Intervention de Gilles Savary

Réunion du 15 janvier 2014 à 17h15
Mission d'information sur l'écotaxe poids lourds

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Savary :

Je vous remercie de l'extrême précision avec laquelle vous rapportez votre expérience de terrain. Il nous faudra donc demander des informations complémentaires au Gouvernement. En effet, ce qui était vrai en octobre dernier ne l'est peut-être plus forcément le 20 janvier, car peut-être a-t-on amélioré la maîtrise technique du dispositif. Toujours est-il que si ce dernier ne fonctionne pas, nous n'avons pas à payer de dédits. S'agissant de la situation d'octobre, il était bien connu que le dispositif avait des ratés et que les retards étaient dus à Ecomouv' et non pas au Gouvernement.

Si vous avez tout à fait le droit de vous opposer à l'écotaxe, sa remise en cause nous mettrait néanmoins dans une situation très complexe compte tenu de l'héritage du contrat Ecomouv', qui représente 800 millions d'euros de dédits, et du manque à gagner d'environ un milliard d'euros pour le financement des infrastructures, étant entendu que le but du jeu est de faire en sorte que l'État réalise des économies. Car il s'agit bien de faire en sorte de réduire les dépenses de l'État, en leur substituant une fiscalité sur les utilisateurs – c'est-à-dire des redevances. Une telle décision ne relève cependant pas de vous.

Vous proposez pour votre part trois pistes. Celle de la taxation de la marchandise a déjà été évoquée ici puisqu'elle correspond précisément au dispositif initialement proposé par Jean-Louis Borloo. Elle avait cependant été écartée au motif qu'il était infiniment plus compliqué de taxer les marchandises que de majorer les prestations de transport, dans la mesure où vos camions transportaient souvent plusieurs types de marchandises et que vous vous voyiez mal faire de la facturation tous les trois kilomètres, chaque fois que vous livriez un colis. Peut-on revenir à un tel système de facturation sachant qu'une partie de la profession a jugé cela absolument inenvisageable à l'époque ?

La taxation à l'essieu, elle, est européenne ; tous les poids lourds étrangers y sont donc assujettis, mais dans leur pays d'origine. C'est pourquoi je vois mal comment, par exemple, on pourrait recouvrer une taxation supplémentaire à l'essieu sur les Espagnols alors même qu'ils la paient déjà, et au moins au même taux que le nôtre. Et je vois mal comment ce serait physiquement possible puisque c'est sur le territoire national qu'il nous faut prélever l'impôt. S'agissant de la taxation belge que vous avez évoquée, je rappelle qu'une taxation n'est légale dans les États membres de l'Union européenne que si elle est équivalente pour les nationaux et les étrangers sans quoi l'on enfreint le principe de non-discrimination. Par conséquent, la taxation belge sur les poids lourds étrangers est également prélevée sur les Belges. De même, l'écotaxe aurait elle aussi été prélevée sur les Français comme sur les Espagnols. Vous noterez qu'aujourd'hui ces derniers ne paient rien puisqu'ils font le plein avant de passer la frontière pour ensuite se rendre dans la journée au Luxembourg. Il serait donc compliqué de les faire s'arrêter pour leur faire payer une taxe à l'essieu française.

En revanche, vous avez parfaitement raison en ce qui concerne la nationalisation des autoroutes concédées : nous sommes tous convaincus d'avoir échoué en les privatisant puisqu'elles rapportent énormément. La difficulté réside cependant dans le fait que lorsque l'on nationalise un bien, on doit l'acquérir à sa valeur, sans quoi l'on spolierait ses propriétaires. Or, pour disposer de l'argent public nécessaire au rachat d'autoroutes aujourd'hui fort chères, il nous faudrait prélever massivement des impôts – ce qui n'est guère à la mode. Et, de surcroît, cet investissement ne serait amorti que dans le temps. Les autres pays en difficulté budgétaire, tels que l'Espagne ou le Portugal, ont d'ailleurs plutôt tendance à vendre leur patrimoine public.

Quoi qu'il en soit, soutenez-vous l'idée que la taxation de la marchandise ne vous gênerait nullement ? Ce point vous sépare en effet d'autres transporteurs. Et nous nous étions nous-mêmes interrogés sur l'opportunité de taxer les chargeurs, ce qui impliquerait de pouvoir recouvrer cette taxe quelque part.

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