particulièrement, dans ce cadre, d’améliorer les services de proximité, y compris les services publics d’État.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, en matière d’accessibilité des services au public, en particulier dans nos territoires ruraux ou très ruraux, la mise en place du haut débit, voire du très haut débit, est devenue en quelques années un critère essentiel de développement, de désenclavement, et donc d’attractivité. La révolution numérique est déjà en grande partie accomplie dans les territoires urbains. Aujourd’hui, l’enjeu est majeur pour les territoires ruraux, d’une part pour des besoins liés à l’identité, mais surtout pour développer les nombreuses pistes d’avenir qui passeront par cet outil : la télémédecine, le maintien à domicile des personnes âgées, l’accès aux ressources éducatives et culturelles en ligne ne sont que quelques exemples.
De plus, les études montrent que les territoires ruraux dotés d’équipements numériques de qualité bénéficient d’un solde migratoire positif. Cette dynamique entraîne le développement de toute une économie : des familles s’installent à l’année, des emplois pérennes sont créés, de nombreux équipements s’implantent… Bref, c’est tout un écosystème qui est recréé.
D’ailleurs, le discours actuel des maires des communes rurales démontre bien l’importance grandissante que prend le numérique dans l’aménagement du territoire. Ces maires font figurer le numérique parmi leurs priorités au même titre que les transports, la voirie ou l’accès aux soins. Les élus locaux, comme l’ensemble de nos concitoyens, considèrent de plus en plus que cette infrastructure de communication est un facteur crucial pour désenclaver et revitaliser un territoire.
Or, madame la ministre, il existe encore aujourd’hui une inégalité entre les espaces ruraux et urbains, et même entre les villes et les espaces périurbains, en matière d’aménagement numérique : vous le savez comme nous. Les zones rurales font partie des zones non conventionnées et représentent 43 % de la population. Dans ces zones, le déploiement du très haut débit est plus cher que dans les zones conventionnées urbaines, et coûterait de 13 à 14 milliards d’euros. Dans le cadre de la décentralisation, chaque département ou chaque région doit définir son propre schéma directeur en cohérence avec le programme national « très haut débit ». Les collectivités territoriales ont donc la charge de déployer les réseaux, aidées par l’État, au moyen de subventions, à hauteur de 3 milliards d’euros. Madame la ministre, pouvez-vous nous dire sur quels critères ces subventions seront attribuées aux collectivités, qui sont dans le même temps frappées par une diminution de leurs dotations versées par l’État ?
Madame la députée, vous savez que le Gouvernement s’est vraiment attaché à faire du haut débit une priorité. Il s’est d’ailleurs doté d’une feuille de route sur le numérique, qui l’identifie explicitement comme un levier de modernisation de l’action publique. Cela est répété très souvent.
Le numérique est une formidable opportunité pour la modernisation de l’action publique. Il nous permettra en particulier de rendre le service public plus accessible, ce qui est une nécessité absolue. En combinant la présence physique et le développement numérique, il sera possible de promouvoir les nouvelles formes de citoyenneté.
Il faut, en réalité, imaginer les écrivains publics numériques du XXIe siècle. Cependant, tout ne se règle pas à distance : il nous faut donc travailler aujourd’hui à l’aménagement numérique, qui fait l’objet d’une politique à part entière, dans l’objectif de couvrir le territoire par le très haut débit et de développer les usages du numérique. Sur ce point, l’État s’est engagé à hauteur de 3 milliards d’euros dans le cadre du programme « très haut débit », programme qui permettra de réaliser 20 milliards d’euros d’investissements en dix ans. Vous m’avez demandé quels seront les critères de répartition de ces crédits : des travaux seront réalisés à ce sujet, puis seront débattus par les collectivités territoriales elles-mêmes – départements, intercommunalités et communes. C’est à ce niveau-là que les critères seront fixés. Le Président de la République s’est engagé à ce que la population soit couverte à 50 % par le haut débit en 2017, et à 100 % en 2022. Une ligne de 50 millions d’euros vient d’être débloqués, via des prêts bonifiés de la Banque publique d’investissement, pour financer la transition numérique sur les territoires. Cette somme est disponible dès maintenant.
Enfin, j’appelle votre attention sur l’appel à projet « territoires numériques », qui doit aboutir à une sélection avant le 30 mai prochain. Des départements se sont déjà positionnés.
Nous en venons aux questions du groupe UMP.
La parole est à Mme Sophie Dion.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous savons tous bien que l’accessibilité de l’ensemble des services publics est un enjeu d’aménagement du territoire. Mais les réformes proposées par votre gouvernement sont exclusivement centrées sur les préoccupations urbaines : c’est vrai pour le redécoupage cantonal, la réforme des rythmes scolaires, et malheureusement aussi pour la santé, qui est pourtant considérée comme un droit fondamental de toute personne humaine.
L’accès au service public de la santé dans les territoires de montagne est un sujet d’inquiétude bien légitime. Dans le département de la Haute-Savoie, et plus particulièrement dans la vallée de l’Arve et le pays du Mont-Blanc, nous sommes confrontés depuis plusieurs années à la fermeture de services et de structures hospitalières. Après l’hôpital de Chamonix, qui est devenu une maison de santé, ce sont les urgences de la clinique de Cluses qui ont dû fermer, car cet établissement a été transformé par l’Agence régionale de santé en centre de premier recours. À cela s’ajoute une grave pénurie de médecins généralistes et spécialistes, sans oublier les préoccupations de l’Association des médecins de montagne. Ces médecins sont confrontés à des pics d’activité pendant les vacances scolaires ; leurs légitimes revendications ne sont pas prises en compte.
En montagne, on ne peut pas raisonner selon la même logique qu’en ville. La logique parisienne, urbaine, repose uniquement sur des critères comptables, de densité de population. Nous constatons chaque jour qu’appliquée à la montagne, elle aboutit à des déserts médicaux. En montagne, il faut prendre en compte dans le temps de parcours les aléas climatiques, le tracé des routes, l’isolement des hameaux. La règle selon laquelle un territoire ne doit pas être à plus de trente minutes d’une unité de soin ne veut rien dire. Vous le savez bien, madame la ministre : un kilomètre en plaine, à Paris ou en Bretagne, ce n’est pas la même chose qu’un kilomètre à la montagne.
L’accès à des soins de qualité est une nécessité pour tous. Je voudrais donc savoir, mesdames les ministres, quelles actions vous comptez mettre en oeuvre pour préserver un service de soin de qualité dans la montagne.
Cette problématique se retrouve, madame la députée, dans beaucoup de territoires ruraux. S’y ajoutent effectivement des difficultés spécifiques dans les territoires de montagne. L’Association nationale des élus de montagne – présidée par Frédérique Massat, et dont Laurent Wauquiez est secrétaire général – nous a largement sollicités, lors de son dernier congrès, au sujet des problèmes de santé dans les territoires de montagne.
Je ne reviendrai pas sur ce que j’ai dit tout à l’heure à propos de la réflexion qu’il convient de mener avec les ARS, sur le dispositif que constituent les CHU, les CHR, les hôpitaux locaux, les maisons d’accueil de convalescence et les groupes médicaux. Vous avez raison de rappeler que vous, élus de territoires de montagne, connaissez des problèmes particuliers liés aux temps de transport.
Dans le cadre de la négociation que je mènerai avec Anne-Marie Escoffier et Cécile Duflot sur les problèmes de ces territoires plus difficiles, je reposerai la question des soins d’urgence à Marisol Touraine. Il s’agit de régler les difficultés de gestion des « hélicoptères blancs » et des « hélicoptères rouges » – difficultés de gestion que vous connaissez sans doute encore mieux que moi – pour améliorer l’accès aux soins.
Faut-il inciter plus fortement les médecins à s’installer en zone de montagne qu’ailleurs ? Peut-être. Faut-il confier ces incitations aux collectivités territoriales ? Sur ce sujet, je vous répondrai en toute franchise : je pense que nous devrions avoir le courage de poser cette question à l’ensemble des professions médicales au niveau national. En effet, il s’agit d’un vrai problème d’inégalité territoriale, mais les collectivités territoriales n’ont pas à répondre à ce type d’injonctions de leur population.
Il est vrai aussi – comme je l’ai dit à Mme Massat la dernière fois – que tous les départements de montagne n’ont pas les mêmes difficultés financières. Quoi qu’il en soit, comme cela a été dit au dernier conseil national de la montagne, nous devons penser à rendre prioritaire la santé dans les conventions interrégionales de massif, qui sont en cours d’élaboration.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, la ruralité mérite et d’avoir toute sa place dans le débat parlementaire, et dans le suivi et la gouvernance territoriale de proximité qu’attendent les Français. J’appelle l’attention du Gouvernement sur les conséquences désastreuses de la loi du 17 mai 2013, présentée au Parlement par Manuel Valls, et relative notamment à l’élection des conseillers départementaux au scrutin binominal paritaire.
Cette loi a entraîné un charcutage sans précédent des cantons, donnant une prime à la représentation des zones urbaines, au détriment de notre ruralité, de la diversité de nos campagnes et de la richesse de nos territoires. Nos concitoyens sont pourtant attachés à la proximité par rapport à leurs élus, qui permet de mieux les identifier. Cette proximité est effectivement plus forte dans les territoires à faible densité de population : dans un canton, le conseiller général est en réalité le médiateur du quotidien des élus locaux et surtout des habitants.
Preuve de la méconnaissance des usages, vous allez aussi mettre fin au rôle historique occupé par de nombreux chefs-lieux de cantons, qui accueillent encore une brigade de gendarmerie, une recette-perception des impôts, un bureau de poste, et de nombreux autres services publics ; mais pour combien de temps ? Ils perdront aussi le versement de la dotation de solidarité rurale au titre de la fraction « bourg centre », ressource financière pourtant ô combien précieuse.
Cette loi revient donc sur plus de deux siècles d’enracinement des cantons dans notre vie démocratique. Les risques sont grands de voir peu à peu les services publics se réduire, car les moyens iront d’abord vers les grandes densités de population.
Mesdames les ministres, quelles sont les actions envisagées par le Gouvernement pour atténuer les séquelles dramatiques en milieu rural et la casse des services publics, liées à cette réorganisation électorale ?
Nous avons le sentiment d’assister à un « dépouillage » de nos zones rurales. Alors que, dans certains secteurs, l’organisation était intéressante, je ne comprends pas pourquoi vous voulez apporter du bonheur à des gens qui ne vous demandent rien.
Monsieur le député, voilà une question à laquelle le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, en charge de la carte électorale, a répondu à plusieurs reprises.
Vous me permettrez de revenir sur deux affirmations fortes. La loi, votée par les parlementaires, a pour objet, en premier lieu, d’introduire une véritable parité. Je vais simplement répéter un chiffre : les conseils généraux comptent aujourd’hui seulement 13,8 % de femmes. Nous allons désormais dans le sens de la parité, et je ne pense pas que cela puisse heurter nos sensibilités.
En second lieu, l’objectif de la loi est l’égalité des territoires. Je n’ai pas les chiffres de votre département, monsieur le député, mais nous pouvons constater des écarts qui vont de 1 à 40, d’un canton à l’autre. L’égalité démographique est donc un principe important qui a été appliqué lors de l’élaboration de ces cartes, sur lesquelles le Conseil d’État a eu à se prononcer.
Par ailleurs, vous faites un amalgame entre ces nouvelles cartes cantonales et la disparition de services ruraux. Les services ruraux n’ont jamais dépendu des cartes cantonales, mais des bassins de vie, c’est-à-dire de nos intercommunalités. Tout ce que nous faisons et ferons ensemble, y compris dans le cadre des futurs schémas, c’est travailler sur ces cartes de l’intercommunalité et des services publics.
J’ajoute que la subvention au bourg centre sera maintenue ; c’est un engagement du Premier ministre, qui sera tenu.
L’aménagement du territoire doit se traduire par une volonté politique forte et des politiques publiques ambitieuses, notamment à l’égard des territoires ruraux. Or, force est de constater que, depuis quelque temps, nous assistons davantage à un « déménagement » du territoire qu’à un véritable aménagement du territoire.
Je voudrais prendre un exemple parmi tant d’autres : celui de l’aménagement numérique à travers la téléphonie mobile et l’accès au très haut débit. S’agissant de la téléphonie mobile, nous constatons une dégradation sans précédent de la possibilité de téléphoner avec un mobile dans nos territoires ruraux. Je le constate moi-même depuis plusieurs mois dans mon département de la Mayenne.
Des communes entières ne sont pas bien desservies, voire pas du tout. Au moment où les opérateurs de téléphonie mobile nous rebattent les oreilles avec la 4G à grand renfort de publicité, qu’entendez-vous faire pour que ces territoires puissent accéder au moins à la 3G ?
Le très haut débit est également un outil d’attractivité et de développement économique de nos territoires. Le Président de la République s’est engagé sur un calendrier de couverture de l’ensemble du pays à l’horizon 2022. Ce calendrier me paraît beaucoup trop éloigné car, une fois de plus, ce sont les territoires ruraux qui seront encore le maillon faible de cette couverture.
C’est pourquoi, se fixer la fin de cette législature me paraîtrait une ambition plus équitable pour l’ensemble des territoires. Je voudrais avoir votre point de vue sur ce second point ; et, d’une manière générale, que préconisez-vous de concret et de rapide pour éviter que la fracture ne se creuse encore davantage entre les territoires dans le domaine du numérique ?
Le problème de la téléphonie mobile dans les zones blanches est bien connu, et concerne non seulement les territoires dits ruraux, mais également d’autres zones insuffisamment couvertes, sur l’ensemble du territoire.
C’est un sujet sur lequel le Gouvernement a voulu immédiatement travailler. Je vais vous donner quelques indications sur la couverture 2G : le Gouvernement a lancé il y a dix ans un programme de résorption des zones blanches de téléphonie mobile sur un nombre important de communes, plus de 3 000, aujourd’hui non desservies. Le programme est réalisé à 96 %. Aujourd’hui, nous pouvons donc penser que nous sommes à peu près arrivés à maîtriser le sujet.
De son côté, la couverture 3G fait l’objet d’un accord dit RAN sharing entre les opérateurs, qui prévoit que les communes relevant de ce programme de résorption de zones blanches soient, comme les autres communes de France, équipées de la 3G. À ce jour, le programme est réalisé à près de la moitié de l’objectif initial.
Enfin, s’agissant de la 4G dans les zones rurales, le déploiement fait partie des obligations auxquelles les opérateurs ont souscrit lors de l’acquisition des licences fin 2011, conformément à la loi relative à la lutte contre la fracture numérique. Ainsi, 22 308 communes des zones les plus rurales ont été identifiées comme relevant d’une zone prioritaire, dont la population sera desservie à hauteur de 40 % en 2017.
J’ajoute qu’un travail essentiel est en cours : sur l’ensemble du territoire, l’ensemble des opérateurs, notamment Orange, travaillent pour qu’une attention particulière soit portée aux zones où il y a peu de « clients ».
Je souhaiterais revenir sur la question de l’accès aux soins dans les territoires ruraux et dans les quartiers fragiles de nos villes. L’accès aux soins s’est dégradé par la combinaison de deux phénomènes : la géographie et les dépassements d’honoraires. D’après une enquête de l’UFC Que Choisir, 17,3 millions de personnes sont concernées, si l’on cumule les deux critères. Nous pouvons véritablement parler de fracture sanitaire, phénomène que la loi « hôpital, patients, santé et territoires » a amplifié.
La mise en place par le Gouvernement du statut de praticien territorial semble connaître un certain succès, comme en témoignent les quelques centaines d’installations, mais cela reste limité et ne répond pas à tous les problèmes. Aussi, j’aimerais savoir quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour améliorer l’accès aux soins de base non urgents dans ces territoires fragiles.
L’autre problème est celui des urgences dans les territoires éloignés des hôpitaux. Quasiment aucun médecin n’accepte de se déplacer ou de participer à des gardes vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Si l’engagement de l’État pour un accès aux urgences dans les trente minutes est en théorie satisfait, il ne l’est pas nécessairement dans la réalité, tant s’en faut.
Dans la plupart des communes rurales de ma circonscription, les pompiers, souvent seuls à se déplacer en cas d’urgence, mettent déjà en moyenne trente minutes, en faisant du mieux qu’ils peuvent, pour rejoindre l’habitation du malade – selon l’enquête que j’ai réalisée. Si l’on ajoute le déplacement jusqu’à l’hôpital, lui-même en moyenne égal ou même supérieur à trente minutes, en raison, par exemple, de l’encombrement des routes, la personne devra attendre plus d’une heure les soins urgents.
De plus, il existe un manque important de médecins pompiers, d’infirmiers pompiers et de médecins urgentistes ; l’intervention des secours est donc beaucoup trop longue.
Des réponses existent, comme, peut-être, la création de maison de premiers secours ou de premières urgences, qui pourraient permettre d’accéder rapidement à une prise en charge efficace, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce qui pourrait désengorger les services d’urgence des hôpitaux. J’ajoute qu’il nous faudrait, bien sûr, plus de personnel de soins.
Quelles réponses le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre pour remédier à ce crucial problème des urgences dans les territoires éloignés des hôpitaux ?
Il y a quelques minutes, Mme Lebranchu a apporté à deux de vos collègues des réponses sur le sujet que vous évoquez, et sur lequel je vais essayer de vous apporter quelques informations complémentaires. Je rappelle que la ministre des affaires sociales et de la santé, Mme Touraine, a pris, dans le cadre du « pacte territoire-santé », plusieurs engagements qui portent en particulier sur la création du statut de praticien territorial, effort que vous avez d’ailleurs salué.
On a beaucoup parlé du développement des maisons de santé. Un travail est en cours dans tous les départements et permet de réunir les compétences de l’ensemble des personnels médicaux.
S’agissant des dépassements d’honoraires, je souhaite vous rassurer : depuis la fin 2012, un ensemble de dispositifs a été mis en oeuvre pour les encadrer très strictement. Ils font désormais l’objet d’un contrôle et d’une surveillance particulière.
Enfin, vous avez insisté sur le grave problème de l’accès aux urgences, en particulier dans certaines zones éloignées des centres urbains où se trouvent les hôpitaux. Toutes les solutions que vous avez mentionnées – recours au Samu, aux sapeurs-pompiers – sont des réalités.
La possibilité, que vous avez évoquée, de recourir à des services de premier recours ou de première urgence est actuellement examinée. Dans chaque région, des plans santé sont en train de se construire avec les agences régionales de santé et les élus locaux. C’est dans ce cadre que seront trouvées les meilleures solutions.
Ma question concerne l’ouverture à la concurrence étrangère des infrastructures d’hydroélectricité détenues majoritairement par EDF. La France a cette spécificité d’appliquer le principe de péréquation tarifaire pour l’ensemble du territoire. Le kilowattheure d’électricité, le timbre, la redevance audiovisuelle, voilà des exemples de fourniture de biens quotidiens de service public qui sont constitutifs du modèle Français.
Or cette vision, nationale et péréquée, est attaquée idéologiquement et juridiquement par la vision européenne des services d’intérêt économique général, lesquels doivent d’abord répondre à un des dogmes de la construction européenne : la fameuse concurrence libre et non faussée.
Pour les installations hydrauliques de la Dordogne, du Lot et de la Truyère, cette mise à la concurrence devait débuter en 2014. En matière d’énergie, le marché de l’hydroélectricité ne pèse que 12 % de la consommation d’électricité en France, mais les barrages qui arrivent en fin de concession sont légion dans la région Midi-Pyrénées.
Si EDF n’a plus la main sur ses installations, de lourdes conséquences sont à prévoir, notamment en matière d’emploi ; cela a un effet indirect sur l’accès des administrés aux services publics, et pourrait avoir un impact financier et social sur les services publics de l’hydroélectricité.
Le partage du parc hydroélectrique français avec d’autres acteurs étrangers émietterait le service public de l’hydroélectricité détenu par EDF et ne répondrait plus aux impératifs d’intérêt général, ouvrant la voie à une privatisation de ce système d’alimentation électrique par d’autres pays.
Nous savons que l’ouverture à la concurrence de ces installations hydroélectriques est une obligation imposée par la loi, mais quelle est la position du Gouvernement quant à la sauvegarde du service public de l’hydroélectricité ?
Parmi les propositions faites dans le rapport de 2013 de la mission parlementaire sur l’hydroélectricité, quel scénario serait retenu, pour que les ménages et les personnes morales, premiers bénéficiaires des services publics, soit touchés le moins possible par les conséquences que cette ouverture à la concurrence pourrait engendrer ?
L’hydroélectricité est une énergie renouvelable décentralisée, ancrée dans les territoires, et génère des emplois non délocalisables. C’est une politique à laquelle le Gouvernement est très attentif, car elle concerne un patrimoine national qui doit être préservé et bien géré.
Comme vous l’avez rappelé, il convient aujourd’hui d’assurer le renouvellement des concessions qui sont arrivées à terme ; c’est une obligation légale, et un travail est en cours. Comme vous le savez, le dossier de l’hydroélectricité et du renouvellement des concessions est suivi avec attention par mon collègue Philippe Martin. C’est un sujet de préoccupation pour de nombreux élus. Dans votre département comme dans le mien, nous sommes très conscients de ces problèmes.
Le précédent gouvernement avait conçu un scénario unique de mise en concurrence avec appel d’offres, concession par concession. Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a voulu explorer, avec pragmatisme, des scénarios alternatifs différents et avoir surtout une approche globale de cette question. Le ministre Philippe Martin s’est attaché à prendre en compte l’expertise des parlementaires et, vous l’avez rappelé, il s’est appuyé en particulier sur le rapport présenté en septembre 2013 par votre collègue Marie-Noëlle Battisti, pardon Marie-Noëlle Battistel. Nous avons besoin d’une véritable politique de l’hydroélectricité, et Philippe Martin souhaite intégrer des dispositions sur ce sujet dans le projet de loi de transition énergétique qui doit être travaillé et déposé très prochainement.
Le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie entend bien que nous puissions travailler ensemble avant de prendre des décisions essentielles, tant pour les territoires que pour notre système électrique, l’avenir de l’opérateur historique et la valorisation du potentiel d’hydroélectricité de la France.
Je veux saluer Mme Battistel pour la qualité de son rapport et je lui demande de bien vouloir me pardonner d’avoir écorché son nom.
Prochaine séance, à vingt et une heures trente :
Débat sur le bilan et les perspectives de l’action de l’État en matière de transports urbains.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures quinze.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron