Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame, monsieur les rapporteurs, monsieur le président de la commission, chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui vise à prolonger le moratoire voté et mis en place sous les précédentes législatures concernant le maïs génétiquement modifié. C’est un texte qui cible deux semences : le MON 810 de la société Monsanto et le TC 1507 du groupe Pioneer.
Nous nous souvenons tous qu’au sujet du MON 810, le gouvernement précédent avait pris des arrêtés en 2008 et en 2012 afin de suspendre l’autorisation de sa mise en culture.
Nous nous souvenons également que ces arrêtés ont été annulés par le Conseil d’État.
La décision du Conseil d’État du 1er août 2013 se réfère au droit européen tel qu’interprété par la Cour de justice de l’Union européenne. Il motive sa décision au prétexte « qu’une telle mesure ne peut être prise par un État membre qu’en cas d’urgence et en présence d’une situation susceptible de présenter un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l’environnement. Ce risque doit être constaté sur la base d’éléments nouveaux reposant sur des données scientifiques fiables. »
Or nous savons très bien que la culture du MON 810 présente des risques environnementaux incontestables. L’Autorité européenne de sécurité des aliments a d’ailleurs pointé ces risques environnementaux : apparition de résistance à la toxine Cry l Ab chez les papillons, entraînant l’usage d’insecticides provoquant des dégâts environnementaux plus élevés encore ; réduction de la population de papillons sur des territoires entiers.
Les rapports de surveillance annuels remis à la Commission européenne et aux États membres montrent, s’il en était besoin, que Monsanto refuse de mettre en oeuvre les recommandations de cette même Autorité européenne de sécurité des aliments au motif qu’il n’existe pas de dispositions rendant ces recommandations contraignantes.
De plus, tout le monde sait bien aujourd’hui que la culture de maïs OGM a un impact sur les autres filières agricoles conventionnelles ou biologiques ainsi que sur la filière apicole.
Alain Fauconnier, dans son excellent rapport sénatorial, a pointé les dangers de ce type de culture pour l’apiculture : « La mise en culture d’organismes génétiquement modifiés obligerait les apiculteurs à éloigner leurs ruches de ces parcelles, entraînant ainsi des conséquences néfastes pour la production apicole. En effet, les apiculteurs doivent placer leurs ruches librement afin de bénéficier de plantes avoisinantes riches en nectar et en pollen. La mise en culture du maïs MON 810 viendrait donc en contradiction avec les mesures prises ailleurs pour soutenir cette filière affectée depuis une vingtaine d’années par de graves problèmes de santé des abeilles ainsi que par une baisse constante de la production de miel. »
Il est donc devenu urgent d’interdire la mise en culture du maïs MON 810 comme il est aussi urgent d’interdire le maïs TC 1507.
Je ne reviendrai pas sur le vote rocambolesque de l’autorisation de la culture du TC 1507 au niveau européen. Souvenons-nous seulement que dix-neuf États membres sur vingt-huit s’y sont opposés, que quatre se sont abstenus et que cinq ont voté pour dont la Suède, la Finlande et l’Estonie, bien connus pour leurs cultures céréalières. Si l’un de nos collègues a goûté au maïs produit dans la taïga estonienne, je l’invite à nous faire part de son expérience.
Or malgré le résultat de ce vote très controversé, la culture du TC 1507 est désormais considérée comme autorisée. C’est le moment où M. Tonio Borg, commissaire européen à la santé, a déclaré à Paris, le 8 avril dernier, qu’il était très confiant sur sa possibilité de rallier la France au projet de la Commission. M. Borg nous a présenté le projet du nouveau règlement défendu par la Commission depuis 2010.
Selon lui, ce nouveau règlement donnerait plus de pouvoir à chaque État pour interdire la culture d’un OGM « en s’appuyant sur des motifs socio-économiques ou d’aménagement du territoire et non plus sur des raisons liées à l’environnement et à la santé ».
C’est un raisonnement assez curieux que celui du commissaire à la santé qui prétend qu’invoquer, comme la France, des clauses de sauvegarde serait contre-productif, dans la mesure où ces clauses de sauvegardes seraient d’une légalité sujette à caution car non justifiées scientifiquement. Et M. Borg affirme que ce nouveau règlement permettrait de résoudre les problèmes juridiques de la France. De tels conseils juridiques me laissent perplexe. La France est un État membre de l’Union européenne, mais c’est un État souverain qui a adopté, notamment, dans sa Constitution le principe de précaution.
C’est un État qui tire vers le haut sa législation en matière de protection environnementale et c’est surtout un pays qui demeure un modèle pour sa diversité agricole et biologique.
Notre pays détermine sa politique agricole et l’on ne peut que se réjouir du fait qu’aucun gouvernement français n’a jamais accepté que l’on nous impose la culture d’OGM.
Si tel devait être le cas, nos agriculteurs seraient dans la main des firmes privées développant les OGM. Introduire le maïs OGM, c’est menacer nos territoires, notre diversité agricole, notre ruralité et remettre en cause la prééminence accordée à la qualité de nos produits alimentaires et agro-alimentaires traditionnels. C’est la raison pour laquelle je vous invite à adopter aujourd’hui cette proposition de loi.