Intervention de Christiane Taubira

Séance en hémicycle du 27 février 2014 à 9h30
Procédures de révision et de réexamen d'une condamnation pénale définitive — Présentation

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui nous rappelle que l’État a l’obligation d’assurer à chaque justiciable un procès équitable, dans le respect des droits de la défense car c’est là la meilleure garantie contre l’erreur judiciaire.

Néanmoins, l’État lui-même doit reconnaître que l’erreur judiciaire demeure possible, tout simplement parce que, M. le rapporteur l’a rappelé, la justice n’est pas infaillible. S’il advient que la peine, qui relève de cette violence légitime dont l’État a le monopole, selon la définition de Max Weber, est injustement prononcée contre un condamné innocent qui l’exécute, nous nous trouvons face à l’injustice suprême. C’est dire la responsabilité qui incombe au garde des sceaux dans le débat qui nous rassemble ce matin. Cette responsabilité est lourde, mais l’étude du droit français nous fait mesurer combien la lutte contre l’erreur judiciaire a marqué toute l’histoire du droit français. Les procédures de révision des condamnations existaient déjà sous l’Ancien régime. Nul n’oublie le long combat qu’a conduit le philosophe Voltaire, éminent défenseur des libertés, dans l’affaire Jean Callas, affaire qui permit, grâce à la diligence de Voltaire, de réhabiliter Jean Callas et dont certains historiens considèrent que, vingt-cinq ans après, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen a été influencée par ce très grand et très beau combat. Cette déclaration des droits de l’homme et du citoyen se trouve dans notre Constitution et fait partie de notre bloc de constitutionnalité.

Toute l’histoire du droit français est marquée par cette lutte contre l’erreur judiciaire et les procédures de révision. Il est certain que, sous la Révolution, et pas sous les plus belles années d’ailleurs, en 1792, le pourvoi en révision a été supprimé sur la base d’un grand principe, celui de l’infaillibilité de la justice populaire. Cela n’a guère duré puisque, moins d’un an après, en mai 1793, la Convention, par décret, le rétablissait.

Au cours de l’histoire, le champ d’application de ce pourvoi n’a fait que s’élargir et les procédures se développer. Ce fut l’oeuvre du code de l’instruction criminelle de 1808 et d’un certain nombre d’autres lois comme celle du 29 juin 1867, qui étendait le champ du pourvoi en révision aux condamnations correctionnelles, celle du 8 juillet 1895…

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