La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Mes chers collègues, nous avons appris avec une immense tristesse le décès, à soixante-six ans, de Dominique Baudis.
Journaliste de formation et de métier, maire de Toulouse, député européen, député, président du CSA, président de l’Institut du monde arabe puis Défenseur des droits, c’était un grand serviteur de l’État et de ses compatriotes.
Partout où il est passé, Dominique Baudis a laissé l’image d’un homme de dialogue et d’un véritable humaniste. Un hommage national lui sera rendu cet après-midi à seize heures trente aux Invalides en présence du Président de la République.
En attendant, j’invite l’Assemblée à observer une minute de silence.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.
L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Nous commençons par une question du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord, au nom du groupe UMP, de saluer la mémoire de cet homme exceptionnel que fut Dominique Baudis.
Monsieur le Premier ministre, les résultats des comptes publics en 2013 sont calamiteux.
Le déficit a lourdement dérapé car les recettes fiscales sont mal rentrées – trop d’impôt tue l’impôt ! – tandis que les dépenses publiques ont continué de progresser : 23 milliards de plus qu’en 2012. Alors que la France avait su tenir ses engagements de réduction du déficit en 2010, en 2011 et quasiment en 2012,
Rires sur les bancs du groupe SRC
Or, 2013, c’est la première année de totale responsabilité du gouvernement socialiste.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Le Président de la République, puis vous-même monsieur le Premier ministre, avez annoncé que vous demanderiez un délai supplémentaire à nos partenaires européens pour ramener nos comptes à l’équilibre. Et puis, brutalement, vous semblez avoir changé d’avis et confirmez à présent la trajectoire de baisse du déficit.
En effet, pour éviter l’humiliation et conserver sa souveraineté budgétaire, la France doit respecter ses engagements. Mais cela passe par une réduction massive de nos dépenses publiques, pas de 50 milliards d’euros seulement, mais plutôt de 80 milliards d’ici 2017, compte tenu de vos récentes promesses de baisses d’impôts.
D’où mes questions, monsieur le Premier ministre : quand allez-vous enfin nous dire en quoi consistent précisément les réductions de dépenses publiques ? Pourquoi avez-vous si brusquement changé de position et choisi la politique de l’austérité ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et quelques bancs du groupe UDI.
Monsieur le président Carrez, nul mieux que vous dans cette Assemblée ne connaît la situation budgétaire de la France, parce que vous y avez eu et que vous continuez à y avoir d’éminentes responsabilités. Vous savez d’où nous venons. Vous savez quels étaient les déficits, gigantesques, des années 2008, 2009 et 2010. Vous connaissez aussi le chemin qui a été parcouru par la France, celui d’une diminution progressive du déficit public. Le déficit de 2013 est plus faible que celui de 2012, celui de 2012 était plus faible que celui de 2011, quelles qu’aient été les difficultés et la situation économique. Nous avons été courageux, nous avons avancé, nous avons diminué le déficit de la France et nous continuerons à le faire.
Mais nous le ferons dans la perspective d’une croissance supérieure. Ce dont j’ai discuté avec nos partenaires européens, c’est d’une croissance supplémentaire. L’Europe a besoin d’une croissance supplémentaire, la France a besoin d’une croissance supplémentaire, et c’est le pacte de responsabilité en France qui est la contribution française à une croissance européenne plus forte, seule condition pour faire véritablement et durablement reculer le chômage.
Voilà notre perspective, voilà notre outil principal. Et bien entendu, nous inscrirons dans la durée, dans la trajectoire des finances publiques, la diminution de notre déficit public. Non pas parce que cela serait une obligation que l’on nous impose – à aucun moment le Président de la République, le Premier ministre ni moi-même n’avons demandé, imploré pour des délais – mais parce que c’est l’intérêt de la France et de l’Europe.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
L’Europe a besoin d’une France respectée et respectable. L’Europe a besoin d’une France forte pour être forte, et c’est cela notre seule ligne de conduite.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le ministre des finances et des comptes publics, il y a quelques jours, le Fonds monétaire international a publié ses projections budgétaires pour tous les pays. Pour la France, il a affiché une prévision de déficit public à 3 % de son produit intérieur brut en 2015. Cette annonce illustre que les institutions internationales nous font confiance,…
…qu’elles croient en notre capacité à redresser le pays, à avancer économiquement et socialement, parce que l’un et l’autre sont liés.
Réduire le déficit, c’est une condition indispensable pour le redressement de notre pays : cela veut dire réduire les intérêts que nous payons et qui grèvent le budget de l’État. Monsieur le ministre, nous savons que c’est une course contre la montre. Gagner cette course passe bien entendu par notre sérieux budgétaire, mais aussi par notre soutien à la croissance économique. Dans ce domaine, le Gouvernement a d’ores et déjà engagé de nombreux chantiers, dont les effets deviennent perceptibles. Je pense par exemple à ces PME qui viennent d’apprendre de leur comptable le montant de crédit d’impôt compétitivité emploi qu’elles vont percevoir, et qui pour certaines est bien supérieur à leurs attentes.
Gagner cette course contre la montre se fera bien sûr avec nos partenaires européens. C’est le sens de la visite du Premier ministre, Manuel Valls, hier à Berlin, visite saluée par la presse allemande. C’est aussi le sens des déclarations du président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, qui s’est dit prêt à user d’un « nouveau stimulant » de la politique monétaire en cas de renchérissement du taux de change.
Monsieur le ministre, c’est la convergence de ces trois axes qui nous fera gagner la course contre la montre. Aussi, pourriez-vous nous donner quelques précisions sur leur articulation ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et quelques bancs du groupe écologiste.
Merci beaucoup, madame la députée Rabault, qui vous apprêtez à exercer d’autres responsabilités au sein de la commission des finances.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Vous avez exactement mis l’accent sur les coordinations nécessaires…
Mêmes mouvements
…pour avoir plus de croissance, plus d’investissement, plus d’emploi et un recul en profondeur du chômage, en Europe comme en France. Il est donc nécessaire de mener des politiques en faveur de la croissance : c’est le pacte de responsabilité, c’est aussi le CICE, dont vous avez souligné les premiers effets perceptibles aujourd’hui dans les entreprises – elles l’attendaient ! C’est de l’investissement et de l’emploi supplémentaires que nous rendons possibles.
Ce pacte de responsabilité que j’ai présenté à mes partenaires a été commenté par tous, qualifié de courageux, pertinent, à la hauteur des défis de la France comme de l’Europe. Mais il ne suffit pas. Il faut aussi que la politique monétaire vienne au secours d’une croissance supplémentaire en Europe. Je reprends les mots prononcées par le président de la Banque centrale européenne : un euro trop fort est mauvais pour la croissance en Europe, mauvais pour la croissance en France. Après avoir prononcé ces paroles fortes, il aura la capacité d’agir demain. Oui, il faut que l’euro soit à un bon niveau, qui ne nous gêne pas dans nos exportations ou dans la lutte contre d’autres produits fabriqués ailleurs.
Un bon équilibre entre une politique de croissance qui permette de soutenir l’activité dans les entreprises, une politique monétaire plus équilibrée qu’elle ne l’est aujourd’hui et une politique budgétaire qui permette de diminuer nos déficits : c’est le coeur de la politique économique que nous menons, et c’est le coeur de la réussite pour la France.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et quelques bancs du groupe écologiste.
La parole est à M. Franck Reynier, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
Tout d’abord, au nom du groupe UDI, je veux à mon tour saluer la mémoire de Dominique Baudis. Je veux ensuite adresser à Jean-Louis Borloo nos souhaits de prompt rétablissement et lui dire toute notre amitié
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI, UMP et RRDP ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste
et aussi souhaiter à Philippe Vigier, le nouveau président du groupe UDI à l’Assemblée nationale, pleine réussite dans la poursuite de l’action impulsée par Jean-Louis Borloo.
Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.
Monsieur le Premier ministre, dans votre déclaration de politique générale la semaine dernière, vous avez déclaré qu’un assouplissement du cadre des rythmes scolaires était à prévoir. Vous reconnaissiez aussi, à travers cette annonce pleine de lucidité, que cette réforme a provoqué de véritables troubles dans nos territoires, chez les enseignants, chez les agents territoriaux et chez les parents d’élèves. En l’espace de vingt mois, d’une idée plutôt consensuelle, d’un relatif accord sur la nécessité de réformer les rythmes scolaires et d’organiser l’enseignement des savoirs de base sur les matinées, nous sommes passés à un rejet massif.
Après un passage en force, vous avez mis en place la concertation a posteriori. Ce n’est pas une bonne méthode. Monsieur le Premier ministre, pour nos enfants, l’organisation de l’enseignement est une chose bien trop importante pour être gérée de la sorte.
En outre, cette réforme a de fortes répercussions sur toutes les communes : les grandes villes, les intercommunalités, les villes moyennes, les petites communes, particulièrement les plus rurales. Elle a un impact financier sur les budgets communaux mais aussi un impact humain, puisqu’il faut prévoir les ressources humaines nécessaires, qui sont sous la responsabilité des communes.
Monsieur le Premier ministre, vous devez faire confiance aux maires, aux élus locaux, faire confiance à leur bon sens.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.
La rentrée de septembre 2014 arrive à grands pas. Donnez du temps à tous les acteurs de cette réforme pour trouver une solution plus consensuelle ! Monsieur le Premier ministre, repoussez la mise en oeuvre de votre réforme des rythmes scolaires !
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et plusieurs bancs du groupe UMP.
La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le député, je reviens en quelques mots sur les objectifs de cette réforme. Je veux redire qu’elle avait fait consensus dans un rapport issu d’une mission d’information parlementaire…
…lorsque la commission des affaires culturelles et de l’éducation était présidée par Mme Tabarot. À l’époque, M. Breton et M. Durand étaient favorables à un passage à la semaine de neuf demi-journées, c’est-à-dire à la remise en cause de la semaine de quatre jours.
Le constat, dans le primaire, était le suivant : nous ne parvenons pas à lutter efficacement contre l’échec en fin de CM2. À bien des égards, le destin scolaire de beaucoup d’enfants se joue trop tôt, dès le primaire.
L’école ne parvient plus à lutter comme auparavant contre les inégalités sociales. À partir de ce constat, nous avons construit une réponse : la nécessité de concentrer les temps d’apprentissage dans les moments, les heures où les enfants sont les plus disponibles et disposés à apprendre.
C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de mettre en oeuvre cette réforme, qui s’appliquera bien, comme l’a dit le Premier ministre, à la rentrée 2014.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
Cependant, nous avons constaté comme vous, et en toute bonne foi, que des difficultés existaient.
« Ah ! » sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Ce serait du déni que de ne pas les prendre en compte ! Le Premier ministre s’est donc engagé à ce que la mise en oeuvre de cette réforme fasse l’objet d’ajustements. Je lui ferai des propositions sous une dizaine de jours, à partir de la concertation que j’ai commencée avec les organisations d’enseignants, avec les parents d’élèves et avec les élus.
Je n’entends pas enfermer cette réforme dans un cadre théorique ou dans un cadre réglementaire trop strict. Là où il existe des expérimentations qui servent le même objectif, la réussite de tous les élèves, nous adapterons le cadre réglementaire. Ce n’est pas le cadre réglementaire qui obligera à écarter les expérimentations, mais les expérimentations qui seront prises en compte par le futur cadre réglementaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le Président, le groupe écologiste s’associe à l’hommage que vous avez rendu à l’instant à Dominique Baudis.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Le groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat, le GIEC, vient de publier un nouveau rapport dont les conclusions sont alarmantes. La hausse des températures n’est plus à démontrer. Entre 2000 et 2010, les émissions de gaz à effet de serre ont en effet augmenté de 2,2 % contre 0,4 % en moyenne pour les trois décennies précédentes.
Les conséquences de ce dérèglement climatique sont d’ores et déjà palpables : multiplication des épisodes météorologiques extrêmes, extinction d’espèces et d’écosystèmes, intensification des risques sanitaires, insécurité alimentaire et augmentation des conflits, y compris armés, liés à la raréfaction des ressources.
C’est l’inaction, ce sont les demi-mesures qui punissent la planète et les citoyens. Pour contenir le réchauffement climatique, plusieurs scénarios sont envisageables. Si certains lobbies défendent encore l’idée que des technologies existantes pourraient régler le problème, un consensus politique et scientifique se dégage autour de l’idée que l’efficacité énergétique dans les secteurs du bâtiment, de l’agriculture et des transports constitue le premier levier de lutte contre le réchauffement climatique.
Avec la loi sur la transition énergétique, à l’été prochain, et la conférence internationale Paris Climat 2015, la France dispose de deux occasions de montrer la voie et d’impulser une coopération internationale, à commencer par un renforcement et une clarification de la position de l’Union européenne.
Aussi, monsieur le Premier ministre, pouvez-nous indiquer dans quelle mesure votre gouvernement compte intégrer les préconisations du GIEC dans la loi de transition énergétique ?
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste, sur plusieurs bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe UDI.
La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Merci, monsieur le député de Rugy, de vous engager si fortement dans la cause de la lutte contre le réchauffement climatique.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Pour répondre directement à votre question, monsieur le député, le Gouvernement est totalement déterminé à agir avec force pour obtenir des résultats.
Mêmes mouvements.
Comme vous l’avez très justement rappelé, le rapport du groupe intergouvernemental souligne les dégâts qui se produiront si nous ne faisons rien. Nous avons l’impérieuse obligation d’agir, une obligation morale, pour les générations futures. Mais la nouveauté de ce rapport est sa connotation positive : ces chercheurs, ces savants, parmi lesquels d’éminents savants français, les meilleurs du monde dans ce domaine, nous disent qu’il est possible d’agir et nous disent comment.
Vous venez de tracer un certain nombre de lignes : le Gouvernement va engager très rapidement les grands travaux de la performance énergétique des bâtiments. Nous allons également accélérer le chantier sur la mobilité propre, sur les économies d’énergie et sur les énergies renouvelables. Et le levier le plus important sera l’industrie verte. Car, si la situation peut donner lieu à des catastrophes qu’il faut tout faire pour éviter, elle constitue aussi une chance extraordinaire qu’il faut saisir pour créer des activités et des emplois dans cette industrie. Nous devons redonner confiance aux filières des industries vertes afin qu’elles investissent maintenant, en accompagnant nos territoires afin que ce soient tous les citoyens qui s’engagent, avec la future loi, afin d’obtenir des résultats.
La semaine dernière, je rencontrais le grand astrophysicien Hubert Reeves qui vient de publier un livre magnifiquement intitulé Là où croît le péril… croît aussi ce qui sauve, cette belle phrase du poète Hölderlin. À nous d’être à la hauteur pour relever ce défi afin que l’humanité trouve les moyens de réparer ce qu’elle détruit.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
La parole est à M. Damien Abad, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse au Premier ministre. Si vous êtes incapable de gérer le parti socialiste, allez donc vous occuper des affaires européennes : tel est le signal politique désastreux que vous venez d’adresser aux Français et à nos partenaires européens en nommant Harlem Désir secrétaire d’État de votre gouvernement.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et quelques bancs du groupe UDI.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous expliquer le sens de cette nomination ? Et pouvez-vous nous dire quels ont été les critères fixés par le Président de la République et vous-même pour faire un tel choix pour un poste si important ?
Exclamations sur de nombreux bancs du groupe SRC.
Est-ce une prime à l’échec que de nommer le premier secrétaire le plus décrié de l’histoire du parti socialiste ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Est-ce une prime au mauvais élève, pour récompenser l’implication sans faille du député européen Harlem Désir ? (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Un député européen si assidu qu’il fait partie du Top 15 des députés les plus absents
Huées sur les bancs du groupe UMP
et tellement connu que M. Barroso a dû consulter un trombinoscope à l’annonce de sa nomination ? Lui qui est pourtant élu au Parlement européen depuis plus de quinze ans !
Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Cette nomination traduit malheureusement le mal français qui consiste à trop souvent faire de l’Union européenne le réceptacle des responsables politiques qui ont échoué dans leur mission.
François Hollande et vous-même, monsieur le Premier ministre, méprisez-vous à ce point l’Europe pour renoncer à toute influence française à Bruxelles, à la veille d’élections européennes qui s’avéreront si décisives ? (« Hélas ! » sur les bancs du groupe UMP.)
En tant qu’ancien député européen, je le regrette, comme nous pouvons le regretter au nom des 65 millions de Français que nous représentons dans cet hémicycle. Y compris sur vos bancs, certains déplorent cette nomination, il faut aussi le dire !
Monsieur le Premier ministre, les Français attendent des explications…
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Un peu de calme, pensez aux téléspectateurs qui nous regardent ! Chaque semaine, nous recevons des dizaines de lettres de protestation contre l’ambiance qui règne dans l’hémicycle. J’appelle chacun à son sens des responsabilités.
La parole est à M. le Premier ministre.
Monsieur le président de l’Assemblée nationale, mesdames et messieurs les députés, dans un instant nous nous retrouverons aux Invalides sous la présidence du chef de l’État pour rendre hommage à Dominique Baudis. Je l’avais rencontré il y a encore quelques semaines dans le cadre de mes fonctions de ministre de l’intérieur. À mon tour, au nom du Gouvernement, je veux m’incliner et rendre hommage à un défenseur de l’indépendance de nos institutions et des libertés.
Monsieur Abad, je vous répondrai en adoptant un autre ton que celui que vous avez employé. Dès qu’il s’agit de questions de personnes, il faut prendre garde à la manière dont on s’adresse aux autres.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP et sur quelques bancs des groupes GDR et UDI.
D’abord je veux vous dire, et ceux qui ont fait partie d’un gouvernement le savent, que c’est tout le Gouvernement, l’Assemblée nationale et le Parlement qui fondent une relation majeure entre notre pays et l’Union européenne. C’est tout le Gouvernement qui crée cette relation indispensable sur bien des sujets, notamment sur les questions économiques et monétaires qui ont été abordées il y a un instant par Michel Sapin, à commencer par le chef de l’État, par le Premier ministre et par chacun des membres du Gouvernement dans chacune de ses responsabilités.
Il y a toujours un ministre ou un secrétaire d’État aux relations avec l’Union européenne. Il est en effet tout à fait essentiel que notre présence dans les institutions européennes, dans la relation avec les autres pays soit assurée.
Harlem Désir a été pendant quinze ans député au Parlement européen.
« Très souvent absent ! » sur les bancs du groupe UMP.
Il a été vice-président de groupe. Il a été rapporteur de plusieurs textes. Il connaît parfaitement les dirigeants européens…
« Cela se saurait ! » sur les bancs du groupe UMP.
…les institutions européennes et le Parlement européen. Il a toutes les qualités, je le dis devant la représentation nationale, pour assurer cette responsabilité, cette relation entre le gouvernement français et les institutions européennes. De par son expérience de député européen et son expérience politique, il en a toutes les qualités.
« Personne n’y croit ! » sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur Abad, pour beaucoup d’entre nous qui nous sommes engagés en politique il y a trente ans, Harlem Désir, c’est aussi une des belles figures de notre société et de la France.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
Il a été le président de SOS Racisme. Il a été à la tête d’une formidable mobilisation contre le racisme et la xénophobie.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Croyez-moi, la présence au sein du Gouvernement de Harlem Désir, lui qui porte un si beau nom français, qui représente la diversité, la France et l’Europe, ce devrait être un honneur pour chacun que de la souligner.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.– Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur Abad, si quelqu’un d’autre avait posé cette question au nom de votre groupe, il y aurait au fond peut-être eu un peu plus de vérité. Si cela avait été M. Devedjian ou M. Bertrand, peut-être votre groupe aurait-il décidé de ne pas poser une telle question.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
La parole est à Mme Geneviève Gosselin-Fleury, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, vendredi 11 avril, par une décision contentieuse, le Conseil d’État a annulé l’arrêté du 20 juillet 2012 fixant les tarifs de l’électricité. Il a ainsi enjoint au Gouvernement de prendre un nouvel arrêté qui augmentera de manière rétroactive les tarifs de l’électricité pour plus de 28 millions de ménages, en tarif bleu, et pour les petites entreprises, en tarif jaune.
Notre majorité regrette cette décision qui est la conséquence du recours déposé par les concurrents d’EDF. À un moment où des efforts sont demandés aux ménages et aux entreprises pour vaincre la crise, cette décision tourne le dos à la protection du pouvoir d’achat à laquelle nous sommes attachés. En effet, en 2012, le Gouvernement avait pris la décision de limiter la hausse des tarifs de l’électricité. Cette mesure de bon sens permettait de ne pas répercuter la hausse suggérée par la Commission de régulation de l’énergie qui estimait nécessaire d’augmenter les tarifs de l’énergie de 7 %.
Alors que notre pays s’apprête à franchir un cap considérable avec la loi sur la transition énergétique, la nécessité d’engager la mutation de nos modes de production et de consommation est une fois de plus confirmée. Les économies d’énergie, le développement de notre mix énergétique et la rénovation énergétique sont des défis colossaux pour notre pays, dans l’intérêt des Français et de leur pouvoir d’achat, car la transition énergétique est certes une opportunité environnementale mais aussi une opportunité économique.
Madame la ministre, pouvez-vous nous dire quels seront les effets de la décision du Conseil d’État ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Je vous remercie, madame la députée, de vous préoccuper des consommateurs d’énergie qui ont été, en effet, très choqués par cette décision du Conseil d’État qui remet en cause la limitation par le Gouvernement de la hausse des tarifs de l’énergie. Mais si le Conseil d’État a pris cette décision, c’est qu’il y a des règles à respecter. Et quand les règles ne sont pas bonnes, il faut les changer. L’une des principales décisions que nous prendrons sera d’accélérer les consultations sur le décret visant à réformer le mode de calcul du coût de l’énergie, qui est en cours d’élaboration.
Vous siégez à la commission d’enquête parlementaire sur le coût de la filière nucléaire, madame la députée, et je tiens à vous dire que je compte sur les parlementaires pour que nous parvenions à établir un système transparent, démocratique, compréhensible pour tous. Les citoyens doivent être les premiers à pouvoir comprendre, à travers leurs factures d’énergie, ce qu’on leur fait payer et quelles sont les règles d’augmentation des tarifs.
J’ajoute que les producteurs d’énergie ne sont pas à l’abri d’un contrôle portant sur la maîtrise des coûts de production, l’augmentation de leur productivité ou la montée en puissance des énergies renouvelables. Certains affirment qu’il y a une fatalité dans l’augmentation du prix de l’énergie mais moi, je dis que non : il n’y a pas de fatalité car nous devons économiser l’énergie et produire des énergies renouvelables afin que le coût de l’énergie ne dépasse plus le taux d’inflation et qu’ainsi, il n’y ait plus de ponction sur le pouvoir d’achat des ménages.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Arnaud Robinet, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, tout tremble mais rien ne bouge : voici comment pourrait se résumer le remaniement gouvernemental du Président de la République à la suite du message pourtant très clair que les Français lui ont adressé lors des élections municipales. Vous avez changé de cosmétique, mais le visage reste le même : refus du dialogue !
Il y a quelques semaines, ici même, j’avais alerté le Premier ministre sur le danger que constituait son passage en force en matière de rythmes scolaires. Force est de constater que ce nouveau gouvernement, votre gouvernement, monsieur Valls, s’engage sur la même voie avec les mêmes vieilles recettes.
Résultat : familles et enseignants inquiets, animateurs non préparés, infrastructures d’accueil insuffisantes et des élus bien en peine face à votre autoritarisme et au manque de moyens financiers. Vous avez prévu un taux d’amorçage à 50 euros par enfant alors que ce sont 150 euros qui seraient nécessaires ! Qu’en sera-t-il pour 2015 ? Vous allez créer des inégalités profondes entre villes riches et villes pauvres, entre communes rurales et grandes agglomérations.
Dans ma commune de Reims, votre obstination coûtera entre 2 et 3 millions supplémentaires aux habitants !
Vous vous dites prêt à discuter mais vous rejetez toute idée de retrait, de report ou de libre choix tout en diminuant les dotations allouées aux communes ! Quels sont les moyens qui se présentent à nous ? Prélever encore plus les Français ? Si les impôts et les taxes sont votre marque de fabrique, pour nous, nous vous le disons tout net, c’est non !
Vous avez tout décidé et maintenant vous voulez prendre en otage les maires de France.
« Oh là là ! » sur les bancs du groupe SRC.
Une fois de plus, vous avez travaillé dans la précipitation, seulement guidés par des technocrates parisiens bien éloignés du terrain. Ce n’est pas comme cela que nous, défenseurs des Français, au plus près des territoires, nous concevons le dialogue et la démocratie.
Monsieur le Premier ministre, sachez faire preuve de transparence et d’intelligence. Laissez la liberté aux maires d’appliquer ou non la réforme. Vous n’êtes plus à une reculade près, alors faites le bon choix !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et quelques bancs du groupe UDI.
La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur Robinet, il y a des élus UMP qui ne parlent pas comme vous. Il y a des élus du parti socialiste, du parti communiste, d’Europe écologie-Les Verts, du groupe UDI qui ne parlent pas comme vous.
Ils ont d’ores et déjà mis en place la réforme des rythmes scolaires. Ils nous transmettent des retours sur expérience extrêmement utiles pour permettre la généralisation de cette réforme.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
C’est à partir de leur travail, de l’expérience qui est la leur, y compris de l’embarras que cela a pu créer dans certains endroits, que nous allons préparer cet assouplissement de la mise en oeuvre du cadre réglementaire de la généralisation de la réforme des rythmes scolaires.
Le choix fait par ce gouvernement est celui de la discussion. Et je m’étonne d’avoir entendu M. Copé annoncer qu’il ne mettrait pas en oeuvre la réforme dans sa ville de Meaux si elle s’appliquait en 2014.
Vous trouvez sans doute que les Français ne paient pas assez d’impôts !
De surcroît, il a contesté qu’il lui faille appliquer cette réforme au motif qu’elle reviendrait à appliquer un décret et non une loi. Drôle de manière de considérer la hiérarchie des normes ! Il y a quelques années, le passage à quatre jours s’était fait par décret ; aujourd’hui, la légitimité de la réforme procède du préambule de la Constitution, du code de l’éducation et relève de l’obligation de l’État d’organiser les rythmes scolaires…
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Si l’on devait suivre la logique de M. Copé, qui considère que les maires n’ont pas à appliquer ce qui relève des décrets, bien des infractions seraient commises, notamment en matière de code de la route !
Nous avons décidé de discuter. Nous avons décidé de mettre en oeuvre cette réforme par la concertation. Et je veux vous dire, monsieur Robinet, que nous avancerons avec tous les élus de l’UMP qui aujourd’hui nous appellent pour chercher à faire en sorte d’appliquer cette réforme et d’élargir le cadre réglementaire.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Sachez que ma porte restera ouverte.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Sylviane Bulteau, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique. Monsieur le ministre, je sais que vous avez désormais d’autres responsabilités mais que vous n’abandonnerez pas les dossiers industriels. À ce propos, le vendredi 11 avril dernier, le repreneur algérien Cevital a obtenu d’un tribunal espagnol le rachat des marques du groupe FagorBrandt. Depuis le dépôt de bilan en fin d’année 2013, le sort des quatre sites industriels français était suspendu à celui des marques. Parmi eux, les deux usines vendéennes de La Roche-sur-Yon et d’Aizenay étaient menacées de fermeture pure et simple. Le tribunal de commerce de Nanterre doit rendre aujourd’hui sa décision sur l’avenir de l’entreprise au regard de ces nouveaux éléments et des accords commerciaux qui ont été conclus.
Vous n’avez pas, monsieur le ministre, et je veux en témoigner ici personnellement, ménagé votre peine pour qu’une solution satisfaisante soit trouvée, et cela tant vis-à-vis du repreneur algérien que de la direction du groupe FagorBrandt ou encore de nos partenaires espagnols. Les Français que j’ai l’honneur de représenter ici saluent votre action dans la durée. Vos prédécesseurs, qui se sont succédé à cette fonction entre 2007 et 2012 au rythme effréné d’un nouveau ministre chaque année, ont assisté en spectateurs à l’effondrement de notre outil industriel. Avec vous, monsieur le ministre, les salariés, les syndicats et les élus se sont battus pour préserver l’emploi et nos savoir-faire : il faut rendre hommage à cette mobilisation qui n’a jamais faibli.
Malheureusement, des licenciements interviendront. Face aux inquiétudes qui demeurent, pouvez-vous, monsieur le ministre, éclairer la représentation nationale sur les suites que vous comptez réserver à ce dossier humainement et économiquement toujours aussi sensible ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et quelques bancs du groupe écologiste.
La parole est à M. le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique.
Madame la députée Sylviane Bulteau, dans ce dossier FagorBrandt comme dans beaucoup d’autres, nous avons frôlé la catastrophe, c’est vrai. Mais je veux remercier tous les partenaires : les élus locaux, quelle que soit leur sensibilité, les syndicats et le repreneur, qui nous ont permis de gagner plusieurs batailles. Tout d’abord, la bataille pour le redémarrage de l’usine : c’est grâce à l’État, grâce au fonds de résistance économique que vous, parlementaires, avez autorisé, que nous avons pu ne pas perdre l’outil industriel pendant cette longue procédure.
La bataille pour la reprise des marques, ensuite : je remercie mon homologue espagnol José Manuel Soria, avec qui nous avons pu convaincre les autorités judiciaires d’autoriser la reprise des marques. Nous avons donc repris les marques Brandt, Sauter, De Dietrich et Vedette, bien sûr – mythique dans l’imaginaire des Français ! –, nous permettant de faire redémarrer l’actif immatériel le plus important de FagorBrandt.
Concernant Cevital, il s’agit là d’un groupe industriel et non d’un groupe financier, qui souhaite faire travailler la France en augmentant les parts de marché mondiales. Avant de passer devant le tribunal de commerce en raison de ses difficultés, FagorBrandt représentait 15 % du marché français et 14 % du marché espagnol ; l’ambition de Cevital est de porter FagorBrandt sur le marché mondial et de gagner des parts de marché, d’où ces investissements.
Enfin, la bataille de l’emploi : nous avons préservé 1 420 emplois dans ce dossier qui devrait être homologué tout à l’heure devant le tribunal de commerce. Les deux sites vendéens – les autres sites étant repris – font l’objet d’un accord commercial pour une durée de deux ans, qui devra assurer la reconversion de ces sites ; il y a donc un accord commercial, que nous avons arraché au repreneur Cevital. Partant de là, je me rendrai sur place pour discuter les modalités selon lesquelles nous ferons travailler à l’avenir La Roche-sur-Yon et Aizenay, madame la députée de la Vendée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et quelques bancs du groupe écologiste.)
La parole est à Mme Catherine Vautrin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Dans votre discours de politique générale, la semaine dernière, monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé une baisse de dix milliards d’euros pour les dotations aux collectivités ; cette baisse s’ajoute à celle de trois milliards déjà annoncée pour 2014 et 2015. Au-delà de ces baisses extrêmement importantes pour les collectivités, s’ajoutent des inquiétudes sur les incertitudes de la politique de la ville – une réforme présentée et défendue par un ministre qui est depuis sorti du Gouvernement. C’est bien sûr dommage pour lui, mais c’est encore plus dommage pour les collectivités, puisqu’il nous avait promis de nous donner la cartographie de sa réforme après les municipales. Les municipales sont passées, le ministre n’est plus là et les collectivités attendent toujours de savoir ce que deviennent les CUCS – contrats urbains de cohésion sociale – et les programmes de réussite éducative.
Finalement, monsieur le Premier ministre, après avoir écouté votre ministre de l’éducation nous parler à l’instant d’expérimentation, peut-être envisagez-vous que les programmes de réussite éducative deviennent à leur tour une expérimentation sur la réforme des rythmes scolaires ! Vous pouvez en décider ainsi, monsieur le Premier ministre ! Mais il est urgent de revenir sur cette réforme des rythmes scolaires, vous le savez : c’est une réforme hasardeuse sur le fond, une réforme hasardeuse sur la forme. À six mois de la rentrée scolaire de septembre, nous ne connaissons toujours pas la position réelle du Gouvernement, nous alternons entre assouplissements et discussions – des mots, toujours des mots, mais rien de concret ! Au-delà des expérimentations, ne condamnez pas les communes à de nouvelles dépenses : si vraiment vous avez compris le message des municipales, montrez-le ! Entendez enfin les élus locaux dans l’intérêt des enfants, des familles, des contribuables : ils ne peuvent plus supporter ces dépenses ! Changer le ministre ne fut pas suffisant : c’est la réforme des rythmes qu’il faut sortir !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Madame Vautrin, la priorité qui a été donnée par ce gouvernement à l’éducation nationale se manifeste, comme vous le savez, par la volonté d’augmenter le nombre de professeurs dans le primaire, par l’engagement de créer 60 000 postes dans l’éducation nationale, par le dispositif « Plus de maîtres que de classes » qui concerne particulièrement l’éducation prioritaire. Puisque vous parliez de ces territoires dans lesquels existent davantage d’inégalités sociales et pour lesquels il faut faire davantage, je veux vous dire que ma priorité sera, après celle fixée par Vincent Peillon, de tout miser justement sur l’éducation prioritaire, sur le primaire et sur la lutte contre les inégalités sociales. L’élargissement de la possibilité de scolariser les enfants avant trois ans contribuera aussi à cela et, évidemment, la réforme des rythmes scolaires poursuit l’objectif qui est le nôtre.
J’y ajouterai une préoccupation qui, je le crois, doit rassembler tous les parlementaires dans cet hémicycle : la formation des maîtres. Nous voulons qu’apprendre, cela s’apprenne ! Demain, on doit pouvoir apprendre à apprendre et, ce faisant, être en capacité de mieux transmettre les savoirs dans des moments, pour ce qui concerne l’école primaire, où les enfants seront concentrés sur les apprentissages fondamentaux – d’où la réforme des rythmes scolaires.
Cela me permet de vous indiquer que, contrairement à ce qui est dit, cela ne représente pas simplement 50 euros par enfant : ce sont 50 euros, plus 40 euros, plus 54 euros – soit jusqu’à 144 euros – dès lors que le projet permet, tant pour le périscolaire qu’en matière d’organisation du temps scolaire, de répondre à l’objectif de réussite des élèves, de tous les élèves !
Nous avons donc décidé de mobiliser un fonds ; nous avons décidé de mettre en oeuvre la concertation. Je regrette à nouveau que vous ne saisissiez pas cette occasion et je souhaite, tout comme le Premier ministre, que le cadre réglementaire s’ouvre aux expérimentations. Les expérimentations qui seront menées trouveront à s’intégrer dans la réforme : je m’y engage !
La parole est à M. Stéphane Saint-André, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, il y a cinquante ans s’implantait à Béthune une usine de fabrication de pneumatiques sous la marque américaine Firestone. Cette usine est devenue japonaise et produisait, il y a moins de vingt ans, 30 000 pneus par jour avec 1 450 salariés. Aujourd’hui elle en produit à peine 17 000 par jour. Les 1 250 salariés sont inquiets car ils savent que, l’an passé, les salariés italiens de l’usine Bridgestone de Bari, ont, sous la menace d’une fermeture d’usine, accepté de revenir sur des avantages et de baisser leurs salaires.
Bridgestone possède trois usines : en France, en Italie et en Espagne. Elle les met clairement en concurrence en invoquant des coûts salariaux trop élevés et en précisant que dans les cinq ans qui viennent une de ces trois usines fermera. Bridgestone France comme beaucoup d’autres a bénéficié d’aides publiques et reste désormais très vague quant à l’avenir du site de Béthune. Au niveau mondial, le groupe a enregistré ces deux dernières années une forte augmentation de son bénéfice net.
Je sais, monsieur le ministre, que vous vous êtes saisi de ce dossier et je vous en remercie. Toutefois il semble que les dirigeants japonais ne se contentent pas des mesures du pacte de responsabilités et qu’ils exigent d’aller beaucoup plus loin en matière de réduction des coûts du travail. Un accord de compétitivité est peut-être envisageable mais pas à n’importe quel prix. Les salariés ont en mémoire, et on les comprend, le triste précédent de l’usine Continental.
C’est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir organiser, avec l’ensemble des protagonistes du dossier, une réelle concertation dont l’objectif serait de conforter la pérennisation du site nordiste.
Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.
La parole est à M. le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique.
Monsieur le député, je comprends l’inquiétude des salariés. C’est la raison pour laquelle, avec mon équipe, nous nous sommes emparés sans tarder de ce dossier.
Il y a, nous dit la direction japonaise de cette entreprise, un problème de compétitivité en France. Nous avons décidé, par les politiques que vous connaissez et qui sont âprement discutées ici – le CICE et le pacte de responsabilité – de prendre le taureau par les cornes. Mais il y a aussi des cas particuliers, et la direction de Bridgestone invoque des problèmes de compétitivité en ce qui concerne le pneumatique. Nous avons connu beaucoup de dégâts dans ce secteur ; je ne rappellerai pas les exemples de Goodyear ou de Continental.
Nous avons besoin d’affronter la question de la compétitivité ensemble et non pas les uns contre les autres. Je réunirai prochainement les organisations syndicales et je m’adresserai aussi à la direction de cette entreprise japonaise à Tokyo car, lorsque nous sommes allés au Japon avec le Président de la République, les questions de compétitivité ont été évoquées avec les investisseurs japonais sur notre territoire. Nous leur avons dit : regardez ce que Nissan a fait en France à travers son allié Renault. Un accord de compétitivité a permis la localisation de Nissan sur le sol français, par exemple dans les usines de Flins. Le choix de la France a donc été fait par des entreprises japonaises. Mais la contrepartie, c’est un accord de compétitivité : l’ensemble des salariés et la direction se sont mis autour de la table et ont trouvé les moyens de relancer la production des véhicules sur le sol français, notamment à travers l’implantation de Nissan.
Voilà, monsieur le député, ce que nous allons faire. Nous ne sommes jamais sûrs de réussir, mais les batailles qu’on ne gagne jamais sont celles qui ne sont jamais engagées. C’est maintenant à nous de réussir !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Pierre Lellouche, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, la crise ukrainienne est sans conteste, et je pèse mes mots, la crise la plus grave qu’ait connu notre continent depuis les crises de Berlin au lendemain de la Seconde guerre mondiale.
Fin février, la Russie s’est emparée de la Crimée, pourtant partie intégrante d’un État souverain, au mépris du droit international, des conventions OTAN-Russie et du protocole de Budapest de 1994 dans lequel l’Ukraine avait renoncé à ses armes atomiques en échange de garanties de non-agression de la part des grandes puissances, à commencer par la Russie.
Ces dernières semaines, face à un pouvoir ukrainien très affaibli, des désordres graves se produisent dans la partie orientale de l’Ukraine tandis que les Russes ont massé 40 000 soldats aux frontières de l’Ukraine. De fait, tout se passe comme si la Russie donnait le choix, si j’ose dire, entre une partition interne de l’Ukraine obtenue par voie de fédéralisation forcée, ou l’éclatement du pays par la pression militaire. Les conditions d’une escalade, et donc d’erreurs de calcul aux conséquences gravissimes, sont donc réunies.
Depuis le début de cette crise, et sans vouloir faire ici de mauvais procès sur une question dont la gravité est telle qu’elle devrait tous nous rassembler, on ne peut pas, cependant, ne pas être frappé par le profil très bas de la diplomatie française pendant toute cette affaire.
Absente trois mois durant des événements de Maïdan à Kiev, notre diplomatie n’a guère fait preuve jusqu’ici d’initiative dans les semaines qui ont suivi,…
…en dehors de l’appel à des sanctions modestes et parfaitement inefficaces. Le Président de la République lui-même, qui ne s’est rendu ni à Kiev, ni à Moscou, vient d’ailleurs d’expliciter cette passivité française en disant ceci : « Éviter toute action directe ou indirecte susceptible d’alimenter les tensions ».
Au-delà de cette formule, monsieur le Premier ministre, quelle est la politique française à la veille du sommet de Genève ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Monsieur le député, comme vous l’avez rappelé au début de votre question, la situation en Ukraine est non seulement inquiétante mais gravissime. Les violences dans la partie Est se sont développées et se développent au moment même où je vous parle.
L’origine, il faut la qualifier clairement : c’est la Russie. Les condamnations qui ont été prononcées par la France et par d’autres pays sont donc parfaitement légitimes.
Vous m’interrogez sur notre position. Notre position, qui est reprise par les Européens, c’est à la fois celle d’une grande fermeté et d’une grande responsabilité.
La fermeté, ce sont les sanctions. Nous avons défini avec nos partenaires trois niveaux de sanctions. Les deux premiers ont déjà été appliqués.
La responsabilité, c’est d’engager le dialogue. Nous n’allons pas – et personne ne le propose ici – faire la guerre aux Russes. Il faut donc aller vers le dialogue, mais sur la base de la fermeté. Jeudi prochain se tiendra une réunion quadripartite, avec notamment les Russes et les Ukrainiens. Si cette réunion ne donne pas de résultats, nous devrons passer au troisième niveau de sanctions, c’est-à-dire aux sanctions économiques. Il n’y a pas d’autre voie que celle-ci.
Monsieur le député, vous qui suivez ces questions, vous savez que l’objectif des Russes, c’est soit de rendre impossible la tenue des élections du 25 mai, soit de les disqualifier. Nous devons avoir l’objectif exactement inverse : il faut qu’un pouvoir pleinement légitime soit installé en Ukraine.
Fermeté et responsabilité : voilà la position de la France. Et quand le Président de la République en parle à la fois à M. Poutine, au président Obama, à la chancelière Merkel et à tous ses partenaires, il fait son devoir au nom de la France.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à Mme Marie Récalde, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Monsieur le ministre, aujourd’hui nous envisageons les événements tragiques qui ont endeuillé le Rwanda il y a vingt ans avec un autre regard.
L’évolution des relations entre la France et les pays d’Afrique, la remise en cause d’anciennes pratiques et l’émergence d’un nouvel ordre mondial nous permettent d’avoir ce regard différent, sans pour autant juger hâtivement ce qui a été décidé en d’autres temps avec une autre grille de lecture.
Le génocide des Tutsis par le pouvoir et les milices extrémistes hutues en 1994 est un fait : un fait historique que nul ne peut contester. La France a été la première et l’une des seules nations à réclamer une intervention de l’ONU. Depuis, la mission parlementaire présidée par Paul Quilès, le travail des historiens et la déclassification de très nombreux documents nous ont permis de mieux comprendre le passé.
En tant que présidente du groupe d’amitié France-Rwanda, j’ai rencontré très récemment l’ambassadeur de ce pays à Paris, qui me faisait part du renouveau de son pays et de sa volonté de renouer des liens d’amitié et de confiance réciproques.
Le Rwanda s’est relevé économiquement et démographiquement, même si, de toute évidence, la démocratie y est encore fragile. Tant de chemin a été parcouru pour rapprocher nos deux pays depuis 2010.
Alors que nos relations diplomatiques étaient de nouveau constructives, et nos liens progressivement renforcés, les déclarations du président Kagamé à la veille des commémorations ont surpris. Parce qu’elles visent directement les deux mille cinq cents soldats français déployés dans le cadre de l’opération Turquoise, elles sont inacceptables. Et leurs conséquences diplomatiques étaient inéluctables.
J’ai joint ma voix à celle du ministre de la défense pour défendre l’honneur de nos soldats qui ont été déployés contre des génocidaires armés, au secours de milliers de civils terrifiés, et avec des moyens limités. Monsieur le ministre, au-delà de ce devoir de mémoire, qu’adviendra-t-il des relations désormais fragiles entre nos deux pays ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Madame la députée, quand on évoque la question du Rwanda – et vous l’avez fort bien fait –, je pense que la première chose, devant le drame épouvantable, le génocide qui a frappé ce pays, c’est de s’incliner devant la mémoire des victimes. Et c’est ce que je fais, au nom, j’en suis sûr, de toute la représentation nationale.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP, écologiste, UDI et UMP.
Comme vous l’avez rappelé, il y a eu une mission de votre Assemblée qui a établi la vérité des faits. Je cite : « Si la France n’a pas apprécié à sa juste valeur la dérive politique du régime rwandais, elle a été le pays le plus actif pour prévenir la tragédie de 1994. » Et le seul – c’est moi qui le souligne – à avoir tenté de mobiliser la communauté internationale pour aider les victimes.
Mêmes mouvements.
Cela ne doit jamais être oublié, lorsqu’on examine les responsabilités des uns et des autres. Nous avions rétabli de bonnes relations, vous l’avez souligné, avec le gouvernement rwandais. Mais voilà que des propos inacceptables ont été tenus et lorsque des propos sont inacceptables, le rôle du gouvernement de la France est de les juger et de les désigner comme tels.
Cela ne signifie pas que l’avenir soit fermé. Nous coopérons avec le Rwanda sur beaucoup de terrains, et notamment au Mali ou en République centrafricaine. Il y a d’autres coopérations possibles et nous souhaitons qu’elles soient établies, mais elles ne peuvent l’être sur autre chose que la vérité. Et la vérité, c’est ce que je viens de dire.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et sur plusieurs bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, soixante-sept personnes dans le monde possèdent la moitié des richesses du globe.
En France, les dividendes distribués n’ont jamais été aussi élevés. L’évasion et la fraude fiscales atteignent des sommets.
De cela, monsieur le Premier ministre, vous n’avez dit mot lors de votre déclaration de politique générale, comme si les puissances d’argent étaient intouchables.
Vous avez au contraire confirmé, hier à Berlin, le choix de l’austérité et les 50 milliards d’euros de réduction des dépenses publiques et sociales. Austérité pour la Sécurité sociale, austérité pour l’État et les fonctionnaires, austérité pour les collectivités territoriales, qui seront amputées de 10 milliards d’euros d’ici 2017.
Ces collectivités territoriales sont pourtant d’ores et déjà au régime sec. Je prendrai l’exemple de la ville de Vierzon, que je connais bien.
D’ici 2015, l’État va diminuer de 800 000 euros ses dotations pour cette ville moyenne de vingt-sept mille habitants : 800 000 euros, c’est plus de deux fois le plan annuel de rénovation thermique des bâtiments communaux ; 800 000 euros, c’est plus que le total annuel des subventions allouées aux associations sportives, culturelles et caritatives.
Interruptions sur les bancs du groupe UMP.
Huit cent mille euros, c’est le montant qui permet de maintenir à l’équilibre le service municipal de maintien à domicile pour nos anciens.
L’austérité dictée par la Commission européenne va donc lourdement affecter les services publics locaux, l’investissement public et bien sûr l’emploi local, surtout dans les territoires fragiles.
Monsieur le Premier ministre, pour créer les conditions du développement économique et du bien-être social dans nos territoires, pour assurer l’égalité et réussir le vivre ensemble, pour redresser les comptes publics dans la justice, allez-vous enfin mettre à contribution les actifs financiers des grandes entreprises et garantir une péréquation véritable sur le territoire de la République ? Allez-vous enfin vous affranchir des dogmes libéraux de la Commission européenne, qui ne font qu’amplifier la crise ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
La parole est à Mme la ministre de la décentralisation, de la réforme de l’État et de la fonction publique.
Monsieur le député Nicolas Sansu, c’est effectivement difficile, mais le contexte budgétaire est contraint. Permettez-moi de vous dire qu’il ne s’agit pas d’obéir à un quelconque diktat européen, mais bien de retrouver notre souveraineté et de ne pas aller chercher sur les marchés des emprunts dont nous aurions besoin.
Je vous rappelle qu’à la demande d’un certain nombre de groupes parlementaires et d’une association d’élus dirigée par M. Pélissard, nous avons créé une agence de financement des collectivités territoriales en amont de cette baisse des dotations.
Comment faire face à celle-ci ? Le Premier ministre a ouvert un débat extrêmement intéressant, parce qu’il vise à une recherche d’efficacité tout en constituant une méthode, sur la base d’un échange avec les collectivités territoriales. S’agissant du rassemblement des régions, on a vu que quelques jours après, un certain nombre de présidents de région proposent d’ores et déjà de nouveaux périmètres. C’est aussi la fin d’une clause générale de compétence que vous avez si souvent critiquée pour la différence qu’elle introduit entre les départements et les autres collectivités territoriales, et une réécriture de l’intercommunalité.
Mais allons au-delà, monsieur Nicolas Sansu. Dans le débat que nous avons mené avec Anne-Marie Escoffier, que nous allons conduire avec André Vallini, de quoi s’agit-il ? De faire en sorte que cette dotation globale de fonctionnement des communes et des intercommunalités soit plus juste. Il s’agit de prendre en compte la pauvreté telle qu’elle est, et non à travers des critères qui sont maintenant éculés : prendre en compte l’évolution démographique, prendre en compte la ruralité, prendre en compte la protection des grands espaces remarquables, prendre en compte ceux qui ne peuvent pas construire – c’est-à-dire ne pas créer d’assiette fiscale, parce que nous avons besoin d’indépendance alimentaire et de lutte contre le réchauffement climatique –, prendre en compte les vrais critères de l’égalité, parce que la France est grande quand elle est juste. Monsieur le député Sansu, nous voulons que les dotations soient non seulement diminuées, mais surtout justes.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, depuis dimanche, les organisations étudiantes et les associations familiales s’inquiètent de la possible suppression des aides au logement pour les non-boursiers telle que la Cour des comptes l’a suggérée dans le cadre des économies recherchées par le Gouvernement.
Nouveau coup de tonnerre en direction des familles et, plus particulièrement, des classes moyennes !
Que devient la promesse du candidat Hollande, qui érigeait la jeunesse comme priorité nationale de son quinquennat ? Rappelons-nous son discours du Bourget : « Est-ce que les jeunes vivront mieux en 2017 qu’en 2012 ? Je demande à être évalué sur ce seul engagement, sur cette seule vérité, sur cette seule promesse ! (… ) Ce n’est pas un engagement à la légère que je prends. » Voilà ce qu’il disait ! Hélas, encore une promesse sans lendemain de M. Hollande !
Pourtant, l’aide personnalisée au logement permet de financer une part non négligeable des loyers de nos étudiants, dont le logement est le premier poste budgétaire. Sa suppression serait synonyme de grandes difficultés pour nombre d’entre eux. Selon les analystes de la vie étudiante, avec une telle mesure, près de la moitié du 1,4 million d’étudiants de France ne logeant pas chez leurs parents ne serait plus en mesure d’assumer le paiment des loyers.
Les APL sont aujourd’hui la seule aide que touchent les étudiants issus des classes moyennes. Leur remise en cause est donc un nouveau coup dur après le matraquage fiscal que subissent encore et toujours les familles des classes moyennes depuis deux ans. Il paraît incohérent de ne plus soutenir une partie des étudiants en leur retirant les aides au logement au simple motif qu’ils ne sont pas bénéficiaires d’une bourse.
Aussi, Monsieur le Premier ministre, que comptez-vous faire pour rassurer les étudiants, leurs familles et sanctuariser cette aide au logement ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme la Secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le député Hetzel, je vous remercie de me donner l’occasion de démentir une rumeur…
…ce que M. Benoît Hamon, Mme Sylvie Pinel et moi-même avons d’ailleurs déjà fait hier très clairement, mais peut-être n’avez-vous pas eu le temps, depuis, de regarder la télévision ou de lire les journaux. Je n’ose pas croire que vous osiez à nouveau la coloporter !
En revanche, je rappelle qu’au mois de juillet 2010, le Président de la République Sarkozy avait effectivement proposé le non-cumul de l’exonération fiscale pour les parents ayant des enfants étudiants et des APL.
Il avait dû y renoncer deux mois plus tard seulement face à la protestation des associations familiales et, en particulier, des familles de la classe moyenne, auxquelles vous avez justement fait allusion. Cela avait alors beaucoup agité les esprits. Nous, nous n’avons jamais eu l’intention de le faire.
Pourquoi voulons-nous garder les APL ? Parce qu’aujourd’hui, faute d’avoir construit suffisamment de logements pour les étudiants, seuls 9 % d’entre eux peuvent accéder à des résidences dédiées, les autres étant obligés de se loger dans le secteur privé, à des tarifs d’autant plus élevés qu’ils étudient dans de grandes villes, à Paris ou en Île-de-France.
La réussite des étudiants et de la jeunesse étant au coeur de la loi, de notre politique, de la politique du Président de la République et de son gouvernement…
…nous avons voulu maintenir ces aides dont le montant global s’élève à 1,7 milliard à destination de 800 000 étudiants et de leurs familles, ces aides bénéficiant aux familles les plus modestes de la classe moyenne.
Puisque vous êtes maintenant parfaitement informé, monsieur Hetzel, je vous remercie de bien dire à tout le monde que ceci n’est qu’une rumeur. Merci beaucoup !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.
La parole est à M. Napole Polutélé, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, les malades de Wallis-et-Futuna ne peuvent plus bénéficier de soins adaptés et la vie même de nos évacués sanitaires est en cause, comme le prouve un récent décès qui fait l’objet de suites judiciaires.
Les îles de Wallis-et-Futuna ont signé une convention d’offre de soins avec la Nouvelle-Calédonie pour accueillir nos malades. A ce titre, la communauté hospitalière de territoire, la CHT, nous réclame un arriéré de 16 millions.
Depuis plusieurs mois, nous travaillons avec les services de l’État à l’apurement de cette dette, mais certains profitent de ce problème pour culpabiliser nos compatriotes au risque de provoquer de nouvelles tensions interethniques.
Depuis quelques semaines, et spécialement à l’approche des échéances électorales, le problème est dans la rue. Une campagne violente contre les Wallisiens et les Futuniens se développe.
Monsieur le Premier ministre, il n’est plus possible de laisser la situation se dégrader : il en va de la paix civile et de la sécurité de mes compatriotes. Nous allons droit vers une confrontation communautaire dont nous avons déjà fait la douloureuse expérience.
Nous devons donc trouver des solutions d’urgence pour que les malades de Wallis-et-Futuna soient accueillis dans de bonnes conditions de soins et de sécurité en Nouvelle-Calédonie.
Ma question est donc simple, Monsieur le Premier ministre : quelles sont les mesures que compte prendre le Gouvernement pour éviter que la situation ne dégénère ?
Je vous remercie.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Napole Polutélé, le Gouvernement déplore très fortement les difficultés auxquelles les Wallisiens sont aujourd’hui confrontés lorsqu’ils veulent accéder à des soins.
Je veux ici dire très fortement que le principe d’universalité de l’accès aux soins doit concerner l’ensemble de nos concitoyens, où qu’ils habitent et, bien entendu, nos compatriotes wallisiens installés en Nouvelle-Calédonie.
C’est pourquoi le Gouvernement engage un plan d’action volontariste.
D’abord, nous faisons en sorte que le fonctionnement de l’agence de santé de Wallis-et-Futuna s’améliore de manière à ce que son endettement soit maîtrisé.
Ensuite, nous engageons les investissements nécessaires pour assurer la prise en charge sur place des Wallisiens et limiter, lorsque cela est possible, les évacuations sanitaires. Un investissement de neuf millions est prévu pour la période 2012-2014. D’ores et déjà, les premiers fonds ont été débloqués pour l’acquisition de matériels médicaux, dont un mammographe, ou pour le développement de la télémédecine.
Enfin, dans les prochains mois, nous proposerons un plan d’apurement de la dette aux différents créanciers de l’agence et, en particulier, à ceux de Nouvelle-Calédonie.
Au-delà, monsieur le député, il va de soi que dans un contexte financier aussi dégradé, nous devons réfléchir sereinement à la manière de conforter l’accès aux soins de nos concitoyens wallisiens et de refonder le droit à la santé sur l’archipel afin, précisément, de garantir la pérennité de notre système de santé.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Convention sanitaire entre Wallis-et-Futuna et la Nouvelle-Calédonie
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Christophe Sirugue.
Le président de l’Assemblée nationale a reçu du Premier ministre une lettre confirmant le placement en mission jusqu’au terme initialement prévu de M. Serge Bardy, Mme Dominique Orliac, M. Thomas Thévenoud, ainsi que de Mmes Clotilde Valter, Annie Le Houerou et Corinne Erhel.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, comme vous le savez certainement, deux événements sont venus donner, au cours des derniers mois, une nouvelle actualité à la question de l’interdiction de la culture des organismes génétiquement modifiés dans notre pays.
D’une part, le 1eraoût dernier, le Conseil d’État a annulé un arrêté du 16 mars 2012, signé du ministre de l’agriculture de l’époque, M. Bruno Le Maire, et suspendant la mise en culture du maïs MON 810, résistant aux insectes ravageurs que sont la pyrale et la sésamie. D’autre part, en novembre dernier, la Commission européenne a soumis au Conseil une demande d’autorisation de mise en culture du maïs génétiquement modifié TC 1507, variété également résistante à la pyrale et tolérante au glyphosate, un puissant herbicide. Alors que le Parlement européen avait recommandé de ne pas autoriser cette mise en culture, il ne s’est malheureusement pas trouvé, au sein du Conseil, la majorité qualifiée requise pour une telle interdiction – je reviendrai tout à l’heure sur les conclusions à tirer de cette situation paradoxale.
Dans ce cadre, la présente proposition de loi fait se rejoindre des initiatives lancées parallèlement par notre collègue Alain Fauconnier au Sénat et par le groupe écologiste au sein de notre assemblée. Elle est présentée par le président de notre commission du développement durable, par le président de la commission des affaires économiques et par les membres du groupe socialiste et apparentés. Elle vise tout simplement, et uniquement, à prolonger le moratoire actuellement imposé par la France, de façon à interdire la mise en culture de l’ensemble des variétés de maïs génétiquement modifié. Son objet est donc très précis.
Elle est naturellement compatible avec les dispositions de la loi du 25 juin 2008 relative aux organismes génétiquement modifiés, dite « loi Borloo », qui constitue notre corpus législatif en matière d’OGM et qui pose des questions plus larges, notamment celle du droit de produire, avec ou sans OGM, celle de la recherche scientifique, ou encore celle de la coexistence. Elle s’inscrit dans la continuité des débats organisés dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Elle constitue enfin une déclinaison du principe de précaution, qui est inscrit dans la Charte de l’environnement et dont la valeur constitutionnelle a été pleinement reconnue.
La question de la culture des OGM est, comme chacun sait, une question controversée, et il faut se féliciter que les pouvoirs publics, toutes majorités confondues, aient su résister, au cours des années récentes, à ceux qui appelaient à libéraliser leur emploi. L’intérêt présenté par les OGM pour les exploitants et les semenciers est une évidence à très court terme. Ces variétés présentent en effet une résistance accrue aux ravageurs et aux maladies, ainsi qu’une tolérance aux produits phytosanitaires, qui en font les supports idéaux d’une agriculture intensive, dont on connaît par ailleurs le coût environnemental et sanitaire.
Même si elle a sa place, ce n’est pas cette agriculture-là que nous appelons de nos voeux pour l’avenir. Ce que nous souhaitons tous, j’en suis convaincue – et je pense que le ministre de l’agriculture ne me contredira pas sur ce point ! – c’est une agriculture durable, qui sache concilier un impératif légitime d’efficacité et de productivité avec le respect dû à l’environnement, à la biodiversité et à la santé humaine et animale.
Toutes les études dont nous disposons aujourd’hui sur l’impact sanitaire des OGM montrent que les risques environnementaux induits sont avérés et importants : qu’il s’agisse de l’apparition de biorésistances dans les populations d’insectes-cibles, de la réduction des populations non-cibles, ou encore de la dissémination incontrôlée de pollens, les preuves s’accumulent et nécessitent une prise en compte appropriée et urgente.
Le cas de l’apiculture est, de ce point de vue, particulièrement préoccupant et emblématique, dans la mesure où, du fait de leur biologie, la distance de butinage des abeilles varie constamment en fonction des sources de nourriture présentes. Il n’existe donc actuellement aucune solution technique satisfaisante pour éviter la présence de pollen génétiquement modifié dans les produits de la ruche,…
…avec un risque de déstabilisation que chacun mesure pour des filières entières de production, dont le cahier des charges exclut les OGM.
Quant à l’impact à très long terme sur la santé et le patrimoine génétique des espèces consommatrices d’OGM – y compris nous-mêmes – il demeure pour l’essentiel inconnu, ce qui, du seul point de vue du bon sens, appelle donc à mettre en oeuvre le principe de précaution. L’Agence européenne de sécurité des aliments, l’EFSA, a publié des avis et des études sur ces sujets, mais on sait que des questions se posent quant à l’indépendance et l’impartialité des experts sur lesquels elle s’appuie. Je rappelle en effet que la présidente du conseil d’administration de l’EFSA a été accusée de conflit d’intérêt pendant plusieurs années et qu’elle a rejoint en 2012 l’International Life Science Institute, une organisation de promotion des OGM financée par le secteur alimentaire et agrochimique.
En France, l’étude conduite par le professeur Gilles-Éric Séralini…
« Ah non ! » sur les bancs du groupe UMP.
…sur des rats nourris au maïs transgénique NK 603 avait abouti à des conclusions très inquiétantes. Ces travaux avaient ensuite été critiqués, peut-être à bon droit, pour certaines faiblesses méthodologiques, mais cela ne saurait en aucun cas justifier une politique de l’autruche des pouvoirs publics et du législateur. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, avait elle-même noté l’originalité d’une étude relative à un sujet jusqu’ici peu étudié, celui des effets à long terme des OGM associés aux préparations phytopharmaceutiques. L’agence appelait explicitement de ses voeux l’engagement d’études et de recherches sur ce sujet, dans le cadre de financements publics et sur la base de protocoles d’investigation précis.
C’est dans ce cadre que la France et d’autres États membres ont légitimement demandé une révision de la réglementation européenne sur les protocoles scientifiques d’évaluation des risques. Nul doute que les choses s’amélioreront dans les années à venir, mais tout cela demande du temps et, surtout, ne nous dispense pas d’anticiper et d’affirmer notre volonté de protéger nos intérêts environnementaux et sanitaires.
Dans le contexte que je viens de rappeler, la présente proposition de loi, ainsi que l’arrêté interdisant la commercialisation et l’utilisation du maïs MON 810, publié le 15 mars dernier au Journal officiel, représentent vraisemblablement des solutions conservatoires, car c’est au plan européen que la question a vocation à être traitée.
Le fait que la mise en culture du maïs TC 1507 risque d’être autorisée en dépit de l’opposition du Parlement européen et du vote défavorable d’une majorité simple d’États membres – grâce aux voix de pays qui ne cultiveront pas le maïs considéré ! – conduit en effet à se demander si le processus au terme duquel cette décision a été prise s’avère pleinement satisfaisant au plan démocratique.
Partant du constat que la législation actuelle ne permet pas d’obtenir une majorité, la Commission européenne a présenté en 2010 un nouveau projet de directive, dit de subsidiarité, permettant aux États membres qui le souhaiteraient d’interdire un OGM pour des motifs socio-économiques ou d’aménagement du territoire, même si une autorisation a été donnée à l’échelle européenne.
De passage à Paris mardi dernier, le commissaire européen chargé de la santé, Tonio Borg, s’est dit très confiant quant à la possibilité d’arriver à une position commune des gouvernements en juin et de conclure les négociations avant le début de 2015. C’est une perspective encourageante. Est-ce la meilleure solution ? Je crois savoir que le précédent gouvernement estimait que cette proposition présentait certaines fragilités dans un cadre multilatéral comme celui de l’Organisation mondiale du commerce et que des échanges étaient en cours avec l’Allemagne pour porter une autre proposition qui sécuriserait davantage les États. Sur ce sujet, le ministre de l’agriculture pourrait peut-être nous apporter quelques éléments supplémentaires afin d’éclairer nos débats.
Mes chers collègues, je prends cette proposition de loi pour ce qu’elle est, un simple texte de sauvegarde, dont les visées sont de fait strictement conservatoires et pragmatiques et qui rappelle la volonté du législateur de ne pas laisser prospérer des pratiques controversées. La commission du développement durable, saisie au fond de ce texte, l’a très largement adopté, avec le soutien courageux de plusieurs collègues au-delà de la majorité. J’espère donc que vous ferez de même aujourd’hui afin que cette proposition de loi, après avoir été examinée par le Sénat, puisse rapidement devenir partie intégrante de notre droit.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRCécologiste.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur le président, mesdames, messieurs, un petit moment d’émotion d’abord puisque c’est la première fois que j’interviens à cette tribune en tant que représentant du Gouvernement…
…et je remercie mes anciens collègues de bien vouloir accueillir…
Sourires.
La proposition de loi que nous présente aujourd’hui Mme Geneviève Gaillard doit permettre de maintenir le moratoire déjà souhaité par la majorité précédente et par une très large majorité de Français, rien de plus, rien de moins.
Vous le savez, les OGM actuellement sur le marché posent de vraies difficultés pour la protection de l’environnement. La firme Monsanto a certes annoncé qu’elle ne commercialiserait pas ses semences OGM MON 810 en France cette année, mais certains producteurs pourraient aller les chercher ailleurs, et c’est la raison pour laquelle la représentation nationale doit légiférer sur ce sujet.
L’arrêté du 14 mars 2014 pris par Stéphane Le Foll a permis d’interdire la commercialisation, l’utilisation et la culture des variétés de semences de maïs génétiquement modifié issues de la lignée MON 810, mais cet arrêté, comme les autres avant lui, est l’objet d’un référé suspension de la part de certaines organisations agricoles.
Cette proposition de loi est cohérente avec la politique française en matière d’OGM depuis des années et avec le projet agro-écologique pour la France que défend Stéphane Le Foll.
Le Conseil d’État a annulé au mois d’août la mesure d’urgence prise par le précédent gouvernement en 2012, après avoir annulé la clause de sauvegarde prise en 2008. II est indispensable aujourd’hui de renouveler une décision très largement partagée de maintenir ce moratoire français. Cette proposition de loi renforce l’arrêté pris en mars dernier en empêchant que des OGM ne soient cultivés dans l’immédiat et en étendant l’interdiction portée par l’arrêté à l’ensemble des variétés de maïs transgénique.
La procédure européenne d’autorisation de mise sur le marché des OGM ne fonctionne pour personne. La France mènera une action déterminée pour en changer. Elle est très longue et n’aboutit que très rarement.
Cette situation n’est pas due seulement à l’action des ONG, à l’écologie, au refus de principe de ces semences. C’est d’abord le résultat d’une procédure ne tenant pas compte de toutes les questions que posent les OGM : absence d’évaluation coût-bénéfice, absence d’étude socio-économique, évaluation environnementale très contestée, absence de suivi post-autorisation de mise sur le marché digne de ce nom. Chacune des autorisations est délivrée par défaut, par absence de consensus, la procédure permet à la Commission de passer en force. Les États sont donc contraints de prendre des mesures de sauvegarde en tout genre, qui se multiplient, sans pour autant leur garantir une sécurité juridique sur leurs choix pourtant démocratiques.
Au début de février, nous avons assisté à un exemple parfait de cette situation absurde. La Commission a organisé un vote sur l’autorisation de la culture du maïs Pioneer TC 1507. Dix-neuf États membres sur vingt-huit s’y sont opposés et, parce que cinq États y étaient favorables, cet OGM peut être autorisé. Depuis quand, en démocratie, cinq États peuvent-ils décider pour vingt-huit ? Et pourquoi la Commission persiste-t-elle dans cette procédure contre l’avis majoritaire du co-législateur européen ? Même l’EFSA, que certains ont tant critiquée depuis de nombreuses années, a émis des réserves sur l’impact environnemental de cet OGM.
La question de l’autorisation du MON 810 est l’exemple parfait du caractère dysfonctionnel des procédures, passées ou présentes, d’autorisation d’OGM. L’autorisation du MON 810 a seize ans, alors que les AMM sont normalement valables pour dix ans. L’autorisation a été délivrée en 1998, sur la base d’une directive de 1990, qui n’avait pas les mêmes exigences environnementales que celle qui l’a remplacée en 2001. D’autres pays, depuis, ont interdit la culture OGM sur leur territoire national.
Si la primauté du droit communautaire sur la loi nationale s’applique, on peut considérer, en revanche, que la proposition de loi est conforme à la Constitution dans la mesure où elle met en oeuvre le principe de précaution, principe constitutionnel.
Le principe de précaution figure aux articles 1er et 5 de la Charte de l’environnement, que l’État français est tenu de faire respecter lorsqu’il existe des éléments de nature à accréditer l’hypothèse d’un risque de dommage grave et irréversible pour l’environnement, notamment s’il apparaît que la réglementation européenne en vigueur ne permet plus d’en garantir le respect. C’est alors le principe de précaution constitutionnel français qui prend le relais.
Aujourd’hui, la Commission a beau jeu de renvoyer les États à leur prétendue responsabilité pour pousser au vote d’une proposition qui était censée permettre aux États membres de refuser un OGM après son autorisation au niveau européen.
Il faut réviser la procédure d’autorisation, et notre ministre, Stéphane Le Foll, est déterminé à porter une proposition de réforme solide à Bruxelles. Une première proposition a été portée par la France au Conseil environnement de mars dernier. Il nous faut trouver un système stable, qui permette une subsidiarité saine, tout en conservant l’évaluation sanitaire et environnementale au niveau européen, et garantisse la sécurité juridique des décisions des États membres.
Loin de moi l’idée de faire de l’obscurantisme, de l’anti-innovation, au contraire. Je suis convaincu que nous allons vivre prochainement un moment charnière qui nous amènera à d’autres choix d’avenir cruciaux.
Aujourd’hui, aucun OGM n’est autorisé en France, et, pourtant, le secteur semencier français est le premier en volume en Europe,…
…le troisième producteur mondial et le premier exportateur depuis 2013. Les OGM autorisés en Europe sont résistants à des insectes et à des herbicides. Les avantages qu’ils apportent sont donc contestables.
Mais des innovations arrivent, et les firmes européennes ne sont pas en reste en la matière. Il est donc question non de fermer la porte à ces innovations, mais de permettre d’objectiver le débat, de pacifier les discussions entre les différents acteurs. Il faut tourner la page des OGM de première génération et se préparer à écrire ensemble une nouvelle page des biotechnologies innovantes dans le secteur agricole. Tel est le sens du soutien du Gouvernement à cette proposition de loi.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviens dans ce débat en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, commission qui a décidé à une très large majorité de voter cette proposition de loi,…
…s’inscrivant dans le droit fil de la politique menée dans notre pays par les gouvernements qui se sont succédé au cours des dernières années.
Nous devrions pouvoir adopter ce texte unanimement puisqu’il correspond à ce qu’avait fait voter le gouvernement précédent en 2008 et à l’arrêté pris par Bruno Le Maire, alors ministre de l’agriculture, en 2012.
Je ne vais pas revenir sur les arguments juridiques qui ont été développés par Mme Geneviève Gaillard et par M. le ministre, mais il est clair que nous sommes aujourd’hui face à un vide juridique et que nous devrons prendre des décisions. Sinon, il pourra y avoir des cultures de maïs Monsanto 810. De nombreux producteurs le réclament, en particulier dans la région du Sud-Ouest. Même si la firme internationale affirme qu’elle ne mettra pas de semences sur le marché, on peut penser que la proximité avec l’Espagne, où elles sont autorisées, fait courir un risque.
Sourires.
Il s’agit donc bien d’un texte de sauvegarde, dans le droit fil d’ailleurs de l’arrêté du 14 mars dernier signé par Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, portant sur l’interdiction des cultures de maïs OGM.
Sur le fond, depuis la première autorisation accordée en 1998 pour une période de dix ans, les jugements sur cette question ont évolué. L’agence européenne de sécurité des aliments a émis à plusieurs reprises des avis, notamment en 2011 et en 2012, concluant que la culture du maïs Monsanto 810 avait des impacts sur la résistance des insectes ravageurs et sur la mortalité des insectes non cibles.
Aux États-Unis, des expériences montrent que les insectes ravageurs comme la chrysomèle, principal prédateur du maïs, se sont adaptés à la toxine insecticide du maïs OGM censée les éradiquer. Dès le début des années 2000, il y a quatorze ans, des scientifiques avaient alerté sur l’évolution de la résistance des insectes. En effet, toute chrysomèle survivant à la toxine générée par le maïs Bt est susceptible de se reproduire et donc de transmettre la résistance qu’elle a elle-même développée.
Que dire de l’impact désastreux de cette toxine sur les insectes non cibles, en particulier les papillons et les abeilles, pourtant indispensables à la pollinisation ? Certains voudraient d’ailleurs nous faire croire que ces toxines ne ciblent qu’une partie des insectes. À qui peut-on le faire croire ?
Au-delà de ces problèmes environnementaux, la mise en culture du maïs OGM pose également des problèmes purement économiques, opposant des agriculteurs à d’autres agriculteurs. L’apiculture, qui, comme on le sait, est durement affectée par les produits phytosanitaires l’est également par les cultures OGM, que ce soit par la mortalité des abeilles ou par le fait que le miel contenant des traces de pollen OGM est impropre à la consommation. Des milliers d’apiculteurs ont manifesté dans le sud de l’Espagne au mois de mai dernier.
Des pans entiers de l’agriculture sont menacés par les cultures OGM. Je pense en particulier à toutes les productions sous label, aux productions sous indication géographique protégée, aux productions sous appellation d’origine, qui proscrivent toutes dans leurs cahiers des charges l’utilisation de produits OGM. Entre ces agricultures et le maïs OGM, il n’y a pas de cohabitation possible. Il faut choisir. Entre l’apiculture et les OGM, il n’y a pas de cohabitation possible. Il faut choisir.
Ce choix, mes chers collègues, la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale l’a fait à une très large majorité. Elle dit non aux cultures de maïs OGM de plein champ. C’est pourquoi, en tant que rapporteur pour avis, je vous invite à voter le texte que nous examinons aujourd’hui, qui vous est proposé par le groupe socialiste.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui traite certes du seul maïs Monsanto 810, mais elle pose plus globalement la question de la place des OGM en Europe, de leur refus par nos concitoyens, et cible ainsi l’avenir de notre agriculture, comme la rapporteure et le rapporteur pour avis l’ont très bien démontré.
Les OGM avancent masqués. Ils ont déjà envahi nos magasins et nos exploitations agricoles – ne serait-ce que sous la forme de tourteaux de soja – ; mettant en péril notre souveraineté alimentaire. Les consommateurs ne peuvent savoir, par exemple, si ce qu’ils mangent provient d’animaux engraissés aux OGM. Or la mise en culture en plein champ présente un risque irréversible, du fait de la dissémination dans l’environnement. Cette proposition de loi est donc une réponse à l’impasse juridique causée par un processus décisionnel européen qui va à l’encontre de la volonté de nombreux États et de leurs citoyens.
Les textes européens sont ainsi rédigés que lorsqu’aucune majorité ne peut se dégager pour ou contre ces autorisations, il revient à la Commission européenne de trancher. Les États défavorables n’ont d’autre solution que d’opposer des clauses de sauvegarde, juridiquement fragiles puisque l’État membre doit justifier des risques. De plus, ceux qui assurent les études sont juge et partie : ces études sont financées par ceux qui en ont les moyens et qui sont intéressés.
Pourtant, les réserves sur l’autorisation de mise en culture de ce maïs sont on ne peut plus justifiées. L’Agence européenne de sécurité des aliments avait elle-même recommandé un renforcement des mesures de surveillance des cultures. Cela n’a absolument pas été le cas. Par exemple, en Espagne, pays qui produit le plus de maïs de ce type, rien n’a été entrepris.
Avec constance, la France a interdit le MON 810 depuis 2007 par des mesures de sauvegarde, faisant prévaloir le principe de précaution, au nom des risques pour la santé humaine et la santé animale notamment. D’autres pays, l’Autriche, l’Allemagne ou la Grèce, ont opposé de telles clauses. Avec tout autant de constance, le Conseil d’État a annulé les arrêtés établissant ces clauses, au motif que les preuves n’étaient pas suffisantes.
La proposition de loi déposée au Sénat afin de donner une assise juridique à l’interdiction de cet OGM a été rejetée pour des motifs de procédure, derrière lesquels on peut percevoir le poids des lobbies de la chimie et de l’agriculture industrielle,…
…et un soutien sourd aux OGM de la part de certains parlementaires.
Depuis lors, a été pris un arrêté interdisant la commercialisation, l’autorisation et la culture de ce maïs. Il fallait, avant les semis de printemps, répondre à l’urgence créée par le vide juridique né de l’annulation de la clause de sauvegarde par le Conseil d’État. Il est important que la représentation nationale s’exprime aujourd’hui clairement sur ce sujet et apporte son soutien à la décision du Gouvernement.
Cette étape est nécessaire mais non suffisante. Il faut aller plus loin et interdire la culture en plein champ de l’ensemble des OGM sur le territoire national. Même si Monsanto a déclaré ne pas vouloir cultiver de nouvelles variétés en Europe, d’autres firmes frappent à la porte, comme on l’a vu avec le maïs Pioneer TC 1507.
Comme les États de l’Union se divisent à ce sujet, la Commission européenne a indiqué qu’elle n’avait d’autre choix que de l’autoriser. C’est faux et aberrant ! Il ne faut pas que cette situation se renouvelle. La Commission ne peut prendre seule une décision politique ayant de telles conséquences. Aussi, il faut dépasser le débat sur les clauses de sauvegarde. Il y a donc urgence à réformer le cadre communautaire d’évaluation des risques, d’autorisation et de contrôle des OGM.
Que propose la Commission européenne ? Le transfert aux États de la responsabilité d’interdiction de plantes transgéniques sur leur territoire national. Les États qui ne souhaitent pas cultiver d’OGM devraient demander à l’entreprise voulant faire autoriser une nouvelle semence à s’engager à ne pas la vendre dans l’État membre. Si l’entreprise refuse, l’État membre pourrait en interdire la culture sur tout ou partie de son territoire, en invoquant des motifs autres que sanitaires et environnementaux. C’est le contraire de la solidarité européenne. Aussi, la France s’est opposée à juste titre à ce compromis qui suscite de nombreuses inquiétudes. Il ne s’agit pas d’instituer une subsidiarité de seconde zone. La France doit maintenir une position ferme lors du Conseil environnement de juin.
C’est capital. Si la Commission européenne passe outre l’opposition de presque deux tiers des États membres et du Parlement européen, et accorde l’autorisation de mise en culture du maïs OGM TC1507, comment croire à la capacité de résistance au lobby de l’agrochimie des négociateurs de 1’accord de libre-échange entre les États-Unis et l’Europe ?
L’Europe ne doit pas céder aux pressions des multinationales. La France peut et doit montrer l’exemple. C’est pourquoi nous voterons cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes ÉcologisteSRC.
J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Bernard Accoyer.
En réponse, monsieur le secrétaire d’État, aux quelques mots émouvants que vous avez eus tout à l’heure, au moment où vous quittez nos bancs pour accéder au Gouvernement, je voudrais vous souhaiter bonne chance, mais aussi saluer votre courage et la solidarité gouvernementale dont vous faites preuve sur le texte que vous êtes conduit à défendre aujourd’hui devant l’Assemblée nationale, car je connais en réalité votre lucidité, votre esprit scientifique, bref vos qualités de médecin.
Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.
Cette nouvelle proposition de loi interdisant la mise en culture du maïs génétiquement modifié MON 810 est, comme les précédentes, contraire à la Constitution mais également à plusieurs dispositions légales et réglementaires. Elle n’a pas de fondement scientifique sérieux. Elle s’inscrit dans une idéologie et un renoncement politiques qui s’opposent au progrès en s’appuyant sur des allégations sans preuve et des peurs injustifiées.
Le choix du Gouvernement de soutenir cette proposition de loi, qu’il a fait inscrire dans son ordre du jour réservé, revêt un caractère paradoxal. D’une part, le Gouvernement affiche dans ses discours l’objectif de redressement économique et de compétitivité en se tournant vers la recherche et l’innovation, une démarche justifiée que nous partageons, mais, d’autre part, il barre la route à la transgénèse, à nos semenciers, à l’agriculture française, à l’innovation et au progrès. Même si le Gouvernement français n’est pas le seul en Europe à refuser la transgénèse, il est celui dont l’attitude est la plus acharnée,…
…la plus incompréhensible sur le plan scientifique et sur le plan économique. Cette attitude s’inscrit dans une dérive déconstructrice qui menace les fondements de notre société et de notre histoire nationale.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, puisque que j’ai l’honneur de soutenir une motion de rejet préalable au nom du groupe UMP, je dois d’abord rappeler que cette proposition de loi est contraire à l’article 88-1 de la Constitution,…
…qui reconnaît le principe de primauté du droit européen sur la loi française.
Elle est également contraire à l’article 54 du règlement 1782002 du Parlement européen…
…et du Conseil du 28 janvier 2002 qui fixe les procédures que tout État membre doit respecter pour assurer la sécurité alimentaire de ses citoyens.
En effet, le droit européen ne permet pas aux États de prendre une mesure d’interdiction générale de la mise en culture de variétés de maïs génétiquement modifié sur son territoire national. Pour prendre de telles mesures de suspension ou d’interdiction de l’utilisation ou de la mise sur le marché d’un OGM tel que le MON 810, l’État membre doit informer la Commission des mesures envisagées et établir, je cite, « outre l’urgence, l’existence d’une situation susceptible de présenter un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l’environnement ». Or nous ne sommes pas devant un tel péril.
Le Conseil d’État l’a rappelé dans son arrêt en date du 28 novembre 2011, faisant suite à un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne en date du 8 septembre 2011. Cet arrêt du Conseil d’État a d’ailleurs annulé l’arrêté ministériel de 2007 suspendant l’utilisation des semences de maïs MON 810. Le Gouvernement français a de nouveau essayé de faire jouer la clause de sauvegarde, en 2012, mais ce nouvel arrêté a été à son tour annulé par le Conseil d’État le 1er août 2013.
Je voudrais rappeler les motifs de cette décision du Conseil d’État, quasi identique à celle qu’il avait rendue le 28 novembre 2011 à l’encontre d’un arrêté pris par le précédent gouvernement. Je cite l’arrêt du Conseil d’État : « Il ressort des termes mêmes de l’avis du 8 décembre 2011 de l’Autorité européenne de sécurité des aliments que le maïs génétiquement modifié MON 810 n’est pas susceptible de soulever davantage de préoccupations pour l’environnement que le maïs conventionnel. »
Le Conseil d’État s’est appuyé sur l’avis des agences publiques européennes telles que l’Autorité européenne de sécurité des aliments. Or, si la France s’est elle aussi dotée d’agences, c’est pour disposer d’avis scientifiques objectifs offrant le maximum de garanties. Si nous essayons de les faire mentir quand ces avis ne nous conviennent pas, à quoi bon avoir créé ces agences et sur quels repères scientifiques s’appuyer ?
Cette interdiction ne peut pas davantage se fonder sur le principe de précaution proclamé par la Charte de l’environnement inscrite dans le Préambule de la Constitution. Ce principe dispose, je cite, que « lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution, à la mise en oeuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. »
En l’espèce, les innombrables études scientifiques déjà réalisées, les millions d’hectares de surfaces cultivées dans le monde sans aucun dommage, même minime, permettent d’écarter « l’éventualité d’un dommage pouvant affecter de manière grave et irréversible 1’environnement ».
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
L’interdiction que le groupe socialiste nous propose aujourd’hui d’adopter n’est pas, à l’évidence, une mesure proportionnée au sens de la Charte de 1’environnement. Cette interdiction se fonderait sur une approche purement hypothétique du risque, sur de simples suppositions scientifiquement jamais vérifiées.
À cet égard, je veux souligner que la publication de Campagne et al., 2013, expressément citée – c’est d’ailleurs la seule – dans l’exposé des motifs de la proposition de loi du groupe SRC, n’apporte pas de nouvel élément scientifique probant. Et pour cause, l’insecte ravageur Busseola fusca auquel cette publication se réfère est un papillon présent uniquement en Afrique subsaharienne. Cette référence n’a donc pas de rapport avec le cas, comme l’a très bien rappelé Georges Pelletier, ancien directeur de l’INRA et membre de l’Académie des sciences, dans la lettre ouverte qu’il a adressée au Gouvernement le 20 janvier dernier.
Ainsi, en aucun cas, le Gouvernement et sa majorité ne peuvent recourir à la loi pour prononcer l’interdiction. En effet, une fois que l’autorisation a été donnée, elle s’impose à l’ensemble des pays de l’Union européenne.
En réalité, aucune situation d’urgence ni aucun risque pour la santé ni l’environnement ne justifie une telle proposition, parce que nous disposons en France d’un arsenal juridique d’encadrement des mises en culture des espèces OGM pleinement respectueux du principe de précaution, et élaboré après un travail approfondi.
Nous avons légiféré en 2008 pour transposer la directive 988CE. Le texte adopté a permis de doter la France de dispositions législatives équilibrées et complètes. Avec l’affirmation de la liberté de produire ou de consommer avec ou sans OGM, la volonté de l’agriculteur et celle du consommateur sont respectées. Ce texte fondateur a instauré un régime de responsabilité sans faute à l’égard du préjudice éventuel dû à une dissémination fortuite d’OGM. Il a également mis en place une information des citoyens par le biais d’un registre national des cultures OGM. Les questions de dissémination et de pollinisation croisée ont été traitées par l’instauration de distances appropriées entre différents types de cultures.
Enfin, le législateur a pris soin de créer une instance unique, indépendante et pluridisciplinaire, le Haut conseil des biotechnologies. Au sein de cet organisme, il a bien distingué l’avis des experts, réunis au sein du comité scientifique, de la parole de la société civile, représentée par le comité économique, éthique et social, dans le respect des points de vue de chacun.
Aujourd’hui, notre arsenal législatif est largement suffisant. Efforçons-nous simplement de le respecter et de l’utiliser comme il convient. Cette proposition de loi ne respecte donc pas les règles de notre constitution,…
…ni la législation européenne, ni même nos lois en vigueur, et c’est pour cela que le Sénat l’a sanctionnée et que nous devons à notre tour la sanctionner.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, en vérité, derrière cette proposition totalement contraire à l’État de droit– nous l’avons démontré –,…
…il y a surtout le chantage permanent qu’exercent les Verts sur leurs partenaires socialistes,
Exclamations sur les bancs du groupe SRC
sur le Gouvernement et les pressions qu’ils mettent sur les médias et l’opinion. A-t-on jamais vu une telle précipitation ? Quel danger imminent pour la population justifie une telle accélération de la procédure parlementaire sans que nous disposions d’une étude d’impact,…
…sans l’avis du Conseil d’État, sans celui de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, ni celui du Haut conseil des biotechnologies ?
C’est dans la même précipitation que les présidents de la commission du développement durable et de la commission des affaires sociales nous ont fait auditionner, toute affaire cessante, le professeur Séralini, scientifique contesté,…
…le 9 octobre 2012, sur le mode d’un plan médias totalement opposé aux fondamentaux de toute publication scientifique méritant ce nom. Depuis, les conditions de réalisation de cette sulfureuse étude ont été récusées par la totalité de la communauté scientifique. Cette publication a même été retirée de son site par la revue qui l’avait mise en ligne.
Cette précipitation des socialistes à courir une nouvelle fois derrière les Verts pourrait apparaître comme dérisoire, si elle n’était catastrophique pour la filière semencière française, longtemps la première du monde, filière qui est ainsi victime de l’idéologie et du sectarisme. Aujourd’hui, la recherche semencière française est dans une situation catastrophique. En réalité, est apparue en France, il y a une quinzaine d’années, une idéologie qui se refuse à accepter les données de la science. Cette idéologie n’accepte pas les données scientifiques objectives ni les conclusions rationnelles. Pourtant, celles-ci sont admises comme vérités par l’immense majorité de ceux et de celles qui composent la communauté scientifique mondiale.
Les thèmes de prédilection de ces idéologues se caractérisent par de grossiers amalgames, des contre-vérités, des peurs et des menaces sur lesquels ils construisent leurs discours. Ainsi, parler comme eux des OGM, qui constituent un ensemble gigantesque et illimité, traduit une opposition de parti pris contre une technique qui permet de modifier les propriétés d’une espèce vivante. Or l’homme a depuis toujours, au travers du travail de sélection et de croisement, cherché à obtenir des semences pour produire les espèces végétales les plus favorables aux meilleures productions selon les besoins.
Le préjugé de ces idéologues est de refuser la transgénèse végétale, quelle qu’elle soit, quand celle-ci est introduite par la main de l’homme. C’est sans fondement, c’est sans logique, c’est péremptoire ! Et pourtant, ces idéologues ont réussi à convaincre une part importante de l’opinion publique. Il faut dire que leurs méthodes pour persuader sont celles de la manipulation sectaire,…
…fabriquant leurs propres vérités, accusant leurs détracteurs de conflits d’intérêt et de corruption, les menaçant et allant même jusqu’à l’illégalité et à la violence comme l’ont fait les faucheurs volontaires de M. Bové,…
…en détruisant cultures autorisées et expérimentations scientifiques avec la complaisance de beaucoup de médias friands de polémiques, de scénarios catastrophes, de complots et de peurs – autant de scénarios dont ces idéologues sont des spécialistes. Les premières victimes de ces idéologues sectaires sont les agriculteurs,…
…les semenciers et les chercheurs : trois secteurs majeurs pour notre économie, notre compétitivité et notre avenir. Mais au-delà, ce sont tous les citoyens qui sont abusés et lésés. Les gouvernements successifs de notre pays ne sont pas sans responsabilité, car ils ont manqué et ils manquent toujours non seulement de culture scientifique, mais surtout de courage politique. C’est encore le cas aujourd’hui de la majorité et du gouvernement qu’elle soutient.
Toutefois, je reconnais volontiers que, dans le passé, la majorité de droite n’a pas toujours fait preuve d’assez de courage et je le dénonce tout autant. Mais, mes chers collègues, il n’y a pas que la transgénèse qui est la cible de ces idéologues, il y a aussi les ondes de radiotéléphonie mobile, les vaccins ou les nanotechnologies, et pour chacun de ces domaines la remise en cause des vérités scientifiques admises a des conséquences paradoxales graves voire mortelles.
Il n’y a jamais de vérités scientifiques, il n’y a qu’un doute scientifique !
Ainsi, réduire la puissance d’émission des antennes de radiotéléphonie mobile entraîne une émission beaucoup plus forte du téléphone portable lui-même et, par conséquent, une exposition plus importante de l’utilisateur. Admettez que c’est paradoxal ! Heureusement, à ce jour, aucun effet délétère sur la santé de ces ondes, telles qu’elles sont mises en oeuvre, n’a été démontré scientifiquement. De même, la polémique, il y a plus de vingt ans, autour de la vaccination contre l’hépatite B, sans qu’aucune étude scientifique au monde ne l’ait depuis justifiée, a entraîné un abaissement du taux de couverture vaccinale de la population. Les Français sont donc aujourd’hui plus souvent que les autres Européens victimes de complications aiguës ou chroniques de l’hépatite qui, dans certains cas, peuvent être graves voire mortelles.
Ne doutons pas que la polémique récemment orchestrée autour du vaccin contre le cancer du col de l’utérus aura les mêmes effets sur le taux de couverture vaccinale et donc sur la morbidité et la mortalité par cancer du col de l’utérus.
Quant aux nanotechnologies, leurs contempteurs, qui se sont opposés violemment au déroulement du débat public organisé par le gouvernement Fillon, procèdent de la même façon par amalgames. Pourtant, je suis certain que lorsque l’un de ces opposants souffrira d’un cancer, ce que je ne saurais lui souhaiter, il acceptera sans protester les bénéfices remarquables que les nanotechnologies apportent à ces traitements comme à tant d’autres d’ailleurs.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, au-delà de cette proposition de loi, ne croyez-vous pas qu’il est temps de retrouver un peu de bon sens
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP
et qu’au pays des Lumières, de Pasteur et de Joliot-Curie, nous ne devions dépasser nos différences politiques pour nous retrouver autour d’une volonté commune pour la recherche, l’innovation, bref l’utilisation du génie humain au profit du progrès ? L’histoire de l’humanité, comme la réussite de notre beau pays, en sont l’heureuse conséquence. Au-delà de l’inconstitutionnalité de cette proposition de loi que ne manquerait pas de sanctionner le Conseil constitutionnel, c’est aussi pour cela que je vous invite à voter cette motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Nous ne partageons pas vos craintes, monsieur Accoyer, sur la supposée anticonstitutionnalité de cette proposition de loi. Quant au fond, le débat est largement installé et j’ai déjà répondu, pour l’essentiel, sur les raisons motivant le soutien du Gouvernement à ce texte. Nous pouvons désormais avancer dans le débat.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Pour ceux qui ne sont pas ici, comme moi, des spécialistes patentés de la question des OGM – c’est l’un des points communs que je partage avec le ministre des relations avec le Parlement –, l’examen de cette séance et des différents arguments est intéressant. Le président Accoyer a bien rappelé un élément essentiel qui colore le débat : il y a dans ce pays, quoi qu’on en dise, une forme de suspicion jetée sur les données scientifiques et la raison scientifique, entretenue à dessein par un certain nombre de personnes qui ne veulent pas que l’on examine en vérité, dans le détail et avec précision, des questions comme celles qui nous sont soumises aujourd’hui.
Ce flou artistique empêche la représentation nationale en particulier, mais également l’ensemble des citoyens de se faire une idée claire et précise sur les problèmes posés.
Je vais vous répondre, madame Batho, ne vous inquiétez pas ! J’y viens ! La parole est libre, savez-vous, dans cet hémicycle.
Monsieur le ministre, le groupe UMP ne pourra pas se contenter de votre assurance et de votre sérénité à l’égard des arguments proposés par M. Accoyer sur l’anticonstitutionnalité du texte. Les groupes de la majorité prendront bientôt la parole pour donner leur avis sur cette motion de rejet et je ne doute pas que nous entendrons des arguments en réponse à ceux développés sur ce problème par notre collègue. C’est pourtant au nom de ces arguments que le groupe UMP votera pour la motion de rejet.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur Accoyer, vous avez parlé de progrès, mais le progrès, ce n’est pas le scientisme ! Le scientisme, c’est quand la recherche ne répond pas aux besoins des peuples. À l’heure où nous savons que nous devons apprendre à nous débarrasser des pesticides, le progrès, c’est l’agro-écologie, le progrès, c’est l’agriculture paysanne et nourricière, qui n’est pas au service d’intérêts financiers, mais au service de la souveraineté alimentaire. Le progrès, c’est l’agro-biologie plutôt que l’agro-chimie. Le progrès, c’est de permettre à tous les peuples d’être maîtres de leurs semences et de leur capacité à se nourrir. Votre motion de rejet, monsieur le député, est une motion passéiste que nous ne voterons pas.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Jean-Yves Caullet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je voudrais refuser énergiquement le procès en obscurantisme que vient de nous faire Bernard Accoyer,
« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP
Mêmes mouvements
en mêlant des propositions qui n’ont rien à voir les unes avec les autres, notamment la lutte anti-vaccinale. Cette proposition de loi est bien précise et il n’y a pas que la faculté de médecine qui donne quelques compétences scientifiques : j’espère être ici à la hauteur de mes maîtres en la matière.
S’agissant de la constitutionnalité du texte, il y a désormais dans notre constitution la charte de l’environnement, qui a donc valeur constitutionnelle et qui dit très clairement ce qu’il en est du principe de précaution que nous mettons en oeuvre en votant cette proposition de loi qu’il faut absolument débattre.
Monsieur Accoyer, l’absence d’urgence ne constitue pas une preuve de l’absence de risque. Ce qui cause le risque ici, c’est la stratégie de la manipulation génétique sur les variétés dont nous parlons, qui font preuve d’une résistance à des herbicides ou à des pesticides. Tous les biologistes vous diront qu’il existe à tout moment dans la nature une capacité à gagner en résistance et qu’une fois cette résistance acquise, nous avons le plus grand mal à lutter. Il suffit de se promener dans n’importe quel champ cultivé, avec ou sans OGM, pour constater que les adventices ou les ravageurs présents ne sont pas les mêmes que ceux d’avant. Pourtant, des herbicides et des pesticides ont été employés ; mais les espèces résistantes, ou qui le sont devenues, ont trouvé le champ libre devant elles. C’est cette précaution-là que nous devons à nos concitoyens. C’est de ce risque-là que nous devons convaincre et non de je ne sais quel fantasme quant à la nourriture ou à la dissémination génétique.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Il existe un risque immédiat. Quand un OGM de ce type sera intégré dans les systèmes de culture de nos exploitants, ceux-ci ne pourront plus s’en défaire et nous aurons bel et bien ce risque de résistance présent en plein champ dans notre pays. Cette loi est une loi de précaution qui est parfaitement conforme à notre principe constitutionnel. Le groupe SRC repoussera votre motion, monsieur Accoyer.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.
Je mets aux voix la motion de rejet…
Pardon, monsieur le secrétaire d’État, vous aviez demandé la parole…
Je demande une suspension de séance.
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
Motion de rejet préalable
La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC
parce qu’il y a dans cet hémicycle une règle intangible : lorsqu’un scrutin est ouvert,…
…on ne peut plus suspendre la séance !
Or, monsieur le président, vous l’avez suspendue, à la demande expresse de M. le secrétaire d’État, alors que c’est interdit par le règlement.
Cela pose donc un problème d’une extrême gravité et je ne doute pas que le président de notre groupe vous demandera des explications et de prendre les décisions qui s’imposent.
La majorité n’était bien entendu pas majoritaire dans l’hémicycle.,
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC
et l’ancien député expérimenté qu’est le secrétaire d’État aux relations avec le Parlement n’a pas manqué de le repérer instantanément. On ne peut sur ce point que saluer sa vigilance, même s’il s’est ici placé en dehors du règlement.
Mais s’il en manquait dans la majorité, c’est parce que sur le fond, il y a un doute réel et une division profonde des socialistes sur ce texte.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
La raison en est d’abord l’inconstitutionnalité de cette proposition de loi, ce qui constitue une insulte au Conseil d’État, au droit européen et, en ce sens, marque un mépris à l’égard du Parlement lui-même,…
…à qui il est demandé de prendre des dispositions qui seront automatiquement annulées par le Conseil constitutionnel, que nous ne manquerons pas de saisir.
Mais, au-delà de cela, il y a la division, qui apparaît chaque jour un peu plus évidente, entre le groupe socialiste et les Verts, qui vous font faire, mes chers collègues, n’importe quoi sur le plan de la rationalité, sur le plan du respect des données de la science, sur le plan de l’innovation et du progrès. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Au moment où l’on cherche la croissance, au moment où, par le pacte de compétitivité, vous cherchez tous les moyens de donner à la France une nouvelle espérance, une telle attitude est paradoxale et condamnable !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur Accoyer, je vous rappelle que, conformément à une décision de la Conférence des présidents, tant que le déroulement du scrutin n’est pas entamé, il peut y avoir suspension de la séance.
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le président, je suis d’accord avec vous sur cette jurisprudence, mais le vote était engagé. À partir du moment où vous appelez à voter, la procédure est en cours.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.
Or vous y avez renoncé parce que votre groupe était minoritaire. Vous et vos collègues du groupe socialiste n’êtes en effet pas solide sur ce sujet, ni sur la forme ni sur le fond ! Mais le plus grave, c’est que cette jurisprudence constituait déjà une déviance de notre règlement.
Monsieur Jacob, dois-je comprendre d’après vos propos que vous mettez en cause la présidence ?
« Oui ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.
La procédure de vote était engagée, et respecter la présidence ne veut pas dire que celle-ci peut interpréter librement le règlement.
Celui-ci prévoit que quand la présidence indique qu’elle met aux voix, la procédure est engagée. Vous en avez décidé autrement uniquement parce que vous et vos collègues étiez minoritaires et que vous êtes incapables de mobiliser votre camp !
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.
Dix jours seulement après sa mise en place, ce gouvernement vacille ! Vous et les vôtres êtes faibles, fragiles, et c’est pourquoi vous en êtes là !
Que vous vous adressiez à la majorité pour expliquer qu’elle n’était pas alors, selon vous, majoritaire, c’est votre affaire, mais que vous vous adressiez à la présidence en ces termes me semble pour le moins discourtois.
Vous avez pu formuler votre rappel au règlement. Je vais donc maintenant procéder à la mise aux voix de la motion de rejet préalable.
Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.
La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.
Je vous demande, en tant que président de groupe, une suspension de séance : l’incident est trop grave.
Rappels au règlement
La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.
J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à M. Antoine Herth.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de revenir sur les faits. Lors de sa séance du 17 février 2014, le Sénat a adopté une motion d’irrecevabilité à l’encontre d’une proposition de loi du groupe socialiste, visant à interdire la mise en culture de deux variétés de maïs génétiquement modifiés, et identique à quelques détails près à celle que nous examinons en ce moment.
L’argument retenu a été – écoutez bien, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement – la primauté du droit européen sur le droit national. En clair, dans l’état actuel de la réglementation européenne, la France ne peut adopter des dispositions législatives unilatérales concernant la mise en culture de variétés génétiquement modifiées et qui seraient par ailleurs autorisées par les instances supranationales.
La question n’est pas nouvelle et, pour dire la vérité, la précédente majorité y a également été confrontée…
…lorsqu’il s’agissait en 2008 de transposer les directives à ce sujet.
Mais au lieu de chercher une solution sur le fond, à savoir apporter des arguments permettant d’étayer enfin une clause de sauvegarde ou de pousser le Gouvernement pour qu’il obtienne une évolution du cadre européen, vous vous entêtez dans une impasse juridique.
Mes chers collègues, on peut résumer la situation de la France qui vaut aussi pour tous les pays de l’Union européenne en reprenant ce slogan bien connu : il est interdit d’interdire.
Alors pourquoi le groupe socialiste fait-il le contraire ? Pourquoi, alors que vous prétendez inscrire votre action dans le respect des règles communes européennes tant pour le budget – nous l’avons encore entendu aujourd’hui – que pour l’énergie, par exemple, faites-vous mine de considérer que les questions environnementales feraient exception ?
Pour le plaisir de transgresser ? Pour exorciser un démon que vous avez vous-même créé en alimentant depuis des années et de manière scandaleusement démagogique les peurs et les fantasmes sur les risques des OGM ?
Ou bien fuyez-vous une fois de plus vos responsabilités de parti de gouvernement comme vous le faites depuis deux ans sur tant d’autres sujets ?
En fait cette proposition de loi fleure bon le coup politique sorti tout droit de la boîte à idée de la rue de Solférino. Cette supposée initiative parlementaire a pour première vocation d’éviter au Gouvernement de s’exposer aux foudres de Bruxelles. Ce faisant, vous utilisez le Parlement comme paravent et vous tentez de l’instrumentaliser. Vous contribuez, en définitive, à son affaiblissement.
Pour vous, cette initiative présente surtout l’avantage, à quelques semaines des élections européennes, de confisquer le jouet des OGM à vos partenaires ou concurrents, selon les circonstances, que sont les écologistes qui perdent là un de leur sujet de polémique favori. Bien que grossière, la manoeuvre est parfaite. Elle a certainement été imaginée sous le contrôle de l’ancien premier secrétaire du parti socialiste, nommé récemment secrétaire d’État aux affaires européennes, ce qui promet pour la suite.
Je ne critique pas ses qualités mais je m’interroge sur la manière dont il va pouvoir retourner sa veste. C’est tout.
Mais le plus choquant est la complaisance avec laquelle le Gouvernement se prête à ce mauvais jeu, monsieur le ministre. Je voudrais mentionner tout particulièrement votre collègue, le ministre de l’agriculture, qui est malheureusement absent aujourd’hui…
…tout comme la ministre de l’écologie, la secrétaire d’État à l’enseignement supérieur et à la recherche ou le secrétaire d’État aux affaires européennes.
Ancien député européen, le ministre de l’agriculture est celui qui est en charge de la seule politique réellement intégrée de l’Union à travers la PAC, et qui n’a plus de marge budgétaire qu’à travers l’accroissement des financements européens.
C’est le ministre qui va imposer des conditions de production draconienne à nos agriculteurs au motif qu’il faut respecter, appliquer à la lettre, la directive nitrate afin de sauver la France d’une éventuelle condamnation.
Tous ces scrupules sont volatilisés dès lors qu’il s’agit de faire un bon coup médiatique !
Si le but avait réellement été de renforcer la position du Gouvernement dans ses négociations avec la Commission européenne en vue de faire évoluer les procédures d’autorisation des OGM, il vous suffisait de solliciter une proposition de résolution du Parlement, comme lors des négociations de la PAC. Mais évidemment cette approche avait un inconvénient majeur : le Parlement l’aurait votée à la quasi-unanimité, privant du même coup la majorité d’une victoire politique, fut-elle à la Pyrrhus.
Avec ce texte, nous sommes donc avant tout dans le domaine des postures, des faux-semblants et de la communication mais certainement pas dans celui de la législation.
Le côté « farces et attrapes » de la proposition de loi n’a pas empêché les présidents des commissions saisies de convoquer leurs troupes pour examiner ce texte surréaliste.
À l’occasion de ces réunions, chacun a pu rappeler ses convictions sur un thème chargé en symboles. Le précédent scrutin montre bien à quel point les dérapages sont garantis dès lors que l’on aborde le sujet des OGM dans cet hémicycle.
Chacun a pu rappeler ses convictions en la matière. Quant à elle, l’opposition n’a pas manqué d’alerter la majorité sur l’inutilité de ce débat, et malgré les meilleurs arguments de nos collègues – ceux de Martial Saddier, en particulier –, le texte a été adopté.
Il l’a même été avec une plus-value, si j’ose dire : l’élargissement de l’interdiction à tous les maïs génétiquement modifié, au-delà des variétés initialement visées, le MON 810 et TC 1507.
C’est assez surprenant dans la mesure où les arguments que les deux rapporteurs viennent de rappeler à cette tribune ont essentiellement porté sur les dangers supposés de la culture de MON 810 ou encore sur les effets que ce maïs aurait sur des rats.
Ces arguments sont parfaitement recevables et méritent à tout le moins d’être étudiés. Mais en conclure qu’il faut interdire tous les maïs OGM actuels ou futurs, quelles que soient leurs caractéristiques particulières, est un véritable défi à la pensée cartésienne.
Cette conclusion surprenante ne fait que renforcer notre sentiment qu’au-delà de son caractère anticonstitutionnel, cette proposition de loi repose sur une approche totalement arbitraire.
C’est la grande différence avec le travail que nous avions fait en 2008. Lors de ces débats parfois très difficiles, je le concède…
…nous avons au contraire tenté sortir du champ des fantasmes pour donner toute sa place à la raison, dans le domaine tant scientifique que sociétal.
La loi 2008-595 du 25 juin 2008 n’est certainement pas parfaite. Rien n’empêche la majorité actuelle de la modifier, de l’améliorer, de la réécrire, de se confronter à son tour à la difficulté de transposer une directive avec des marges d’interprétation nulles.
Ainsi, la commission du développement durable pouvait utilement faire le bilan des dysfonctionnements répétés du Haut conseil des biotechnologies et proposer des pistes d’amélioration.
Le législateur a-t-il fait les bons choix dans la composition des deux comités qui le composent ? Le Haut conseil des biotechnologies a-t-il les moyens de faire face à ses missions ? L’articulation entre avis technique et décision politique est-elle satisfaisante ? Ce sont autant de sujets qui méritent que la commission se remette au travail.
De son côté, la commission des affaires économiques pourrait se poser quelques questions qui méritent réflexion.
Comment nos filières agricoles garantissent-elles la traçabilité non-OGM ? Nous savons qu’elles ont massivement investi dans des moyens techniques pour y parvenir. Où en est-on ? Il me semble surprenant que personne ne s’en inquiète. Quel impact sur nos industries agroalimentaires en termes de garanties apportées aux consommateurs ? Y a-t-il une incidence sur les échanges commerciaux ? Quid de l’avenir de notre filière semencière, domaine d’excellence s’il en est mais soumis à une forte concurrence internationale ?
Voilà quelques travaux qui pourraient éclairer utilement le Parlement.
Enfin, pourquoi ne pas engager une réflexion, conjointement avec la commission des affaires européennes, sur la suite des travaux du Parlement européen et l’évolution de la future réglementation sur les autorisations d’OGM que nous espérons ?
Deux autres problèmes, non moins graves, méritent notre attention. Le plus préoccupant est celui de l’état de notre recherche publique. Depuis la destruction de la plateforme de recherche sur le site de l’INRA de Colmar…
…plus rien n’est fait pour améliorer notre connaissance scientifique sur les OGM.
Dans les centres publics, nos chercheurs ne veulent plus investir du temps, de l’énergie, de l’argent dans un domaine de recherche où les pouvoirs publics ne leur donnent pas la garantie de sécurité indispensable pour finaliser leurs travaux. Les plus brillants quittent la France ou bien changent de sujet.
Toutes les décisions que nous pourrions prendre dans cet hémicycle en matière de plantes génétiquement modifiées se fondent sur des données scientifiques qui sont probablement, très probablement, périmées.
Oui, mes chers collègues, sur le plan de l’accumulation du savoir, la France est en passe de devenir un pays rétrograde. Les seules références citées dans les rapports des commissions proviennent d’un chercheur contesté par la communauté scientifique, mais qui est, en revanche, la coqueluche des médias. Tout un symbole ! La recherche scientifique est par nature controverse. La recherche se doit d’être plurielle. La recherche a le devoir de toujours remettre en cause, en démontrant de nouvelles possibilités. Mais la recherche est aussi un mode de pensée, une méthode de travail, une discipline intellectuelle.
Une vérité scientifique qui ne repose que sur des soupçons, que sur des convictions, que sur des certitudes définitives n’est plus une vérité scientifique, c’est un dogme.
Je crois que la décision publique mérite mieux que de s’appuyer sur des polémiques et des approximations. Encore une fois, j’en suis persuadé, nos commissions devraient se pencher sur les moyens de redonner une impulsion à notre recherche publique et explorer en particulier les possibilités de mener des expérimentations en conditions réelles, sans risques de dissémination d’OGM.
Chacun a peur, et c’est bien compréhensible, de la prise de risque non maîtrisée, mais tous nous avons intérêt à mieux cerner les problèmes et à préparer des contre-mesures sinon nous condamnons notre pays à l’impuissance.
Enfin, je suis atterré par la dévalorisation de la parole publique sur le thème des organismes génétiquement modifiés…
Ce n’est plus le Gouvernement qui fixe le cap, ce n’est plus le Parlement qui fixe la règle, c’est la rue qui décide.
Alors que, pendant des années, les champs d’expérimentation de cultures OGM ont fait systématiquement l’objet de destructions, l’action des faucheurs d’OGM déborde à présent sur des essais qui n’ont rien à voir avoir avec la transgénèse. L’année dernière, c’est le tournesol qui était dans leur collimateur, depuis ce printemps ce sont des colzas qui sont détruits. Il y a comme ça des modes… Quelle que soit la méthode de sélection, dès lors qu’une semence présente des caractéristiques particulières ou si cette variété a été obtenue par une firme multinationale renommée, eh bien, c’est une candidate valable à la destruction.
Le but des faucheurs est simple : provoquer le scandale pour attirer les médias. Ces groupuscules militants, nous les connaissons bien, vous les connaissez bien monsieur le ministre : ce sont les mêmes qui assurent l’ambiance sur le site de Notre-Dame-des-Landes. Le militantisme peut s’exprimer de la manière qui lui convient, dans le respect des règles de la République, là n’est pas le débat. En revanche, ce qui me révolte, c’est que, au lieu de combattre l’anarchie, l’absence de volonté et de courage des institutions de la République ne contribuent qu’à l’accroître.
C’est, au fond, la nature réelle de cette proposition de loi.
En prenant des libertés avec la Constitution, en foulant aux pieds le droit européen vous désacralisez la loi. En interdisant par avance tous les maïs génétiquement modifiés sans asseoir cette décision sur une argumentation solide, vous jetez le soupçon sur tout le travail des chercheurs et sur celui de l’industrie française de sélection variétale. Par ses approximations, cette proposition de loi justifie par avance tous les saccages que commettront les faucheurs. Par ses côtés libertaires, elle est en fait liberticide !
Aussi, mes chers collègues, je crois vous avoir livré des arguments solides pour renvoyer ce texte dans les différentes commissions compétentes. Je m’exprime, vous l’aurez remarqué, avec un esprit constructif, en formulant des propositions afin d’aider la majorité à être à la hauteur des responsabilités que le suffrage lui a conférées Ne nous contentons pas d’un travail brouillon. Sortons des logiques de posture, dans l’intérêt de la France.
Mesdames et messieurs les députés, je veux tout d’abord rappeler, pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, que l’absence de Stéphane Le Foll aujourd’hui tient à ce qu’il défend en ce moment même devant le Sénat un texte qui entre dans le champ de compétences de son ministère. Je crois donc qu’il n’est pas possible de polémiquer sur le sujet.
Tous, ici, nous sommes extrêmement respectueux à la fois du travail de l’Assemblée nationale et de celui du Sénat. Vous comprenez parfaitement, notamment le président Accoyer qui eut à traiter de ces questions, combien il est légitime que les ministres soient présents lors de l’examen des textes devant le Sénat.
Monsieur Herth, j’ai entendu votre intervention, comme j’avais entendu celle du président Accoyer. Vous posez un certain nombre de questions sur lesquelles on peut, je pense, essayer d’avancer sans esprit de polémique.
D’abord, sur la question européenne, vous le savez, j’ai essayé de le dire lors de ma première intervention, nous sommes évidemment profondément européens, et nous sommes un certain nombre de pays, une majorité des membres de l’Union aujourd’hui, soutenus, d’ailleurs, par un vote du Parlement européen, à défendre une autre vision que la vision traditionnelle de la Commission européenne. Nous avons tout simplement une exigence qui est à la fois politique, pour les raisons que nous avons détaillées, et démocratique, vis-à-vis de cette Europe. Je ne vous ferai pas de procès d’intention si je vous dis que les décisions parfois un peu technocratiques et opaques ne représentent pas l’alpha et l’oméga de la pensée sur l’Europe ; je crois que nous en serons d’accord.
Donc faire aujourd’hui en sorte que la France soit dans une position de discussion et de négociation avec la Commission européenne n’est pas de nature à laisser penser que nous ne sommes pas profondément européens. Nous pouvons défendre des positions nationales très puissantes avec une majorité de pays en Europe, en étant parfaitement européens et en faisant justement en sorte que cette commission, par ailleurs un peu finissante, ait une vision peut-être plus proche des préoccupations des peuples qui composent l’Union européenne. C’est vrai sur la question des OGM, cela peut l’être aussi sur d’autres questions politiques, c’est bien naturel.
De ce point de vue, j’ai entendu le discours de M. Herth, et, si je comprends la polémique, ce n’est pas telle ou telle fraction de la majorité, tel ou tel groupe politique, encore moins tel ou tel groupe d’activistes, qui dicte sa position au Gouvernement et à la majorité.
Pour l’essentiel, nous reprenons un travail mené par la majorité précédente, et nous sommes donc les légataires, en quelque sorte, à la fois d’une intention politique et d’un objet juridique, mais je vous rappellerai simplement que la très large majorité de nos concitoyens – peut-être ne comprennent-ils pas, mais ce n’est pas mon point de vue –, près de 80 % d’entre eux, ont une attitude très réservée, c’est le moins qu’on puisse dire, vis-à-vis des OGM, et ils demandent fort légitimement aux pouvoirs publics d’avoir une attitude de précaution.
Sur le caractère anticonstitutionnel du texte, encore une fois, je comprends parfaitement les arguments qui ont été avancés par le président Accoyer, mais nous ne les partageons pas. Évidemment, sur cette question, c’est tout simplement le Conseil constitutionnel qui aura à trancher.
J’en viens maintenant à ce débat que nous avons sur l’innovation et la recherche. Je considère que c’est un débat qui est réel dans notre société et qu’il ne faut pas, effectivement, le négliger forcément, tout au contraire. Tout d’abord, le projet de loi ne concerne en rien les questions touchant à la recherche. Il s’agit essentiellement de la production et de la consommation de produits OGM, mais cela n’affecte en rien la recherche. Vous faites référence à un certain nombre de questions sociétales et à des opérations d’activistes qui ont eu lieu ces dernières années, mais c’est plutôt la majorité précédente qui a eu affaire à ce type de manifestations, alors même que, nous, dans l’opposition, avons toujours été très clairs, disant que nous n’acceptions pas que les travaux de la recherche soient remis en cause. Et nous avons été solidaires, même si vous n’étiez pas toujours capables de contenir ce type de manifestations.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Vous parliez du tournesol et du colza. Nous avons été très précis, et nous n’avons jamais accepté l’amalgame que certains ont voulu faire entre la mutagenèse et la question des OGM. Vous ne pouvez pas ramener la représentation démocratique, la majorité parlementaire, qui a été élue par une majorité de Français, à des positions d’activistes tout à fait minoritaires dans la société. Cette vision totalement caricaturale et finalement idéologique de la majorité n’est pas correcte : elle ne correspond pas à la réalité et n’est pas à la hauteur du débat.
Quant à la recherche, oui, parlons-en. Vous le savez, car nous avons eu ce débat, ce n’est pas cette majorité qui a pris l’initiative d’inscrire dans la Constitution le principe de précaution.
J’allais le dire, mais ce n’est pas nous qui avons pris cette initiative ; nous l’avons soutenue, en gardant à l’esprit que certaines précautions, si j’ose dire, s’imposaient à à l’égard de ce principe. Du moins était-ce mon cas lorsque j’ai été amené à voter.
Il est vrai que l’on a parfois l’impression dans ce pays, dans d’autres aussi, que la recherche est soumise à un certain nombre de forces. Lorsqu’on a évoqué des questions de bioéthique, nous avons fait des propositions en faveur d’une plus grande liberté, que vous-même refusiez.
Ce procès qui nous est fait, selon lequel nous serions contre la recherche, est tout à fait injustifié. En ce qui concerne les OGM, nous sommes pour la recherche et, en ce qui concerne d’autres questions bioéthiques, c’est nous qui avons donné plus de liberté aux chercheurs, et c’est vous qui vous y opposiez ; vous l’avez encore fait il y a quelques mois. Nous n’acceptons donc pas ce procès d’intention. Notre vision est celle d’une société de progrès où la recherche et la science n’interviennent plus comme elles le faisaient au début du vingtième siècle. Celui-ci nous a appris que nous ne devions pas renoncer à toutes les avancées scientifiques, vous me permettrez évidemment de citer le domaine médical où nous avons fait des progrès considérables tout au long du vingtième siècle, mais aussi qu’il fallait accepter d’avoir une interrogation éthique sur la recherche. Nous avons appris que nous ne devions pas subordonner l’avancée de la société à la notion de progrès scientifique dont la valeur et le sens seraient simplement l’attribut des chercheurs. Les chercheurs doivent travailler en parfaite liberté, mais il appartient à la société de mesurer en termes éthiques ce qui est possible et ce qui ne l’est pas.
Voilà quelle est notre attitude. En l’occurrence, nous sommes pour la liberté de la recherche. Nous sommes pour que la société et la représentation parlementaire nationale puissent dire aussi leur mot lorsqu’il s’agit de mettre en oeuvre, surtout au plan industriel, un certain nombre de conséquences de cette recherche, qui sont les fruits non de la volonté des chercheurs mais de celle d’un certain nombre de firmes. Je ne critique pas, en disant cela, l’idée d’entreprise, je dis simplement que, sur un certain nombre de sujets, il est légitime que la représentation nationale ait une attitude de régulation.
Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Dans ce débat où la passion l’a souvent emporté sur la raison, qui devrait précisément prévaloir, l’orateur de notre groupe, Antoine Herth, dont la compétence sur ces sujets est reconnue, a très pertinemment démontré combien votre position obéit davantage à des réflexes idéologiques. Seul un travail approfondi et serein en commission peut lever l’oukase décrété par votre majorité, oukase qui vous fait choisir délibérément une impasse juridique, au mépris du droit, au mépris aussi du respect du Parlement, instrumentalisé pour un coup politique en cette veille d’élection européenne, au mépris encore de la science et de la recherche publiques, qui s’accommodent mal de l’arbitraire des postures politiques, au mépris, enfin, de l’impact économique sur nos excellentes filières semencières.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, tout plaide en faveur du renvoi de ce texte en commission…
…afin de permettre à terme, et parce qu’elles sont prometteuses, des expérimentations soigneusement encadrées.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
À ce moment de nos débats, je voudrais souligner le vif paradoxe soulevé par les interventions que nous venons d’entendre.
Il y a, d’un côté de l’hémicycle, une confiance quasiment totale en la science pour ce qui est des biotechnologies, ce qui peut se comprendre, mais une défiance souvent solidement ancrée quant à d’autres constats scientifiques, notamment les causes du réchauffement climatique. Au contraire, de l’autre côté de l’hémicycle, on constate une défiance tout aussi solidement ancrée sur les biotechnologies mais une confiance quasiment totale sur la biogénétique, qui met pourtant en jeu une certaine conception de l’évolution de notre société et de l’évolution de la science.
La réalité, c’est qu’il n’y a pas de développement scientifique possible en dehors de règles fondées sur nos valeurs : ce serait la porte ouverte à un monde totalement inhumain. Le développement humain se fait dans un cadre à la fois économique, social et environnemental maîtrisé. Nous jugeons donc utile d’insuffler un peu de rationalité à nos débats, et nous ne voterons pas cette motion de renvoi en commission.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
Vous avez profité de l’occasion offerte par la discussion de cette proposition de loi pour une fois de plus stigmatiser les écologistes, qui seraient des Cassandre, des défenseurs de la bougie contre le progrès, opposés à la recherche.
Permettez-moi de rappeler à votre mémoire les travaux d’un scientifique et philosophe oublié en France mais très connu aux États-Unis et qui commence à être apprécié dans notre pays pour le côté prémonitoire de ses écrits : je veux parler de Jacques Ellul. En 1953, dans un essai intitulé La Technique ou l’enjeu du siècle, il expliquait que le progrès humain n’était pas directement proportionnel au progrès technique et que lorsque celui-ci n’était pas contrôlé démocratiquement, il pouvait nuire à notre liberté.
Il n’y a pas de liberté totale pour la recherche : ce n’est pas aux experts, aux groupes de pression et aux grands lobbies de décider de ce que nous aurons demain dans notre assiette, de décider de notre avenir. Le privilège qu’une société démocratique offre à ses citoyens, c’est de pouvoir délibérer ensemble et avec leurs représentants.
C’est la raison pour laquelle, en 1989, le Danemark a inventé les conférences des citoyens. C’est à la société, et non pas à quelques grandes firmes, qu’il appartient de décider de ce que nous aurons dans nos assiettes…
…et s’il y a lieu de transformer les champs de nos paysans en paillasses de laboratoire.
Vous parlez de liberté, de la liberté de la recherche, mais qu’en est-il de la liberté des paysans, de ceux qui sont aujourd’hui victimes de la contamination des OGM et qui ne peuvent plus pratiquer de cultures conventionnelles ou de cultures biologiques ? Nous savons que cela existe. Siège d’ailleurs dans vos rangs Mme Kosciusko-Morizet, qui est à l’origine de l’introduction de la charte de l’environnement dans la Constitution. Au nom de quoi a-t-elle fait voter l’ensemble de ces bancs, de la gauche à la droite ? Au nom du principe de précaution. Le principe de précaution, ce n’est pas le principe du parapluie : il consiste à ne pas faire peser sur les générations futures des choix que nous sommes appelés à faire aujourd’hui. Le problème est que bien souvent les sociétés sont privées de ce choix car les décisions leur sont imposées par des grands lobbies, des grandes multinationales, des laboratoires pharmaceutiques et autres acteurs que l’on pourrait décliner à l’envi.
La mode est de dire que nous nuisons à la recherche et que nous empêchons le progrès. Je pense au contraire que nous protégeons à la fois les libertés et les choix démocratiques.
Je termine, monsieur le président. Le débat que nous avons est au coeur de ce que doit être la démocratie. Il y a en effet beaucoup trop de pays où l’on ne peut même pas débattre de ces questions et où des petits paysans ne peuvent même plus assurer leur subsistance alors qu’ils produisent, précisément parce que des sociétés ont mis la main sur l’agriculture et entendent cartelliser ce secteur à l’échelle mondiale.
Au vu du rapport du GIEC, il paraît justifié de dire que c’est un devoir moral et éthique de repousser la motion qui vient d’être présentée.
Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.
La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues, l’incident auquel nous avons assisté voilà quelques instants illustre finalement assez bien l’embarras dans lequel se trouvent à la fois le Gouvernement et la majorité parlementaire.
En effet, votre initiative se trouve totalement à contre-courant, tout d’abord sur le plan constitutionnel, comme M. Accoyer l’a très bien démontré tout à l’heure, ensuite sur le plan institutionnel puisque, Antoine Herth l’a rappelé, cette proposition de loi avait d’abord été déposée au Sénat, où elle n’a pas été adoptée. En d’autres termes, vous avez subi au Sénat ce que vous avez évité tout à l’heure par un incident de procédure. Vous êtes enfin à contre-courant sur le plan politique parce que cette proposition de loi résonnait comme un gage donné au sein de votre majorité aux Verts… avant que ces derniers ne quittent le Gouvernement. Avant qu’ils ne quittent l’hémicycle également, car je constate leur absence notoire cet après-midi pour ce débat.
En outre, monsieur le ministre, votre gouvernement a changé de Premier ministre. Si le précédent était clairement opposé aux OGM, ce n’est pas le cas de l’actuel, qui ne s’est pas réellement prononcé ces derniers jours mais l’avait fait fortement par le passé.
J’ai en effet retrouvé des déclarations de M. Manuel Valls dans Plantes Biotech, une publication du Groupement national interprofessionnel des semences et plants, peu après le Grenelle de l’environnement. M. Valls y affirmait : « Si les dangers supposés des cultures transgéniques attendent toujours d’être vérifiés, les bénéfices espérés sont, eux, largement reconnus. »
Je poursuis : « En diminuant l’impact des intrants, les OGM joueraient un rôle essentiel dans la protection de l’environnement. Surtout, en augmentant les rendements agricoles sans épuiser les réserves d’eau, ils contribueraient, de manière décisive, à l’autonomie alimentaire des pays du Sud. De toute évidence, ils méritent donc mieux que les procès d’intention et les accusations de sorcellerie. »
Ces propos sont signés Manuel Valls, mes chers collègues, et ils ont été prononcés après le Grenelle de l’environnement !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le ministre, madame la rapporteure, vous vous réfugiez derrière le principe de précaution. Mais celui-ci est par définition temporaire : il suppose la preuve de l’existence d’un risque nouveau pour la santé et pour l’environnement.
Or, comme cela a été démontré tout à l’heure, la Commission européenne a conclu en 2010 à l’absence de preuve scientifique de la nocivité des OGM en comparaison avec les cultures conventionnelles. Comme nos collègues l’ont également rappelé, le Conseil d’État a invalidé le moratoire français en 2013 au motif qu’il ne faisait pas état d’éléments nouveaux reposant sur des données scientifiques fiables permettant de conclure à l’existence d’un risque important mettant en péril de façon manifeste l’environnement.
On peut donc s’étonner que la majorité veuille interdire la culture du maïs MON 810 alors que ces deux autorités, se fondant sur des analyses scientifiques poussées, ont indiqué que les risques redoutés n’étaient pas fondés.
Il faut aussi rappeler que certains risques qui pouvaient exister voilà trente ans ont été levés grâce à la mise en place à l’échelon européen d’une réglementation particulièrement rigoureuse, qui a interdit certains OGM, qui a fixé des seuils maximaux aux cultures, qui a multiplié les tests de toxicité et les analyses de produits cultivés pour préserver la sécurité sanitaire des Européens.
Nous avons donc toutes les raisons d’adopter une attitude inverse à la vôtre, madame la rapporteure : en vertu du principe d’innovation, nous pouvons aller de l’avant sur la recherche et la culture des OGM.
Enfin, votre proposition de loi souligne les paradoxes français sur la question des OGM. Dans les années soixante-dix, la France était à la pointe de la recherche et du développement dans le domaine de la génétique végétale. Les variétés créées par l’INRA ont été à l’origine de succès d’entreprises comme Limagrain, qui est devenu l’un des premiers semenciers mondiaux. Le secteur des semences était considéré comme stratégique dans le champ des biotechnologies et de l’agro-industrie.
Or, aujourd’hui, bien que l’Union européenne ait autorisé la culture de deux OGM, la France interdit toute culture commerciale des OGM et la recherche française sur les biotechnologies végétales accuse un retard important, ce qui devrait vous alerter, monsieur le ministre, vous qui êtes sensible à ces questions de recherche.
Vous avez rappelé que l’opinion publique s’est retournée sur cette question et qu’elle envisage aujourd’hui avec méfiance les OGM. À qui la faute ? À ceux qui ont surfé sur la vague, à ceux qui ont fait fuir nos chercheurs !
Cela ne date pas de deux ans !
Monsieur le ministre, madame la rapporteure, vouloir interdire la culture des OGM, c’est priver la France, première puissance agricole d’Europe, de possibilités de développement majeures. Nous avons besoin d’OGM car les agriculteurs sont à la recherche de solutions innovantes pour résoudre différemment un certain nombre de problèmes, relever un certain nombre de défis qui affectent leurs cultures, notamment la perte de récoltes et la gestion des mauvaises herbes.
Il n’y a pas de mauvaises herbes, il n’y a que des herbes indésirables !
Nous voulons avoir la capacité de développer des OGM pour conserver un leadership historique dans l’amélioration des semences. C’est la raison pour laquelle nous préférons pour notre part la voie du progrès tracée par le principe d’innovation. Nous rejetterons par conséquent cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Il serait intéressant de tenir un jour dans cet hémicycle un débat sur les controverses scientifiques. Ce serait même passionnant. Je préside un think tank, « Décider ensemble », qui a organisé à plusieurs reprises dans les locaux de l’Assemblée des débats sur ce sujet. Nous nous sommes rendu compte qu’en matière de recherche, il n’y avait que des avancées et des reculs, que des craintes et des espoirs et que les recherches n’avaient de sens que si elles étaient maîtrisées et que le plus grand nombre s’en appropriait les conséquences.
On voit très bien au travers de ce débat sur les OGM que certains font une confiance sans réserve à la science sur ce sujet et la suspectent de tous les maux dans d’autres domaines, alors que sur d’autres bancs c’est exactement le contraire. D’où l’intérêt de nous engager dans ce débat de manière dépassionnée et en tenant compte du contexte qui nous a amenés à nous réunir aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État.
Avant d’aborder le fond de cette proposition de loi, je tiens à exprimer, au nom du groupe, ma joie de la voir maintenue à l’ordre du jour. Je tiens d’ailleurs à formuler tous nos voeux de réussite au ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, qui a été maintenu à son poste. J’adresse également bien sûr mes félicitations à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, mais je tiens à souligner qu’il est appréciable que des ministres aient été maintenus à leur poste.
Par les temps qui courent, j’accepte tous les compliments !
Sourires.
En effet, après quatre ministres de l’environnement en deux ans, nous avons besoin de stabilité… J’espérais donc que l’absence du ministre de l’agriculture n’était pas liée à un quelconque embarras. Vous nous avez rassurés sur ce point, monsieur le secrétaire d’État, et en ce qui me concerne je n’ai plus aucun doute.
Ce maintien à l’ordre du jour nous semble créer un cadre favorable à l’examen de ce texte qui était nécessaire compte tenu de l’urgence, de l’importance et de la sensibilité du sujet des organismes génétiquement modifiés sur notre territoire.
Nous le savons, les OGM ont toujours suscité des débats passionnés au sein de notre société, et notre hémicycle s’en est souvent fait, et il y a quelques instants encore, le réceptacle. Ces passions sont légitimes et reflètent l’importance de ces questions non seulement pour les consommateurs, les agriculteurs et le secteur agroalimentaire, mais aussi dans le domaine de l’environnement et de la sécurité sanitaire. Mais, précisément, ces enjeux sont tels qu’il est du devoir du législateur de les aborder avec sérieux et responsabilité. Aujourd’hui plus que jamais, ce débat doit avoir lieu dans les conditions les plus objectives et les plus sereines possibles, car elles seules permettront à la raison de prendre le pas sur la passion.
Prendre le pas sur la passion, c’est fonder nos décisions sur une expertise scientifique impartiale, légitime et acceptée par tous. C’est faire usage du principe de précaution, consacré par notre Constitution, au seul regard de la connaissance scientifique et de son évolution. C’est accepter de prendre en compte l’ensemble des critères, environnementaux mais aussi économiques, sociaux et éthiques, avant de former notre décision. C’est enfin redonner au débat public sa dimension démocratique et pédagogique, au service des Français.
C’est dans cet esprit que nous avons été nombreux dans cet hémicycle, gauche et droite confondues, à travailler sur la loi du 25 juin 2008 relative aux OGM. Cette loi a marqué une avancée majeure et je tiens à rendre hommage à celui qui en a été l’artisan lorsqu’il était ministre d’État ministre de l’écologie, Jean-Louis Borloo, à qui nous voulons dire de nouveau notre reconnaissance et notre soutien.
Permettez-moi de rappeler succinctement les étapes qui ont permis de forger la position de la France sur ce sujet sensible. Dès 2007, lors du Grenelle de l’environnement, un consensus avait émergé entre l’ensemble des parties prenantes en faveur d’un gel des autorisations, en particulier concernant le maïs MON 810. S’appuyant sur un rapport du comité de préfiguration pour une haute autorité sur les OGM faisant état de « doutes sérieux quant aux conséquences environnementales, sanitaires et économiques » de sa culture, le Gouvernement avait obtenu auprès de Bruxelles l’application de la clause de sauvegarde et avait interdit la culture de ce maïs sur le territoire national.
Dans ce contexte, la loi de 2008 a ensuite été porteuse d’une grande ambition démocratique. Elle a permis de réaffirmer les principes de transparence et de responsabilité, de fonder le processus de décision publique sur un nouveau modèle d’expertise et de consacrer la liberté de chacun de produire et de consommer avec ou sans OGM. Elle a surtout permis de sortir en toute lucidité et en toute conscience de dix années d’une situation de non-droit pour les biotechnologies agricoles.
Aujourd’hui, nous devons aller plus loin et adapter encore notre législation pour aboutir à un cadre juridique rénové et protecteur pour le consommateur, l’agriculteur et l’ensemble de l’industrie agroalimentaire. À cette occasion, le groupe UDI réaffirme son impatience devant l’inaction gouvernementale dans le domaine du développement durable. Nous espérons que l’arrivée au ministère de l’écologie de Ségolène Royal permettra de faire enfin avancer les dossiers qui sont restés au point mort depuis presque deux ans, à l’image du texte sur la transition énergétique, de la loi sur la biodiversité et, plus généralement, de l’ensemble des mesures urgentes à mettre en oeuvre pour voir émerger une véritable croissance verte dans notre pays.
Malheureusement, ce texte d’opportunité, déposé et examiné en urgence, ne répond pas à cette nécessité de rouvrir un grand débat sur les OGM. Il se cantonne à inscrire dans la loi l’interdiction prise par trois arrêtés depuis 2008. S’agissant du MON 810, le débat est loin d’être nouveau et la France a toujours fait preuve d’une certaine continuité dans ses positions, en prenant des arrêtés d’interdiction en 2008, 2012 et 2014. Les deux premiers arrêtés ayant été annulés par le Conseil d’État respectivement en 2011 et 2013, vous faites le choix de passer par la loi. Malheureusement, je crains que cela ne change rien à la situation d’insécurité juridique. À cet égard, il est regrettable que cette procédure de la proposition de loi exonère le Gouvernement de la production d’une étude d’impact qui aurait pu nous éclairer sur ce point.
Encore aurait-il fallu pouvoir dégager 3 à 4 millions d’euros pour une étude solide dans ce domaine, ce que nous avons réclamé à de nombreuses reprises, dans le budget de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail…
Ce texte ne nous permettra d’enjamber le Conseil d’État que pour mieux nous heurter à la Cour de justice de l’Union européenne. Passer par la loi pour éviter la censure du juge administratif, c’est une chose, mais vous n’échapperez pas au contrôle du juge européen. C’est donc à ce niveau européen qu’il faut agir. Vous en avez parlé tout à l’heure, et nous serons à vos côtés, à Bruxelles, pour mener le combat qu’il faut afin que chaque État puisse prendre des décisions adaptées. Vous pourrez alors compter sur le soutien de notre groupe.
Mais j’en reviens à la question qui nous est posée aujourd’hui, dictée par l’urgence : souhaitons-nous maintenir l’interdiction du maïs transgénique sur notre territoire ? En d’autres termes, y a-t-il des éléments nouveaux qui justifieraient de revenir sur les précédentes interdictions ? Disons-le clairement, il n’y en a pas. Si aucune étude ne permet de trancher de manière irréfutable sur la dangerosité ou non des OGM, force est de constater que beaucoup d’interrogations demeurent sur les effets du maïs génétiquement modifié, et qu’aucun consensus clair ne se dégage au sein de la communauté scientifique.
Sur le plan environnemental, l’Autorité européenne de sécurité des aliments a mis en évidence certains risques avérés, tels que l’apparition de résistances ou des réductions de populations chez certaines espèces, en particulier les papillons ou les abeilles. Les inquiétudes sont également vives quant à la protection des agriculteurs face aux contaminations des cultures voisines, à l’heure où aucun professionnel n’accepte d’assurer la plupart des dommages liés aux OGM.
Enfin, la filière apicole pourrait être concernée par la généralisation de ces cultures.
En revanche, nous sommes unanimes pour mettre l’accent sur l’importance de la recherche et sur la nécessité de lever tous les freins qui pourraient l’entraver. Si nous pouvons déplorer l’instabilité de notre environnement juridique, il en est de même pour l’état de nos connaissances, qui laissent le champ libre à des interprétations souvent contradictoires.
Nous tenons cependant à rappeler que les biotechnologies font partie des perspectives incontournables du XXIe siècle. Il s’agit de faire de ces technologies ce que nous voulons vraiment, afin qu’elles ne nous soient pas systématiquement imposées. Mais nous avons évidemment besoin de garde-fous. Le débat sur les OGM s’inscrit dans cette démarche : nous devons regarder avec lucidité les progrès que permettent les OGM tout en nous prémunissant des risques qu’ils recèlent.
C’est ce climat de confiance qu’il est nécessaire de restaurer, pour rendre légitime une prise de décision responsable et dépassionnée. Cela nécessite de la pédagogie.
Voilà, monsieur le ministre, les principaux enjeux auxquels nous estimons nécessaire de répondre dans le domaine des OGM. Dans l’attente, nous ne nous opposerons pas à ce texte, certes juridiquement fragile mais politiquement nécessaire, tout en rappelant que nous ne pouvons plus nous satisfaire du recours aux clauses de sauvegarde et aux moratoires.
Nous devons désormais asseoir notre décision sur une base juridique plus solide en mettant en place à l’échelle européenne des critères objectifs afin que chaque État puisse prendre des décisions juridiquement fondées.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.
Mon intervention va dépasser le cadre de l’analyse de la proposition de loi relative à l’interdiction de la mise en culture du maïs génétiquement modifié MON 810. Au-delà des enjeux institutionnels ou constitutionnels, largement développés tout à l’heure, c’est l’aspect démocratique de ce texte qui nous mobilise.
En effet, comme l’a rappelé M. le ministre, nos concitoyens sont préoccupés. Certes, on ne gouverne pas avec les sondages, mais le dernier d’entre eux sur ce sujet montrait que 79 % des Français interrogés sur les OGM se disaient « très inquiets » ou « plutôt inquiets ». C’est dire si l’opinion publique est sensible à cette question. Ne pas répondre serait irresponsable.
Cette inquiétude concerne notre alimentation et l’industrie agroalimentaire. N’ayons pas la mémoire courte : la vache folle et les scandales récents, qui ne manquent pas, ont marqué la conscience de nos concitoyens. Ce ne sont pas des fantasmes ou de l’obscurantisme, c’est la réalité. Mon propos n’est pas de mélanger des sujets certes différents : il est d’essayer de déterminer ce qui cause et explique notre perception de ces sujets.
L’alimentation est une composante majeure de notre art de vivre à la française. Il n’est qu’à se rappeler qu’Alexandre Dumas, le père des Trois Mousquetaires, bon vivant devant l’éternel, écrivit un livre consacré tout entier à la gloire de la bonne chère : Le grand dictionnaire de cuisine. Il était natif de Villers-Cotterêts, une ville de ma circonscription, et je ne peux m’empêcher d’avoir une pensée très particulière pour lui au lendemain des élections municipales. Tout, dans notre culture, grâce à Dumas et à bien d’autres, renvoie sans cesse aux plaisirs de la table et de la vie.
Il s’agit là d’un particularisme qui explique en grande partie la renommée mondiale de notre gastronomie. Il explique aussi pourquoi les Français sont si vigilants et pointilleux sur ce qu’ils trouvent dans leur assiette. Or, les scandales sanitaires ont ébranlé leur confiance et accru leur désir d’information et de sécurité. Pour rétablir cette confiance, nous avons le devoir de prévenir tous les risques, de dire la vérité à nos concitoyens et de ne pas nous cacher derrière de pseudo-arguments juridiques. Appréhendons ce débat sans esprit partisan, avec sérénité, et ne changeons pas d’avis au gré des majorités.
Les organismes génétiquement modifiés sont un sujet d’interrogations d’autant plus prégnant que les réponses qu’on y apporte sont discordantes, voire contradictoires. Si les OGM sont porteurs d’enjeux, sanitaires et environnementaux mais aussi économiques et sociaux, d’une grande complexité, la question qui se pose à nous aujourd’hui est claire : sommes-nous en mesure de garantir que leur mise en culture ne présente aucun risque ?
Notre boussole principale dans ce débat doit être scientifique. Il ne s’agit en aucun cas de s’engager dans une voie pour des raisons idéologiques ou passionnelles. Songeons à l’aphorisme de Rabelais : « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Certes, la science peut aboutir au meilleur, au progrès humain, mais aussi au pire. C’est l’occasion pour moi de rendre hommage à l’astronome Carl Sagan, qui s’interrogeait : « Qu’est-ce qui, dans les préceptes de la science, empêche les savants de faire le mal ? » Rien, l’histoire nous l’a souvent rappelé.
Nous ne sommes pas, dans cet hémicycle, des experts scientifiques en mesure de nous prononcer sur la dangerosité des OGM. En revanche, nous avons la responsabilité de tenir compte des études disponibles pour répondre à la question qui nous est posée.
Depuis de nombreuses années maintenant, le gouvernement français considère que les études scientifiques disponibles ne nous permettent pas d’apporter de garantie définitive. Je ne veux pas rappeler ici le contexte dans lequel intervient cette proposition de loi, ni m’étendre sur les divers arrêtés pris et annulés par le Conseil d’État.
Face à l’insécurité juridique et aux risques de semis de l’OGM MON 810, un nouvel arrêté d’interdiction a été publié très récemment, le 15 mars 2014, par notre actuel ministre de l’agriculture. Je voudrais insister sur le fait que la nouvelle version de l’arrêté s’appuie sur deux dispositions européennes d’ordre réglementaire, contre une seule dans les deux précédentes interdictions : l’article 34 du règlement 18292003 sur les mesure d’urgence et l’article 18 de la directive 200253, dite directive semences.
Ce dernier article permet d’interdire, « dans tout ou partie de son territoire », une variété inscrite au catalogue commun des variétés « s’il est constaté que [s]a culture pourrait, dans un État membre, nuire sur le plan phytosanitaire à la culture d’autres variétés ou espèces, présenter un risque pour l’environnement ou pour la santé humaine. »
Ce texte n’empêche aucunement la recherche. Il vise simplement à empêcher le semis en plein champ. Autant dire que la prochaine décision du Conseil d’État est très attendue. C’est à l’aide des études scientifiques disponibles que le législateur doit prendre ses responsabilités.
Comme je l’ai dit, les études démontrent de trop grandes incertitudes pour prendre le risque d’autoriser la mise en culture du MON 810. S’il existe des mesures de précaution qui pourraient pallier ces incertitudes, nous devons les mettre en oeuvre avant de délivrer l’autorisation. Pour nous, le principe de précaution n’est pas un parapluie, mais un principe d’innovation. En aucun cas la présente proposition de loi n’épuisera le questionnement légitime sur la mise en culture des OGM. En revanche son adoption vise à garantir la poursuite d’échanges au niveau national comme européen afin d’évaluer précisément les risques encourus.
Vous avez eu raison de le souligner tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, il n’y a pas eu d’évaluation sérieuse sur ce sujet. Aujourd’hui, la mise en culture massive de maïs génétiquement modifiés présente des incertitudes trop grandes pour être autorisée. Dans la communauté scientifique, de trop nombreuses questions restent sans réponse définitive en ce qui concerne l’innocuité absolue des OGM. Oui, nous avons besoin au préalable de mettre en place des procédures de contrôle et d’évaluation certifiées. La Commission européenne se base quant à elle sur les avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments pour autoriser le MON 810. Mais cette autorité se limite à des études scientifiques contestables. En France, le Haut conseil des biotechnologies évalue l’impact des OGM sur l’environnement et la santé publique, mais procède également à des évaluations sur leurs conséquences économiques et sociales.
Nous devons convaincre nos amis européens que les enjeux concernant les OGM ne sont pas uniquement scientifiques, mais aussi économiques et sociaux. Concernant les enjeux sanitaires et environnementaux, force est de constater que nous ne disposons aujourd’hui d’aucune étude prouvant la sécurité alimentaire des OGM sur le long terme. Les OGM sont souvent présentés comme des variétés d’avenir qui permettraient de grands rendements, une valeur nutritive renforcée et une résistance accrue à la sécheresse ou aux pesticides sans aucune conséquence négative pour l’homme ou la nature. Dans ces conditions, il faudrait être déraisonnable pour ne pas encourager la recherche sur les OGM. Mais aujourd’hui, nous sommes loin de ces belles promesses.
En outre, les OGM posent aussi la question des brevets et de la propriété intellectuelle des semences. N’oublions pas qu’en obligeant nos paysans à réensemencer les champs avec des semences achetées à des multinationales, les OGM accroissent le risque de dépendance. Et ma collègue Dominique Orliac se joint à moi pour souligner les menaces pesant sur la filière apicole.
Les producteurs de miel peuvent témoigner que les OGM représentent un danger pour la biodiversité…
…et favorisent le déclin des populations d’abeilles. En outre, il existe le risque d’un miel OGM qui pourrait provoquer une menace sérieuse pour l’activité des apiculteurs. Dans ces conditions, c’est avec un enthousiasme non dissimulé que j’accueille la proposition de loi soumise aujourd’hui à notre examen. Dans le prolongement du moratoire imposé par la France, elle permettra d’interdire la mise en culture de l’ensemble des variétés de maïs génétiquement modifiés.
Nos débats récents sur le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt ont montré que nous sommes nombreux à vouloir mettre en place un modèle favorisant une agriculture de qualité et de proximité respectueuse de l’environnement et de la biodiversité comme de la santé humaine. En effet, aujourd’hui, il n’est plus contestable qu’un très grand nombre de pathologies, de maladies et de cancers sont directement en lien avec la dégradation de notre environnement et la pollution de l’air, de l’eau et des intrants dans notre alimentation.
Le fait que des classes d’âge de plus en plus jeunes soient touchées impose une réflexion et des investigations de fond. Aussi, cette proposition de loi est une pierre supplémentaire à cet édifice que nous devons bâtir. Je suis conscient qu’il existe un débat juridique sur la compatibilité de ce texte avec le droit issu de l’Union européenne. Pour autant, je suis convaincu que son adoption pourrait aider notre ministre dans son combat à Bruxelles afin de convaincre nos amis et partenaires de la légitimité de demander des études scientifiques indépendantes complémentaires avant d’autoriser la culture des OGM.
Comme le disait Jean de la Fontaine – vous n’y échapperez pas ! – dans la fable Le Loup, la Chèvre et le Chevreau : « Deux sûretés valent mieux qu’une, Et le trop en cela ne fut jamais perdu. » Dans cette perspective, à titre personnel, je voterai cette proposition de loi en encourageant notre ministre à porter cette parole à Bruxelles.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Je suis heureuse que nous puissions examiner cette proposition de loi dès cette semaine dans l’hémicycle et que les derniers mouvements n’aient que peu repoussé son inscription à l’ordre du jour. Nous avons tous conscience de l’urgence qu’il y a à adopter ce texte. Notre nouvelle ministre de l’écologie aura la responsabilité de porter de nombreux dossiers chers aux écologistes et à beaucoup de concitoyens, dont ceux, transversaux, de l’agriculture et de l’alimentation, de la qualité des eaux, de la lutte contre les OGM ou encore de la préservation de la biodiversité et de la diminution des pesticides dans les champs et les villes suite à l’adoption de la récente loi écologiste « Labbé ».
Je ne doute pas que l’auteure de Pays, paysans, paysages saura porter au niveau national la défense de l’agriculture durable et biologique avec force et conviction. Je veux également saluer le groupe socialiste pour avoir déposé cette proposition de loi visant à interdire sur le territoire national la culture des maïs OGM. Je regrette cependant qu’elle ne couvre que les maïs. Ainsi, la proposition de loi no 1839 que nous avons déposée vise à interdire la mise en culture des plantes génétiquement modifiées. Les écologistes réitèrent par ce texte leur opposition génétique aux organismes génétiquement modifiés cultivés en plein champ, que ce soit pour la consommation humaine ou animale ou pour la recherche.
L’enjeu est autant sanitaire, environnemental ou socio-économique que démocratique : c’est la réaffirmation de la primauté de la volonté des peuples européens, qui font preuve de sagesse. Nous demandons l’interdiction de toutes les plantes génétiquement modifiées : maïs, coton, soja, betterave, colza… Ce sera l’objet des deux amendements, que je présenterai tout à l’heure. Il s’agit de manipulations qui visent principalement à introduire par biotechnologie des gènes insecticides dans les plantes, qui deviennent, de ce fait, elle-même insecticides, ou encore à augmenter la tolérance à de puissants herbicides préjudiciables aux équilibres naturels et aux capacités productives des systèmes agricoles.
Il y a de quoi être inquiet. Aujourd’hui, le Parlement affirmera, avec le Gouvernement, son opposition quasi unanime à la culture du maïs MON 810, seul autorisé en Europe, et du maïs TC 1507, qui est en passe de l’être. Mais il faut anticiper les évolutions imminentes au niveau de l’Europe, dont la réglementation fait foi en matière d’OGM.
De nombreuses plantes génétiquement modifiées attendent leur tour. Elles sont prêtes. Je ne citerai que les autorisations les plus imminentes, concernant les plantes suivantes : le coton GHB614 de Bayer, tolérant à l’herbicide glyphosate ; le coton 1445 de Monsanto, tolérant au glyphosate et résistant à la kanamycine, antibiotique à usage vétérinaire ; le coton MON 531 de Monsanto, résistant aux insectes et à la kanamycine ; le soja GTS 40-3-2 de Monsanto, tolérant aux herbicides à base de glyphosate ; la betterave sucrière H7-1de Monsanto, tolérante aux herbicides à base de glyphosate ; la betterave A515 de Monsanto, tolérante à l’herbicide glyphosate ; ou enfin, c’est original, le colza Falcon GS4090 de Bayer et le colza Liberator pHoe6Ac, tolérants aux herbicides à base de glufosinate d’ammonium.
Comme vous le constatez, le débat dépasse largement celui du seul périmètre du maïs. Il a lieu alors que la commission Baroso veut clore le dossier OGM avant son départ et faire plier la France et les derniers pays réfractaires à une dissémination des OGM en Europe. Pour ce qui est des projets du commissaire à la santé, Tonio Borg, je vous invite à lire son interview dans Le Monde du 10 avril : il y affirme clairement, concernant la révision des procédures d’autorisation d’OGM, que le projet de la Commission prévoit qu’un pays pourra demander en amont à être exclu du champ d’une demande d’autorisation de mise en culture d’un OGM. Mais attention, cela n’empêchera pas la libre circulation des produits issus des OGM cultivés dans l’Union. Les groupes écologistes du Sénat et de l’Assemblée, par la voix de leurs présidents, ont fait connaître au ministre de l’agriculture et au ministre de l’environnement de l’époque leur soutien à la décision de la France de maintenir un moratoire sur le MON 810 et ont dénoncé ce que j’appellerai « le chantage antidémocratique » de la Commission européenne, consistant à autoriser le seul maïs TC 1507. Quelle image de l’Europe ces institutions veulent-elles envoyer, à la veille des élections européennes ?
La position des citoyens européens et de leurs représentants, elle, est très claire. Une écrasante majorité reste opposée à la mise en culture des plantes génétiquement modifiées. Il y a trois ans, une pétition européenne contre les organismes génétiquement modifiés a recueilli plus d’un million de signatures. Les écologistes réitèrent aujourd’hui leur position et demandent à la France de rester ferme, comme elle le fait depuis plusieurs années, sur le refus des OGM sur son territoire mais aussi sur tout le territoire européen, et de rejeter la proposition de la Commission d’ « OGM à la carte ».
Nous ne pourrons ouvrir aucune porte tant que nous n’aurons pas la garantie d’évaluations scientifiques indépendantes, à court, moyen et long terme, pour permettre aux autorités de prendre des décisions sur des bases scientifiques fiables afin de garantir la santé des citoyens et la durabilité des systèmes de production agricoles et nourriciers. Gilles-Eric Séralini a pourtant tiré la sonnette d’alarme !
Cette proposition de loi faisant suite à un arrêté ministériel est un signe encourageant. Mais nous ne devons pas nous arrêter au milieu du gué. Une acceptation des OGM à la carte, par État membre, signifierait que les aliments OGM pourraient tout de même librement circuler sur le territoire, que les négociations du traité transatlantique seraient largement simplifiées et ouvriraient in fine la porte aux importations massives de produits américains génétiquement modifiées. Les risques sont grands pour notre souveraineté alimentaire et pour la survie des élevages de qualité en AOP ou en agriculture biologique.
Le choix de notre modèle agricole, alimentaire et même de vie est posé. La coexistence entre plantes génétiquement modifiées et agricultures conventionnelle et bio est impossible. Je prendrai l’exemple du colza résistant aux herbicides, crucifère aux nombreuses cousines se croisant et se reproduisant naturellement très rapidement, et donc véritable bombe à retardement. La contamination sera inévitable et l’augmentation concomitante de pesticides dans l’environnement incontrôlable. Nous avons pourtant une autre solution, celle de l’agro-écologie qui, tout en respectant les écosystèmes, valorise les hommes et les savoir-faire en économisant les intrants.
En France, la mutation de notre modèle agricole vers l’agro-écologie est enclenchée depuis des années et se traduit, jusque dans les plus hautes instances de notre pays, par un projet de loi sur l’avenir de l’agriculture, l’alimentation et la forêt actuellement en discussion au Parlement. Celui-ci ouvre des perspectives historiques pour réorienter notre modèle agricole vers une agronomie du XXIe siècle. Cette transformation s’inscrit résolument dans le cadre de la souveraineté alimentaire, de pratiques agricoles nouvelles, productives et respectueuses de l’environnement et des dynamiques humaines territoriales.
À l’approche de la journée internationale des luttes paysannes, le 17 avril, dédiée au combat sur les semences paysannes, je souhaiterais conclure en rappelant une phrase très juste de Vandana Shiva, écrivaine, physicienne, récipiendaire du prix Nobel alternatif et militante écologiste indienne : sous le masque de la croissance se dissimule, en fait, la création de la pénurie. Ce serait une grave erreur que de céder aux chants des sirènes des agrochimistes nous vendant des modes de production promis comme révolutionnaires, qui sont en réalité dévastateurs pour la biodiversité et les sols, s’inscrivent dans une logique industrielle peu pourvoyeuse d’emplois et condamnent les savoir-faire agricoles. La France a choisi un autre chemin. Gardons le cap et ne sabotons pas nos propres constructions !
Applaudissements sur les bancs des groupes écologisteSRC.
La proposition de loi qui nous est soumise me semble reposer sur des éléments qui ne font pas de doute et qui rendent légitime l’application du principe de précaution. Nous ne savons certes pas tout sur les effets des organismes génétiquement modifiés, en particulier sur la santé humaine. Néanmoins, en ce qui concerne les maïs modifiés MON 810 et TC 1507, il est établi qu’ils émettent une toxine destinée à protéger la plante contre certains insectes ravageurs. Or cet insecticide génétiquement intégré nuit également à des insectes qui n’en sont pas la cible, en particulier des papillons et des abeilles. Par ailleurs, les larves visées par la modification génétique développant une résistance à la toxine, les agriculteurs se trouvent incités à utiliser des pesticides plus puissants et plus dangereux pour l’environnement.
Par conséquent, il est clair que la mise en culture de plantes génétiquement modifiées présente des risques avérés sur le plan environnemental, par son impact sur la biodiversité, et sur le plan agronomique, par le risque d’apparition d’insectes résistants aux insecticides, le tout pouvant représenter des dangers sur le plan sanitaire.
La culture des maïs génétiquement modifiés, qui nous intéresse ici, nécessite donc des mesures conservatoires que cette proposition de loi établit. C’est pourquoi nous la soutiendrons. J’ajoute que les conséquences de cette culture ne sont pas seulement environnementales mais aussi économiques, par des effets destructeurs sur le secteur de l’apiculture, et qu’elle nous renvoie à un mode de production agricole intensif dont nous ne voulons plus et sans la réforme duquel la transition écologique n’a aucun sens. Nous souhaitons promouvoir une agriculture performante et compétitive, mais respectueuse de l’environnement et des écosystèmes, car l’enjeu est l’avenir de la planète et de l’humanité.
Deux aspects soulevés par cette proposition de loi constituent des sujets de réflexion. D’abord, cette affaire des maïs OGM produits par les entreprises américaines Monsanto et Pioneer a connu de nombreux rebondissements, dont nous ne sommes pas encore au terme. Il faut reconnaître une certaine constance des gouvernements français successifs à nous prémunir des maïs OGM. En effet, par deux arrêtés du 7 février 2008 et du 16 mars 2012, le gouvernement précédent a suspendu l’autorisation de mise en culture des maïs génétiquement modifiés de la variété MON 810. Le premier arrêté a été annulé par le Conseil d’État au prétexte que la clause de sauvegarde ne pouvait être invoquée, la preuve n’étant pas établie de l’imminence d’un danger sanitaire. L’arrêté était donc euro-incompatible. Le second a également été annulé par une interprétation stricte des avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments recommandant la mise en place de mesures de gestion et de surveillance des risques liés à l’utilisation du MON 810 mais excluant l’interdiction. Aucune mesure de gestion et de surveillance n’étant imposée par la réglementation européenne, tout cela relève du voeu pieux et l’on peut donc cultiver le maïs MON 810 sans aucun contrôle…
Le fond est que le lobby agro-industriel impose à l’Europe ses intérêts, comme la finance et les banques en sont capables. Le dernier exemple en date est l’autorisation accordée à l’américain Pioneer pour commercialiser son maïs TC 1507. La demande est ancienne, puisqu’elle remonte à 2001. La Cour de justice européenne a fini par prier la Commission européenne de faire une proposition. Celle-ci a proposé l’autorisation de ce maïs.
Le 16 janvier dernier, le Parlement européen, à une large majorité, s’est opposé à cette autorisation. Le 11 février, les gouvernements des États membres, qui ont un pouvoir de codécision dans le cadre du Conseil, se sont également opposés majoritairement à cette autorisation. Mais cela n’a pas suffi. Certes, dix-neuf États sur vingt-huit, représentant 60 % des voix, se sont explicitement opposés à l’autorisation et seuls cinq États ont donné leur accord, les autres ayant choisi l’abstention – notons au passage que quatre d’entre eux ne cultivent pas le maïs sur leur territoire. Mais il se trouve que, selon les règles de la majorité qualifiée, la proposition de la Commission ne pouvait être refusée qu’à une majorité de 74 % des voix, l’abstention étant assimilée à un vote positif ! Voilà comment la Commission européenne, sans aucune légitimité relevant du suffrage universel et s’étant faite le relais du lobby agro-industriel et de l’américain Pioneer, a réussi à imposer le maïs OGM TC 1507 contre l’avis du Parlement européen élu et de la majorité écrasante des gouvernements des États membres de l’Union.
Le ministre de l’agriculture a pris un arrêté interdisant la mise en culture du MON 810. C’était indispensable, car cette décision devait intervenir avant les semis du printemps et tandis que le Sénat avait voté, le 17 février dernier, une motion d’irrecevabilité repoussant une proposition de loi équivalente à celle qui nous est soumise. Les lobbies, nous le voyons, ne hantent pas que les couloirs de la Commission de Bruxelles…
Cet arrêté, pour utile qu’il soit dans l’immédiat, risque fort de connaître le même sort que ceux qui l’ont précédé et s’attirera les foudres du Conseil d’État. Quant à la présente proposition de loi, elle peut connaître un double destin : soit un recours de l’UMP, relais du lobby agro-industriel, devant le Conseil constitutionnel, faisant valoir la primauté du droit communautaire sur le droit national, soit un recours devant la Cour de justice européenne. Ou alors les deux ! Reste que si elle est adoptée par la représentation nationale, elle est en mesure de donner des moyens supplémentaires au Gouvernement, s’il en a la volonté, pour exiger un changement de la législation européenne en la matière.
L’objectif est donc d’obtenir l’interdiction de ce maïs OGM dans l’espace européen. Est-ce impossible, quand dix-neuf États sur vingt-huit sont d’accord ? Obtenons tout au moins que s’applique en la matière le principe de subsidiarité, qui permet à chacun de décider ce qu’il accepte sur son sol.
Je veux enfin vous faire part d’une préoccupation concernant le paradoxe entre la présente proposition de loi, soutenue par le Gouvernement, et les négociations en cours en vue du partenariat de libre-échange avec les États-Unis. Cet accord transatlantique, débattu depuis juillet 2013 et qui aura été sans aucun doute au coeur des discussions entre Barack Obama et François Hollande lors du récent déplacement du Président de la République aux États-Unis, est préoccupant quant à la question qui nous intéresse.
Le risque réside dans le fait que les industries de biotechnologie américaines, Monsanto et Pioneer en tête, ne nous imposent demain leurs catalogues de produits OGM autorisés par leur législation. Si nous refusons, ces multinationales seront en mesure d’obtenir de notre part et de celle de l’Europe des pénalités de plusieurs centaines de millions d’euros au nom du non-respect du traité transatlantique.
Nous ne saurions avoir deux langages et la proposition de loi que nous allons voter ne peut être en trompe-l’oeil. Elle doit être une arme en France, en Europe et à l’échelle internationale pour faire prévaloir l’intérêt général, la défense de la biodiversité et la sécurité sanitaire sur ces intérêts agro-industriels et marchands.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui doit permettre de prendre des mesures spécifiques d’urgence afin d’interdire la mise en culture du maïs génétiquement modifié. Il est en effet urgent de légiférer afin d’empêcher les semis.
Le maïs MON 810, commercialisé par la société américaine Monsanto, comporte un gène modifié qui le rend résistant aux insectes ravageurs mais porte préjudice à certains insectes non-cibles. Les dangers sont avérés et multiples, avec notamment des effets collatéraux sur des insectes tels que les lépidoptères ou les abeilles, et par suite un danger de propagation d’organismes nuisibles devenus résistants.
Je souhaite insister sur le côté irréversible d’une mise en culture de cet OGM, qui ouvre la voie à la contamination des plantes alentour et des autres types de culture et qui a pour effet final d’amoindrir la biodiversité. Je ne prendrai qu’un exemple : celui des abeilles. Celles-ci jouent un rôle vital dans la pollinisation des cultures et dans le maintien de l’équilibre écologique. Toutefois, les atteintes à l’environnement que représentent OGM et pesticides contribuent à accélérer la baisse de leur population, particulièrement inquiétante. Puisqu’il est impossible de faire coexister durablement la culture de ce maïs transgénique avec l’apiculture, une réponse claire des pouvoirs publics s’impose.
C’est pourquoi, en présence d’un risque manifeste pour l’environnement et pour la santé des espèces, le principe de précaution justifie l’adoption de mesures restrictives. Les dangers que représente la mise en culture de ce maïs OGM, soulignés par des données scientifiques fiables et par des résultats récents de la recherche, justifient une attitude prudente et responsable.
Cette voie n’est pas celle d’un parti ou celle inspirée par une quelconque posture idéologique, mais celle que prévoit notre Constitution, qui consacre le principe de précaution aux articles premier et cinquième de la charte de l’environnement.
En outre, cette proposition de loi est conforme à la politique française en matière d’OGM, cohérente avec le projet agro-écologique et respectueuse des engagements du Président de la République exprimés lors de la conférence environnementale de 2012. Alors que le ministre de l’agriculture débat à l’instant même au Sénat sur la loi d’avenir agricole, et alors que le projet de loi relatif à la biodiversité a été présenté au conseil des ministres et devrait être présenté au Parlement avant l’été, il serait contradictoire et irresponsable de ne pas interdire la mise en culture du maïs génétiquement modifié, dont le MON 810.
Cette proposition de loi répond enfin à une véritable demande émanant de nos territoires. Ainsi dès 2009, le parc naturel régional des monts d’Ardèche, en concertation avec les consulaires, au premier rang desquels la chambre d’agriculture, a affirmé sa volonté d’exclure les cultures OGM de l’ensemble de son territoire en vertu de l’article L. 335-1 du code de l’environnement. Cette volonté a été réaffirmée dans la nouvelle charte du parc, dont le décret d’application, signé par le Premier ministre, est paru en mars 2014.
En outre, le parc naturel régional des monts d’Ardèche a fait valoir que la mise en culture de maïs génétiquement modifié aurait des impacts économiques sur d’autres filières conventionnelles et biologiques, détentrices des appellations de qualité, ainsi que sur les filières qualifiées « sans OGM ». La raison en est la dissémination incontrôlée de pollen génétiquement modifié vers les autres organismes et autres cultures. Il existe donc de véritables dangers pour nos territoires.
Enfin, la région Rhône-Alpes, lors de son assemblée plénière du 20 février 2014, a adopté un voeu demandant au Gouvernement de mettre en place en urgence les mesures d’interdiction de transport, de vente des semences et de mise en culture du maïs transgénique MON 810. Nos territoires, par l’intermédiaire de leurs organes représentatifs, expriment donc une attente forte à l’endroit des pouvoirs publics et il est de notre devoir d’y répondre.
En résumé, eu égard à la plausibilité et à la gravité du risque, en application de notre Constitution, en cohérence avec la démarche gouvernementale de promotion de l’agro-écologie et conformément à une véritable demande des territoires et non à une demande politique ainsi que cela a pu être dit dans cet hémicycle, l’interdiction du maïs transgénique MON 810 est pleinement justifiée. J’ajoute qu’elle est entièrement soutenue par la totalité des députés socialistes. Ce texte n’est donc pas un problème, mais une solution qui répond à un réflexe démocratique et non idéologique.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, en février dernier, lorsque nous avons quitté ces bancs pour quelques semaines – municipales obligent –, nous étions sous le gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Les couacs et les textes mal ficelés se succédaient au Parlement ; il en allait de même pour les décrets, qui étaient régulièrement retoqués par le Conseil d’État. Avec ce nouveau gouvernement, j’aurais aimé, comme beaucoup d’autres députés je suppose, que les choses redémarrent différemment, notamment avec plus de sérieux juridique – bref, avec un peu moins d’amateurisme et un peu plus de professionnalisme. Malheureusement, je crains que vous ne soyez en train de repartir sur la même lancée. Comment penser autrement en voyant cette proposition de loi, premier texte dont nous débattons en séance depuis le changement de gouvernement ?
Nous voici en effet – j’en viens au coeur du problème – avec un texte dont la sécurité juridique est extrêmement douteuse. La méthode de travail l’est tout autant : il a fallu procéder en urgence, sous prétexte du début de la période des semis, alors que l’autorisation par l’Union européenne d’un second maïs transgénique, le TC 1507, ne saurait en aucun cas être considérée comme une surprise. Mieux : vous vous êtes permis de contourner l’avis d’une chambre de la République en redéposant exactement la même proposition de loi, comme si de rien n’était. En effet, si le Sénat a adopté l’exception d’irrecevabilité, ce n’est pas par esprit frondeur, mais bien parce que ce texte pose un problème juridique. Comme cela a déjà été dit, seule l’autorisation au cas par cas est possible. Pourtant, cette proposition de loi joue avec le droit européen en instaurant une interdiction globale.
Il en va de même pour l’existence d’un risque important, qui doit être prouvée. Je doute que les quelques paragraphes de l’exposé des motifs soient suffisants.
La décision d’interdiction généralisée de mise en culture est tout sauf anodine. C’est une vraie décision politique, qui engage l’avenir. Si l’édifice juridique sur laquelle elle repose finit par s’écrouler, ce qui sera sans doute le cas, les premiers perdants seront ceux qui ont soutenu cette décision. Ce serait totalement contre-productif.
Faire ces remarques n’est pas une façon de défendre la culture généralisée des OGM. Je le dis d’autant plus aisément que j’ai voté contre le projet de loi relatif aux OGM en 2008.
À l’époque, je réclamais un travail de fond sur la question : je déplorais que l’opportunité même des OGM, ou leur non-opportunité, n’ait pas été débattue. Je pourrais tenir le même discours sur le présent texte, car les lacunes sont les mêmes ; elles sont même encore plus criantes aujourd’hui.
Il y a pourtant de véritables questions sans réponses. La mise en culture généralisée est sans aucun doute à exclure, étant donné les incertitudes sur les risques pouvant exister. Parallèlement, la question de l’efficacité des OGM se pose, alors que les scientifiques sont en train de découvrir que des espèces ont déjà muté pour leur résister : ce qui n’était qu’une hypothèse est aujourd’hui une réalité.
Je partage certaines réticences exprimées. Néanmoins, je le répète, il faudrait d’abord organiser un véritable débat, au-delà des positions inconciliables des uns et des autres, car le débat ne doit pas se limiter à la question « pour ou contre les OGM ».
Il faudrait dans le même temps engager un travail d’influence au niveau européen, car c’est là que les choses se jouent. L’exposé des motifs préconise de régler la situation franco-française, pour qu’ensuite la France s’engage dans le débat au niveau européen. Le problème, c’est que l’Europe ne nous a pas attendus ! Je ne fais pas partie de ceux qui critiquent facilement l’Union européenne car, ici comme dans beaucoup d’autres domaines, nous avons certainement péché en nous repliant sur nous-mêmes sans nous préoccuper de ce qui se passe à Bruxelles. Comme d’habitude, nous avons subi les événements, alors que la meilleure façon de ne pas les subir est d’essayer de les influencer dans notre sens, à condition d’avoir des arguments solides et avec une portée générale.
Je crois savoir que Thierry Repentin avait, à son échelle, entamé ce travail, en essayant notamment d’obtenir la majorité qualifiée contre le projet d’autorisation, puis, à défaut, de convaincre la Commission européenne. Je ne doute pas que son successeur, Harlem Désir, aura à coeur de peser dans les négociations en amont, afin de nous éviter le plus possible ce genre de bricolage législatif qui conduit à tordre notre droit dans tous les sens pour contourner des décisions européennes.
Le manque de communication de la part du Gouvernement est une autre source d’inquiétude à mes yeux. Beaucoup de Français découvrent la position du Gouvernement à l’occasion de l’examen de ce texte ; cette position sort d’on ne sait où et ressemble plus à un bout de sparadrap pour régler un problème qu’à une vision globale des choses. C’est pourtant de cette vision sérieuse que la France aurait besoin.
La fragilité du dispositif que l’on nous demande de voter n’a rien de rassurant pour l’avenir car, comme je l’avais dit il y a cinq ans, c’est un leurre de croire que la France pourra, tel un village gaulois, résister seule aux envahisseurs OGM. Faute d’avoir su prendre les devants, nous sommes coincés entre la réalité, sur laquelle nous essayons d’influer, et la nécessité d’appliquer le principe de précaution. Alors qu’il aurait fallu un travail de longue haleine pour arriver à la meilleure solution, nous voici encore une fois les mains liées, et on nous demande de légiférer dans l’urgence. Adopter une position tranchée, à la limite, pourquoi pas ! Mais pas dans la précipitation et sans discernement ; or c’est malheureusement le cas ici.
J’ai toujours été très prudent sur les vertus supposées des OGM. Mais décréter que les OGM s’arrêteront à notre frontière est illusoire, démagogique et, en définitive, contre-productif pour l’avenir. Cette insécurité juridique et ce manque de vision ne sont ni acceptables ni tenables ; ils sont même carrément irresponsables.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, comme nous l’avons déjà répété, cette proposition de loi ne vise que certains OGM, à savoir le maïs génétiquement modifié disponible sur le marché, dont la fonction principale est de faciliter certaines formes d’agriculture intensive.
En effet, l’utilisation des OGM en Europe semble difficilement compatible avec l’existence d’exploitations de taille modeste, vu les contraintes de mise en place qui entourent ces cultures, telles qu’une distance minimale par rapport aux autres cultures pour éviter la contamination, ou encore la création d’une zone refuge permettant de retarder l’apparition de résistances chez les insectes.
Le recours aux OGM ne nous semble donc pas cohérent avec le projet d’un nouveau modèle agricole lancé par notre ministre de l’agriculture, le projet agro-écologique, qui vise une double performance économique et environnementale. Il ne semble pas non plus cohérent avec le plan « Semences et agriculture durable », ni avec le plan de développement durable de l’apiculture.
Pour étayer cet argument, il nous suffit d’observer l’agriculture dans les régions où la culture des plantes génétiquement modifiées est majoritaire, à savoir en Amérique du sud ou encore aux États-Unis. La simple observation de leur modèle agricole démontre le lien entre la culture d’OGM et l’intensification de l’agriculture. Or c’est bien ce modèle qui est critiqué par une partie de la communauté agronomique. En outre, les problèmes engendrés par ce modèle agricole ancien constituent la source même du changement appelé par bon nombre de nos concitoyens, par la communauté scientifique et par une importante partie des grands penseurs.
Par ailleurs, les semences des plantes génétiquement modifiées font l’objet de brevets qui cadenassent le travail de l’agriculteur et le privent d’un de ses droits fondamentaux, à savoir le droit de réensemencer ses champs avec le fruit de sa récolte. Voulons-nous réellement mettre nos agriculteurs pieds et poings liés entre les mains des multinationales semencières ? Contrairement aux allégations scientifiques tenues par M. Accoyer tout à l’heure, ce sont les tenants du productivisme à tout crin qui jouent aux apprentis sorciers avec notre santé, mus par le seul appât du gain.
Ainsi, vous n’êtes pas sans savoir que la population des abeilles, responsables de l’un des plus importants services écosystémiques sur lequel se base l’ensemble de notre civilisation, est actuellement en déclin. Pour exemple, la production de miel a diminué de plus de 50 % en France en vingt ans.
En outre, selon l’Union nationale de l’apiculture française, le taux de mortalité des abeilles est passé de 5 à 30 % au cours des quinze dernières années. Bien évidemment, les causes de la mortalité croissante des abeilles ne sont pas toutes connues à ce jour. Mais comment envisager que des plantes contenant des pesticides génétiquement intégrés puissent ne pas être un facteur de risque supplémentaire pour notre population d’abeilles ?
Et puisque la culture des OGM favorise les monocultures à grande échelle, quel sera l’impact d’une baisse de la biodiversité qui, rappelons-le, est plus que nécessaire pour les abeilles, mais tout aussi nécessaire pour notre société qui appuie son développement sur les matières premières ?
Mais les risques environnementaux liés à la culture des OGM visés par ce texte ne s’arrêtent pas là, et sont très bien expliqués dans l’exposé des motifs de la proposition de loi : incidences sur la biodiversité et sur les insectes non ciblés, apparition d’insectes résistants aux insecticides et d’adventices tolérantes aux herbicides… La nature étant fort bien faite et respectant forcément les lois naturelles, des organismes résistants finiront toujours pas s’adapter, même dans les milieux les plus hostiles.
C’est pour ces raisons que je voterai ce texte, dans un esprit de continuité par rapport à la position de la France vis-à-vis de ce genre de culture, mais aussi par conviction profonde, en faveur d’une alimentation saine et d’une agriculture raisonnée.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous ne sommes dupes ni du moment choisi pour l’examen de cette proposition de loi, à quelques semaines des élections européennes, ni des dissensions réelles au sein de la majorité, que cette proposition de loi a vocation à masquer.
Sur toutes les questions d’écologie, les gouvernements de François Hollande marquent le recul : dépeçage du ministère de l’écologie,…
…renvois successifs des différents ministres, parfois pour les plus mauvais motifs,…
…mise à l’arrêt des grandes politiques du Grenelle.
Depuis le début de cette discussion, on a entendu se succéder à la tribune des représentants de l’actuelle majorité. Ils nous ont parlé de biodiversité, du développement d’une agriculture plus respectueuse de l’environnement, de circuits courts, de santé environnementale – tous sujets que cette majorité a abandonnés.
Ils nous ont parlé du principe de précaution, qu’ils n’ont, pour la plupart d’entre eux, pas voté.
C’est vrai : Mme Perrin-Gaillard l’a voté, à l’époque, en prenant des distances avec son groupe, comme un certain nombre de ses collègues. Étant alors rapporteure du projet de loi constitutionnelle relatif à la Charte de l’environnement, je les avais d’ailleurs salués à cette occasion.
Il n’en reste pas moins que la plupart des membres du groupe socialiste de l’époque n’ont pas voté le principe de précaution. Or ils nous présentent aujourd’hui un texte voué, de leur propre aveu, à être annulé.
Pourtant, mes chers collègues, je ne m’opposerai pas à cette proposition de loi.
Je ne m’y opposerai pas, car je crois que la France n’a rien à gagner à la culture du Monsanto 810.
Je ne m’y opposerai pas, par cohérence avec la clause de sauvegarde pour laquelle je m’étais battue, avec d’autres, lors de la précédente législature. Et il faut bien reconnaître que les incertitudes concernant le Monsanto 810 n’ont pas été levées depuis – au contraire !
Cependant, à cette tribune et devant vous, je forme un voeu : puissions-nous ensemble, un jour, sur ces sujets, sortir des postures pour éviter la succession de décisions et de lois, toutes condamnées à être finalement annulées. Pour que ce voeu se réalise, trois conditions sont nécessaires.
Premièrement : une recherche publique de qualité, gage d’une contre-expertise autonome. Il faut bien dire que les choix du Gouvernement n’y aident pas – pas plus que ces débats à rebondissements.
Deuxièmement : forts de cette recherche reconnue, nous devrons procéder à la réforme du système d’évaluation des OGM, avec une meilleure prise en compte des impacts de long terme.
Troisième condition : la réforme du système européen d’autorisation, qui contribue à creuser le fossé de l’incompréhension entre les citoyens et l’Europe.
Une feuille de route avait été adoptée lors de la présidence française de l’Union européenne. Elle n’a pas été mise en oeuvre, et la faiblesse de la position française aujourd’hui en Europe n’y aide pas. Mes chers collègues, seule une France forte pourra faire entendre sa voix en Europe, sur ce sujet comme sur les autres.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, je veux revenir au centre de notre débat, à savoir l’utilisation d’une semence dans le cadre d’un itinéraire technique de production. Le choix d’une semence n’est pas un acte anodin. Il ne saurait non plus être isolé de ce choix technique qui vise un objectif économique, et qui doit tenir compte de l’ensemble des facteurs de production.
De tout temps, la lutte contre les maladies et contre les ravageurs, le contrôle des adventices, la mise en valeur des sols et des climats ont fait partie de ces choix et de ces critères qui ont permis aux agriculteurs et aux producteurs de retenir différents itinéraires techniques. C’est au coeur de cette problématique que doit s’analyser l’utilisation d’une semence OGM, et que nous devons soupeser les bilans coûts-avantages ou bénéfices-risques.
Or la modification génétique est une technique qui s’inscrit dans telle ou telle stratégie. En l’occurrence, quelles sont les stratégies mises en oeuvre en la matière ? Elles sont deux. Tout d’abord, celle de la résistance aux herbicides, qui permet, par sélection en quelque sorte, de protéger la culture génétiquement modifiée contre des adventices en arrosant le champ d’herbicides auxquels elle est la seule à résister.
Je parle de maïs, mon cher collègue. Vous ne mangez pas de bois de peuplier que je sache, du moins pas encore.
Sourires.
Pour l’heure, je parle d’agriculture, mais je parlerai de forêt bien volontiers avec vous, mon cher collègue, et de peupliers en particulier !
Sourires.
En matière d’agriculture, l’autre stratégie consiste à rendre la plante résistante, notamment à des insectes, en lui faisant produire par elle-même des répulsifs ou des insecticides. Ces deux grands axes stratégiques que l’on rencontre le plus souvent en matière agricole sont risqués et à courte vue. Risqués parce que nous savons que la réaction des espèces est alors de développer des résistances. Cela arrive plus ou moins vite, mais cela arrive toujours et lorsque cela arrive, on est démuni parce que l’on a créé de la résistance à nos propres armes. À courte vue parce que le producteur qui utilise cet outil technique se retrouve très rapidement dépendant de son fournisseur ainsi que du fournisseur des outils complémentaires, herbicides et pesticides. De surcroît, il sera encore plus dépendant lorsque la résistance sera installée car il lui faudra trouver d’autres outils, lesquels seront évidemment développés par les mêmes fournisseurs, qui auront prévu le deuxième coup…
Loin de moi l’idée de condamner une technique telle que la modification génétiquea fortiori la recherche et encore moins le progrès. Du haut de cette tribune, je voudrais affirmer que le procès en obscurantisme qui consiste à dire que, parce que l’on serait contre la culture d’un maïs génétiquement modifié dans certaines circonstances, on serait contre la vaccination, est intellectuellement malhonnête et inadmissible.
Loin de moi l’idée de condamner une technique. C’est comme si l’on condamnait le marteau au motif qu’il peut servir à assommer son voisin, alors qu’il permet aussi de planter un clou. Loin de moi l’idée de condamner la recherche. Étant élu d’un terroir viticole, je tiens à dire que les destructions des recherches de l’INRA en matière d’OGM pour les résistances de la vigne m’ont particulièrement scandalisé. Loin de moi l’idée de condamner à tout jamais l’utilisation de ces techniques. Mais franchement, aujourd’hui, les applications qui sont proposées ont un bilan coût-avantage défavorable. Et en responsabilité, il convient de protéger notre pays pour l’heure de cette manière-là, en attendant mieux, et de ne pas rentrer dans un mode de production dont nous ne saurions ensuite sortir indemnes.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, il nous faut aujourd’hui adopter cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame, monsieur les rapporteurs, monsieur le président de la commission, chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui vise à prolonger le moratoire voté et mis en place sous les précédentes législatures concernant le maïs génétiquement modifié. C’est un texte qui cible deux semences : le MON 810 de la société Monsanto et le TC 1507 du groupe Pioneer.
Nous nous souvenons tous qu’au sujet du MON 810, le gouvernement précédent avait pris des arrêtés en 2008 et en 2012 afin de suspendre l’autorisation de sa mise en culture.
Nous nous souvenons également que ces arrêtés ont été annulés par le Conseil d’État.
La décision du Conseil d’État du 1er août 2013 se réfère au droit européen tel qu’interprété par la Cour de justice de l’Union européenne. Il motive sa décision au prétexte « qu’une telle mesure ne peut être prise par un État membre qu’en cas d’urgence et en présence d’une situation susceptible de présenter un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l’environnement. Ce risque doit être constaté sur la base d’éléments nouveaux reposant sur des données scientifiques fiables. »
Or nous savons très bien que la culture du MON 810 présente des risques environnementaux incontestables. L’Autorité européenne de sécurité des aliments a d’ailleurs pointé ces risques environnementaux : apparition de résistance à la toxine Cry l Ab chez les papillons, entraînant l’usage d’insecticides provoquant des dégâts environnementaux plus élevés encore ; réduction de la population de papillons sur des territoires entiers.
Les rapports de surveillance annuels remis à la Commission européenne et aux États membres montrent, s’il en était besoin, que Monsanto refuse de mettre en oeuvre les recommandations de cette même Autorité européenne de sécurité des aliments au motif qu’il n’existe pas de dispositions rendant ces recommandations contraignantes.
De plus, tout le monde sait bien aujourd’hui que la culture de maïs OGM a un impact sur les autres filières agricoles conventionnelles ou biologiques ainsi que sur la filière apicole.
Alain Fauconnier, dans son excellent rapport sénatorial, a pointé les dangers de ce type de culture pour l’apiculture : « La mise en culture d’organismes génétiquement modifiés obligerait les apiculteurs à éloigner leurs ruches de ces parcelles, entraînant ainsi des conséquences néfastes pour la production apicole. En effet, les apiculteurs doivent placer leurs ruches librement afin de bénéficier de plantes avoisinantes riches en nectar et en pollen. La mise en culture du maïs MON 810 viendrait donc en contradiction avec les mesures prises ailleurs pour soutenir cette filière affectée depuis une vingtaine d’années par de graves problèmes de santé des abeilles ainsi que par une baisse constante de la production de miel. »
Il est donc devenu urgent d’interdire la mise en culture du maïs MON 810 comme il est aussi urgent d’interdire le maïs TC 1507.
Je ne reviendrai pas sur le vote rocambolesque de l’autorisation de la culture du TC 1507 au niveau européen. Souvenons-nous seulement que dix-neuf États membres sur vingt-huit s’y sont opposés, que quatre se sont abstenus et que cinq ont voté pour dont la Suède, la Finlande et l’Estonie, bien connus pour leurs cultures céréalières. Si l’un de nos collègues a goûté au maïs produit dans la taïga estonienne, je l’invite à nous faire part de son expérience.
Or malgré le résultat de ce vote très controversé, la culture du TC 1507 est désormais considérée comme autorisée. C’est le moment où M. Tonio Borg, commissaire européen à la santé, a déclaré à Paris, le 8 avril dernier, qu’il était très confiant sur sa possibilité de rallier la France au projet de la Commission. M. Borg nous a présenté le projet du nouveau règlement défendu par la Commission depuis 2010.
Selon lui, ce nouveau règlement donnerait plus de pouvoir à chaque État pour interdire la culture d’un OGM « en s’appuyant sur des motifs socio-économiques ou d’aménagement du territoire et non plus sur des raisons liées à l’environnement et à la santé ».
C’est un raisonnement assez curieux que celui du commissaire à la santé qui prétend qu’invoquer, comme la France, des clauses de sauvegarde serait contre-productif, dans la mesure où ces clauses de sauvegardes seraient d’une légalité sujette à caution car non justifiées scientifiquement. Et M. Borg affirme que ce nouveau règlement permettrait de résoudre les problèmes juridiques de la France. De tels conseils juridiques me laissent perplexe. La France est un État membre de l’Union européenne, mais c’est un État souverain qui a adopté, notamment, dans sa Constitution le principe de précaution.
C’est un État qui tire vers le haut sa législation en matière de protection environnementale et c’est surtout un pays qui demeure un modèle pour sa diversité agricole et biologique.
Notre pays détermine sa politique agricole et l’on ne peut que se réjouir du fait qu’aucun gouvernement français n’a jamais accepté que l’on nous impose la culture d’OGM.
Si tel devait être le cas, nos agriculteurs seraient dans la main des firmes privées développant les OGM. Introduire le maïs OGM, c’est menacer nos territoires, notre diversité agricole, notre ruralité et remettre en cause la prééminence accordée à la qualité de nos produits alimentaires et agro-alimentaires traditionnels. C’est la raison pour laquelle je vous invite à adopter aujourd’hui cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La proposition de loi que nous examinons cet après-midi vient en discussion alors que deux arrêtés ministériels ont été rejetés par le Conseil d’État dans les années passées. Ces arrêtés avaient été pris parce que le maïs transgénique Monsanto suscitait quelques interrogations.
Selon le Conseil d’État, dans la mesure où il n’existait aucune donnée scientifique nouvelle permettant de justifier ces arrêtés, ils devaient être cassés. C’est ainsi que dans l’urgence vous proposez une loi dont chacun sait qu’elle sera éphémère car elle est clairement anticonstitutionnelle. N’ayant pas le pouvoir de vous faire renoncer à ce projet, je vous proposerai quelques remarques.
Si vous recourez à l’urgence, c’est pour empêcher que l’on utilise la semence Monsanto. Vous avez raison, à ceci près que le semis de maïs est terminé en France ; encore quinze jours et cela sera terminé.
Début mai, cela sera à peu près terminé. Le prochain semis de maïs sera pour l’année 2015. C’est juste une remarque que je livre au passage.
En tout état de cause, la loi ne réglera pas le problème de l’année 2014 et en 2015, il est probable que cette loi n’existera plus.
Deuxième remarque. Il est vrai que cet OGM peut avoir des effets néfastes sur les lépidoptères autres que ceux qu’il cible. Il peut être dangereux pour les abeilles, pour les hyménoptères. Mais, par principe, un OGM est créé pour essayer de limiter l’usage des intrants, que ce soient l’eau, les engrais, les pesticides, les insecticides. C’est la règle du jeu qui prévaut en matière d’invention d’OGM. Ce qui signifie que si l’on n’utilise pas les OGM, on aura des méthodes plus classiques. S’il n’y a pas d’OGM, il y aura plus d’intrants.
Pour cette année en tout cas, les OGM seront donc remplacés par des insecticides. Pensez-vous que les insecticides qui seront utilisés respecteront les autres lépidoptères ou les hyménoptères ? Je vous pose la question, mais je pense que, tout comme moi, vous connaissez la réponse. Ces quelques remarques sont très simples, mais permettent d’aller au fond du sujet.
Pour ma part, je considère que l’on hiérarchise mal les priorités dans notre pays. Le sujet des OGM est clairement passionnel. Mais, rien que ces dernières semaines, je viens d’apprendre que deux événements environnementaux nés de l’activité humaine sont extrêmement dangereux pour notre pays et s’y développent.
Il y a une vingtaine d’années, vous le savez, les ormes ont tous disparu en France en raison d’une maladie cryptogamique. Or en ce moment – je suis du nord-est –, une maladie due à un champignon se répand sur les frênes.
Elle se répand à toute allure et finira par détruire tous les frênes de France. Son origine est liée au commerce de bois avec la Pologne. Sur ces sujets, on est inopérant et ce n’est pas une affaire de gauche ou de droite. C’est un vrai sujet dont on ne s’occupe pas vraiment.
Autre exemple. Nous sommes en train de découvrir des colonies de plathelminthes – je parle devant une consoeur – qui sont en train de dévorer les lombrics dans bon nombre de territoires ruraux. Le lombric – je parle devant des agriculteurs – est fondamental dans l’équilibre des terrains. Ces plathelminthes sont arrivés dans notre pays dans des pots de fleurs, de plantes importées par des marchands spécialisés dans la botanique, et se sont ensuite répandus dans la nature. On peut également parler des tortues de Floride, etc.
Bref, le commerce entraîne un grand nombre de pollutions, très mal contrôlées, infiniment plus dangereuses sur le plan écologique que les OGM. Entendons-nous bien, je ne suis absolument pas un « fondu » des OGM ;simplement, je considère qu’il y a beaucoup de sujets dont on ne s’occupe pas et que l’on s’occupe beaucoup, voire beaucoup trop, de ce sujet-là, pensant qu’il y a un danger alors que l’on n’en est pas sûr.
Nous devrions sortir de la posture pour examiner cette question sans a priori. Il nous faut des réponses scientifiques s’appuyant, comme le soulignait Nathalie Kosciusko-Morizet, sur la recherche publique de façon que les validations de projets liés aux OGM soient irréfutables et puissent être admises par l’ensemble de concitoyens. Or, aujourd’hui, ce sujet déchaîne de telles passions que nous ne sommes pas en mesure de nous situer dans ce cadre-là. C’est bien dommage. C’est vers la recherche de la légitimité scientifique que l’action gouvernementale devrait se tourner plutôt que vers cette opération dont on peut penser qu’elle est avant tout politicienne.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, le principe de précaution est inscrit dans l’article 5 de la Charte de l’environnement de 2005, et il a valeur constitutionnelle. Bien qu’autoriser ou refuser la mise sur le marché d’OGM soit une compétence qui revient formellement à la Commission européenne, la France a le droit de faire jouer sa clause de sauvegarde et il n’est pas interdit d’avoir, à Bruxelles comme à Paris, une position stable et cohérente sur ce sujet. J’insiste sur le fait que la validité de la clause de sauvegarde au regard du droit européen est une question indépendante de celle de son adoption en droit interne.
Après l’issue déplorable qu’a connue la proposition de loi de notre collègue sénateur Alain Fauconnier, le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt a pris un arrêté interdisant le MON 810 au nom du principe de précaution. C’était la responsabilité du Gouvernement d’agir en ce sens avant que la période des semis n’arrive. Et nous nous sommes félicités de cette décision. Elle a aussi été un soulagement pour une très grande majorité des Français, qui ne veulent pas d’OGM dans leur assiette et qui s’opposent à ce que l’on prenne le risque d’une dissémination incontrôlable d’OGM sur les parcelles et les cultures voisines d’un champ de maïs transgénique.
À présent, il appartient au législateur de prendre le relais afin de sécuriser la décision de la France de poursuivre son moratoire sur le MON 810. La loi se substituera au décret. La logique et l’ordonnancement juridique se trouvent donc respectés. Il n’y a pas à rougir de cela, à moins de vouloir, comme la droite au Sénat, se cacher derrière son petit doigt en invoquant la sacro-sainte autorisation formelle émanant de la Commission. Il faut se battre avec ses armes et c’est ce que la majorité présidentielle fait actuellement en assumant ses convictions, en respectant l’avenir de nos enfants, en faisant tout simplement preuve de prudence. Nous sommes loin d’un état d’esprit politicien visant à faire trébucher, le temps d’une demi-journée, une position politique claire que la gauche comme la droite ont défendue, à la tête du pays, et qui correspond à la volonté du peuple.
L’épiphénomène médiatique qui consistait à faire adopter une exception d’irrecevabilité n’avait pas de sens s’agissant d’un tel sujet, qui engage plusieurs générations. Il a beau être clivant, il est trop grave : ce sont la sécurité alimentaire, la santé publique et la protection de l’environnement qui sont en jeu.
Les positions prises en commission comme dans cet hémicycle contribuent à soutenir la démarche de la France auprès de nos partenaires européens, laquelle consiste à leur proposer un nouveau cadre communautaire d’autorisation des mises en culture d’OGM. Cela peut paraître accessoire mais cela n’a rien d’anodin. Nous rappelons ainsi qu’une partie de la représentation nationale ne tolère pas qu’une minorité d’États s’arroge, dans les faits, le droit d’autoriser des mises sur le marché d’organismes génétiquement modifiés, au mépris de la position prise par le Parlement européen.
Au-delà des considérations liées aux enjeux européens, qu’ils soient politiques ou juridiques, mais aussi de la position claire du Gouvernement sur le moratoire du MON 810, je voudrais rappeler combien il est important d’inscrire notre proposition de loi dans la dynamique initiée par le Gouvernement pour favoriser le développement de l’apiculture et la lutte contre le déclin des pollinisateurs. Le Président de la République avait d’ailleurs établi ce lien lors de la conférence environnementale de 2012, en évoquant la prévention des risques environnementaux et économiques pour l’apiculture. C’est un enjeu connexe de l’interdiction du MON 810.
Nous savons que les abeilles sont indispensables à la vie de 80 % des plantes cultivées. Nous savons aussi qu’en une seule journée, une abeille butine des centaines de fleurs, sur un rayon de plusieurs kilomètres. Le déclin des pollinisateurs met en danger l’ensemble de la vie végétale pour laquelle les abeilles sont essentielles. Dans ces conditions, il est impératif d’avoir une filière apicole dynamique. C’est l’ambition du Gouvernement d’en assurer l’avenir.
Poursuivre le moratoire sur le MON 810, c’est préserver la filière apicole qualifiée sans organismes génétiquement modifiés.
La volonté de développer l’apiculture et de préserver les abeilles ne date pas d’hier. Le Grenelle I de 2009 devait conduire à l’adoption d’un plan d’urgence en faveur de la préservation des abeilles. Il ne devait pourtant pas être si urgent que cela puisqu’il n’avait toujours pas vu le jour lorsque notre majorité est arrivée aux responsabilités ! Et je veux ici saluer l’action de Stéphane Le Foll qui, dès sa nomination, a interdit le Cruiser OSR et a fait ensuite en sorte que le plan de développement durable de l’apiculture voie le jour.
Je termine, monsieur le président, en soulignant combien il est important d’être unis sur ce texte. Il s’agit d’envoyer un message au niveau européen : la représentation nationale ne veut pas que notre territoire accueille le MON 810. À notre échelle, il faut impérativement apporter un soutien massif au Gouvernement qui réclame un nouveau cadre réglementaire, sans quoi nous continuerons d’exposer les générations futures à des autorisations données aux nouvelles demandes de mise sur le marché d’OGM.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, mes chers collègues, alors que nous nous apprêtons à passer à la discussion des articles, je tiens à redire que le groupe UMP ne peut cautionner le fait que nous légiférions alors que la Constitution ne nous en donne pas la possibilité. Lorsque nous déposons des amendements qui modifient ne serait-ce que d’un centime le budget de l’État, on nous oppose l’article 40 de la Constitution et nous obtempérons, tous autant que nous sommes. Ici, la Constitution deviendrait tout d’un coup facultative : cela, nous ne pouvons l’accepter. C’est la raison pour laquelle le groupe UMP, refusant de participer à la suite de ce débat, va se retirer.
M. Herth sort de l’hémicycle, représentant l’ensemble du groupe UMP à lui tout seul !
La parole est à M. le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question des organismes génétiquement modifiés constitue l’une des plus sensibles que notre assemblée est amenée à traiter. Ce sujet transversal concerne bien des thématiques : l’environnement, l’agriculture, la santé, la recherche scientifique. La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a été saisie au fond du texte dont nous débattons en raison de sa dimension environnementale avérée et des préoccupations de développement durable qui lui sont liées.
La réglementation des OGM est à la croisée du droit européen et du droit national : s’il ne renvoie pas directement à l’épineuse question de la subsidiarité, ce sujet s’inscrit néanmoins dans un partage de compétences comme le montrent différents projets de révision de la directive OGM de 2001, qui tendent à laisser aux États membres la possibilité d’interdire la culture d’OGM sur leur territoire en se fondant sur d’autres motifs que l’environnement ou la santé.
Malgré les contraintes de temps, notre rapporteure Geneviève Gaillard a accepté son rôle en raison notamment de son engagement, connu de longue date, en faveur de la préservation de la biodiversité.
Je ne reviendrai pas sur les explications relatives à l’évolution récente du droit européen, sauf pour souligner certaines interrogations : comment une décision du Conseil européen peut-elle être bloquée par cinq pays, dont certains sont tout à fait étrangers à la culture d’une céréale comme le maïs, si ce n’est par position idéologique et alors même que dix-huit pays se sont prononcés de la même manière que la France ?
Mais le sujet des plantes génétiquement modifiées tend aussi à opposer les études, les conclusions ou le regard des organismes européens et des organismes français. Les conclusions de l’Agence européenne de la sécurité alimentaire, l’EFSA, et celles de l’ANSES ou du Haut conseil des biotechnologies diffèrent ou ne sont pas en phase. Personnellement, j’ai plutôt confiance dans les avis et les recommandations de l’ANSES dont l’impartialité et l’excellence des méthodes ne sont plus à souligner.
C’est d’ailleurs ce qui explique le dépôt, en décembre 2012, d’une proposition de résolution au titre de l’article 34-1 de la Constitution sur les risques sanitaires et environnementaux insuffisamment documentés, dans laquelle, je le rappelle, nous demandions deux choses : d’une part, que les études sur les effets sanitaires à long terme de la consommation de plantes génétiquement modifiées et des pesticides associés soient engagées grâce à des fonds publics et soient menées par des laboratoires indépendants de leurs fabricants, que soient définis, en toute transparence, des protocoles d’investigation et que les résultats de ces études soient rendus publics et fassent l’objet d’un débat contradictoire ; d’autre part, que toutes les mesures appropriées soient prises afin de permettre aux agences de sécurité sanitaire de mobiliser des financements en vue d’une recherche publique, indépendante et transparente, seule de nature à consolider les connaissances scientifiques sur les risques sanitaires et environnementaux insuffisamment documentés.
Les décisions prises par le Gouvernement français à quatre reprises pour interdire la commercialisation, l’utilisation et la culture d’une variété de maïs OGM reposent avant tout sur une appréciation que nous partageons tous concernant les risques liés au maïs MON 810, qui doivent conduire à l’application du principe de précaution.
Si les arrêtés ministériels de décembre 2007, de février 2008 et de mars 2012 ont été annulés par le Conseil d’État, en 2011 puis en 2013, c’est au nom d’une « erreur manifeste d’appréciation », au regard de l’avis de l’EFSA, et en considérant qu’il n’y avait pas de risque manifeste pour l’environnement. Or de nouvelles études scientifiques soulignent bien les impacts sur l’acquisition de résistances par les insectes ravageurs et sur la mortalité d’autres insectes sensibles comme les lépidoptères. Nous n’avons déjà que trop tardé à reconnaître les liens de causalité entre l’utilisation irraisonnée de produits phytosanitaires et la mortalité des abeilles : ne prenons pas de nouveaux risques !
Je regrette que nos débats en commission n’aient pas traité de réflexions simples : quel type d’agriculture voulons-nous pour les prochaines décennies ? Ne faut-il pas privilégier un projet agro-écologique pour la France ? Quels risques sommes-nous prêts à accepter et pour quels avantages ? En d’autres termes, les performances attendues des OGM doivent-elles ou non céder le pas devant les considérations environnementales ? N’oublions pas, en effet, que la propension fréquente à opposer performance écologique et performance économique n’est pas porteuse d’avenir.
Nos débats ont été anormalement tendus parce que certains ont voulu mettre l’accent sur deux critiques, l’une portant sur le fond, l’autre sur le calendrier. Or, aucune n’est fondée. Sur le fond, faut-il rappeler que tous les gouvernements, quelle que soit leur tendance politique, ont pris les mêmes arrêtés d’interdiction ? M. Stéphane Le Foll aujourd’hui se trompe-t-il alors que M. Bruno Le Maire avait raison hier ? S’agissant du calendrier, la situation actuelle de blocage et l’imminence des semis appelaient une initiative pour mettre en place un dispositif conservatoire. C’est ce qui explique l’urgence de nos travaux.
Enfin le groupe écologiste a déposé le 27 février une autre proposition de loi visant à interdire la mise en culture de toute plante génétiquement modifiée et aurait souhaité que les deux textes soient débattus ensemble. Or les délais de procédure et la suspension des travaux parlementaires en mars n’ont pas permis d’inscrire cette seconde proposition de loi à l’ordre du jour de la commission et encore moins à l’ordre du jour de notre assemblée. Mais la réunion du 26 février a donné l’occasion au groupe écologiste de déposer des amendements sur le texte no 1797 et, de toute façon, nos débats ont permis d’aborder cette question.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà les raisons pour lesquelles la commission du développement durable demande à l’Assemblée d’adopter le texte en discussion.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires européennes.
Je tiens à rappeler que la commission des affaires européennes, chaque fois qu’elle a traité de la question des OGM, a estimé que celle-ci ne supposait pas d’autre traitement que celui qui est proposé aujourd’hui.
Par ailleurs, puisque certains ne semblent pas l’entendre, je rappelle que le Parlement européen a lui aussi voté majoritairement dans le sens de l’interdiction des OGM, donc dans le sens du moratoire. Nous sommes donc pleinement en cohérence avec ceux qui représentent les citoyens de l’Union européenne dans toute leur diversité. De ce point de vue, voter ce texte a du sens, même si les écologistes, comme l’a rappelé le président de la commission du développement durable, prônent une interdiction des OGM – une interdiction de leur utilisation en plein champ, qui n’implique nullement d’empêcher les laboratoires de poursuivre leur travail en matière de recherche et d’innovation.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique de la proposition de loi.
Cette proposition de loi qui prévoit l’interdiction de la mise en culture du maïs génétiquement modifié MON 810 s’inscrit dans la continuité de la politique menée depuis 2007. La loi de 2008, portée par Jean-Louis Borloo, alors ministre de l’écologie, a permis de sortir en toute lucidité et en toute conscience de dix années pendant lesquelles la situation des biotechnologies agricoles fut une situation de non-droit. Sur ce sujet complexe, polémique et passionné, elle a permis de construire un cadre juridique responsable à moyen et à long termes.
Les biotechnologies font partie des perspectives incontournables du XXIe siècle. Elles comptent déjà parmi les techniques qui auront le plus d’incidence sur nos activités, nos conceptions du vivant et sur nous-mêmes. Il s’agit de faire de ces technologies ce que nous voulons, non de nous y soumettre. Le débat sur les OGM s’inscrit dans cette démarche : il s’agit de regarder avec lucidité les progrès que permettent les OGM, tout en se prémunissant des risques qu’ils recouvrent. En ce sens, l’innovation ne saurait être freinée : il est essentiel de poursuivre la recherche afin de parvenir à modifier génétiquement des plantes pour en accroître substantiellement le rendement, en améliorer la valeur nutritive, les rendre résistantes à la sécheresse ou à l’eau salée, pour un coût raisonnable.
Mais force est de constater qu’aujourd’hui, beaucoup d’interrogations demeurent sur les effets du maïs génétiquement modifié, sur le plan sanitaire et environnemental, ainsi que sur le risque de contamination des cultures voisines. L’état de nos connaissances scientifiques n’est donc pas très différent de celui qui avait conduit le précédent gouvernement à décréter un moratoire sur les cultures OGM en février 2008, puis en mars 2012, tous deux annulés par le Conseil d’État. Aujourd’hui, nous ne pouvons plus nous satisfaire du recours aux clauses de sauvegarde et aux moratoires, car ils ne sécurisent pas les décisions que nous prenons. Il faut mettre en place des critères objectifs afin que chaque État puisse prendre des décisions juridiquement fondées à l’échelle européenne.
Je m’étais inscrite sur cet article afin de répondre à nos collègues de l’opposition qui, depuis, ont quitté l’hémicycle – ce que je regrette !
Mais nous sommes là, et nous faisons partie de l’opposition – opposition constructive !
Nous sommes réunis aujourd’hui pour débattre de cette proposition de loi parce que nous sommes en réalité confrontés à une guérilla juridique dans laquelle les décisions souveraines du peuple français en matière de moratoires sur les OGM sont en permanence contestées par Monsanto et par un certain nombre de lobbies qui mènent, arrêté après arrêté, des batailles en annulation de nos décisions, nous amenant aujourd’hui au vote de cette loi. Je pense que nous devons l’assumer car ce n’est qu’une étape dans cette bataille : nous savons que ce combat n’est pas terminé.
Je veux par ailleurs déplorer la régression à laquelle nous avons assisté dans ce débat : nous aurions dû nous montrer unanimes pour reconduire le moratoire interdisant la mise en culture du maïs OGM MON 810 sur le territoire français. Nous sommes arrivés aujourd’hui au terme du « concours de lâcheté » qui avait été dénoncé en 2008 : à l’époque, j’avais pour ma part, et je l’assume parfaitement, soutenu Nathalie Kosciusko-Morizet, laquelle a défendu tout à l’heure une position malheureusement isolée au sein de son groupe. Il est particulièrement dommage que l’on ait assisté cet après-midi à la remise en cause de ce qu’avait décidé le Grenelle de l’environnement sur cette question des OGM.
Je le regrette profondément car ce que nombre de nos collègues ont dit sur la question européenne est réel : aujourd’hui, en effet, la vraie question porte sur les études de long terme sur les OGM et sur l’indépendance de l’expertise – on sait que les lobbies sont dans l’expertise : c’est bien là le problème ! La vraie question est celle de l’étude des effets cumulés des OGM et des pesticides ; la vraie question est celle des critères – pas simplement de l’impact sur la santé et sur l’environnement, mais aussi de l’impact économique, de l’impact sur les filières agricoles traditionnelles et sur les filières d’agriculture biologique qui doivent être prises en considération. Je trouve que, dans ce moment où la France fait des propositions dans le débat européen sur l’évolution de la directive européenne, nous aurions été plus forts avec une position unanime du Parlement français pour le maintien du moratoire.
« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Cet amendement a pour objet de substituer aux mots « des variétés de maïs génétiquement modifié » les mots « de plantes génétiquement modifiées (… ) ». Je vous remercie, monsieur le président de la commission du développement durable, d’avoir rappelé que nous avions déposé une proposition de loi qui allait dans ce sens. Je vous remercie également d’avoir rappelé que c’est d’abord et avant tout un choix de société : quelle agriculture voulons-nous ? Quelle agriculture pour quelle alimentation ? Voilà le problème de fond !
Je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été dit cet après-midi. Cela étant, chers collègues, je vous ai attentivement écoutés : vous n’avez cessé d’évoquer les « OGM », les « plantes OGM » – et quelquefois seulement, vous avez parlé du « maïs » : c’est restrictif, car cela ne concerne pas que le maïs. Allons-nous faire une loi pour chaque plante OGM ? Compte tenu de ce que j’ai entendu, je pense que vous ne pouvez qu’adopter le présent amendement, car sinon ce serait incompréhensible.
La commission a rejeté cet amendement. La présente proposition de loi est en effet un texte pragmatique, qui a un périmètre particulier : nous nous en tenons au maïs pour aujourd’hui.
Il est vrai néanmoins que le débat sur d’autres plantes génétiquement modifiées est tout à fait légitime : quelle agriculture voulons-nous, comment voulons-nous avancer ? Ces sujets sont bien plus larges que celui que nous défendons aujourd’hui. Mais il y a urgence car nous ne voulons pas arrêter ce moratoire, ni que du maïs génétiquement modifié soit demain emblavé dans notre pays. Voilà pourquoi la commission a refusé cet amendement, même si le débat peut se poursuivre au Parlement sur d’autres plantes.
Avis identique, monsieur le président.
Je souhaite dire à Mme Allain que si chacun comprend ce qu’elle veut dire – nous parlions tous en effet de « plantes génétiquement modifiées » –, il n’en demeure pas moins que ce dispositif juridique est à l’évidence fragile. Si la loi devait concerner toutes les plantes génétiquement modifiées, nous serions alors sûrs du résultat : nous n’aboutirions jamais car la loi serait invalidée ! Autant nous comprenons votre bonne intention, madame Allain, autant cet amendement n’est pas recevable en l’état.
J’ai du mal à comprendre votre pragmatisme : le pragmatisme voudrait au contraire que l’on adopte cet amendement. Je ne vois pas pourquoi le texte que nous examinons aujourd’hui risque davantage l’invalidation s’il concerne les « plantes génétiquement modifiées » plutôt qu’une seule espèce génétiquement modifiée ! M. le président de la commission du développement durable a expliqué qu’il n’a pas été possible, pour des raisons de délais, d’examiner en même temps et de fusionner les deux propositions de loi. Les réponses que vous nous avez apportées ne me satisfont pas : je maintiens donc mon amendement.
L’amendement no 3 n’est pas adopté.
L’article unique est adopté.
Cet amendement portant sur le titre repose sur la même argumentation que le précédent amendement. Je suis vraiment désolée que nous ne puissions pas avancer ensemble sur cette question des OGM parce que nous voyons bien, après tout ce qui a été dit dans cet hémicycle, que nous sommes parfaitement d’accord sur le fond.
L’amendement no 2 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La proposition de loi est adoptée.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans le domaine de la justice et des affaires intérieures.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron