Les documents que je vous ai présentés le montrent : ce qui est déterminant, ce sont les évolutions relatives du coût du travail. C'est donc à ce niveau qu'il faut agir aujourd'hui pour sortir du cercle vicieux. Depuis douze ans, je présente la courbe du recul de nos parts de marché, que rien, aujourd'hui encore, ne semble pouvoir infléchir. Mais l'Allemagne, qui a choisi la compétitivité, en a été récompensée par la progression de son pouvoir d'achat non dans l'immédiat, mais à moyen terme.
Il faut donc agir sur les coûts salariaux – c'est-à-dire sur les charges, puisqu'il n'est pas question de toucher aux salaires. Voilà ce qui, à court terme, nous permettra de sortir de cette trajectoire mortifère. Mais cela suppose aussi une combinaison de mesures. Une politique de compétitivité, c'est une politique qui se fonde sur nos avantages comparatifs. Le coût n'en est pas le seul levier : c'est évidemment l'innovation qui créera les conditions de la compétitivité à moyen et long termes.
Les investissements d'avenir, la jeune entreprise innovante, les pôles de compétitivité seront donc des outils déterminants, surtout ceux qui possèdent une dimension territoriale, gage d'une dynamique locale vertueuse. C'est essentiel : comme le montre l'essai récemment publié par Laurent Davezies et intitulé La Crise qui vient, aux fractures que l'on pressent dans la société s'ajoute une fracture territoriale entre les territoires très compétitifs et ceux qui connaissent une perte de compétitivité. Car si, de ce point de vue, les différents secteurs ont été logés à la même enseigne, il n'en va pas de même des territoires.
En outre, l'innovation ne portera ses fruits qu'à condition que la base industrielle ait été préservée. Or, pour s'en assurer, il faut agir à court terme, sur les coûts salariaux.
Plus généralement, monsieur le rapporteur, vous avez raison d'interroger la forme que prend en France la négociation collective, liée aux règles de notre marché du travail. L'enjeu de la compétitivité ne va pas de soi pour nos concitoyens, il faudra le leur faire accepter. Mais ils y sont sans doute mieux préparés aujourd'hui, l'idée du délitement ayant pénétré les esprits. Il semble donc possible d'assumer des choix décisifs au nom de la compétitivité à moyen terme.
C'est aussi en ces termes que l'on peut expliquer l'écart qui s'est installé entre la France et l'Allemagne. Pourquoi les Allemands ont-ils fait le choix de la compétitivité en 2000 ? À l'époque, ce n'est pas la France qui était menacée de perdre son triple A : c'était l'Allemagne ! Et ce n'était pas en France, mais en Allemagne que la situation des entreprises s'était dégradée. Il n'y avait pas d'autre moyen de retrouver une bonne santé économique, laquelle n'a d'autre objectif que la maximisation de la consommation par tête. Les Allemands se sont donc attelés à cette tâche qui faisait l'objet d'un consensus et qui a porté ses fruits. La compétitivité, c'est une affaire de choix collectif. Malheureusement, nous n'avons pas voulu choisir, ou plutôt nous avons choisi de distribuer la richesse avant de l'avoir créée.