Intervention de Emmanuelle Prada-Bordenave

Réunion du 17 octobre 2012 à 17h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Emmanuelle Prada-Bordenave, directrice générale de l'Agence de biomédecine, ABM :

Je présenterai tout d'abord l'ABM et ses missions. L'ABM est un établissement public administratif dépendant du ministère de la santé, créé par la loi relative à la bioéthique de 2004. Elle compte 300 collaborateurs dont 80 se trouvent en région pour le prélèvement d'organes. Selon les années, son budget se situe entre 80 et 90 millions d'euros. Pour 2011, il s'établit à un peu moins de 80 millions d'euros. Cependant, le budget véritable est moindre car l'Agence assure le portage de créance pour l'importation et l'exportation de cellules souches hématopoïétiques qui s'autofinancent à hauteur de 28 millions d'euros. L'Agence en fait l'avance, ceci est retracé dans son budget.

Depuis sa création, l'agence est dotée de missions dans plusieurs domaines qui ont en commun de soigner avec des éléments et des produits du corps humain : greffes, procréation assistée, génétique et embryologie. Pour ces activités, les missions de l'Agence sont définies avec précision par les articles L.1418-2 et suivants du code de la santé publique : encadrer ces activités, accompagner les professionnels, évaluer la qualité et la pertinence des pratiques et les promouvoir. Les personnels de l'ABM se répartissent entre ces quatre missions, ce qui explique qu'il n'y ait pas que des médecins à l'Agence. En outre, depuis la création de l'Agence près de 1000 professionnels participent à des groupes de travail et se réunissent régulièrement à l'Agence pour apporter leur concours selon leur discipline.

J'en viens aux diverses activités de l'ABM qui font l'objet du rapport 2011 de l'Agence.

S'agissant de la greffe d'organes, si on constate en 2011 une augmentation du nombre de prélèvements recensés et 4 690 greffes réalisées, l'objectif de 5 000 greffes n'a pas été atteint. L'augmentation porte sur la greffe de rein et de poumon, laquelle a été redynamisée pour atteindre l'autosuffisance, grâce à l'engagement fort des professionnels qui ont été audacieux. L'augmentation de la greffe du rein a été induite par l'appui du Parlement lors de l'élaboration de la loi de bioéthique de 2011 qui promeut le don entre vivants et le don croisé.

Pour la greffe de tissus, la France est désormais autosuffisante en greffe de cornée grâce à l'effort massif de formation des personnels des chambres mortuaires des hôpitaux. En revanche, pour les autres tissus, l'Agence ne dispose pas d'une connaissance suffisante des besoins et de l'activité et a lancé en 2009 deux enquêtes : l'une sur l'activité de prélèvement de tissus auprès des coordinations hospitalières, l'autre sur les tissus conservés auprès des banques de tissus. Une enquête est initiée sur la réalité des besoins auprès des greffeurs, notamment les chirurgiens vasculaires, les orthopédistes et les dentistes, ce qui n'est pas aisé car les dentistes recourent peu à l'ABM. La greffe de cellules a, quant à elle, connu une forte augmentation ces dernières années. Depuis 2011 l'accès à la greffe de patients plus âgés atteints notamment de leucémie, a été facilité grâce à l'allègement des protocoles de conditionnement. L'ABM a appuyé cette activité en liaison avec la direction générale de la santé (DGS) et les équipes pour parvenir à une tarification de cette activité au coût très élevé pour les hôpitaux. Pour le sang placentaire, on compte, en 2011, 17 000 greffons, 20 000 ou plus en 2012 grâce à l'engagement du plan cancer. Cependant, en 2011 comme en 2012, l'Agence n'est pas parvenue, malgré ses efforts, à inscrire 18 000 nouveaux donneurs de moelle osseuse, pour disposer de 10 000 des donneurs nécessaires sur le registre, car les donneurs anciens se retirent. L'ABM s'efforcera donc, en liaison avec l'Etablissement français du sang, de trouver des moyens pour être plus efficace.

Concernant le recours à la procréation assistée, le nombre augmente régulièrement, notamment en assistance médicale à la procréation (AMP) intraconjugale avec les gamètes du couple, pratique habituelle des praticiens en France, ce qui est à prendre en compte dans les études comparatives. En effet, à l'étranger, dans le cadre d'AMP commerciales, le recours à des gamètes extérieurs aux couples, provenant de donneurs jeunes donne des résultats plus positifs qu'il est difficile de comparer aux résultats obtenus en France. Le nombre de dons de gamètes est stable, avec 6 % des actes d'AMP avec donneurs extérieurs. L'ABM a d'ailleurs organisé, avec l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l'appui du Parlement, une promotion du don d'ovocytes insuffisamment développé en France, ce qui conduit les couples à se rendre à l'étranger dans des centres qui recrutent des donneuses de manière peu éthique. Or, il faut éviter d'alimenter ces pratiques éthiquement très contestables. C'est pourquoi l'Agence continuera d'organiser des campagnes de promotion du don d'ovocytes en 2012 et 2013.

Pour ce qui est de la génétique prénatale, 2011 a vu se poursuivre le développement du dépistage de la Trisomie 21 avec recours aux marqueurs sériques (dosage de substances présentes dans le sang maternel) et à la mesure de la clarté nucale (épaisseur de la nuque) au premier trimestre de grossesse. Alors qu'en 2010, seulement 10 % des femmes avaient accès à ce dépistage au premier trimestre, il s'est progressivement généralisé en 2011, grâce à un effort de formation spécifique des professionnels de l'échographie.

Quant à la génétique constitutionnelle, qui porte sur les maladies héréditaires, c'est une activité récente de l'Agence qui résulte d'un décret de 2008. Cette activité se développe. La France est le premier pays d'Europe à s'être doté de rapports annuels émanant de tous les laboratoires de génétique constitutionnelle du territoire. Cela permet de connaître le nombre, les indications et la nature des tests génétiques réalisés, et vient en appui au développement des schémas régionaux d'organisation des soins (SROS) car, pour la première fois en France, on dispose d'une planification sanitaire en génétique. Ces schémas s'adapteront à la génétique car si la consultation a lieu sur place, les laboratoires peuvent être situés hors de la région concernée, voire, pour des cas extrêmement rares, à l'étranger dans des laboratoires spécialisés dans une pathologie rare donnée. Par ailleurs, l'Agence a entamé une démarche volontariste d'explication de ce qu'est la génétique en médecine. En effet, lors du débat sur la loi relative à la bioéthique, il était apparu que l'envahissement et la promotion d'une génétique récréative par les acteurs économiques étaient devenus préoccupants. L'Agence a décidé de faire comprendre au public que la génétique vient en appui à la médecine et lancera un site Internet qui lui est spécifiquement dédié sur le modèle de ceux dédiés aux dons d'organes et à l'AMP. C'est pourquoi, elle a procédé en 2011 à des enquêtes sur la perception que les différents acteurs ont de la génétique afin que ce site réponde aux attentes du public.

S'agissant de l'activité de recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires, celle-ci a été réduite en 2011. Conformément à la loi relative à la bioéthique de 2004, le principe d'interdiction de cette recherche s'est appliqué en février 2011, à l'expiration du moratoire permettant l'autorisation de ces recherches sous condition par l'ABM. De ce fait, aucun dossier de demande d'autorisation n'a pu être déposé à l'Agence jusqu'à la publication en juillet 2011 de la nouvelle loi qui a décidé que les dérogations pouvaient à nouveau être accordées. C'est en septembre 2011 que l'ABM a ouvert de nouvelles fenêtres de dépôts de dossiers, ce qui a permis l'examen de quelques dossiers fin 2011. En 2012, quelques saisines ont donné lieu à des autorisations.

Je vous signale pour l'avenir, deux projets importants: le plan greffe adopté en mars 2012 avec 70% d'indicateurs et l'objectif d'augmenter les greffes d'organes de 5% par an. Pour y parvenir, l'Agence s'efforcera de former les acteurs en favorisant la mutualisation des prélèvements entre les professionnels de terrain afin d'éviter que des équipes ne traversent la France pour prélever un organe dans un établissement qui dispose d'équipes ad hoc. Le deuxième projet concerne le contrat de performance de l'Agence signé le 30 juillet 2012 avec la Direction générale de la santé qui fixe la feuille de route pour les quatre ans à venir. Ceci est précieux car l'Agence est, comme les autres opérateurs, soumise à des restrictions budgétaires, même si, pour ses nouvelles missions, elle est dotée de moyens supplémentaires. Je vous remets donc ces deux documents : ils concernent respectivement le plan greffe et le contrat de performance de l'ABM.

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