Je me joins aux félicitations de nos collègues : c'est un travail mené rapidement, mais qui témoigne d'une réflexion approfondie.
Dégager des moyens permettra de faire rapidement des économies, puisque, vous le montrez, une réduction d'un mois du délai d'examen des demandes à l'OFPRA permet une économie de plus de 6 millions d'euros. Pour cela, il faut résorber les goulots d'étranglement à toutes les étapes de la procédure – supprimer la condition de domiciliation, mieux utiliser le premier rendez-vous en préfecture ou dans le lieu unique nouveau, informatiser le titre de séjour et lier sa durée de validité à celle de la procédure, accroître le nombre des agents de l'OFPRA, professionnaliser la CNDA… Votre proposition de vingt officiers de protection supplémentaires pour l'OFPRA ne me paraît pas suffisante, mais il est vrai qu'il faut les former et que ce n'est pas si facile. L'idée d'un lieu unique paraît très pertinente ; il ne doit pas être installé à la préfecture même, car certaines associations, pourtant tout à fait nécessaires au soutien des demandeurs, refuseraient d'y intervenir.
Il est donc possible de réduire vraiment les délais sans porter atteinte à la qualité de la procédure : la France doit rester la terre d'asile dont nous sommes fiers.
Il est effectivement indispensable de prévoir des places en nombre suffisant pour héberger les demandeurs d'asile. L'hébergement permet en outre une meilleure qualité d'accompagnement. Vous faites preuve de souplesse, notamment sur cette question de l'affectation des demandeurs : tout en se montrant directif, il est important de maintenir la possibilité d'être hébergé par ses propres moyens sans se voir supprimer le bénéfice de l'ATA et sans qu'on présume un recours à des filières – qui doivent certes être combattues, mais par d'autres voies.
Des moyens supplémentaires doivent donc être accordés pour renforcer la qualité de la procédure de reconnaissance de la qualité de réfugié.
S'agissant de l'asile à la frontière, je ne rejoins pas entièrement vos propositions. Je comprends que l'on fasse le nécessaire pour que l'OFPRA soit présent en permanence à Roissy. Mais il faut souligner que cela crée une différence avec l'aéroport d'Orly, qui accueille pourtant aussi des demandeurs. Il faut surtout noter l'importance du nombre de demandes déclarées manifestement infondées à Roissy, ce qui montre sans doute plutôt un dysfonctionnement administratif qu'une répartition différente des demandes : il y a là un système trop prompt à rejeter des demandes.
En revanche, l'introduction à l'OFPRA de la possibilité d'avoir un conseil qui assiste à l'entretien, certes exigée par la directive, ainsi que la formalisation de l'entretien par un compte rendu, donc l'introduction du contradictoire dans la procédure, me paraissent des points très positifs. Je vous rejoins également sur le rôle de conseil des préfectures que vous attribuez à l'OFPRA afin que soit choisie la procédure la plus opportune. Faut-il aller plus loin et demander à l'Office de choisir lui-même entre procédure prioritaire et procédure de droit commun ? Cet organisme, je le sais bien, n'est pas demandeur, mais nous pourrions peut-être insister : c'est bien lui qui dispose des connaissances juridiques les plus précises en la matière.
Ce serait en fait un retour à la période d'avant 1993, puisque dès lors que l'OFPRA déterminerait la durée et les modalités de traitement d'une demande, nous n'aurions plus vraiment besoin de la procédure prioritaire – dont la généralisation du caractère suspensif des recours diminuerait d'ailleurs l'intérêt.
J'approuve que la CNDA soit préférée aux tribunaux administratifs. Ces derniers ont déjà par le passé joué un rôle dans la procédure de demande d'asile dit « territorial », ouverte à ceux qui s'étaient vu refuser le statut de réfugié, mais les délais dans lesquels ces demandes étaient traitées n'incitent pas à revenir à cette situation ! Les tribunaux administratifs ne peuvent pas tout faire alors qu'on leur en demande de plus en plus – ils doivent maintenant, je vous le rappelle, statuer dans de très brefs délais en matière d'OQTF, mais aussi, par exemple, sur les plans de sauvegarde de l'emploi. On ne peut pas indéfiniment charger leur barque. De plus, la CNDA est une juridiction de qualité, qui fonctionne, dont les rapporteurs sont très spécialisés et qui travaille à l'amélioration de ses propres délais. Elle a aussi le mérite insigne d'accueillir un juge qui est, indirectement, désigné par le Haut commissariat aux réfugiés. Il me semble donc qu'il faut soutenir cette institution.
Je ne peux pas approuver votre recommandation de recourir à la visioconférence. Une demande d'asile, ce peut être une question de vie ou de mort, c'est en tout cas une question de liberté, souvent de protection de l'intégrité. C'est une procédure administrative, mais où l'humain compte énormément. Or si le juge et la partie au procès ne se trouvent pas dans la même pièce, l'audience sera désincarnée, ce qui risque de désarçonner et donc de défavoriser les demandeurs, qui sont particulièrement vulnérables.
Puisque la question de l'asile sanitaire a été soulevée, je soulignerai qu'on touche là à un sujet qui dépasse de beaucoup celui des demandeurs d'asile : bien d'autres étrangers demandent à être soignés en France. Le législateur est récemment intervenu pour casser une jurisprudence du Conseil d'État d'après laquelle, pour refuser à un étranger malade le droit de rester en France pour se soigner, l'accès au traitement dans le pays d'origine devait être effectif. Si nous ne voulons pas envoyer à la mort des gens qui pourraient théoriquement se soigner dans leur pays, mais dont on sait parfaitement que pour des raisons économiques ils ne le pourront pas, alors il faut absolument revenir sur cette question : dire à des Congolais qu'ils trouveront des trithérapies en rentrant chez eux, c'est se moquer du monde ! Je ne reprends pas la question du Kosovo ou de l'Albanie, mais les chiffres ne me paraissent pas si importants. Je ne suis pas sûr que les médecins de l'OFII soient plus à même de donner un avis que les médecins de santé publique de l'ARS. Il me semble en tout cas qu'il faut repenser ce problème en gardant à l'esprit la nécessité de préserver la dignité humaine de tous, en particulier des malades.