Intervention de Arnaud Richard

Réunion du 10 avril 2014 à 11h00
Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Richard, rapporteur :

Les délais de traitement des demandes sont excessivement longs. La durée totale de traitement n'est pas connue du fait des délais nécessaires pour entrer dans la procédure, très différents d'une région et d'une année à l'autre en fonction des flux de personnes. Néanmoins, des difficultés chroniques sont constatées en Île-de-France.

Le parcours préalable au dépôt de la demande comporte la domiciliation du demandeur et la délivrance de l'autorisation provisoire de séjour par la préfecture. Le délai de domiciliation a pu varier de quelques jours à deux mois et demi en Franche-Comté. À Dijon, le délai de convocation par la préfecture a varié de trois mois en 2012 à un mois actuellement ; il a atteint sept mois et demi à Paris en 2012. Ce sont là les délais dits cachés qu'il faut résorber. En ajoutant les étapes suivantes – transmission du dossier à l'OFPRA, traitement de la demande par l'Office, recours éventuel devant la CNDA et son traitement par la Cour, on arrive à une durée constatée, pour l'ensemble de la procédure, de dix-neuf à vingt-six mois.

Au cours de la concertation animée par Mme Létard et par M. Touraine comme au cours de nos auditions, un consensus s'est dégagé pour estimer que ces délais sont excessifs, qu'ils fragilisent la situation des véritables demandeurs d'asile et qu'ils rendent très difficile l'exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) signifiées aux déboutés, après deux années ou plus de création de liens sociaux et de scolarisation des enfants.

Notre rapport indique par ailleurs les coûts prévisionnels de l'asile pour 2014. Ces prévisions seront vraisemblablement dépassées en exécution, comme c'est le cas chaque année depuis 2008, notamment en ce qui concerne l'allocation temporaire d'attente, l'ATA, avec 41 millions de report de charge de 2013 sur 2014, et l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile, dont le coût explose. Encore ces chiffres ne prennent-ils pas en compte l'hébergement d'urgence de droit commun ou généraliste : un taux de 25 % de présence de demandeurs d'asile ou déboutés dans ce type d'hébergement en 2013, ce qui est une estimation basse, se traduit par une dépense de 90 millions d'euros. Nous n'avons pas non plus pris en compte les coûts indirects, tels que ceux de l'aide sociale à l'enfance et des aides des collectivités territoriales et des organismes faisant appel à la générosité publique, ou encore les frais de santé et de scolarité. Sans prendre en compte ces coûts indirects, nous sommes cependant parvenus à un coût prévisionnel de 666 millions d'euros pour 2014.

Au vu de ces constats, nous proposons, comme Mme Létard et M. Touraine, de simplifier l'accueil des demandeurs d'asile.

La première étape de leur parcours est caractérisée par la multiplicité des intervenants et des lieux. Ce premier accueil doit être réorganisé afin de le rendre plus lisible, plus simple et plus efficace. Une procédure plus fluide permettrait d'éviter l'encombrement des services préfectoraux comme des opérateurs en charge de l'accueil, qu'il s'agisse de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ou des associations.

Pour mémoire, la directive « Procédures » de 2013 prévoit dans son article 6 que les personnes qui ont présenté une demande de protection internationale doivent avoir « la possibilité concrète de l'introduire dans les meilleurs délais », et que l'enregistrement doit avoir lieu « trois jours ouvrables après sa présentation », ce délai pouvant être porté à dix jours ouvrables si l'État membre fait face à un nombre élevé de demandes.

Les États membres de l'Union européenne, tels les Pays-Bas, l'Allemagne ou la Suède, qui, bien que confrontés à un flux important d'arrivées, réussissent à assurer le dépôt rapide de la demande d'asile, et donc la prise en charge également rapide de la personne, se caractérisent par une organisation très intégrée des différents intervenants. Sur ce modèle, nous proposons d'établir, au niveau des préfectures de région, un guichet unique réunissant le service préfectoral d'immigration et d'intégration, qui serait chargé de procéder sans délai à l'enregistrement de la personne et à la prise des empreintes, puis de délivrer l'autorisation provisoire de séjour ; la direction territoriale de l'OFII, qui devrait fournir au demandeur les informations relatives à la procédure et à l'aide dont il peut bénéficier, et prendre la décision relative à son hébergement ; enfin, les associations locales d'aide et de soutien, qui ont un rôle très important dans cette politique publique, auraient pour mission de compléter l'accompagnement social de la personne.

Cette première phase d'accueil doit être très brève et réduite à deux ou trois interlocuteurs.

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