Nous connaissons les contraintes qui pèsent sur nos finances publiques, et il n'a pas été facile pour le Gouvernement de dégager les marges de manoeuvre nécessaires pour faire progresser les crédits de cette mission, qui représentent plus de 10,3 milliards d'euros en crédits de paiement et 12,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement. Mais il est plus que jamais nécessaire de soutenir l'emploi dans le contexte actuel d'aggravation du chômage.
L'effort est conséquent ; il répond à deux des trois priorités fixées par le Gouvernement : l'emploi et la jeunesse. Cet effort est particulièrement visible dans ce budget. D'abord, 100 000 emplois d'avenir – qui s'adressent aux jeunes peu ou pas qualifiés et résidant dans des quartiers où le chômage est très important – seront financés en 2013 : ils ont été lancés hier à Matignon. Ensuite, les contrats de génération répondront, pour le secteur marchand, à cette double priorité : emploi des jeunes et maintien dans l'emploi des seniors, eux aussi particulièrement vulnérables dans un contexte de chômage important.
S'agissant de ces deux dispositifs, qui constitueront les outils phares de la politique de l'emploi en matière de contrats aidés, je tiens à insister à nouveau sur l'importance de la prise en compte de leur déploiement au niveau territorial. L'association étroite au plan local de l'ensemble des acteurs de la politique de l'emploi, qu'il s'agisse des agences de Pôle emploi, des missions locales, du réseau des Cap emploi ou des régions et des départements, sera l'une des conditions nécessaires de leur succès. C'est pourquoi je vous soumettrai tout à l'heure un amendement destiné à renforcer les dispositifs locaux d'accompagnement, qui accompagnent le tissu associatif et les acteurs de l'insertion par l'activité économique, en vue de la mise en oeuvre des emplois d'avenir.
La priorité accordée à la jeunesse se manifeste aussi par le maintien des crédits pour les différents dispositifs en faveur des jeunes, ce qui est déjà presque une victoire en période de disette budgétaire. Missions locales, maisons de l'emploi, écoles de la deuxième chance, contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS), Établissement public d'insertion de la défense (EPIDE) et apprentissage voient ainsi leurs crédits maintenus. En revanche, les contrats d'autonomie – dont nous étions nombreux à souhaiter la disparition – sont supprimés ; le Fonds d'insertion professionnelle des jeunes (FIPJ) perd mystérieusement 1,4 million d'euros, que je vous proposerai de rétablir par amendement.
Les contrats aidés sont renforcés. Je tiens à rappeler que cette année le Gouvernement, constatant que l'essentiel des crédits prévus pour 2012 avait été consommé dès le premier semestre, a d'abord ouvert 80 000 emplois aidés supplémentaires à l'été – contrats d'accompagnement dans l'emploi (CAE) et contrats initiative emploi (CIE) – avant d'annoncer, il y a une dizaine de jours, un renforcement supplémentaire : 40 000 contrats aidés de plus seront disponibles pour 2012. Il s'agit d'un effort sans précédent !
Je souligne aussi que les crédits alloués au financement de l'activité partielle atteignent 70 millions d'euros et que 1 000 postes adaptés supplémentaires, destinés aux travailleurs handicapés, seront ouverts.
Cet effort est encore visible dans le renforcement des moyens humains de Pôle emploi, puisque 2 000 emplois supplémentaires seront financés directement par l'État en 2013. Mais nous attendons, en contrepartie, que Pôle emploi redéploie 2 000 emplois qui existent déjà du back office vers le front office, c'est-à-dire vers l'accompagnement des demandeurs d'emploi.
En outre, il est mis fin au prélèvement sur le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) qui, malgré les efforts conjoints de Gérard Cherpion et de moi-même, a été ponctionné, en deux ans, de 600 millions d'euros sur 2,1 milliards de collecte. Je me réjouis donc de cette prise de position du Gouvernement, car il était pour le moins dommage que ce fonds connaisse de graves difficultés financières deux ans seulement après sa création. Le fonds aura ainsi les moyens d'assurer ses missions : la péréquation des fonds des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) pour la professionnalisation, notamment les contrats de professionnalisation, et la formation professionnelle des salariés et des demandeurs d'emploi qui ont le moins accès à la formation. Il pourra donc soutenir les efforts de formation liés aux emplois d'avenir. Je proposerai aussi que la quote-part des OPCA au fonds paritaire fasse l'objet de trois versements au cours de l'année pour éviter de trop grandes variations de trésorerie au cours de l'année.
Je souhaite maintenant vous faire part de plusieurs préoccupations.
Nul n'ignore plus que l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) rencontre des difficultés financières très lourdes, qui menacent son existence. Nous attendons le plan de refondation stratégique que son président présentera le 15 novembre prochain. Nous ne doutons pas de la volonté du Gouvernement de porter secours à l'association ; il n'en demeure pas moins qu'une profonde réforme des modalités de son fonctionnement et de la gestion de son patrimoine immobilier et technique devra être envisagée pour lui permettre de retrouver une certaine compétitivité et de se repositionner comme l'opérateur public dont le coeur de métier est la qualification professionnelle des salariés et demandeurs d'emploi. Il serait aussi souhaitable que la représentation nationale soit associée au suivi du redressement de l'AFPA.
Le secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE) est un secteur clé pour l'insertion professionnelle des personnes les plus éloignées de l'emploi, avec un potentiel de création d'emplois important. Composé essentiellement des entreprises d'insertion, il est confronté à des difficultés liées à l'augmentation importante des coûts réels dans les dernières années, alors que l'aide au poste n'a pas été revalorisée depuis 2002. Une mission commune de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'Inspection générale des finances (IGF) est en cours pour remettre à plat les modalités de financement des entreprises de ce secteur, comme le ministre nous l'a indiqué hier. Il me semble toutefois important de lui adresser dès maintenant un message fort. C'est pourquoi je vous proposerai tout à l'heure un amendement visant à renforcer de 10 millions d'euros les crédits de l'aide au poste.
Nous avons longuement évoqué hier l'allocation équivalent retraite (AER) et j'y reviendrai sous la forme d'un amendement.
La seconde partie de mon rapport sera consacrée aux moyens de Pôle emploi. Les nombreuses auditions que j'ai menées m'ont permis de constater que la fusion de l'ancienne Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et des Assedic s'est réalisée dans des conditions difficiles et pour un coût non négligeable – on peut estimer le surcoût à 300 millions d'euros par an –, sans apporter les gains d'efficacité attendus. Le budget de Pôle emploi, hors versement des indemnités chômage, avoisine les 5 milliards d'euros pour 2013, dont presque 3 milliards consacrés à la masse salariale.
Les économies attendues de la réforme ont été entièrement absorbées par la fusion, et en particulier par les conditions avantageuses dans lesquelles a été menée la fusion des anciens salariés des Assedic et des anciens agents de l'ANPE.
Cette fusion a, de plus, rendu nécessaire une politique immobilière de regroupement qui, c'est peu de le dire, n'a pas encore produit les effets escomptés. Les locaux choisis, qui doivent être grands, sont souvent excentrés, ce qui n'est pas une bonne chose.
Pôle emploi a donc connu une première phase de mise en place difficile, qui a coïncidé avec un fort afflux de demandeurs d'emploi en raison de la dégradation de la situation économique : les conditions de suivi des demandeurs d'emploi se sont dégradées, alors qu'elles devaient s'améliorer.
L'opérateur se trouve désormais à l'aube d'une deuxième phase, dont on peut souhaiter qu'elle soit celle de la maturité, avec le plan Pôle emploi 2015. Il est essentiel que la nouvelle instance puisse offrir un service d'accompagnement aux demandeurs d'emploi digne de ce nom, ce qui n'a pas toujours été le cas.
Des réformes profondes sont en cours et il faut espérer qu'elles portent leurs fruits. Ainsi, la nouvelle convention tripartite procède à de fortes réorientations de la stratégie d'accompagnement et de suivi des chômeurs, privilégiant désormais une approche différenciée des demandeurs d'emploi en fonction de leur profil, au lieu d'une approche unique et systématique, qui n'est pas efficace.
Une nouvelle démarche de pilotage par la performance vise à substituer aux indicateurs de mesure de l'activité de Pôle emploi de véritables indicateurs de performance, cette logique devant être déclinée au niveau de chaque agence, avec une marge de manoeuvre plus importante laissée aux managers pour adapter les actions de Pôle emploi en fonction des spécificités des bassins d'emploi de leur ressort.
La territorialisation de l'action de Pôle emploi apparaît aujourd'hui très insuffisante : les agences ont tendance à fonctionner parfois en vase clos, sans coordination ni concertation suffisante avec l'ensemble des autres acteurs du terrain, qu'il s'agisse des acteurs du service public de l'emploi, comme les missions locales, le réseau des Cap emploi ou encore les maisons de l'emploi, des collectivités locales, et même des entreprises implantées sur les territoires. Sur ce point, la création de Pôle emploi a même constitué une régression ; des progrès sont indispensables.
Il convient également de simplifier des procédures et des outils excessivement complexes. Ainsi – j'ai évoqué hier cette question devant les ministres, qui n'ont pas désapprouvé –, le pilotage régional de la politique de l'emploi pourrait être amélioré par une fusion du conseil régional de l'emploi (CRE) et du comité de coordination régional de l'emploi et de la formation professionnelle (CCREFP). De plus, les opérateurs pourraient être représentés dans cette nouvelle instance : ainsi, il n'y aurait qu'un seul comité, où financeurs et principaux opérateurs pourraient définir et mettre en oeuvre une politique régionale.
L'application de la convention Unédic pour le calcul, notamment, des droits à indemnisation chômage des demandeurs d'emploi est, par ailleurs, beaucoup trop complexe : elle conduit à un taux d'erreur des premiers calculs d'indemnisation lors de l'entretien initial qui avoisine les 20 % ! Cette complexité prouve à elle seule à quel point le projet du « métier unique », qui a initialement prévalu lors de la fusion, était une erreur profonde ; mis en oeuvre durant un an, il a conduit à de grandes difficultés, pour les demandeurs d'emploi comme pour les salariés de Pôle emploi.
De même, on constate que les agents de Pôle emploi n'ont souvent accès qu'à l'offre de formation proposée par Pôle emploi, alors qu'ils devraient disposer d'un outil global unique permettant de connaître l'ensemble de l'offre de formation proposée et de prescrire ainsi la formation qui sera la plus adaptée. Un projet en ce sens, « Dokelio », existe.
Comment envisager une totale polyvalence des agents, à qui l'on demanderait d'assurer à la fois l'accompagnement des demandeurs d'emploi, leur indemnisation et leur orientation dans les meilleures conditions ? Il faut y renoncer, même si l'existence d'un socle commun de compétences est souhaitable. Cela pose la question du maintien d'un entretien unique, tel qu'il est aujourd'hui matérialisé dans l'entretien d'inscription et de diagnostic (EID), qui ne satisfait pas les demandeurs d'emploi auxquels il est demandé, en cinquante petites minutes, d'exposer leur situation, avant de se voir proposer la signature du plan personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE), alors même qu'ils n'ont souvent qu'une idée très floue du niveau d'indemnisation dont ils vont pouvoir bénéficier – et cet entretien est mené par un conseiller qui ne sera pas celui qui les accompagnera par la suite !
Ces problèmes méritent d'être approfondis et je me réjouis que la Commission ait décidé de créer une mission d'information relative à Pôle emploi. L'enjeu est de taille : l'opérateur central du service public de l'emploi pèse environ 34 milliards d'euros (indemnisation du chômage comprise), avec une masse salariale de 3 milliards d'euros. La mission pourra aussi se pencher sur les rapports de Pôle emploi avec les opérateurs privés de placement.
Les moyens sont donc là et il s'agit d'améliorer l'efficacité de Pôle emploi par un renforcement de sa déconcentration, par un management laissant une plus grande autonomie aux directeurs d'agence sur le terrain et par un renforcement des effectifs et des moyens dédiés directement à l'accompagnement des demandeurs d'emploi et des employeurs.
Ce budget, nul ne peut le nier, est particulièrement volontariste. C'est pourquoi je vous appelle, mes chers collègues, à vous prononcer en faveur de l'adoption des crédits de la mission « Travail et emploi », ainsi que de l'article 71 rattaché, qui supprime l'exonération de cotisations sociales pour les salariés créateurs ou repreneurs d'entreprise instituée par la loi pour l'initiative économique de 2003.