Je ne reviendrai pas sur les détails, d’autant que vous les avez exposés ici à la tribune. Je veux simplement saluer la première décision que vous avez prise consistant à reconnaître la nécessité de l’anticipation. Vous avez en effet veillé à garantir, dans cette proposition de loi, la possibilité de la révision, en précisant, d’une part, les conditions de conservation des scellés et en rendant obligatoire, d’autre part, l’enregistrement des procès d’assises.
Concernant la conservation des scellés, nous savons que, depuis plusieurs années, dans son rapport annuel, la Cour de cassation regrette la disparition et la destruction de scellés dans des affaires que la Commission de révision et la Cour de révision ont eu à connaître. Pour tenir compte de cela, vous faites des propositions parfaitement raisonnables et mesurées consistant à demander le maintien des scellés criminels, à ne pas exiger leur conservation systématique mais à permettre que le condamné puisse s’opposer à leur destruction et, en cas de divergence de vue avec le parquet, que la chambre d’instruction puisse trancher la question. Cela me paraît une très bonne approche parce que les dispositions que vous avez prévues dans ce texte de loi concernant ces scellés auront d’abord pour conséquence une prolongation de leur conservation, permettant une mise à disposition en cas de procédure de révision. Pour la garde des sceaux que je suis, cela va naturellement représenter un certain coût parce qu’il faudra respecter les conditions de conservations de ces scellés.
S’agissant d’une proposition de loi, vous n’avez pas eu l’obligation de réaliser une étude d’impact. J’ai donc souhaité que la Chancellerie fasse une telle étude sur les effets de ces dispositions. La Direction des services judiciaires a ainsi procédé à une évaluation de l’utilisation de la conservation des scellés sur un échantillon de vingt-huit tribunaux de grande instance et de vingt-deux cours d’appel. Depuis novembre 2013, la Direction des services judiciaires a examiné auprès de ces juridictions les conditions de conservation des scellés, c’est-à-dire les stocks, les surfaces dédiées, le coût et les modalités de cette conservation. Cette enquête a fait apparaître que votre proposition de loi est bienvenue et parfaitement fondée parce que l’obligation de vérification de la probabilité de révision avant la décision de destruction des scellés n’était respectée que par 41 % des tribunaux de grande instance et par 65 % des cours d’appel. Et pourtant des circulaires existent qui appellent à la vérification avant la destruction des scellés ! Votre proposition de loi est donc vraiment bienvenue, et il nous a fallu estimer ce que coûterait l’application de ce texte de loi.
La direction des services judiciaires a travaillé sur l’hypothèse d’un taux de 10 % d’opposition à la destruction des scellés. Ce n’est pas une estimation fantaisiste : elle est tout simplement fondée sur le pourcentage actuel de demandes de révision, pour la plupart liées au quantum de peine. L’administration a évalué le coût de l’application de ces dispositions en prenant en compte plusieurs paramètres : en termes de surfaces de conservation supplémentaires, cela représenterait 160 mètres carrés ; en termes de frais de gardiennage sur dix années cumulées, il faudrait compter 1,4 million d’euros ; en termes d’effectifs supplémentaires de magistrats et de fonctionnaires, les besoins se monteraient à six magistrats et quinze fonctionnaires. Je veux vous dire d’emblée que c’est un effort financier que je suis disposée à faire car je pense que la dépense est modeste au regard de l’importance de la cause : éviter qu’une destruction intempestive de scellés empêche une personne condamnée de faire valoir son innocence.