Les crédits proposés pour la mission « Enseignement scolaire » ayant été présentés, mercredi dernier, par les ministres, je n'en rappellerai que les lignes de force, avant de présenter le thème de mon avis budgétaire.
Le projet de loi de finances pour 2013 prévoit l'extension, en année pleine, des mesures d'urgence mises en place à la rentrée 2012, en particulier la création de 1 000 emplois de professeurs des écoles et de 1 500 emplois d'auxiliaires de vie scolaire individuels (AVS-i). Le nombre d'auxiliaires de vie scolaire assurant l'accompagnement individuel d'élèves handicapés augmentera ainsi de façon significative grâce au collectif budgétaire et au budget proposé pour 2013.
D'une manière générale, le schéma d'emplois prévu pour l'an prochain traduit la « priorité éducative » réaffirmée par le Président de la République lors de la clôture de la concertation sur la refondation de l'école ; il marque l'arrêt des suppressions d'emplois au ministère de l'éducation nationale et met en oeuvre le remplacement de tous les départs à la retraite, avec l'ouverture de 9 000 postes aux concours du premier degré public, de 11 000 postes aux concours du second degré public et de 2 100 postes aux concours de l'enseignement privé.
Outre qu'il renforcera l'encadrement des élèves, ce schéma d'emplois permettra de mieux accompagner l'entrée dans le métier d'enseignant. En effet, à la suite de l'organisation d'un deuxième concours en 2013, ouvrant 21 350 postes, 11 476 équivalents temps plein (ETP) seront créés à la prochaine rentrée afin d'amorcer le rétablissement de l'année de formation professionnelle supprimée par le précédent gouvernement, les effets délétères de cette décision étant connus. Seront également créés 458 ETP de contractuels au titre des décharges de service accordées aux enseignants stagiaires et 500 ETP de personnels d'accompagnement des élèves et de personnels médico-sociaux et administratifs. L'enseignement agricole n'est pas oublié, avec la création de 200 postes d'enseignants.
S'agissant du dispositif d'accompagnement des élèves handicapés, qui repose sur des personnels recrutés sous le statut d'assistant d'éducation ou titulaires d'un contrat unique d'insertion, je vous rappelle que le budget 2013 y consacrera quelque 586 millions d'euros.
J'en viens donc au thème de mon avis budgétaire : la scolarisation des enfants handicapés dans le primaire. J'ai souhaité examiner les conditions de mise en oeuvre de la loi du 11 février 2005 sur le handicap dans le premier degré, car c'est à ce niveau que l'intégration de ces enfants est devenue une réalité. Plutôt qu'un bilan quantitatif – pour lequel je vous renvoie à mon rapport –, je voudrais vous présenter les scories affectant la qualité du processus de scolarisation des enfants handicapés dans le degré d'enseignement supposé être le plus « performant » dans ce domaine.
Elles sont – hélas ! – légion. Pour commencer, faute de critères clairs d'évaluation, les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) traitent inégalement des situations équivalentes. Chaque commission des droits et de l'autonomie ayant sa jurisprudence, dans certains départements, moins de 20 % des élèves handicapés bénéficient d'un accompagnement, tandis que dans d'autres, ce taux dépasse les 40 %. En outre, les MDPH peuvent rendre leurs décisions soit au moment de la rentrée scolaire, ce qui fait que l'enfant n'est pas toujours accompagné dès début septembre, soit tardivement – on m'a cité le cas de décisions notifiées au bout de six mois, voire un an. D'autres MDPH peuvent statuer sur des centaines de cas en une même séance.
C'est dire les attentes suscitées par le guide d'évaluation et d'aide à la décision (GEVA-Sco), conçu conjointement par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et par la Direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO), et qui sera opérationnel à la prochaine rentrée. Cet outil est d'autant plus attendu qu'on estime que seules 20 % des MDPH seraient en mesure de rédiger, via leurs équipes pluridisciplinaires, le projet personnel de scolarisation (PPS) devant encadrer le parcours de formation de l'enfant.
Quant à l'accompagnement humain des élèves, j'ai pu constater qu'il était affecté par deux facteurs.
D'abord, les connaissances de base font souvent défaut, et l'on se trouve confronté à des situations à peine croyables, comme cette enseignante accueillant dans sa classe un enfant présentant des troubles envahissants du développement, en ayant reçu pour seule consigne de le ceinturer lorsqu'il connaîtrait une crise ! Cela est d'autant plus grave que les enseignants spécialisés sont en nombre insuffisant : dans certains départements, plus de la moitié des classes pour l'inclusion scolaire (CLIS) sont confiées à des non-spécialistes.
Ensuite, la qualité et la continuité de l'accompagnement assuré par les emplois vie scolaire (EVS) et les auxiliaires de vie scolaire (AVS) sont problématiques. En tant qu'élus, nous sommes tous confrontés à ce problème. Or, en matière de notification d'AVS-i par les MDPH, on observe comme une fuite en avant, avec une augmentation de 168,2 % entre 2006 et 2011 du nombre d'élèves handicapés accompagnés individuellement, alors qu'il ne s'agit pas toujours de la solution la plus adaptée pour favoriser le développement de l'autonomie – mais cela rassure les familles comme l'école. Certes, les AVS et les EVS, surtout ceux recrutés sous un contrat aidé, sont une variable d'ajustement commode, mais ces dispositifs ont clairement atteint leurs limites humaines, financières et juridiques. De multiples recours ont été déposés par d'anciens AVS contre les établissements qui les ont recrutés et qui n'ont pas respecté les obligations de formation et d'aide à l'insertion professionnelle fixées par la loi et le décret ; tous aboutissent à des condamnations. Aussi, en septembre dernier, l'éducation nationale devait-elle payer 2,5 millions d'euros en contentieux !
Que faire ? Je n'évoquerai que quelques-unes des vingt propositions formulées dans mon rapport.
D'abord, il faut impérativement fixer un cadre d'emploi à ces accompagnants, au plus tard l'année prochaine, en créant soit deux métiers – les auxiliaires de vie devant être distingués des assistants pédagogiques –, soit un seul métier, l'essentiel étant de favoriser les recrutements pérennes par des employeurs associatifs ou publics. J'évoque en la matière plusieurs scénarios, aucun d'eux ne suscitant, pour l'heure, un consensus.
Ensuite, un socle de formation dans le domaine des besoins éducatifs particuliers devrait être assuré à tout futur professeur, tandis que les personnels chargés des restaurants scolaires et des activités périscolaires devraient acquérir quelques connaissances de base en la matière, avec l'appui des associations.
Les CLIS devraient être davantage spécialisées afin d'éviter le phénomène des classes « fourre-tout », les classes destinées aux élèves présentant des troubles des fonctions cognitives accueillant parfois des élèves « dys » ou handicapés moteurs.
Enfin, la rédaction des PPS devrait être déléguée à l'éducation nationale – tout en préservant le pouvoir d'approbation des MDPH –, et des moyens devraient être dégagés pour ajuster les rythmes de fonctionnement de ces deux acteurs afin que, début septembre, chaque enfant puisse être accueilli dans de bonnes conditions.
Sur ce sujet, comme sur celui des rythmes scolaires, le ministre de l'éducation nationale a appelé, la semaine dernière, à des efforts partagés et à beaucoup de courage. J'espère que tous, élus locaux et nationaux, organismes publics et associations, sauront entendre cette invitation. En attendant, je vous invite à donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.