D’autant que la réforme que nous engageons en matière de rationalisation de la gestion des scellés nous aidera à faire face à cette dépense supplémentaire puisqu’elle comprend une part de dématérialisation – les scellés criminels pouvant être conservés par image –, et repose sur des efforts en matière de concentration du stockage et d’amélioration des ventes.
Quant à la deuxième disposition importante que vous proposez, à savoir l’enregistrement obligatoire des procès d’assises, qui est aujourd’hui facultatif, ce n’est pas cela qui coûtera grand-chose. Nous sommes donc favorables à son maintien.
Ce texte de loi de grande envergure a prévu par anticipation d’assurer les conditions de possibilité de révision des condamnations pénales. Vous avez, monsieur le rapporteur, introduit des dispositions concernant les organes mêmes de révision. À la Cour de cassation, vous créez une cour de révision et de réexamen composée de dix-huit magistrats désignés par son assemblée générale. Elle serait constituée d’une formation d’instruction, composée de cinq magistrats, et d’une formation de jugement dans laquelle siégeraient treize magistrats pour se prononcer à la fois sur la révision et le réexamen.
Je sais qu’il y a débat sur la fusion des structures de réexamen avec celles de révision. Si elles ont des points communs, les procédures qu’elles traitent ont des objets différents : la révision a pour objet les éléments susceptibles de faire naître le doute sur la culpabilité de la personne condamnée ; le réexamen intervient après condamnation de la France par la Cour européenne, sur la base d’un procès considéré comme inéquitable, alors même que la culpabilité de la personne condamnée n’est pas mise en doute.
Par une disposition extrêmement importante de votre texte, vous créez une cour spécifique, unique, présidée par le président de la chambre criminelle dans une composition où sont représentées toutes les chambres de la Cour de cassation. Vous y ajoutez des règles d’incompatibilité, ce qui vient consolider l’impartialité de ses membres. Par ailleurs, vous clarifiez la procédure puisque la commission de révision devient une commission d’instruction. Autrement dit, son rôle va se limiter à instruire, donc à étudier la recevabilité de la procédure. Finalement, vous supprimez le risque de confusion et de divergence entre l’appréciation de la commission de réexamen, d’une part, et celle de la cour de révision d’autre part.
Par ailleurs, vous introduisez de nouvelles dispositions de procédure puisque vous élargissez la liste des personnes habilitées à introduire une procédure de révision aux petits-enfants, aux partenaires pacsés, aux concubins – du point de vue statistique, cela sera plus souvent une concubine –, au procureur général près la Cour de cassation ainsi qu’aux procureurs généraux près les cours d’appel.
En outre, vous renforcez les droits du requérant, notamment en lui permettant de solliciter des investigations complémentaires avant la saisine de la commission. Vous clarifiez également les prérogatives procédurales aussi bien pour le requérant que pour la victime puisque grâce à ces nouvelles dispositions, la victime sera informée dès l’ouverture de la procédure de révision devant la commission, devenue commission d’instruction. Enfin, vous rendez le recours à un avocat obligatoire, ce qui est nécessaire, notamment pour les personnes démunies, matériellement comme intellectuellement.
Vous complétez ces dispositions essentielles par l’introduction dans les critères de révision de la notion de « moindre doute ». Cela peut apparaître à certains comme une fantaisie d’écriture, mais cela ne l’est pas du tout. Au vu des leçons que l’on peut tirer de l’application très relative de la loi de 1989, inscrire cette formulation dans la loi apparaît comme un message du législateur à l’institution judiciaire : le doute doit permettre de prendre en considération la requête en révision. Voilà pour l’essentiel de cette belle proposition de loi.
Je veux maintenant m’attarder sur les amendements que M. Fenech a déposés, qui visent à introduire une possibilité de révision dans les cas de relaxe définitive ou d’acquittement définitif. D’une certaine façon, ce sujet s’est invité dans le débat à l’occasion, malheureusement, d’un tragique fait d’actualité qui concerne un crime odieux qui ne laisse indifférent personne : des éléments scientifiques et techniques ont permis de s’interroger sur la culpabilité éventuelle d’une personne ayant été définitivement acquittée. Votre mission d’information a écarté cette possibilité de révision, ce n’est donc pas par ignorance que vous ne l’avez pas retenue dans votre proposition de loi. Et vous avez fait ce choix alors même que le procureur général de la Cour de cassation vous avait suggéré de l’introduire pour la révision des décisions d’acquittement définitif.
Vous avez déclaré, monsieur Fenech, que « L’acquittement est un vrai sujet. Je ne crois pas souhaitable de revenir sur les décisions d’acquittement », ajoutant que cela relèverait davantage de l’action publique que de la procédure de révision. Et vous avez parfaitement raison de dire à la fois que l’acquittement est un vrai sujet et que cela relèverait davantage de l’action publique que de la procédure de révision.
Mais il faut bien voir que la procédure de révision appliquée à la relaxe définitive ou à l’acquittement définitif, telle que la prévoient vos amendements, pose toute une série de problèmes de principe, d’une part, et de problèmes juridiques et techniques, d’autre part.
Je commencerai par les principes. Ce n’est pas par mégarde que notre droit n’a pas introduit la possibilité de révision pour les décisions d’acquittement. C’est en toute connaissance de la fonction de la procédure pénale et de la justice pénale, et des conséquences pour les victimes, pour les auteurs et pour la société tout entière. Ces principes relèvent des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, qui inspirent le Conseil constitutionnel quand il doit se prononcer sur la conformité des dispositions avec la Constitution.
Par ailleurs, si nous introduisons dans notre droit des dispositions aussi lourdes de conséquences, des consultations plus larges encore que celles auxquelles vous avez procédé sont nécessaires pour améliorer les dispositions actuelles de révision des condamnations pénales. Parmi ces consultations, il faudrait compter celle du Conseil d’État. Le sujet est en effet délicat et complexe. Il nous faut être sûrs de ce que nous faisons mais aussi de la façon dont nous l’écrivons.
La rédaction des amendements que vous présentez a des conséquences sur la société tout entière car elle rend possible la révision de tous les acquittements, en matière criminelle et en manière délictuelle, donc y compris pour un vol simple. Cela engendrerait une instabilité permanente et intrinsèque de l’action judiciaire car cette action ne serait alors jamais éteinte. La société ne connaîtrait dans ces conditions jamais l’apaisement.