Défavorable. L’amendement que présente M. Fenech est extraordinairement large, puisqu’il offre à toute personne, même n’ayant pas intérêt pour agir, la possibilité de remettre en cause à tout moment une décision de relaxe ou d’acquittement. Toute association pourrait ainsi, à tout moment, saisir les juridictions. Cela me paraît être un élément de désorganisation totale de la justice.
Ensuite, même dans l’hypothèse où cette faculté serait réservée au procureur général ou à quelqu’un d’autre, mon opposition est de principe, pour les raisons que je vais exposer.
La motivation de Georges Fenech peut être exprimée comme suit : on ne peut admettre qu’une personne coupable soit en liberté sans que la justice ait la possibilité de réagir. Or, c’est tout notre système de la prescription – un an, trois ans, dix ans, ou deux ans, cinq ans, vingt ans – qui le prévoit. Par ce système, des personnes sont de plein droit laissées en liberté alors qu’on sait parfaitement qu’elles sont coupables. Notre droit repose depuis toujours – dans la lignée du droit romain – sur la notion de droit à l’oubli, de quiétude judiciaire, d’absence d’acharnement judiciaire. C’est le fondement même de la prescription. Si nous devions adopter ce que propose Georges Fenech, il faudrait revoir ce système.
Ensuite, l’idée qu’il ne doit pas y avoir de coupable en liberté remet en cause le principe même de l’opportunité des poursuites, qui est également au fondement de notre État de droit, et qui s’oppose au principe de la légalité, en vigueur dans d’autres pays. Si nous devions y renoncer, il faudrait poursuivre tous ceux qui fument du cannabis en France : un million et demi de personnes. Vous pourrez devenir riches en construisant des prisons ! Si l’on adoptait ces positions, c’est tout le système de l’opportunité qui tomberait, après celui de la prescription.
Enfin, et je me demande si ce n’est pas ce qui a motivé la position de Georges Fenech, cela signerait l’abandon du système inquisitoire au profit du système accusatoire.