Intervention de Jean-Marie le Guen

Séance en hémicycle du 15 avril 2014 à 15h00
Interdiction de la mise en culture du maïs génétiquement modifié mon 810 — Présentation

Jean-Marie le Guen, secrétaire d’état chargé des relations avec le Parlement :

La proposition de loi que nous présente aujourd’hui Mme Geneviève Gaillard doit permettre de maintenir le moratoire déjà souhaité par la majorité précédente et par une très large majorité de Français, rien de plus, rien de moins.

Vous le savez, les OGM actuellement sur le marché posent de vraies difficultés pour la protection de l’environnement. La firme Monsanto a certes annoncé qu’elle ne commercialiserait pas ses semences OGM MON 810 en France cette année, mais certains producteurs pourraient aller les chercher ailleurs, et c’est la raison pour laquelle la représentation nationale doit légiférer sur ce sujet.

L’arrêté du 14 mars 2014 pris par Stéphane Le Foll a permis d’interdire la commercialisation, l’utilisation et la culture des variétés de semences de maïs génétiquement modifié issues de la lignée MON 810, mais cet arrêté, comme les autres avant lui, est l’objet d’un référé suspension de la part de certaines organisations agricoles.

Cette proposition de loi est cohérente avec la politique française en matière d’OGM depuis des années et avec le projet agro-écologique pour la France que défend Stéphane Le Foll.

Le Conseil d’État a annulé au mois d’août la mesure d’urgence prise par le précédent gouvernement en 2012, après avoir annulé la clause de sauvegarde prise en 2008. II est indispensable aujourd’hui de renouveler une décision très largement partagée de maintenir ce moratoire français. Cette proposition de loi renforce l’arrêté pris en mars dernier en empêchant que des OGM ne soient cultivés dans l’immédiat et en étendant l’interdiction portée par l’arrêté à l’ensemble des variétés de maïs transgénique.

La procédure européenne d’autorisation de mise sur le marché des OGM ne fonctionne pour personne. La France mènera une action déterminée pour en changer. Elle est très longue et n’aboutit que très rarement.

Cette situation n’est pas due seulement à l’action des ONG, à l’écologie, au refus de principe de ces semences. C’est d’abord le résultat d’une procédure ne tenant pas compte de toutes les questions que posent les OGM : absence d’évaluation coût-bénéfice, absence d’étude socio-économique, évaluation environnementale très contestée, absence de suivi post-autorisation de mise sur le marché digne de ce nom. Chacune des autorisations est délivrée par défaut, par absence de consensus, la procédure permet à la Commission de passer en force. Les États sont donc contraints de prendre des mesures de sauvegarde en tout genre, qui se multiplient, sans pour autant leur garantir une sécurité juridique sur leurs choix pourtant démocratiques.

Au début de février, nous avons assisté à un exemple parfait de cette situation absurde. La Commission a organisé un vote sur l’autorisation de la culture du maïs Pioneer TC 1507. Dix-neuf États membres sur vingt-huit s’y sont opposés et, parce que cinq États y étaient favorables, cet OGM peut être autorisé. Depuis quand, en démocratie, cinq États peuvent-ils décider pour vingt-huit ? Et pourquoi la Commission persiste-t-elle dans cette procédure contre l’avis majoritaire du co-législateur européen ? Même l’EFSA, que certains ont tant critiquée depuis de nombreuses années, a émis des réserves sur l’impact environnemental de cet OGM.

La question de l’autorisation du MON 810 est l’exemple parfait du caractère dysfonctionnel des procédures, passées ou présentes, d’autorisation d’OGM. L’autorisation du MON 810 a seize ans, alors que les AMM sont normalement valables pour dix ans. L’autorisation a été délivrée en 1998, sur la base d’une directive de 1990, qui n’avait pas les mêmes exigences environnementales que celle qui l’a remplacée en 2001. D’autres pays, depuis, ont interdit la culture OGM sur leur territoire national.

Si la primauté du droit communautaire sur la loi nationale s’applique, on peut considérer, en revanche, que la proposition de loi est conforme à la Constitution dans la mesure où elle met en oeuvre le principe de précaution, principe constitutionnel.

Le principe de précaution figure aux articles 1er et 5 de la Charte de l’environnement, que l’État français est tenu de faire respecter lorsqu’il existe des éléments de nature à accréditer l’hypothèse d’un risque de dommage grave et irréversible pour l’environnement, notamment s’il apparaît que la réglementation européenne en vigueur ne permet plus d’en garantir le respect. C’est alors le principe de précaution constitutionnel français qui prend le relais.

Aujourd’hui, la Commission a beau jeu de renvoyer les États à leur prétendue responsabilité pour pousser au vote d’une proposition qui était censée permettre aux États membres de refuser un OGM après son autorisation au niveau européen.

Il faut réviser la procédure d’autorisation, et notre ministre, Stéphane Le Foll, est déterminé à porter une proposition de réforme solide à Bruxelles. Une première proposition a été portée par la France au Conseil environnement de mars dernier. Il nous faut trouver un système stable, qui permette une subsidiarité saine, tout en conservant l’évaluation sanitaire et environnementale au niveau européen, et garantisse la sécurité juridique des décisions des États membres.

Loin de moi l’idée de faire de l’obscurantisme, de l’anti-innovation, au contraire. Je suis convaincu que nous allons vivre prochainement un moment charnière qui nous amènera à d’autres choix d’avenir cruciaux.

Aujourd’hui, aucun OGM n’est autorisé en France, et, pourtant, le secteur semencier français est le premier en volume en Europe,…

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