Intervention de Alain Calmette

Réunion du 25 février 2014 à 17h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Calmette, co-rapporteur :

M. le Président, mes chers collègues, je me joins aux remerciements formulés par mon collègue à l'égard du Président Chanteguet pour la création d'une mission d'information sur les ZRR, qui, comme vous allez pouvoir le constater, était importante et attendue compte tenu du manque d'évaluation du dispositif.

En 2013, les ZRR couvrent 14 290 communes, soit près de 40% du total des communes françaises. Elles concernent plus de 6 millions d'habitants. Vous disposez en page 10 de notre communication d'une carte des ZRR qui montre clairement que les communes en ZRR sont réparties autour de ce qu'on a l'habitude de qualifier de « diagonale du vide ». Ce sont essentiellement des petites communes qui sont classées en ZRR : les communes de moins de 250 habitants représentent ainsi à elles seules 55% des communes classées en ZRR.

Ce large zonage obéit à des critères fixés en 2005, qui sont au nombre de trois :

- un critère institutionnel tout d'abord. La commune doit appartenir à un EPCI à fiscalité propre. Il s'agissait à l'époque d'encourage le développement de l'intercommunalité. Avec l'achèvement de la carte communal, ce critère est aujourd'hui satisfait.

- un critère de faible densité démographique, selon des seuils fixés par décret ; la commune doit relever d'un canton ou d'un EPCI à fiscalité propre dont la densité de population est inférieure à 35 habitants par km², ou d'un arrondissement dont la densité de population est inférieure à 37 habitants par km².

- un critère socio-démographique enfin, apprécié sur la base du déclin de la population, du déclin de la population active ou de la forte proportion d'emplois agricoles.

Comme vous le constatez, il s'agit là de critères essentiellement de nature démographique.

Ces critères sont restés inchangés depuis 2005 jusqu'à ce qu'ils arrivent sur « le devant de la scène » au cours de l'été 2013 : près de 2000 communes ont été brutalement sorties du classement en ZRR alors que leur situation économique n'avait pas évolué, avant d'être finalement réintégrées. Vous avez sans doute vécu, chacun dans votre circonscription, cet épisode.

Il est alors apparu que les critères de classement en ZRR pouvaient soulever des difficultés. Nos observations sur cette question seront au nombre de quatre.

Tout d'abord, les critères de classement aboutissent à un zonage de plus en plus dilué : en 2013 près de 47% des communes rurales sont classées en ZRR. Cette dilution est en partie à l'origine d'un saupoudrage des aides versées sur ces zones.

Deuxièmement, le classement en ZRR est gelé. Chaque année un arrêté de classement est pris mais il vise exclusivement à tenir compte de l'évolution de la carte intercommunale. En revanche, le principe d'une révision tous les cinq ans du classement en ZRR pour prendre en compte les évolutions démographiques n'est plus appliqué depuis 2005 car, faute de mécanisme de sortie progressive, de « phasing out » pour employer un terme anglo-saxon, cette décision serait trop lourde pour les communes concernées.

De ce fait, le nombre de communes classées en ZRR a cru mécaniquement sous l'effet de l'essor de l'intercommunalité. Mais le classement en ZRR ne reflète plus l'évolution démographique et socio-démographique des territoires ruraux.

Ensuite, le classement est devenu fragile sur le plan juridique.

A l'été 2013, un groupe de travail a été constitué en vue de mener une réflexion sur les critères de classement et a débouché sur un décret relevant les seuils démographiques qui déclenchent le classement en ZRR. L'application de ce texte a permis de classer 1 213 nouvelles communes en ZRR, mais a également conduit à exclure, à l'été 2013, 1 891 communes, soit 15% des communes classées en ZRR. Comme je l'ai précédemment évoqué, le pouvoir politique a alors pris la sage décision de réintégrer ces communes en ZRR sans toutefois toucher au nouveau décret fixant les seuils démographiques.

Autrement dit, les textes réglementaires ne sont plus appliqués pour déterminer la sortie du classement en ZRR. Cette situation présente de forts risques sur le plan juridique : un contribuable pourrait fort bien contester le bien-fondé des aides octroyées aux 1 891 communes précitées. L'épisode de l'été 2013 illustre toute l'ambiguïté du dispositif ZRR : il repose sur des critères démographiques mais est perçu en réalité comme un filet de sécurité économique, compte tenu de la nature des aides qu'il permet d'obtenir.

Enfin, les critères actuels ont perdu de leur pertinence. Alors que les territoires ruraux ont considérablement évolué depuis 2005, les critères de classement en ZRR – à la fois homogènes et statiques – ne permettent plus de prendre compte cette évolution, ni de refléter la fragilité économique des territoires concernés. En particulier, une approche démographique ne peut seule servir à définir les communes classées en ZRR alors qu'on observe un regain de population dans les territoires ruraux, même si les phénomènes de déprise démographique persistent par endroit.

Je terminerai ce bref exposé par trois conclusions :

- une révision des critères de classement en ZRR est devenue indispensable et il est impossible de se contenter d'un simple « replâtrage » comme nous l'avons connu à l'été 2013. Il reste à déterminer les nouveaux critères à prendre en compte : ce sera l'objet de notre rapport d'ici l'été prochain. Nous penchons en faveur de critères simples, qui pourraient être celui de la densité démographique couplé à celui du revenu par habitant, sur le modèle de la réforme de la politique de la ville.

- une décision devra être prise pour savoir s'il convient de maintenir le dispositif ZRR sur un nombre élevé de communes – les aides servant alors de « coup de pouce » – ou de mettre en place un dispositif plus resserré, en faveur des communes rurales les plus fragiles, moyennant alors un mécanisme de sortie progressive pour les communes exclues. Notre préférence va vers la deuxième orientation : on voit tout l'avantage d'avoir un dispositif resserré sur un nombre moins important de communes, afin que les aides agissent réellement comme un facteur de développement rural.

- le débat portera enfin sur le choix de la commune ou de l'intercommunalité comme échelon de base. Les deux orientations ont chacune leurs avantages. Le choix de la commune permet un zonage plus simple ; celui de l'intercommunalité permet de se caler sur la compétence économique dévolue à cet échelon mais risquent de se traduire par l'intégration en ZRR de communes qui ne devraient pas relever de ce zonage.

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