Nous n’avons pas à nous priver d’un progrès dans le processus de la justice. Vous avez évoqué, monsieur Geoffroy, l’affaire d’Outreau. Nous avons eu la lourde responsabilité de siéger dans la commission d’enquête parlementaire, où ont été évoqués le caractère « sacré » de l’audience, irremplaçable pour la manifestation de la vérité et de la réalité humaine, comme cela fut souligné par plusieurs intervenants ce matin. L’enregistrement est un progrès supplémentaire. Il faut le prendre comme tel et saluer l’engagement, pris par le Gouvernement et par Mme la garde des sceaux, de consacrer à la mise en oeuvre de ce dispositif les moyens nécessaires.
Puisque M. Fenech a déposé un amendement qui anticipe le débat sur l’article 3, je voudrais, au nom d’Outreau, dire quelque chose qui me paraît important et que je n’avais jamais dit jusqu’à présent.
La vérité de la victime est infiniment respectable, car elle traduit sa douleur, sa souffrance, l’horreur de ce qu’elle vit, le fait que sa propre vie a été sacrifiée, mais, je le dis très sincèrement, elle ne peut à elle seule constituer la vérité de la justice, pas plus, bien évidemment, que la vérité de celui qui est accusé ou de l’institution qui accuse. C’est quelque chose de fondamental.
Vous vous souvenez certainement, monsieur Geoffroy, de notre trouble lorsque des personnalités que nous auditionnions, parfois de très hauts magistrats, sous la foi du serment auquel ils étaient tenus, laissaient entendre par un mot, un silence, une main levée que, dans la conclusion de l’affaire d’Outreau, les acquittements n’étaient peut-être pas aussi entiers qu’ils auraient dû l’être. Cela m’est resté car nous avons alors compris que la conviction dans laquelle une institution, des magistrats pouvaient s’inscrire, des parties civiles pouvaient s’inscrire ne constituerait jamais la vérité de la justice, et c’est pour cela que celle-ci passe par l’autorité de la chose jugée.