Le débat est intéressant mais il faudrait, madame la présidente, entendre un point de vue moins monolithique et inviter par exemple la Fondation Res Publica.
À intervalles réguliers, on nous tient le même discours – ça ne va pas, mais il faut aller plus loin et ça ira mieux – qui me rappelle celui des congrès du Parti communiste soviétique jusqu'au jour où tout s'est écroulé. Malheureusement, on perd beaucoup de temps.
Très paradoxalement, vous prônez sans cesse l'amélioration de la démocratie alors que les résultats des référendums ont été bafoués. Le pouvoir a été confié à des organismes non élus : la Cour de justice, la Banque centrale européenne et la Commission. Leur boulimie et l'absence de contrôle font qu'ils prennent des décisions contraires à l'intérêt des peuples, lesquels s'en aperçoivent.
En effet, nous sommes bien dans un entre-deux, c'est-à-dire au bout d'une logique qui faisait semblant de respecter les peuples avec pour idéal de les réunir. Désormais, il ne reste plus que deux options : le coup de force, qui est en cours, et qui conduira à de graves désordres avec le retour des nationalismes ; ou le retour à une vision plus saine et réaliste qui est l'Europe des nations et des projets.
Contrairement à ce que vous croyez, la démocratie ne peut pas être européenne parce qu'il n'existe pas de peuple européen : il n'y a ni langue commune, ni partis communs. Il suffit pour s'en convaincre de regarder le taux de participation aux élections européennes. Vous poursuivez donc un mirage, celui d'une Europe politique. Elle ne peut pas exister. La preuve en est que l'Angleterre s'en va et que Mme Merkel ne défend que les intérêts allemands. Il n'y a guère que la France qui ne sait plus ce qu'elle défend. La vision qui est la vôtre est tellement décalée par rapport à la réalité qu'elle ne peut que s'écrouler. Je le déplore parce que nous perdons du temps.
Depuis que des discours comme les vôtres sont tenus, aucun grand projet industriel a été lancé, à part Galileo qui a du mal à se développer. La seule action concrète des institutions a consisté à prêter 1 000 milliards d'euros à 1 % à des banques pour qu'elles les reprêtent aux États entre 3 % et 7 %. L'Europe est obsédée par les normes et les rapports entre les pouvoirs mais elle ne s'intéresse pas aux projets.
Ajoutez à ces difficultés un élargissement forcé, qui persiste, et sans consulter les peuples. Il est facile de venir ensuite expliquer qu'il faut des visages et des hochets pour les Parlements nationaux, et que tout s'arrangera. Vous êtes tous les trois prisonniers d'une vision idéologique qui vous empêche de voir la réalité et je crains malheureusement que tout cela ne se termine mal.
C'est pourquoi je préfère une autre solution : l'Europe des nations à la carte, plus souple, avec des coopérations concrètes mises en oeuvre par des agences. Le xxiè siècle n'est pas le siècle des conglomérats ; c'est celui des réseaux au sein desquels peuvent tirer leur épingle du jeu de petits pays agiles, comme la Corée du Sud, Singapour, la Malaisie ou même l'Angleterre. Nous devons continuer à travailler avec nos amis allemands, italiens,… à des projets. Parce que la guerre est désormais économique, scientifique, industrielle, il serait plus adapté de rapatrier au niveau national tout ce qui concerne la vie quotidienne, et de s'atteler à bâtir une quinzaine de projets concrets dont dépend la hiérarchie des continents au xxiè siècle.