En effet, après quatre ministres de l’environnement en deux ans, nous avons besoin de stabilité… J’espérais donc que l’absence du ministre de l’agriculture n’était pas liée à un quelconque embarras. Vous nous avez rassurés sur ce point, monsieur le secrétaire d’État, et en ce qui me concerne je n’ai plus aucun doute.
Ce maintien à l’ordre du jour nous semble créer un cadre favorable à l’examen de ce texte qui était nécessaire compte tenu de l’urgence, de l’importance et de la sensibilité du sujet des organismes génétiquement modifiés sur notre territoire.
Nous le savons, les OGM ont toujours suscité des débats passionnés au sein de notre société, et notre hémicycle s’en est souvent fait, et il y a quelques instants encore, le réceptacle. Ces passions sont légitimes et reflètent l’importance de ces questions non seulement pour les consommateurs, les agriculteurs et le secteur agroalimentaire, mais aussi dans le domaine de l’environnement et de la sécurité sanitaire. Mais, précisément, ces enjeux sont tels qu’il est du devoir du législateur de les aborder avec sérieux et responsabilité. Aujourd’hui plus que jamais, ce débat doit avoir lieu dans les conditions les plus objectives et les plus sereines possibles, car elles seules permettront à la raison de prendre le pas sur la passion.
Prendre le pas sur la passion, c’est fonder nos décisions sur une expertise scientifique impartiale, légitime et acceptée par tous. C’est faire usage du principe de précaution, consacré par notre Constitution, au seul regard de la connaissance scientifique et de son évolution. C’est accepter de prendre en compte l’ensemble des critères, environnementaux mais aussi économiques, sociaux et éthiques, avant de former notre décision. C’est enfin redonner au débat public sa dimension démocratique et pédagogique, au service des Français.
C’est dans cet esprit que nous avons été nombreux dans cet hémicycle, gauche et droite confondues, à travailler sur la loi du 25 juin 2008 relative aux OGM. Cette loi a marqué une avancée majeure et je tiens à rendre hommage à celui qui en a été l’artisan lorsqu’il était ministre d’État ministre de l’écologie, Jean-Louis Borloo, à qui nous voulons dire de nouveau notre reconnaissance et notre soutien.
Permettez-moi de rappeler succinctement les étapes qui ont permis de forger la position de la France sur ce sujet sensible. Dès 2007, lors du Grenelle de l’environnement, un consensus avait émergé entre l’ensemble des parties prenantes en faveur d’un gel des autorisations, en particulier concernant le maïs MON 810. S’appuyant sur un rapport du comité de préfiguration pour une haute autorité sur les OGM faisant état de « doutes sérieux quant aux conséquences environnementales, sanitaires et économiques » de sa culture, le Gouvernement avait obtenu auprès de Bruxelles l’application de la clause de sauvegarde et avait interdit la culture de ce maïs sur le territoire national.
Dans ce contexte, la loi de 2008 a ensuite été porteuse d’une grande ambition démocratique. Elle a permis de réaffirmer les principes de transparence et de responsabilité, de fonder le processus de décision publique sur un nouveau modèle d’expertise et de consacrer la liberté de chacun de produire et de consommer avec ou sans OGM. Elle a surtout permis de sortir en toute lucidité et en toute conscience de dix années d’une situation de non-droit pour les biotechnologies agricoles.
Aujourd’hui, nous devons aller plus loin et adapter encore notre législation pour aboutir à un cadre juridique rénové et protecteur pour le consommateur, l’agriculteur et l’ensemble de l’industrie agroalimentaire. À cette occasion, le groupe UDI réaffirme son impatience devant l’inaction gouvernementale dans le domaine du développement durable. Nous espérons que l’arrivée au ministère de l’écologie de Ségolène Royal permettra de faire enfin avancer les dossiers qui sont restés au point mort depuis presque deux ans, à l’image du texte sur la transition énergétique, de la loi sur la biodiversité et, plus généralement, de l’ensemble des mesures urgentes à mettre en oeuvre pour voir émerger une véritable croissance verte dans notre pays.
Malheureusement, ce texte d’opportunité, déposé et examiné en urgence, ne répond pas à cette nécessité de rouvrir un grand débat sur les OGM. Il se cantonne à inscrire dans la loi l’interdiction prise par trois arrêtés depuis 2008. S’agissant du MON 810, le débat est loin d’être nouveau et la France a toujours fait preuve d’une certaine continuité dans ses positions, en prenant des arrêtés d’interdiction en 2008, 2012 et 2014. Les deux premiers arrêtés ayant été annulés par le Conseil d’État respectivement en 2011 et 2013, vous faites le choix de passer par la loi. Malheureusement, je crains que cela ne change rien à la situation d’insécurité juridique. À cet égard, il est regrettable que cette procédure de la proposition de loi exonère le Gouvernement de la production d’une étude d’impact qui aurait pu nous éclairer sur ce point.