Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du 25 février 2014 à 17h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • ZRR
  • classement
  • démographique
  • exonération
  • fragile
  • intercommunalité
  • rurale
  • ruraux
  • zonage

La réunion

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Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a examiné une communication de la mission d'information sur les zones de revitalisation rurales (ZRR) (MM. Alain Calmette et Jean-Pierre Vigier, rapporteurs).

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Le bureau de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a décidé, le 2 octobre 2013, de créer une mission d'information sur les zones de revitalisation rurale et a désigné MM. Alain Calmette et Jean-Pierre Vigier comme co-rapporteurs.

Avant l'interruption de nos travaux en raison des élections municipales, les deux co-rapporteurs ont souhaité nous présenter leurs premières conclusions

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M. le Président, mes chers collègues, en préambule, je voudrais tout d'abord remercier la Commission et son Président d'avoir accepté de créer une mission d'information sur les zones de revitalisation rurale (ZRR) et de nous en avoir confié la responsabilité.

J'évoquerai brièvement le contexte dans lequel cette mission intervient. Sous l'effet de la mondialisation, nous assistons actuellement à une métropolisation croissante du territoire national. Principal moteur de la croissance française, les métropoles constituent le coeur des zones d'emploi marchandes dynamiques et cette situation pourrait, à l'avenir, s'accentuer.

Dans la compétition mondiale à l'oeuvre, quel peut être, de ce fait, l'avenir des territoires éloignés des métropoles ? Ces dernières sont-elles appelées à servir de « locomotive » en exerçant un effet d'entraînement sur le reste du pays ou vont-elles au contraire, en concentrant la croissance et les activités d'avenir, accentuer les inégalités territoriales ?

Par ailleurs, depuis la crise de 2008, nous assistons à une montée des inégalités territoriales, au point que certains parlent de « fracture territoriale ». Sous l'effet de la crise, des territoires sont affaiblis : un cinquième de la population française vit actuellement dans des territoires en déclin ou en difficultés. Et phénomène plus grave encore : la crise pourrait affaiblir les mécanismes de redistribution qui ont contribué, pendant plusieurs décennies, à la dynamique d'égalisation des territoires. Les contraintes pesant sur la dépense publique risquent de peser lourdement sur les mécanismes de solidarité à l'oeuvre en France.

Dès lors la question se pose de savoir si nous allons vers une « dualisation » des territoires, avec d'un côté ceux tournés vers la concurrence internationale et de l'autre des territoires qui en seraient écartés. Pourtant, ces deux types de territoires sont complémentaires et ont besoin l'un de l'autre. Les territoires ruraux participent à l'équilibre territorial national.

Dans un pays de tradition rurale comme la France, cette question vaut tout particulièrement pour les territoires ruraux. Certes, ceux-ci connaissent une diversification croissante, voire un regain d'attractivité pour certaines régions. Pour autant, une forme persistante de fragilité profonde demeure au sein des territoires ruraux, essentiellement dans les zones de faible densité. C'est précisément parce que nous sommes convaincus de l'intérêt d'une politique active d'aménagement du territoire, pour assurer le principe d'égalité des chances de chaque citoyen et une mise en valeur équilibrée du territoire de la République que nous avons souhaité une mission d'information sur les ZRR.

Celles-ci sont nées, en 1995, de la volonté du législateur d'introduire une forme de discrimination positive en faveur de territoires ruraux confrontés à « des difficultés particulières ». Des aides spécifiques ont donc été apportées aux communes classées en ZRR dès 1995, puis renforcées en 2005. Près de 20 ans après l'instauration des ZRR, face aux difficultés de territoires ruraux de plus en plus isolés, il convient de s'interroger sur le point de savoir si les ZRR contribuent ou non à une politique efficace d'égalité des territoires.

Aux termes des trois premiers mois de nos auditions, nous avons souhaité vous présenter un premier état des lieux, en examinant le dispositif en faveur des ZRR sous deux angles : les critères de classement : sont-ils pertinents pour appréhender la situation de fragilité des territoires ruraux ? Les aides allouées : ont-elles un impact sur le développement économique des territoires bénéficiaires ?

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M. le Président, mes chers collègues, je me joins aux remerciements formulés par mon collègue à l'égard du Président Chanteguet pour la création d'une mission d'information sur les ZRR, qui, comme vous allez pouvoir le constater, était importante et attendue compte tenu du manque d'évaluation du dispositif.

En 2013, les ZRR couvrent 14 290 communes, soit près de 40% du total des communes françaises. Elles concernent plus de 6 millions d'habitants. Vous disposez en page 10 de notre communication d'une carte des ZRR qui montre clairement que les communes en ZRR sont réparties autour de ce qu'on a l'habitude de qualifier de « diagonale du vide ». Ce sont essentiellement des petites communes qui sont classées en ZRR : les communes de moins de 250 habitants représentent ainsi à elles seules 55% des communes classées en ZRR.

Ce large zonage obéit à des critères fixés en 2005, qui sont au nombre de trois :

- un critère institutionnel tout d'abord. La commune doit appartenir à un EPCI à fiscalité propre. Il s'agissait à l'époque d'encourage le développement de l'intercommunalité. Avec l'achèvement de la carte communal, ce critère est aujourd'hui satisfait.

- un critère de faible densité démographique, selon des seuils fixés par décret ; la commune doit relever d'un canton ou d'un EPCI à fiscalité propre dont la densité de population est inférieure à 35 habitants par km², ou d'un arrondissement dont la densité de population est inférieure à 37 habitants par km².

- un critère socio-démographique enfin, apprécié sur la base du déclin de la population, du déclin de la population active ou de la forte proportion d'emplois agricoles.

Comme vous le constatez, il s'agit là de critères essentiellement de nature démographique.

Ces critères sont restés inchangés depuis 2005 jusqu'à ce qu'ils arrivent sur « le devant de la scène » au cours de l'été 2013 : près de 2000 communes ont été brutalement sorties du classement en ZRR alors que leur situation économique n'avait pas évolué, avant d'être finalement réintégrées. Vous avez sans doute vécu, chacun dans votre circonscription, cet épisode.

Il est alors apparu que les critères de classement en ZRR pouvaient soulever des difficultés. Nos observations sur cette question seront au nombre de quatre.

Tout d'abord, les critères de classement aboutissent à un zonage de plus en plus dilué : en 2013 près de 47% des communes rurales sont classées en ZRR. Cette dilution est en partie à l'origine d'un saupoudrage des aides versées sur ces zones.

Deuxièmement, le classement en ZRR est gelé. Chaque année un arrêté de classement est pris mais il vise exclusivement à tenir compte de l'évolution de la carte intercommunale. En revanche, le principe d'une révision tous les cinq ans du classement en ZRR pour prendre en compte les évolutions démographiques n'est plus appliqué depuis 2005 car, faute de mécanisme de sortie progressive, de « phasing out » pour employer un terme anglo-saxon, cette décision serait trop lourde pour les communes concernées.

De ce fait, le nombre de communes classées en ZRR a cru mécaniquement sous l'effet de l'essor de l'intercommunalité. Mais le classement en ZRR ne reflète plus l'évolution démographique et socio-démographique des territoires ruraux.

Ensuite, le classement est devenu fragile sur le plan juridique.

A l'été 2013, un groupe de travail a été constitué en vue de mener une réflexion sur les critères de classement et a débouché sur un décret relevant les seuils démographiques qui déclenchent le classement en ZRR. L'application de ce texte a permis de classer 1 213 nouvelles communes en ZRR, mais a également conduit à exclure, à l'été 2013, 1 891 communes, soit 15% des communes classées en ZRR. Comme je l'ai précédemment évoqué, le pouvoir politique a alors pris la sage décision de réintégrer ces communes en ZRR sans toutefois toucher au nouveau décret fixant les seuils démographiques.

Autrement dit, les textes réglementaires ne sont plus appliqués pour déterminer la sortie du classement en ZRR. Cette situation présente de forts risques sur le plan juridique : un contribuable pourrait fort bien contester le bien-fondé des aides octroyées aux 1 891 communes précitées. L'épisode de l'été 2013 illustre toute l'ambiguïté du dispositif ZRR : il repose sur des critères démographiques mais est perçu en réalité comme un filet de sécurité économique, compte tenu de la nature des aides qu'il permet d'obtenir.

Enfin, les critères actuels ont perdu de leur pertinence. Alors que les territoires ruraux ont considérablement évolué depuis 2005, les critères de classement en ZRR – à la fois homogènes et statiques – ne permettent plus de prendre compte cette évolution, ni de refléter la fragilité économique des territoires concernés. En particulier, une approche démographique ne peut seule servir à définir les communes classées en ZRR alors qu'on observe un regain de population dans les territoires ruraux, même si les phénomènes de déprise démographique persistent par endroit.

Je terminerai ce bref exposé par trois conclusions :

- une révision des critères de classement en ZRR est devenue indispensable et il est impossible de se contenter d'un simple « replâtrage » comme nous l'avons connu à l'été 2013. Il reste à déterminer les nouveaux critères à prendre en compte : ce sera l'objet de notre rapport d'ici l'été prochain. Nous penchons en faveur de critères simples, qui pourraient être celui de la densité démographique couplé à celui du revenu par habitant, sur le modèle de la réforme de la politique de la ville.

- une décision devra être prise pour savoir s'il convient de maintenir le dispositif ZRR sur un nombre élevé de communes – les aides servant alors de « coup de pouce » – ou de mettre en place un dispositif plus resserré, en faveur des communes rurales les plus fragiles, moyennant alors un mécanisme de sortie progressive pour les communes exclues. Notre préférence va vers la deuxième orientation : on voit tout l'avantage d'avoir un dispositif resserré sur un nombre moins important de communes, afin que les aides agissent réellement comme un facteur de développement rural.

- le débat portera enfin sur le choix de la commune ou de l'intercommunalité comme échelon de base. Les deux orientations ont chacune leurs avantages. Le choix de la commune permet un zonage plus simple ; celui de l'intercommunalité permet de se caler sur la compétence économique dévolue à cet échelon mais risquent de se traduire par l'intégration en ZRR de communes qui ne devraient pas relever de ce zonage.

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Les ZRR sont connues pour les exonérations fiscales et sociales auxquelles elles ouvrent droit. Ce zonage est également utilisé pour une multitude de mesures, qui se sont sédimentées au fil du temps. Ces dispositifs sont aussi hétéroclites qu'hétérogènes.

Selon les informations que nous avons réunies, les ZRR sont ainsi visées par 35 articles de lois, 3 ordonnances, 25 décrets, 6 arrêtés, 3 décisions et 5 circulaires. Il est urgent de simplifier ce système.

Je ne vais pas ici vous présenter une liste « à la Prévert », je me contenterai de vous citer quelques exemples.

En matière de dotations aux collectivités territoriales, il est ainsi prévu une majoration de 30 % de la fraction bourg-centre de la dotation de solidarité rurale (DSR). Cette mesure a un impact financier et est connue.

D'autres mesures le sont moins, comme, dans le domaine de l'enseignement, le principe d'un accueil prioritaire des enfants dès l'âge de 2 ans en maternelle et l'engagement d'une concertation avant toute révision de la carte des formations du second degré. Ce dispositif est particulièrement important pour les petites communes rurales : l'intégration de très jeunes enfants permet de maintenir les classes ouvertes et donc la vie dans ces communes.

Certaines de ces mesures sont récentes : dans le domaine de l'emploi des jeunes, il est ainsi prévu une priorité d'accès aux emplois d'avenir pour les jeunes en ZRR assorti d'un assouplissement des conditions d'accès.

D'autres mesures sont également applicables en matière de développement économique, de service public, en faveur des professions libérales, dans le domaine agricole, en matière de logement, ou en faveur des personnes âgées.

Nous avons été frappés, au cours de nos premières auditions, de constater qu'aucun de ces dispositifs n'a été cité comme contribuant spécifiquement au développement économique des ZRR. Ces mesures sont ponctuelles et ne s'inscrivent pas dans une politique spécifique. Elles sont, surtout, notoirement insuffisantes sur les territoires ruraux les plus fragiles, confrontés à des problématiques de désert médical, de disparition des services publics et de recul économique.

J'en viens maintenant aux exonérations fiscales et sociales : elles constitue le coeur du dispositif ZRR et symbolisent la perception que les territoires ruraux ont de l'équité de la République. Ces exonérations concernent, depuis 1995, les entreprises du secteur privé et, depuis 2005, les organismes d'intérêt général (OIG), c'est-à-dire les associations d'utilité publique.

Au terme de nos investigations, nous avons recensé au total 18 exonérations fiscales et 3 exonérations sociales. Afin de vous éviter à nouveau une « liste à la Prévert », nous vous invitons à vous reporter en page 35 de la communication où un tableau de synthèse présente les diverses exonérations applicables.

Nos travaux se sont heurtés à une difficulté majeure : l'absence totale de dispositif d'évaluation pérenne et exhaustif des ZRR. Cette lacune a été déjà dénoncée à maintes reprises, notamment dans un rapport d'inspection de 2009, mais sans effet. Les évaluations sur les ZRR restent donc le fruit de travaux ponctuels, issus principalement de la mission d'inspection précitée.

Quels enseignements tirer des travaux d'évaluation existants ?

En premier lieu, que les exonérations en faveur des ZRR ne se montent pas à 511 millions d'euros comme le chiffre circule habituellement, mais à près de 235 millions d'euros, soit un coût deux fois moindre. Ce chiffre représente une enveloppe moyenne de 16 000 euros par commune classée. Autrement dit, depuis 2009, on assiste à une baisse sensible et « silencieuse » des mesures en faveur des ZRR. Comment dans ces conditions agir efficacement en faveur de l'attractivité des territoires ruraux les plus fragiles ?

En second lieu, des jugements très durs ont été portés, lors des auditions que nous avons menées, sur l'efficacité des aides en ZRR : leurs effets sont jugés au mieux « non palpables », certains évoquant l'idée que : « l'on attend d'être mort pour nous aider ». Les effets des exonérations sur les TPE et PME, sur l'offre médicale, ainsi qu'en matière d'emplois sont insuffisants : au mieux, les aides servent-elles de filet de sécurité.

Nous aboutissons à la conclusion que les mesures en faveur des ZRR sont nécessaires, mais largement insuffisantes pour insuffler une dynamique de développement territorial et garantir aux habitants des territoires les plus fragiles des conditions de vie équivalente à celles observées sur le reste du territoire.

Dès lors, des réformes s'imposent. Dans un contexte de dépenses publiques sous contrainte, le premier impératif d'une révision du régime ZRR sera de gagner en efficacité. Il est donc urgent de définir une stratégie de long terme en faveur des territoires ruraux les plus fragiles. Une double orientation est, à cet égard, envisageable.

La première concerne la finalité des aides. Deux stratégies s'opposent : la première consiste à maintenir des aides « saupoudrées », destinées à servir de « coup de pouce » ; la seconde vise à créer de l'activité économique pour maintenir les habitants. Ce débat rejoint celui du zonage : la dilution des aides sera d'autant plus facile que le nombre de communes bénéficiaires sera élevé ; une concentration du dispositif appelle au contraire un resserrement du classement en ZRR.

La seconde vise à procéder à des arbitrages au sein des aides actuellement ouvertes sur la base de leur rapport coût-efficacité, pour accentuer celles présentant un intérêt en termes de création d'emploi et d'animation des territoires les plus fragiles.

La remise en cause de l'appartenance de certaines communes aux ZRR au cours de l'été 2013 a servi de détonateur, en soulignant l'attachement des populations et de leurs élus au maintien d'un dispositif dédié aux territoires ruraux les plus fragiles. Il est maintenant urgent de réformer le dispositif en vigueur, afin qu'il gagne en efficacité, de le rendre incontestable et d'en assurer ainsi la pérennité.

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J'ai noté qu'en 2009 les nouveaux critères n'avaient pas été appliqués, par peur de voir sortir du dispositif un nombre trop important de communes. Même si j'ai bien entendu votre volonté, messieurs les rapporteurs, de voir le dispositif ZRR resserré et recentré, je constate un réel attachement des élus à son maintien.

Une évaluation de ce même dispositif, qui n'a jamais été faite, s'impose, en raison de la mobilisation de plusieurs dizaines de millions d'euros d'argent public. Confère-t-il aux territoires concernés, en définitive, de l'attractivité ?

Vous avez évoqué un recentrage, avec moins de communes bénéficiaires, du zonage, mais également l'évolution des critères présidant au classement, en appelant de vos voeux l'utilisation d'un critère plus synthétique que le simple critère démographique. Vous avez également plaidé en faveur d'un « peignage » des aides auxquelles le classement donne droit.

Il faut réfléchir globalement, en tentant de répondre à cette interrogation : si nous avions à imaginer demain un nouveau mécanisme d'aide, quel serait-il ? Il faudrait évidemment qu'il puisse redonner de l'attractivité aux territoires, qu'il permette le maintien de services publics locaux et le développement d'activités. Cela implique bien sûr de s'extraire des dispositifs actuels.

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J'ai le droit, je l'espère, de m'exprimer de temps en temps dans cette commission. J'ai bien compris qu'au cours des six prochains mois je ne m'exprimerai plus… (Sourires)

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Les populations, comme les élus locaux, restent particulièrement attachés aux ZRR. Les membres du groupe UMP y sont d'autant plus attachés que le père des zones de revitalisation rurale s'appelle Patrick Ollier. En tant que président de l'Association nationale des élus de la montagne (ANEM), il a poussé et porté sur les fonts baptismaux cette idée, nouvelle à l'époque. Le ministre de l'intérieur qui a défendu le texte en 1995 était Charles Pasqua, mais c'est bien à Patrick Ollier que revient la paternité des zones de revitalisation rurale (ZRR).

Il ne s'agit pas uniquement de péréquation et de solidarité, mais bien d'égalité puisqu'en tout point du territoire national on doit pouvoir accéder à un minimum de services et vivre décemment. Je rappelle que les territoires ruraux accueillent, le mercredi après-midi, pendant le week-end et au cours des vacances, des urbains de plus en plus nombreux. Ils portent par ailleurs l'image de la France à l'international grâce au tourisme, constituent aussi les principaux supports de la biodiversité et de l'eau potable, et nourrissent la France et le monde. Cela va donc bien au-delà de la simple solidarité financière.

Quand on parle de désert médical, ce phénomène touche, en plus des populations autochtones, les visiteurs, les vacanciers et les touristes. Si, grâce au dispositif ZRR, un médecin a pu s'installer au sein d'une commune classée en ZRR, et bien tous les touristes qui y séjournent en bénéficient.

Je reviens sur la mission d'information : sa création s'explique, en vérité, par la nécessité d'éteindre le feu allumé par le Gouvernement en août 2013, en pleine torpeur estivale, lorsqu'il a pensé pouvoir, d'un claquement de doigt, exclure du dispositif 1 800 communes. Le vent d'apaisement qu'a fait souffler les travaux de cette mission a fort heureusement été entendu par le Gouvernement, qui semble désormais convaincu de la nécessité que prévalent la transparence, la concertation et la volonté de ne pas dénaturer l'esprit originel des ZRR. Dans ces conditions, et dans ces conditions seulement, et avec l'aide des rapporteurs, les commissaires UMP ne s'opposeront pas à ce que les ZRR soient confortées dans le cadre d'une mise à jour rendue nécessaire par les vingt ans qui nous séparent désormais de leur création.

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Si intellectuellement on peut agréer votre proposition de resserrer le dispositif autour de communes moins nombreuses, mais plus ciblées, il faudra gérer la sortie du dispositif des municipalités ou des intercommunalités qui en faisaient jusqu'à présent partie et qui y étaient, cela a été dit, très attachées, car elles n'ont pas le choix, économiquement parlant.

La clarté s'impose, par ailleurs, quant aux nouveaux critères, car ils devront être compris par le plus grand nombre.

Vous avez émis l'hypothèse de réserver le bénéfice du nouveau dispositif aux communes ou aux communautés de communes. Je me demande si, dans ce cas, on ne pourrait pas raisonner différemment, dans la mesure ou, en fonction des projets, le bon périmètre peut être la commune ou l'intercommunalité. Je m'explique : il faut pouvoir apporter, sur la base de critères précis, comme la démographie ou le niveau de ressources, une aide à un territoire, mais il faut aussi être en mesure de le faire en fonction de la capacité de développement, de création de richesses et d'emploi. Tous les projets n'ont pas le même potentiel.

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La ruralité demeure une réalité démographique, économique et culturelle, dans notre pays : il faut donc offrir aux territoires qui la portent les moyens de valoriser leurs atouts et de renforcer leur attractivité. Elle apparaît pourtant, parfois, comme oubliée des politiques publiques, et certaines mesures prises récemment ont eu sur elles des conséquences néfastes et malheureuses. Je pense en particulier à une disposition de la loi de finances concernant la révision, dans le cadre des ZRR, de l'exonération des charges liées à l'embauche de salariés par certains organismes à but non lucratif comme les associations. Elle a menacé l'emploi au sein des ZRR.

Le diagnostic que vous dressez, messieurs les rapporteurs, du dispositif ZRR, s'avère à la fois utile et intéressant, notamment par les évolutions qu'il pourrait connaître. Ce dispositif constitue un outil essentiel de la revitalisation des territoires les plus fragiles – qui d'ailleurs, sous l'effet de la mondialisation et de la crise, font face à un creusement des inégalités spatiales – et de leur attractivité. Dans le département de la Mayenne, plus d'un tiers des communes relève d'une zone de revitalisation rurale.

Les critères utilisés pour le classement ne permettent plus d'appréhender le degré de fragilité des territoires concernés : à ce titre, il paraît donc logique de les réviser. Quelle forme doit prendre cette révision ? Faut-il maintenir le dispositif sur un nombre élevé de communes, et dans ce cas les aides octroyées jouent le rôle de coup-de-pouce, ou faut-il mettre en place un dispositif plus resserré, en faveur des communes rurales les plus fragiles ? Pour autant, si sortie il doit y avoir, il faut qu'elle se fasse de manière progressive.

Vous avez pu mesurer, au cours de vos auditions, l'attachement unanime, au-delà des clivages partisans, qui nous lie au dispositif des ZRR. Comment, cependant, le faire évoluer, pour qu'il gagne en pertinence et en efficacité ? L'idée de zones franches rurales avait, un moment, été évoquée : que pensez-vous du possible décalque au monde rural de ce zonage propre aux milieux urbains ?

Vous avez émis l'hypothèse de voir les ZRR épouser en quelque sorte les contours des communautés de communes : attention, car au sein des EPCI, les communes peuvent connaître des situations et des besoins différents. Il faut rester extrêmement prudent.

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Je partage l'avis des rapporteurs sur la nécessité d'intégrer, dans les critères révisés – et même s'il faut conserver un critère démographique – la richesse des populations et donc leur niveau de revenu. Un territoire rural peut disposer de moyens, par exemple parce qu'il accueille des entreprises importantes. Il faut aussi avoir en tête les soldes, migratoire et naturel, pour mieux rendre compte des phénomènes démographiques.

Attention aux faux-amis : vous dites que le chômage reste moins élevé en zone rurale, mais cette assertion fait fi des femmes, malheureusement assez nombreuses, qui demeurent durablement éloignées de l'emploi et non inscrites à Pôle emploi.

En ce qui concerne la diminution du nombre de communes bénéficiaires du zonage, il sera de toute façon difficile de supprimer les dotations de l'État aux collectivités les plus fragiles, tant leur importance reste déterminante, et je pense d'abord à l'éducation. Une évolution du zonage pourrait s'accompagner d'un appel à projets dans des domaines qui apparaissent essentiels, comme celui que je viens d'évoquer, pour revitaliser les zones rurales.

Vous avez évoqué le tourisme, les activités économiques, mais je veux souligner l'importance de la vie culturelle, qui fait vivre les villages, ainsi que l'accès aux nouvelles technologies. Une offre en haut débit desservant une zone artisanale constitue évidemment un facteur d'attractivité et de développement pour les entreprises désireuses de s'y installer, bien supérieur à des exonérations sociales ou fiscales.

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Les ZRR correspondent à des besoins très précis, depuis leur création en 1995 à leur réforme une décennie plus tard et encore aujourd'hui. La fragilité de nos territoires ruraux reste une triste réalité, à laquelle les ZRR constituent en partie une réponse, même si les critères du zonage doivent être revus, et si son efficience gagnerait, comme l'ont dit les rapporteurs, à bénéficier d'un choc de simplification.

On mesure mal les retombées des différentes mesures liées aux ZRR, qu'il s'agisse des exonérations fiscales ou sociales. Mais les communes rurales, et c'est notamment le cas dans le département de la Mayenne, ont grandement besoin du soutien de l'État pour faire face à une fragilisation accrue par la crise que nous traversons. Simplicité, transparence, efficacité : ce triptyque doit gouverner la réforme du dispositif des ZRR, qui ne doit pas conduire à un désengagement de l'État.

J'attire également votre attention sur la situation des TPEPME installées sur des territoires qui seraient amenés à quitter le statut de ZRR. Déjà fragilisées, elles risqueraient de pâtir de l'évolution du zonage : ce point doit être traité avec la plus grande des vigilances.

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J'ai été sensible aux propos de Jean-Pierre Vigier sur l'accueil des enfants de deux ans en école maternelle, particulièrement sensible en zone rurale. En dehors de l'aspect social, c'est un peu « le chien qui se mord la queue » : si aucune offre d'enseignement primaire permettant cet accueil des tout-petits n'existe dans une commune, les familles ne s'y installent pas, et si les familles ne s'y installent pas, il n'y a aucune chance pour qu'une école ouvre ou garde ses classes. Je rappelle que cet accueil des enfants de deux ans n'a pas été supprimé par un gouvernement de gauche…

Il faut un soutien fort dans tous nos territoires aux organismes d'intérêt général.

Vous avez évoqué la prochaine mission qui sera lancée pour dresser un bilan précis des ZRR : pouvez-vous nous apportez quelques précisions sur sa composition et son calendrier ?

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Il y a aujourd'hui 14 290 communes en ZRR : on fait du saupoudrage et on n'est pas efficace ! A l'époque du zonage, lorsque, dans une communauté de communes ou une communauté d'agglomération, 50 % des habitants étaient en ZRR, automatiquement toutes les autres communes de la communauté basculaient en ZRR, sans avoir besoin de répondre aux critères ! Il y a un travail d'analyse à réaliser, car certaines communes bénéficient ainsi d'une part importante de l'enveloppe alors que leur classement en ZRR n'est pas justifié. C'est un point important, qui permettra de réduire le zonage et donc le nombre de communes concernées. C'est une piste de solution sérieuse, qui peut vraiment aboutir à un zonage plus restreint. Evidemment, les communes qui sortiront du zonage devront pouvoir le faire de manière progressive, par un « phasing out ».

Sur la question de la pertinence du niveau communal ou intercommunal, même si l'on descend au niveau de la commune, il faudra se placer à l'intérieur d'un EPCI doté d'un véritable projet de territoire. On ne peut plus aider les communes des EPCI dépourvus de vision d'aménagement du territoire.

Pour conclure, j'estime qu'il faut vraiment aider les territoires ruraux fragiles et très fragiles, où il existe des « poches de résistance » de développement économique grâce à des entreprises et à des services publics, notamment des écoles. Aujourd'hui il y a bien en France un monde urbain et un monde rural, mais il ne faut surtout pas opposer ces deux mondes : ils sont complémentaires, ils ont besoin l'un de l'autre. S'il y a désertification des zones rurales, les métropoles en subiront les conséquences. Les territoires ruraux, ce sont 20 % de la population sur 80 % du territoire. Ces territoires ruraux participent à l'équilibre territorial et à l'équilibre national. Il faut vraiment que l'on travaille main dans la main.

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S'agissant du « basculement » évoqué par M. Jean-Pierre Vigier, il s'expliquait à l'époque parce que la carte de la coopération intercommunale n'avait pas été arrêtée au niveau national. Cette carte est aujourd'hui arrêtée, donc cela ne se justifie plus.

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Je souhaite apporter quelques précisions complémentaires. Aujourd'hui il y a des communes de plus de 20 000 habitants qui sont en ZRR ! Je partage l'avis de M. Jean-Pierre Vigier pour appeler à un zonage un peu resserré, même si je comprends l'attachement des élus au zonage actuel. Toutefois, ce resserrement exige que des procédures d'accompagnement de sortie efficace, durant deux ou trois ans, soient créées.

S'agissant du poids financier des mesures « ZRR », contrairement à ce que l'on entend souvent, les exonérations ne sont de l'ordre de 500, mais plutôt de 235 millions d'euros. C'est tout de même une somme importante si on la compare à d'autres dispositifs comme le FISAC, qui est de 30 millions d'euros et qui sera bien inférieur en vitesse de croisière, ou les 55 millions d'euros annoncés pour le projet des 1 000 maisons de service public à l'horizon 2017. Si elle est utilisée efficacement, cette somme peut rendre plus de services qu'aujourd'hui.

Sur la nécessité d'une remise à plat du système d'aides, nous constatons qu'aujourd'hui il n'est pas basé sur des projets mais conçu comme un guichet : les aides sont versées directement à des entreprises, des associations ou des organismes d'intérêt général (OIG), simplement parce qu'ils sont implantés dans la zone considérée. Il faut savoir que 80 % des aides sont « ponctionnées » par les exonérations sociales au bénéfice des OIG. Il me paraît pertinent de remettre à plat le dispositif pour en faire une aide par projets plutôt qu'un guichet, même si on peut s'attendre à des résistances, notamment de certaines OIG qui font valoir qu'elles ont besoin des aides pour continuer d'exister.

Les ZRR sont importantes mais ne peuvent constituer à elles seules une politique d'égalité des territoires. Il y a d'autres modèles de contractualisation possibles pour les bourg-centres et les territoires fragiles. Il faut concrétiser une vision transversale, horizontale et interministérielle des zones rurales. Ce n'est toutefois pas l'objet de notre rapport.

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Aujourd'hui il n'y a aucune lisibilité, mais il faut réduire le nombre des aides, leur complexité et leur imbrication. Je suis sûr que, si je demandais à un maire ou à une entreprise en ZRR de me dire quelles sont les aides existantes, ils ne seraient pas capables de me répondre. Il faut une simplification complète et totale.

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On parle d'intercommunalité et de projets, je remarque que l'objet des SCOT est similaire. C'est aussi par cet outil qu'on peut élaborer de vrais projets de territoire, par des échanges entre tous les élus permettant une adhésion à un projet partagé.

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Oui, mais la situation actuelle est totalement à l'opposé de cette conception : dans une intercommunalité qui a compétence en matière de développement économique, et qui décide par exemple de répartir des zones artisanales, commerciales ou industrielles sur son territoire, une association ou une entreprise qui choisit de se dédouaner totalement de ce schéma recevra tout de même les aides « ZRR », sans condition de conformité avec le projet de territoire de l'intercommunalité.

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La détermination du niveau pertinent, commune ou intercommunalité, est une vraie question. Une organisation est en train de se dessiner autour des intercommunalités et des projets de territoire, cette évolution est un fait qui s'impose à nous, il faut donc l'intégrer dans notre réflexion.

En votre nom à tous, je remercie nos deux rapporteurs qui nous présenteront ultérieurement leurs conclusions et leurs propositions.

La commission examine pour avis, sur le rapport de M. Philippe Noguès, le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l'économie sociale et solidaire (n° 1536).

Ce compte rendu sera mis en ligne ultérieurement.

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 25 février 2014 à 17 heures

Présents. - M. Alexis Bachelay, M. Serge Bardy, M. Denis Baupin, M. Philippe Bies, M. Jean-Louis Bricout, M. Alain Calmette, M. Yann Capet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Florence Delaunay, Mme Françoise Dubois, Mme Sophie Errante, M. Yannick Favennec, M. Charles-Ange Ginesy, M. François-Michel Lambert, M. Alain Leboeuf, Mme Viviane Le Dissez, M. Franck Montaugé, M. Philippe Noguès, M. Philippe Plisson, Mme Marie-Line Reynaud, M. Martial Saddier, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - M. Yves Albarello, Mme Chantal Berthelot, M. Christophe Bouillon, M. Vincent Burroni, Mme Geneviève Gaillard, M. Michel Heinrich, M. Christian Jacob, M. Jacques Krabal, M. Michel Lesage, M. Jean-Luc Moudenc, M. Bertrand Pancher, M. Napole Polutélé, M. Gabriel Serville

Assistait également à la réunion. - Mme Christine Pires Beaune