Intervention de Jean-Pierre Vigier

Réunion du 25 février 2014 à 17h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Vigier, co-rapporteur :

Les ZRR sont connues pour les exonérations fiscales et sociales auxquelles elles ouvrent droit. Ce zonage est également utilisé pour une multitude de mesures, qui se sont sédimentées au fil du temps. Ces dispositifs sont aussi hétéroclites qu'hétérogènes.

Selon les informations que nous avons réunies, les ZRR sont ainsi visées par 35 articles de lois, 3 ordonnances, 25 décrets, 6 arrêtés, 3 décisions et 5 circulaires. Il est urgent de simplifier ce système.

Je ne vais pas ici vous présenter une liste « à la Prévert », je me contenterai de vous citer quelques exemples.

En matière de dotations aux collectivités territoriales, il est ainsi prévu une majoration de 30 % de la fraction bourg-centre de la dotation de solidarité rurale (DSR). Cette mesure a un impact financier et est connue.

D'autres mesures le sont moins, comme, dans le domaine de l'enseignement, le principe d'un accueil prioritaire des enfants dès l'âge de 2 ans en maternelle et l'engagement d'une concertation avant toute révision de la carte des formations du second degré. Ce dispositif est particulièrement important pour les petites communes rurales : l'intégration de très jeunes enfants permet de maintenir les classes ouvertes et donc la vie dans ces communes.

Certaines de ces mesures sont récentes : dans le domaine de l'emploi des jeunes, il est ainsi prévu une priorité d'accès aux emplois d'avenir pour les jeunes en ZRR assorti d'un assouplissement des conditions d'accès.

D'autres mesures sont également applicables en matière de développement économique, de service public, en faveur des professions libérales, dans le domaine agricole, en matière de logement, ou en faveur des personnes âgées.

Nous avons été frappés, au cours de nos premières auditions, de constater qu'aucun de ces dispositifs n'a été cité comme contribuant spécifiquement au développement économique des ZRR. Ces mesures sont ponctuelles et ne s'inscrivent pas dans une politique spécifique. Elles sont, surtout, notoirement insuffisantes sur les territoires ruraux les plus fragiles, confrontés à des problématiques de désert médical, de disparition des services publics et de recul économique.

J'en viens maintenant aux exonérations fiscales et sociales : elles constitue le coeur du dispositif ZRR et symbolisent la perception que les territoires ruraux ont de l'équité de la République. Ces exonérations concernent, depuis 1995, les entreprises du secteur privé et, depuis 2005, les organismes d'intérêt général (OIG), c'est-à-dire les associations d'utilité publique.

Au terme de nos investigations, nous avons recensé au total 18 exonérations fiscales et 3 exonérations sociales. Afin de vous éviter à nouveau une « liste à la Prévert », nous vous invitons à vous reporter en page 35 de la communication où un tableau de synthèse présente les diverses exonérations applicables.

Nos travaux se sont heurtés à une difficulté majeure : l'absence totale de dispositif d'évaluation pérenne et exhaustif des ZRR. Cette lacune a été déjà dénoncée à maintes reprises, notamment dans un rapport d'inspection de 2009, mais sans effet. Les évaluations sur les ZRR restent donc le fruit de travaux ponctuels, issus principalement de la mission d'inspection précitée.

Quels enseignements tirer des travaux d'évaluation existants ?

En premier lieu, que les exonérations en faveur des ZRR ne se montent pas à 511 millions d'euros comme le chiffre circule habituellement, mais à près de 235 millions d'euros, soit un coût deux fois moindre. Ce chiffre représente une enveloppe moyenne de 16 000 euros par commune classée. Autrement dit, depuis 2009, on assiste à une baisse sensible et « silencieuse » des mesures en faveur des ZRR. Comment dans ces conditions agir efficacement en faveur de l'attractivité des territoires ruraux les plus fragiles ?

En second lieu, des jugements très durs ont été portés, lors des auditions que nous avons menées, sur l'efficacité des aides en ZRR : leurs effets sont jugés au mieux « non palpables », certains évoquant l'idée que : « l'on attend d'être mort pour nous aider ». Les effets des exonérations sur les TPE et PME, sur l'offre médicale, ainsi qu'en matière d'emplois sont insuffisants : au mieux, les aides servent-elles de filet de sécurité.

Nous aboutissons à la conclusion que les mesures en faveur des ZRR sont nécessaires, mais largement insuffisantes pour insuffler une dynamique de développement territorial et garantir aux habitants des territoires les plus fragiles des conditions de vie équivalente à celles observées sur le reste du territoire.

Dès lors, des réformes s'imposent. Dans un contexte de dépenses publiques sous contrainte, le premier impératif d'une révision du régime ZRR sera de gagner en efficacité. Il est donc urgent de définir une stratégie de long terme en faveur des territoires ruraux les plus fragiles. Une double orientation est, à cet égard, envisageable.

La première concerne la finalité des aides. Deux stratégies s'opposent : la première consiste à maintenir des aides « saupoudrées », destinées à servir de « coup de pouce » ; la seconde vise à créer de l'activité économique pour maintenir les habitants. Ce débat rejoint celui du zonage : la dilution des aides sera d'autant plus facile que le nombre de communes bénéficiaires sera élevé ; une concentration du dispositif appelle au contraire un resserrement du classement en ZRR.

La seconde vise à procéder à des arbitrages au sein des aides actuellement ouvertes sur la base de leur rapport coût-efficacité, pour accentuer celles présentant un intérêt en termes de création d'emploi et d'animation des territoires les plus fragiles.

La remise en cause de l'appartenance de certaines communes aux ZRR au cours de l'été 2013 a servi de détonateur, en soulignant l'attachement des populations et de leurs élus au maintien d'un dispositif dédié aux territoires ruraux les plus fragiles. Il est maintenant urgent de réformer le dispositif en vigueur, afin qu'il gagne en efficacité, de le rendre incontestable et d'en assurer ainsi la pérennité.

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