COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 31 octobre 2012
La séance est ouverte à neuf heures dix.
(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)
La Commission des affaires sociales examine, pour avis, les crédits pour 2013 de la mission « Travail et emploi » sur le rapport de M. Jean-Patrick Gille sur les crédits relatifs à l'emploi, sur le rapport de M. Francis Vercamer sur les crédits relatifs au travail, et sur le rapport de M. Gérard Cherpion sur les crédits relatifs au Compte spécial « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage ».
Après avoir entendu, hier, les ministres, M. Sapin et M. Repentin, nous examinons ce matin, pour avis, les crédits de la mission « Travail et emploi » pour 2013.
Nous connaissons les contraintes qui pèsent sur nos finances publiques, et il n'a pas été facile pour le Gouvernement de dégager les marges de manoeuvre nécessaires pour faire progresser les crédits de cette mission, qui représentent plus de 10,3 milliards d'euros en crédits de paiement et 12,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement. Mais il est plus que jamais nécessaire de soutenir l'emploi dans le contexte actuel d'aggravation du chômage.
L'effort est conséquent ; il répond à deux des trois priorités fixées par le Gouvernement : l'emploi et la jeunesse. Cet effort est particulièrement visible dans ce budget. D'abord, 100 000 emplois d'avenir – qui s'adressent aux jeunes peu ou pas qualifiés et résidant dans des quartiers où le chômage est très important – seront financés en 2013 : ils ont été lancés hier à Matignon. Ensuite, les contrats de génération répondront, pour le secteur marchand, à cette double priorité : emploi des jeunes et maintien dans l'emploi des seniors, eux aussi particulièrement vulnérables dans un contexte de chômage important.
S'agissant de ces deux dispositifs, qui constitueront les outils phares de la politique de l'emploi en matière de contrats aidés, je tiens à insister à nouveau sur l'importance de la prise en compte de leur déploiement au niveau territorial. L'association étroite au plan local de l'ensemble des acteurs de la politique de l'emploi, qu'il s'agisse des agences de Pôle emploi, des missions locales, du réseau des Cap emploi ou des régions et des départements, sera l'une des conditions nécessaires de leur succès. C'est pourquoi je vous soumettrai tout à l'heure un amendement destiné à renforcer les dispositifs locaux d'accompagnement, qui accompagnent le tissu associatif et les acteurs de l'insertion par l'activité économique, en vue de la mise en oeuvre des emplois d'avenir.
La priorité accordée à la jeunesse se manifeste aussi par le maintien des crédits pour les différents dispositifs en faveur des jeunes, ce qui est déjà presque une victoire en période de disette budgétaire. Missions locales, maisons de l'emploi, écoles de la deuxième chance, contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS), Établissement public d'insertion de la défense (EPIDE) et apprentissage voient ainsi leurs crédits maintenus. En revanche, les contrats d'autonomie – dont nous étions nombreux à souhaiter la disparition – sont supprimés ; le Fonds d'insertion professionnelle des jeunes (FIPJ) perd mystérieusement 1,4 million d'euros, que je vous proposerai de rétablir par amendement.
Les contrats aidés sont renforcés. Je tiens à rappeler que cette année le Gouvernement, constatant que l'essentiel des crédits prévus pour 2012 avait été consommé dès le premier semestre, a d'abord ouvert 80 000 emplois aidés supplémentaires à l'été – contrats d'accompagnement dans l'emploi (CAE) et contrats initiative emploi (CIE) – avant d'annoncer, il y a une dizaine de jours, un renforcement supplémentaire : 40 000 contrats aidés de plus seront disponibles pour 2012. Il s'agit d'un effort sans précédent !
Je souligne aussi que les crédits alloués au financement de l'activité partielle atteignent 70 millions d'euros et que 1 000 postes adaptés supplémentaires, destinés aux travailleurs handicapés, seront ouverts.
Cet effort est encore visible dans le renforcement des moyens humains de Pôle emploi, puisque 2 000 emplois supplémentaires seront financés directement par l'État en 2013. Mais nous attendons, en contrepartie, que Pôle emploi redéploie 2 000 emplois qui existent déjà du back office vers le front office, c'est-à-dire vers l'accompagnement des demandeurs d'emploi.
En outre, il est mis fin au prélèvement sur le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) qui, malgré les efforts conjoints de Gérard Cherpion et de moi-même, a été ponctionné, en deux ans, de 600 millions d'euros sur 2,1 milliards de collecte. Je me réjouis donc de cette prise de position du Gouvernement, car il était pour le moins dommage que ce fonds connaisse de graves difficultés financières deux ans seulement après sa création. Le fonds aura ainsi les moyens d'assurer ses missions : la péréquation des fonds des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) pour la professionnalisation, notamment les contrats de professionnalisation, et la formation professionnelle des salariés et des demandeurs d'emploi qui ont le moins accès à la formation. Il pourra donc soutenir les efforts de formation liés aux emplois d'avenir. Je proposerai aussi que la quote-part des OPCA au fonds paritaire fasse l'objet de trois versements au cours de l'année pour éviter de trop grandes variations de trésorerie au cours de l'année.
Je souhaite maintenant vous faire part de plusieurs préoccupations.
Nul n'ignore plus que l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) rencontre des difficultés financières très lourdes, qui menacent son existence. Nous attendons le plan de refondation stratégique que son président présentera le 15 novembre prochain. Nous ne doutons pas de la volonté du Gouvernement de porter secours à l'association ; il n'en demeure pas moins qu'une profonde réforme des modalités de son fonctionnement et de la gestion de son patrimoine immobilier et technique devra être envisagée pour lui permettre de retrouver une certaine compétitivité et de se repositionner comme l'opérateur public dont le coeur de métier est la qualification professionnelle des salariés et demandeurs d'emploi. Il serait aussi souhaitable que la représentation nationale soit associée au suivi du redressement de l'AFPA.
Le secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE) est un secteur clé pour l'insertion professionnelle des personnes les plus éloignées de l'emploi, avec un potentiel de création d'emplois important. Composé essentiellement des entreprises d'insertion, il est confronté à des difficultés liées à l'augmentation importante des coûts réels dans les dernières années, alors que l'aide au poste n'a pas été revalorisée depuis 2002. Une mission commune de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'Inspection générale des finances (IGF) est en cours pour remettre à plat les modalités de financement des entreprises de ce secteur, comme le ministre nous l'a indiqué hier. Il me semble toutefois important de lui adresser dès maintenant un message fort. C'est pourquoi je vous proposerai tout à l'heure un amendement visant à renforcer de 10 millions d'euros les crédits de l'aide au poste.
Nous avons longuement évoqué hier l'allocation équivalent retraite (AER) et j'y reviendrai sous la forme d'un amendement.
La seconde partie de mon rapport sera consacrée aux moyens de Pôle emploi. Les nombreuses auditions que j'ai menées m'ont permis de constater que la fusion de l'ancienne Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et des Assedic s'est réalisée dans des conditions difficiles et pour un coût non négligeable – on peut estimer le surcoût à 300 millions d'euros par an –, sans apporter les gains d'efficacité attendus. Le budget de Pôle emploi, hors versement des indemnités chômage, avoisine les 5 milliards d'euros pour 2013, dont presque 3 milliards consacrés à la masse salariale.
Les économies attendues de la réforme ont été entièrement absorbées par la fusion, et en particulier par les conditions avantageuses dans lesquelles a été menée la fusion des anciens salariés des Assedic et des anciens agents de l'ANPE.
Cette fusion a, de plus, rendu nécessaire une politique immobilière de regroupement qui, c'est peu de le dire, n'a pas encore produit les effets escomptés. Les locaux choisis, qui doivent être grands, sont souvent excentrés, ce qui n'est pas une bonne chose.
Pôle emploi a donc connu une première phase de mise en place difficile, qui a coïncidé avec un fort afflux de demandeurs d'emploi en raison de la dégradation de la situation économique : les conditions de suivi des demandeurs d'emploi se sont dégradées, alors qu'elles devaient s'améliorer.
L'opérateur se trouve désormais à l'aube d'une deuxième phase, dont on peut souhaiter qu'elle soit celle de la maturité, avec le plan Pôle emploi 2015. Il est essentiel que la nouvelle instance puisse offrir un service d'accompagnement aux demandeurs d'emploi digne de ce nom, ce qui n'a pas toujours été le cas.
Des réformes profondes sont en cours et il faut espérer qu'elles portent leurs fruits. Ainsi, la nouvelle convention tripartite procède à de fortes réorientations de la stratégie d'accompagnement et de suivi des chômeurs, privilégiant désormais une approche différenciée des demandeurs d'emploi en fonction de leur profil, au lieu d'une approche unique et systématique, qui n'est pas efficace.
Une nouvelle démarche de pilotage par la performance vise à substituer aux indicateurs de mesure de l'activité de Pôle emploi de véritables indicateurs de performance, cette logique devant être déclinée au niveau de chaque agence, avec une marge de manoeuvre plus importante laissée aux managers pour adapter les actions de Pôle emploi en fonction des spécificités des bassins d'emploi de leur ressort.
La territorialisation de l'action de Pôle emploi apparaît aujourd'hui très insuffisante : les agences ont tendance à fonctionner parfois en vase clos, sans coordination ni concertation suffisante avec l'ensemble des autres acteurs du terrain, qu'il s'agisse des acteurs du service public de l'emploi, comme les missions locales, le réseau des Cap emploi ou encore les maisons de l'emploi, des collectivités locales, et même des entreprises implantées sur les territoires. Sur ce point, la création de Pôle emploi a même constitué une régression ; des progrès sont indispensables.
Il convient également de simplifier des procédures et des outils excessivement complexes. Ainsi – j'ai évoqué hier cette question devant les ministres, qui n'ont pas désapprouvé –, le pilotage régional de la politique de l'emploi pourrait être amélioré par une fusion du conseil régional de l'emploi (CRE) et du comité de coordination régional de l'emploi et de la formation professionnelle (CCREFP). De plus, les opérateurs pourraient être représentés dans cette nouvelle instance : ainsi, il n'y aurait qu'un seul comité, où financeurs et principaux opérateurs pourraient définir et mettre en oeuvre une politique régionale.
L'application de la convention Unédic pour le calcul, notamment, des droits à indemnisation chômage des demandeurs d'emploi est, par ailleurs, beaucoup trop complexe : elle conduit à un taux d'erreur des premiers calculs d'indemnisation lors de l'entretien initial qui avoisine les 20 % ! Cette complexité prouve à elle seule à quel point le projet du « métier unique », qui a initialement prévalu lors de la fusion, était une erreur profonde ; mis en oeuvre durant un an, il a conduit à de grandes difficultés, pour les demandeurs d'emploi comme pour les salariés de Pôle emploi.
De même, on constate que les agents de Pôle emploi n'ont souvent accès qu'à l'offre de formation proposée par Pôle emploi, alors qu'ils devraient disposer d'un outil global unique permettant de connaître l'ensemble de l'offre de formation proposée et de prescrire ainsi la formation qui sera la plus adaptée. Un projet en ce sens, « Dokelio », existe.
Comment envisager une totale polyvalence des agents, à qui l'on demanderait d'assurer à la fois l'accompagnement des demandeurs d'emploi, leur indemnisation et leur orientation dans les meilleures conditions ? Il faut y renoncer, même si l'existence d'un socle commun de compétences est souhaitable. Cela pose la question du maintien d'un entretien unique, tel qu'il est aujourd'hui matérialisé dans l'entretien d'inscription et de diagnostic (EID), qui ne satisfait pas les demandeurs d'emploi auxquels il est demandé, en cinquante petites minutes, d'exposer leur situation, avant de se voir proposer la signature du plan personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE), alors même qu'ils n'ont souvent qu'une idée très floue du niveau d'indemnisation dont ils vont pouvoir bénéficier – et cet entretien est mené par un conseiller qui ne sera pas celui qui les accompagnera par la suite !
Ces problèmes méritent d'être approfondis et je me réjouis que la Commission ait décidé de créer une mission d'information relative à Pôle emploi. L'enjeu est de taille : l'opérateur central du service public de l'emploi pèse environ 34 milliards d'euros (indemnisation du chômage comprise), avec une masse salariale de 3 milliards d'euros. La mission pourra aussi se pencher sur les rapports de Pôle emploi avec les opérateurs privés de placement.
Les moyens sont donc là et il s'agit d'améliorer l'efficacité de Pôle emploi par un renforcement de sa déconcentration, par un management laissant une plus grande autonomie aux directeurs d'agence sur le terrain et par un renforcement des effectifs et des moyens dédiés directement à l'accompagnement des demandeurs d'emploi et des employeurs.
Ce budget, nul ne peut le nier, est particulièrement volontariste. C'est pourquoi je vous appelle, mes chers collègues, à vous prononcer en faveur de l'adoption des crédits de la mission « Travail et emploi », ainsi que de l'article 71 rattaché, qui supprime l'exonération de cotisations sociales pour les salariés créateurs ou repreneurs d'entreprise instituée par la loi pour l'initiative économique de 2003.
Pour la quatrième année consécutive, j'ai l'honneur d'être le rapporteur pour avis de notre commission pour les programmes 111 et 155 de la mission « Travail et emploi ».
Je ne peux que remarquer l'absence d'impulsion nouvelle donnée à ces deux programmes qui s'inscrivent dans la continuité des politiques menées par le précédent Gouvernement.
En termes de présentation budgétaire, j'observe que le nouveau Gouvernement ne m'a communiqué que l'évolution globale des crédits de la mission pour 2014 et 2015, alors que je disposais toujours précédemment de l'évolution prévisionnelle par programme. L'intérêt de la programmation pluriannuelle m'apparaît dès lors limité en termes d'anticipation économique : on ne connaît pas l'hypothèse de répartition des réductions annoncées entre les quatre programmes de la mission.
Sur le fond, je ne peux que me réjouir de la mise en oeuvre progressive de certaines des préconisations que je formule depuis quatre ans. Par exemple, avec le déploiement du deuxième plan « Santé au travail », je constate que l'effort de recherche dans le domaine de la santé au travail a été poursuivi, que le calendrier de la réforme de la médecine du travail a été respecté, les nouvelles dispositions étant entrées en vigueur le 1erjuillet 2012, et que les risques psychosociaux sont désormais intégrés à la politique publique de santé au travail.
En revanche, je ne peux que regretter le manque d'ambition du Gouvernement en ce qui concerne les conseils de prud'hommes. Comme je l'avais indiqué dans mon avis sur le projet de loi de finances pour 2011, plusieurs améliorations pourraient être apportées au système prud'homal, notamment la mise en place d'audiences foraines, pour rapprocher la justice des citoyens, et l'aménagement de la formation des conseillers. Les conventions entre l'État et les organismes agréés de formation prendront fin en 2013 : leur renégociation constituerait un cadre propice à l'organisation d'une concertation.
Je souhaite maintenant partager avec vous quelques réflexions sur le thème que j'ai choisi pour l'avis : le dialogue social. En 2013, le système français de relations collectives connaîtra deux inflexions majeures : l'achèvement de la réforme de la représentativité des organisations syndicales et le lancement de celle des organisations d'employeurs, pour laquelle je milite depuis plusieurs années. La constitutionnalisation du dialogue social, souhaitée par le Président de la République et le Premier ministre, doit également être pour nous un sujet de réflexion. Le ministre a apporté hier quelques précisions à ce sujet.
Depuis dix ans, le rôle dévolu aux partenaires sociaux en France a considérablement évolué : ceux-ci occupent désormais une place centrale dans l'élaboration du droit du travail. On constate, d'ailleurs, une grande vitalité du dialogue social en France. En 2011, quarante-six accords nationaux interprofessionnels, près de 2 000 textes de branche et 34 000 accords d'entreprise ont ainsi été signés. Ce haut niveau d'activité conventionnelle résulte de la mobilisation des partenaires sociaux, conscients non seulement de leur nouveau rôle, mais aussi de l'implication de l'État qui apporte, par différents dispositifs, son soutien à la négociation collective.
Toutefois, il me semble que l'architecture du dialogue social devrait être améliorée. Il serait d'abord nécessaire, me semble-t-il, de créer un Conseil permanent du dialogue social ; j'ai déposé une proposition de loi en ce sens au mois de juillet 2011. Il n'existe pas aujourd'hui d'instance d'organisation et de coordination du dialogue social au niveau national ; or je suis convaincu que la création d'une telle structure serait très utile, car elle permettrait aux partenaires sociaux de débattre au long cours, de manière plus apaisée. Le Commissariat au dialogue social et à la prospective, dont la mise en place a été annoncée lors de la grande conférence sociale, ne remplira vraisemblablement pas ce rôle : placé auprès du Premier ministre, il devrait plutôt produire un travail de prospective partagée, et ne serait pas un lieu de négociation.
Ensuite, les branches professionnelles doivent être restructurées. En 2012, le ministère du travail recense environ 700 conventions collectives en vigueur, dont la moitié a un champ d'application seulement régional ou local. Plus de 60 % des conventions couvrent moins de 5 000 salariés. Cette situation n'est pas satisfaisante : un regroupement des branches doit a minima être opéré. On pourrait, par exemple, s'appuyer sur le travail de restructuration qui a été accompli dans le secteur du spectacle.
Enfin, le renforcement du dialogue social territorial me semble fondamental. Il s'agit non pas de créer un niveau supplémentaire de normes, mais de permettre aux partenaires sociaux de concevoir des plans d'action sur des questions d'intérêt local et de définir des priorités à mettre en oeuvre sur un territoire.
Au niveau national, l'implication des partenaires sociaux dans l'élaboration de la loi découle des procédures de consultation préalable instituées par la loi « Larcher » et par les protocoles des deux chambres du Parlement. Le bilan de l'utilisation de ces procédures apparaît positif, ce qui a conduit le Gouvernement à envisager la constitutionnalisation de ces principes et, de manière plus générale, du dialogue social.
À cet égard, de nombreuses interrogations subsistent. Tout d'abord, le législateur sera-t-il tenu par le contenu des accords conclus par les partenaires sociaux dans le cadre de la concertation préalable ? Cela semble difficile à double titre : au regard du droit d'amendement des parlementaires et de la rédaction parfois ambiguë des accords. La transposition législative de ces derniers peut donc impliquer un travail de réécriture. Mais la modification par le législateur des dispositions de l'accord peut, à terme, avoir des effets négatifs sur les conditions de négociation, qui pourraient se révéler moins loyales si une intervention politique était escomptée.
Ensuite, quelle attitude doit adopter le Gouvernement si une partie des organisations syndicales ne signe pas l'accord ? L'absence de reprise des dispositions négociées constituerait un désaveu pour les organisations signataires. Les personnes que j'ai auditionnées ont toutes rappelé la nécessité que le Parlement respecte l'équilibre global des accords conclus : quelle serait l'utilité d'une constitutionnalisation qui ne comporterait aucune contrainte de fond pour le législateur ?
Je propose donc de commencer par réfléchir à la possibilité de mettre en place un gel temporaire de l'initiative parlementaire et gouvernementale sur des dispositions en cours de renégociation par les partenaires sociaux. Ce gel offrirait aux organisations un cadre de discussion plus sécurisé, mais il suppose d'améliorer l'information entre les partenaires sociaux et les élus, en particulier sur les projets en cours de négociation.
En ce qui concerne l'évolution des règles de représentativité syndicale et patronale, je souhaite évoquer un instant avec vous la réforme de la représentativité des organisations d'employeurs. Je me réjouis du lancement de ce chantier, que j'appelle de mes voeux depuis longtemps : il me semble, en effet, qu'un parallélisme des formes est nécessaire pour renforcer la légitimité de ces organisations et tenir compte des évolutions de la structure économique de notre société.
Plusieurs options sont aujourd'hui en débat : l'élection, le décompte des membres ou un système mixte. Nous verrons ces prochains mois sur quelles règles se mettront d'accord les organisations patronales – si elles y arrivent, ce qui est loin d'être sûr !
J'appelle, par ailleurs, votre attention sur les importantes conséquences qu'entraînera la réforme de la représentativité des syndicats, qui s'achèvera l'an prochain. En particulier, comment sera opérée la nouvelle répartition des sièges dans les instances nationales, régionales et locales auxquelles participent les syndicats de salariés ? Ce problème se posera dans de très nombreuses structures, parfois de premier plan, telles que le Conseil économique, social et environnemental ou les caisses de sécurité sociale, ce qui aura des conséquences pour le financement des organisations syndicales. Le ministre, hier, semblait sceptique sur ces probables revendications : je serais étonné au contraire qu'elles n'émergent pas rapidement. La loi du 20 août 2008 n'a pas réglé cette question : elle s'est limitée à ôter leur capacité de négociation aux acteurs ayant perdu leur représentativité.
Enfin, j'ai consacré la dernière partie de mon avis au financement du dialogue social, une question sur laquelle je travaille depuis plusieurs années. J'ai été notamment membre de la commission d'enquête dont notre ancien collègue Nicolas Perruchot était le rapporteur, dont le rapport qui n'existe pas.
Le système de financement actuel des syndicats repose sur trois catégories de revenus – les cotisations, les ressources issues du paritarisme et les subventions publiques – dont le poids est très variable dans le budget des syndicats – vous trouverez des chiffres dans mon rapport.
Des progrès ont été accomplis en matière de transparence avec l'obligation de certification et de publication des comptes. Les organisations doivent, je le rappelle, soit publier leurs comptes sur le site du Journal officiel, lorsque leurs ressources sont supérieures ou égales à 230 000 euros, soit déposer leurs comptes auprès de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) compétente, si elles choisissent de ne pas publier leurs comptes en ligne. À ce jour, 554 comptes ont été déposés sur le site du Journal officiel et dans les DIRECCTE : 365 pour les organisations d'employeurs et 189 pour les organisations syndicales salariées.
En concluant l'accord national interprofessionnel sur la modernisation du paritarisme et de son fonctionnement du 17 février 2012, les partenaires sociaux se sont aussi engagés dans une démarche de renforcement de l'encadrement et de la transparence du paritarisme de gestion. Cet accord instaure des principes de gouvernance clairs et rigoureux.
Cependant, si je me félicite de ces progrès, la question sensible des comptes des comités d'entreprise doit encore être traitée. Le dépôt d'un projet de loi a été annoncé par le Premier ministre : je l'attends de pied ferme.
La force du dialogue social réside dans sa légitimité : celle-ci est liée non seulement à la représentativité, mais aussi aux modalités de financement des acteurs du dialogue social – organisations d'employeurs et syndicats de salariés. J'insiste donc sur l'importance d'aller au terme de ces chantiers pour que le dialogue social s'affirme davantage, dans les années qui viennent, comme un vecteur essentiel de transformation des normes juridiques en lien avec les réalités vécues par les salariés et les employeurs au sein des branches professionnelles et des entreprises.
En conclusion, j'émets un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Travail et emploi ».
La Commission des affaires sociales consacre pour la première fois un avis budgétaire au compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage», créé en 2011. Les ministres ont présenté les crédits hier matin : je n'y reviens donc pas. Je voudrais, en revanche, partager avec vous les réflexions et les propositions auxquelles m'ont mené les nombreuses auditions que j'ai effectuées.
Il me semble, tout d'abord, nécessaire de réformer le financement de l'apprentissage, dont la structure apparaît trop éclatée et auquel concourent aujourd'hui des dispositifs de natures très différentes.
Il s'agit, en premier lieu, de la taxe d'apprentissage, dont le montant s'élevait en 2011 à 1,9 milliard d'euros. Le produit de cette taxe est divisé en deux fractions inégales.
Le « quota », représentant 53 % de la collecte en 2012, dont les fonds alimentent le compte d'affectation spéciale, pour 22 % de la collecte, et financent les centres de formation d'apprentis, pour 31 % de la collecte – le quota sera porté à 55 % en 2013, 57 % en 2014 et 59 % en 2015 ;
Le « hors quota », ou barème, représentant 47 % du produit de la taxe en 2012, qui est réservé aux premières formations technologiques et professionnelles.
À la taxe d'apprentissage sont assimilées deux autres contributions : la contribution au développement de l'apprentissage – 722 millions d'euros en 2011 – et la contribution supplémentaire à l'apprentissage – 235 millions prévus pour 2013.
Divers avantages fiscaux et sociaux ont été mis en place pour inciter les employeurs à recruter des apprentis : une exonération de cotisations sociales sur les salaires des apprentis, totale pour les entreprises artisanales et de moins de onze salariés, partielle pour les autres – 1,3 milliard d'euros en 2012 – ; l'indemnité compensatrice forfaitaire versée par les régions – 800 millions d'euros en 2012 – ; un crédit d'impôt pour les employeurs d'apprentis – 470 millions d'euros en 2012 – ; une exonération d'impôt sur le revenu de l'apprenti – 285 millions d'euros en 2012.
À ces avantages pérennes se sont ajoutées trois mesures temporaires de soutien financier : le dispositif « zéro charges », pour 29 millions d'euros en 2009 et 2010 ; la prime à l'embauche d'un apprenti, pour 196 millions d'euros sur la même période ; enfin, la prime à l'embauche d'un alternant supplémentaire, pour 40 millions d'euros pour 2011 et 2012.
Cette brève présentation des montants et des dispositifs en jeu vous aura fait comprendre, mes chers collègues, toute la complexité du financement de l'apprentissage.
Trois pistes de réforme ont été évoquées lors des auditions.
Tout d'abord, il semble nécessaire de réduire le nombre d'organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage (OCTA). On en dénombre aujourd'hui 144, répartis entre 63 établissements consulaires, 55 OCTA nationaux et 26 OCTA régionaux. Bien que leur nombre ait déjà été fortement réduit – il en existait 563 en 2003 –, il semble encore trop élevé pour permettre une gestion optimale des financements et engendre une forte concurrence entre les structures. À titre de comparaison, il existe maintenant, la suite à la réforme de 2009, une vingtaine d'organismes collecteurs paritaires agréés (OPCA).
On constate, de plus, d'importants écarts de collecte entre les OCTA : trois organismes concentrent 30 % des montants, les dix plus importants réunissent 51 % de la taxe, alors que plus de cent OCTA gèrent moins de 10 millions d'euros, dont cinquante-six moins de 2 millions d'euros. Les frais de gestion varient également fortement selon les organismes : le coût moyen d'un dossier serait compris entre 10 et 2 655 euros. Pour l'ensemble des OCTA, les frais de gestion atteignent 30,3 millions d'euros.
Deux pistes de réforme des OCTA sont envisageables. La première consisterait à revoir leurs conditions d'agrément et à relever le seuil minimal obligatoire de collecte, à l'instar de ce qui a été accompli pour les OPCA. Ce seuil est actuellement fixé à 2 millions d'euros pour les OCTA à compétence nationale, et à 1 million d'euros pour les OCTA à vocation régionale. À titre de comparaison, il est de 100 millions d'euros pour les OPCA.
La seconde piste de réforme consisterait à rapprocher OPCA et OCTA, ce qui impliquerait une gestion paritaire des fonds de l'apprentissage, mais opérerait une véritable rationalisation du circuit de collecte. La branche de l'hôtellerie-restauration a déjà mis en oeuvre un tel dispositif. Cette hypothèse semble particulièrement intéressante, car elle permettrait de constituer une politique globale de formation professionnelle et d'apprentissage.
Au-delà de la réduction du nombre d'OCTA, il me semble indispensable d'accroître la transparence sur l'affectation des fonds de l'apprentissage. Une meilleure information des financeurs et des bénéficiaires apparaît, pour le moins, nécessaire, afin de mettre en place les relations de coopération les plus efficaces possibles. Une réflexion sur la répartition des fonds devrait aussi être menée.
Enfin, pour ce qui concerne le financement de l'apprentissage, le bonus accordé aux entreprises de 250 salariés et plus qui comptent dans leur effectif plus de 4 % de jeunes en contrat d'alternance a fait l'objet de nombreuses critiques lors des auditions. Son montant serait trop faible pour être réellement incitatif, et son obtention auprès de Pôle emploi se révèlerait difficile en pratique.
Face à cette situation, ce dispositif pourrait être aménagé. Son assiette pourrait, tout d'abord, être élargie : les salariés embauchés après un contrat d'alternance dans l'entreprise pourraient être comptabilisés dans la part des effectifs ouvrant droit au bonus, au moins pendant un moment – peut-être deux à trois ans. De nombreuses personnes auditionnées ont, de manière plus générale, insisté sur la nécessité de revoir les modalités de calcul du quota des « alternants ». La liste des entreprises bénéficiaires pourrait également être étendue aux structures de moins de 250 salariés accomplissant des efforts particuliers en matière de recrutement de jeunes en alternance. Le montant de l'aide pourrait, enfin, être augmenté.
L'engagement fort pris par l'ancien Gouvernement en faveur de l'apprentissage s'est traduit par une hausse du nombre d'entrées dans cette formation en 2011. Les premiers effets positifs de la loi du 28 juillet 2011 se font sentir. Vous trouverez des éléments de bilan à cet égard dans mon rapport.
J'espère donc que le nouveau Gouvernement poursuivra les efforts entrepris pour développer cette formation d'excellence, mais, au vu de nos échanges d'hier matin, je n'en doute pas. Trois orientations doivent selon moi être suivies pour construire une politique ambitieuse de l'apprentissage : l'amélioration de l'orientation des jeunes, la valorisation de la voie de l'apprentissage et le développement des formations, par exemple dans les structures publiques.
De l'avis général des personnes auditionnées, l'orientation demeure l'un des principaux obstacles au développement de l'apprentissage, malgré les progrès accomplis depuis 2009. Je pense que celle-ci devrait être plus librement choisie par les jeunes, grâce à une information plus large et de qualité. Cela permettrait, sans doute, de réduire le nombre de « décrocheurs ».
La mise en place du service public de l'orientation doit être poursuivie. Je tiens à saluer, d'ailleurs, le travail remarquable accompli, dans un délai très court, par M. Jean-Robert Pitte, délégué interministériel à l'information et à l'orientation.
Un autre moyen de construire une politique forte en matière d'apprentissage réside dans la valorisation de cette voie. Il faut lutter contre la mauvaise image dont souffre cette filière et, surtout, mieux accompagner les apprentis et leurs maîtres d'apprentissage.
À cet égard, je souhaite présenter brièvement l'amendement que j'ai déposé et qui vise à mettre en place des dispositifs d'accompagnement renforcé des apprentis et de leurs maîtres d'apprentissage. Il s'agit de prévenir les ruptures de contrats, souvent dues au manque d'accompagnement tant des jeunes, qui découvrent l'entreprise, que des maîtres d'apprentissage, qui auraient besoin de référents pour les aider dans la formation de publics parfois difficiles.
La Fondation des apprentis d'Auteuil, que nous avons reçue, a mené, en Alsace, une expérimentation d'accompagnement, par des éducateurs spécialisés, d'apprentis et de maîtres d'apprentissage dans le secteur des hôtels, cafés et restaurants. Cette expérimentation a donné de très bons résultats : tous les jeunes ont obtenu leur certificat d'aptitude professionnel (CAP) et le taux de rupture des contrats n'a pas dépassé 10 %. D'après les données transmises par la fondation, le coût de ce dispositif d'accompagnement renforcé s'élève à 17 000 euros pour vingt jeunes, soit 850 euros par jeune.
Mon amendement a donc pour objectif de déployer dans plusieurs régions un dispositif expérimental proche, qu'il faudra adapter selon les besoins des territoires. Son financement, à hauteur de 2 millions d'euros, permettrait d'en faire bénéficier environ 2 350 apprentis. Ce financement serait assuré par un transfert de crédits depuis l'action budgétaire relative aux contrats d'objectifs et de moyens pour le développement et la modernisation de l'apprentissage, dotée de 355 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2013.
Cet amendement a reçu un avis a priori favorable du Gouvernement lors de l'audition des ministres par la Commission hier matin.
Mêlant savoir être et savoir agir, la formation en apprentissage constitue une voie de réussite, qui ne m'apparaît pas devoir être une source de conflits partisans. Nous devons tous oeuvrer à son développement, car je rappelle que l'apprentissage obtient des résultats exceptionnels en termes d'insertion professionnelle et permet non seulement à des jeunes qui se trouvent en difficulté dans le système scolaire d'obtenir un diplôme, mais aussi à des étudiants de bénéficier d'une première expérience professionnelle solide avant la fin de leur cursus universitaire.
Le groupe SRC se réjouit de la hausse de plus de 4 % des crédits de la mission « Travail et emploi » qui avaient subi une baisse drastique sous la législature précédente, alors que la situation de l'emploi était très mauvaise. La rupture est nette.
Nous regrettons l'état dans lequel l'ancienne majorité nous laisse l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), qui est au bord du dépôt de bilan ; le Gouvernement a dû et devra encore intervenir pour la soutenir.
La rupture est visible également pour le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), qui ne subit plus de ponction, même s'il faudra encore examiner l'efficacité du service rendu et la façon dont le Parlement pourrait être associé à son travail.
Je regrette, monsieur Vercamer, que, malgré votre investissement en matière de dialogue social, vous vous prononciez contre l'adoption des crédits de la mission : lorsque l'on vous écoute, vous avez surtout souligné la continuité de ce budget avec ceux des années précédentes que vous avez votés. Je vois une contradiction dans votre attitude, mais sans doute s'agit-il d'une posture politique.
Les crédits alloués à l'activité partielle, qui avaient fortement diminué lors de la législature précédente, passent de 40 à 70 millions d'euros. Je note toutefois qu'une simplification de ce dispositif sera nécessaire.
Sur le dialogue territorial, je ne peux qu'approuver ce qui a été dit : il est beaucoup trop éclaté. Nous attendons avec impatience l'acte III de la décentralisation, qui pourra sans doute traiter de ce problème.
Vous avez parlé des conseils de prud'hommes, monsieur Vercamer, mais vous n'avez pas signalé la hausse des crédits destinés à la formation des salariés dans leurs fonctions syndicales.
La droite nous reproche souvent de ne pas prévoir suffisamment d'économies, mais vous n'avez pas parlé des importantes économies de personnel prévues dans le programme 155, qui perd 141 équivalents temps plein, soit 1,4 % de ses effectifs à périmètre constant, hors rattachement de la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP). Ces pertes d'effectifs, le ministre l'a confirmé hier, ne concernent que l'administration centrale et pas les DIRECCTE, dont l'application aveugle de la révision générale des politiques publiques avait fait considérablement diminuer l'efficacité. Aujourd'hui, sur le terrain, les services de l'État et les DIRECCTE sont largement handicapés.
Je me réjouis, car je le demandais depuis longtemps, que la Commission ait décidé la création d'une mission d'information consacrée à Pôle emploi. Cette mission devra également s'intéresser aux missions locales, et plus largement à l'ensemble du service public de l'emploi.
Sur l'apprentissage, monsieur Cherpion, vous êtes à la fois juge et partie. Vous demandez des améliorations, ce qui est bien normal, mais nous aurions préféré qu'elles figurent dès le début dans la loi qui porte votre nom.
Votre rapport me paraît présenter une grave lacune, car il ne mentionne pas, m'a-t-il semblé, la place des régions dans l'apprentissage. Or ce sont bien elles qui en sont responsables, qui décident des ouvertures et des fermetures de sections, et qui ont permis sa forte croissance.
Le groupe UMP se réjouit que ce budget maintienne nombre de dispositifs existants : contrat unique d'insertion (CUI), contrat de sécurisation professionnelle, école de la deuxième chance, contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS)… Nous nous réjouissons également du maintien de l'aide aux postes adaptés ; les 1 000 postes supplémentaires prévus permettront de respecter un engagement pris par l'État en 2011 dans le cadre du pacte pour l'emploi en entreprises adaptées. Les exonérations de charge pour les toutes petites entreprises qui emploient des jeunes sont maintenues, ce qui est tout à fait louable. Il en va de même des maisons de l'emploi et des missions locales. Il est important de noter que cela s'inscrit dans la continuité d'une politique mise en place sous le Gouvernement précédent.
Nous regrettons, en revanche, l'arrêt trop brusque du contrat d'autonomie, qui avait pourtant permis d'aider 44 000 jeunes depuis sa création – il n'est pas certain que tous ceux qui étaient éligibles à ce contrat le seront aussi pour les emplois d'avenir qui sont mis en place aujourd'hui. Le Conseil économique, social et environnemental a récemment recommandé d'aider d'abord les jeunes des quartiers prioritaires, ce que permettait le contrat d'autonomie.
Nous regrettons également la décision, prise sans concertation avec le ministère chargé de l'artisanat, d'aligner le dispositif des auto-entrepreneurs sur celui des entrepreneurs individuels, et la fin des exonérations correspondantes. Le régime des auto-entrepreneurs perd ainsi une partie de son attrait.
Nous regrettons encore la diminution des crédits affectés à la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (GPEC), qui passent de 97 millions à 60 millions d'euros, et qui permettent pourtant d'aider nombre de petites et moyennes entreprises.
Nous déplorons également l'abrogation de l'exonération de cotisations sociales pour les salariés créateurs ou repreneurs d'entreprise. Certes, ce dispositif n'a été utilisé que 1 500 fois l'an dernier, mais il représentait un signal en direction de la création ou de la reprise d'entreprises.
Vous prévoyez de nouvelles dépenses, notamment celles liées aux emplois d'avenir : pour 150 000 emplois, ils coûteront 2,3 milliards d'euros. Cela en vaudra-t-il vraiment la peine ? N'aurait-on pas pu faire mieux avec un dispositif moins coûteux ?
Ce budget ne traite pas, en revanche, des contrats de génération, pourtant censés être un dispositif phare de la mandature. Certes, ils ne sont pas encore créés, mais le seront sans doute en 2013 : quid alors de leur traduction budgétaire ?
Nous nous réjouissons de la réflexion menée par Gérard Cherpion sur l'accompagnement des maîtres d'apprentissage et des apprentis ; le nombre de ruptures anticipées doit en effet retenir notre attention. Nous voterons donc l'amendement qu'il a déposé.
Au total, l'augmentation des crédits de cette mission tient essentiellement aux emplois d'avenir, qui ne donneront pas nécessairement satisfaction en matière d'expérience et de formation. N'aurait-il pas été préférable de renforcer plutôt l'apprentissage ?
Où en est la réflexion sur la baisse du coût du travail et le financement de la protection sociale ? Nous persistons à penser que l'amélioration de la situation de l'emploi passe par une diminution du coût du travail, donc des charges sociales. À cet égard, nous regrettons que le Gouvernement soit revenu sur la « TVA sociale » ou « TVA compétitivité ».
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP ne votera pas ce budget qui ne contient pas de solutions, pas de propositions fortes pour créer un choc en faveur de l'emploi.
Nous nous félicitons tous du nombre de contrats aidés, même s'il paraît difficile de s'en satisfaire dans un pays où la création d'emploi ne se fait que par l'entreprise. C'est déjà une bonne chose que d'avoir stabilisé leur nombre.
Le ministre a redit hier la nécessité de territorialiser ces politiques et souligné que le sous-préfet pouvait être un acteur de ce processus : je m'en réjouis.
On sait combien il est difficile pour les acteurs du service public de l'emploi d'aider les jeunes les plus éloignés de l'emploi. L'indicateur 3-5 du programme 102 le montre d'ailleurs. La suppression du contrat d'autonomie ne me choque pas, mais les missions locales auront-elles encore les moyens d'aller chercher ces jeunes pour les amener vers l'emploi ?
Cela a été dit, vous prolongez beaucoup de dispositifs mis en place lors de la législature précédente. Je constate une baisse des moyens accordés à l'Établissement public d'insertion de la défense (EPIDE). Comment l'expliquez-vous ?
M. Repentin disait hier que la formation professionnelle n'avait pas forcément besoin de plus de moyens, mais qu'il lui fallait une meilleure gouvernance. Or le Gouvernement ne semble pas fixer de cap.
Sur le dialogue social, nous n'avons pas plus de visibilité. Un travail de fond est indispensable, notamment pour restructurer les branches professionnelles. Je m'interroge, moi aussi, sur la territorialisation et la constitutionnalisation du dialogue social.
Traiterez-vous de l'apprentissage dans le cadre de la nouvelle réforme de la décentralisation ? Il faudrait simplifier les procédures et renforcer le statut et les moyens du maître d'apprentissage.
Ce budget s'inscrit pour partie dans la continuité de ce qui a été fait précédemment et certains efforts sont accomplis, pour autant le groupe UDI ne le votera pas.
Ce budget est en hausse de plus de 4% : nous nous en réjouissons d'autant plus que la situation de l'emploi ne cesse de se dégrader, notamment pour les jeunes et les seniors.
Cela dit, les emplois aidés, subventionnés, ne remplacent pas les emplois classiques : ils permettent d'aider des publics fragiles. Je veux donc insister sur le fait que ces contrats doivent être systématiquement accompagnés d'une formation, sous l'égide de l'État et des collectivités territoriales – je pense aux régions et aux des départements.
Nous nous réjouissons du soutien apporté par le Gouvernement à l'AFPA.
Nous soutenons fortement, vous le savez, l'économie solidaire et les entreprises d'insertion. Le ministre a répondu, hier, sur le rapport de l'IGAS. Nous estimons toutefois qu'il serait bon de faire dès cette année un geste en faveur de ce secteur, peut-être en augmentant l'aide au poste.
Les augmentations d'effectifs prévues à Pôle emploi constituent une avancée incontestable. Il serait judicieux que la mission d'information se penche sur les rapports entre Pôle emploi et les différents prestataires privés ; ceux-ci font parfois du très bon travail, mais il serait bon que nous en sachions un peu plus sur ce sujet.
J'ai bien compris que la représentativité des organisations d'employeurs était le cheval de bataille de Francis Vercamer, mais le rapport demeure assez flou. Nous devons effectivement en débattre, de façon constructive. Il faudra aussi écouter les plus petites entreprises, et pas seulement celles qui ont de gros moyens et qui écrivent des tribunes dans la presse, mais qui ne détiennent pas forcément les bonnes solutions.
Enfin, nous croyons au rôle citoyen des entreprises et l'apprentissage doit être pour elles une manière de l'exercer.
Je ne surprendrai personne en disant que je me retrouve entièrement dans les propos de Monique Iborra.
Madame Louwagie, nous venons de fêter les trente ans des missions locales pour l'emploi : elles ont donc été soutenues par de nombreuses majorités successives. Elles seront fortement sollicitées pour la mise en oeuvre des emplois d'avenir : 30 millions d'euros sont prévus pour assurer le travail de suivi.
Vous avez ressuscité le débat sur le contrat d'autonomie, et je m'en étonne un peu, car l'opposition d'alors n'était pas seule à s'y opposer : ils coûtaient extrêmement cher pour une efficacité discutable. Arnaud Richard, je m'en souviens, les avait proprement exécutés lors du débat en séance publique.
Monsieur Richard, nous voulons effectivement apporter des solutions notamment aux jeunes en zones urbaines sensibles (ZUS) – ces publics connaissent des taux de chômage de 40 %, voire 60 %. Les emplois d'avenir leur sont destinés en priorité, et les missions locales seront fortement mobilisées. Le ministère de la ville entend également expérimenter les « emplois francs » dans quatre agglomérations : en l'absence de consensus sur le bien-fondé de cette idée – contestée par certains, à droite comme à gauche – il me paraît judicieux d'en passer par une expérimentation.
Sur les emplois d'avenir aussi, certains sont critiques, sceptiques : donnons sa chance au produit !
Monsieur Cavard, sur la nécessité qu'une formation accompagne chaque emploi aidé, vous avez bien sûr raison. Les emplois d'avenir répondent à vos attentes en la matière. Il faut aussi noter qu'un suivi sera assuré pendant les trois années de durée de l'emploi d'avenir ; cela paraît évident, mais en réalité cela n'a jamais existé. Cela ne sera pas simple à mettre en oeuvre, cela aura un coût qu'il faudra évaluer ; mais si cela fonctionne, peut-être pourra-t-on généraliser cette pratique à l'ensemble des contrats aidés. Par ailleurs, je ne doutais pas de votre soutien à nos propositions sur l'économie sociale et solidaire.
Je soutiendrai l'amendement proposé par Gérard Cherpion qui reprend des propositions que nous avions faites lors de la discussion de la loi portant son nom, notamment sur l'accompagnement et la médiation. Je suis moi-même président d'un centre de formation d'apprentis, et j'ai pu observer qu'un tout petit peu d'accompagnement permettait de faire chuter très rapidement le taux de rupture des contrats – même s'il est illusoire d'espérer que tous les contrats aillent à leur terme.
L'extension de l'apprentissage dans le secteur public serait en effet une excellente chose.
La baisse du budget de l'EPIDE m'avait, je l'avoue, échappé ; cela entre dans le cadre de la maîtrise des dépenses des opérateurs. Son financement relève de deux missions différentes et représente tout de même environ 90 millions d'euros pour 2 000 jeunes aidés environ, ce qui est beaucoup. Il faudra se pencher sur le sujet, d'autant que son précédent directeur a été limogé il y a peu, et qu'il semble aujourd'hui y avoir quelque flottement dans la gouvernance. L'EPIDE devra, à l'avenir, accueillir plus de jeunes pour un budget semblable.
Je relève une incontestable continuité entre la politique d'hier et celle d'aujourd'hui. Dès lors, me dit-on, comment avoir approuvé hier ce que vous désapprouvez maintenant ? L'argument peut se retourner contre mes collègues socialistes qui désapprouvaient hier ce qu'ils approuvent aujourd'hui.
À périmètre constant, les programmes 111 et 155 sont tous deux en baisse, le premier de 2,16% et le deuxième de 3,57%. Quand un gouvernement affiche comme priorités nationales le dialogue social et sa constitutionnalisation, la santé au travail et la lutte pour l'emploi, présenter un budget en baisse dans les chapitres correspondants manque, pour le moins, de la cohérence la plus élémentaire. C'est la première raison qui me fait émettre un avis défavorable. La seconde tient à ce que, rapporteur pour avis de ce budget depuis déjà quatre ans, j'ai toujours disposé d'une évolution prévisionnelle des programmes à moyen terme, ce qui me paraît essentiel dans des domaines comme, par exemple, celui de la santé au travail. Or, cette année, le Gouvernement ne m'a communiqué que l'évolution annuelle de la mission « Travail et emploi ». Je ne sais donc pas comment va évoluer la politique gouvernementale dans les années à venir sur certains programmes. C'est pour ces raisons de principe que mon avis est défavorable en dépit de la relative continuité de l'action publique et de son utilité dans certains secteurs.
Voilà aussi plusieurs années que je réclame une réflexion sur la représentativité patronale. On m'a toujours répondu favorablement sur le principe, mais les partenaires sociaux n'ont jamais rien sollicité. Le Gouvernement souhaite maintenant qu'ils y travaillent. Je reconnais que le sujet est délicat : on ne peut pas davantage inscrire le principe d'une entreprise égale une voix que celui d'un salarié égale une voix. Comment en effet mettre à la même enseigne une entreprise artisanale et une entreprise de 200 000 salariés ? Il faut donc, pour que chacun trouve son juste poids dans la négociation, définir une formule intermédiaire, difficile à calibrer. La Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) a, pour cela, proposé des seuils, ce qui constitue une piste parmi d'autres : aux partenaires sociaux de déterminer entre eux le meilleur équilibre. Les auditions auxquelles j'ai procédé sur ce thème montrent de larges différences d'appréciation. L'accord sera donc probablement difficile à trouver et, si les partenaires sociaux n'y parviennent pas, nous devrons sans doute faire des propositions indépendantes des clivages politiques, mais inspirées par le bon sens.
L'idée de constitutionnalisation du dialogue social me rend perplexe. Ne relève-t-elle pas davantage de l'affichage que d'une bonne prise en compte de la réalité ? S'il s'agit seulement de constitutionnaliser les procédures de concertation, la loi les sécurise déjà. Et je note que le projet loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 n'a pas craint de remettre en cause un accord national interprofessionnel portant sur les indemnités de chômage versées aux signataires d'une rupture conventionnelle, qu'elle a taxées nonobstant la signature des parties. Prôner est bien, appliquer vaut mieux.
Mon rapport porte sur un compte d'affectation spéciale donc sur une politique de l'Etat, mais .J'ai naturellement mentionné le rôle des régions tout au long du rapport, en raison de l'importance de leurs interventions que je suis le premier à reconnaître. J'ai même établi un tableau récapitulatif de l'ensemble de ce qu'elles réalisent.
Je tiens aussi à préciser que le bonus accordé aux entreprises de 250 salariés et plus, dont le nombre de jeunes en contrat d'alternance est supérieur à 4%, était inscrit non pas dans la loi du 29 juillet 2011, mais dans la loi de finances rectificative du 6 juillet 2011.
Je partage ce qu'a dit Christophe Cavard sur l'importance de la sensibilisation des petites entreprises (PME et TPE). C'est d'ailleurs le rôle incombant aux développeurs de l'apprentissage, qui ont pu impliquer des entreprises qui, auparavant, n'avaient jamais pris d'apprentis ou bien en avaient conservé un désagréable souvenir. Le projet de budget maintient les crédits qui leurs sont destinés, ce qui va dans le sens que vous souhaitez.
Véronique Louwagie et Arnaud Richard ont tous deux réaffirmé leur soutien au développement de l'apprentissage comme une voie, parmi d'autres, d'excellence et de réussite professionnelle. Outre-mer, il existe un outil analogue, le service militaire adapté (SMA) , qui permet de former, en alternance, chaque année 3 000 jeunes. L'objectif du dispositif a été porté à 6 000.
Nous apprécions que l'ancienne majorité devenue opposition considère que nous nous inscrivons dans la continuité de son action, mais cela ne vaut que pour des mesures de détail. L'essentiel de notre politique de l'emploi marque au contraire une rupture. D'abord, sur les emplois aidés : au stop and go du Gouvernement précédent, nous substituons de véritables emplois aidés, d'une durée suffisante pour produire des effets tangibles. C'est le cas notamment des emplois d'avenir, que l'UMP aurait été bien inspirée de voter à entendre ce qu'elle dit aujourd'hui. Le deuxième étage de la fusée emploi c'est le contrat de génération, dans le sillon d'un dialogue social qui faisait jusqu'ici défaut. Ce contrat concernera à la fois les jeunes et les seniors, dont les taux de chômage ont augmenté respectivement de 10 % et de 17 %, avec une aggravation préoccupante du chômage de longue durée (de plus d'un an) et de très longue durée (de trois ans et plus).
Une première mesure est intervenue, dans le décret du 2 juillet dernier, en faveur des carrières longues, pour faciliter les départs anticipés. Elle devrait concerner, en 2013, 110 000 personnes que la réforme des retraites avait oubliées. Le remplacement de l'allocation équivalent retraite (AER) par l'allocation transitoire de solidarité (ATS), combiné avec les âges de la retraite portés à 62 et 67 ans, fut à cet égard une véritable catastrophe. Nous y reviendrons.
Je trouve désobligeant de qualifier d'insuffisant le rapport pour avis de notre collègue Gérard Cherpion, comme l'a fait Monique Iborra.
Compte tenu de ce qui a été dit sur les changements de posture politique, selon que l'on appartient à la majorité ou à l'opposition, si j'étais vous, je voterais contre ce projet de budget. Car, après tout ce qui a été dit, et continue d'être dit chaque jour, sur la situation catastrophique de l'emploi, imputable à notre politique désastreuse, la nouvelle majorité ne change rien, ou si peu : les emplois d'avenir. En tant que maire, j'ai étudié ce nouveau dispositif, pour me rendre finalement compte qu'il était moins avantageux que les chantiers d'insertion, aidés à 90% par l'État pour les mêmes bénéficiaires, contre 75% pour les emplois d'avenir. Je ne vois donc pas quel intérêt il présente et je ne l'utiliserai probablement pas.
Nous sommes évidemment tous d'accord sur la nécessité d'améliorer le service rendu par Pôle emploi. Mais obliger les entreprises à déposer leurs offres auprès de cet organisme, comme le propose Jean-Patrick Gille dans son rapport, me paraît contradictoire avec le développement de l'autonomie locale qu'il prône.
Francis Vercamer voudrait, quant à lui, que l'initiative parlementaire soit gelée en cas de négociations entre les partenaires sociaux. On peut en approuver le principe, mais la mesure me paraît constitutionnellement impossible.
Enfin, Gérard Cherpion plaide en faveur d'une réforme du financement de la formation et de l'apprentissage. Voilà vingt ans qu'on dit la même chose !
Ce budget ne propose donc rien de bien neuf et, en tout cas, rien qui puisse répondre aux incantations de la majorité quand elle parle d'emploi.
Le rapport de Gérard Cherpion sur l'apprentissage ne comporte rien sur la formation professionnelle, qui se situe pourtant au coeur de celui-ci et tient également sa place au sein de l'éducation nationale, qui compte de nombreux lycées professionnels où l'on apprend un métier.
Il faut donc parvenir à réunir tous les partenaires concernés par l'apprentissage et par la formation professionnelle.
Le rapport parle peu des freins à l'apprentissage, observés dans les entreprises, auprès des jeunes et dans leurs familles. Certains sont liés au sexe et d'autres aux comportements discriminatoires de certaines entreprises. Nous devons nous efforcer de les lever. Les missions locales s'y emploient déjà. Mais nous devons accentuer notre effort dans ce sens.
Je me réjouis de la poursuite des contrats d'accompagnement dans l'emploi (CAE). Mais combien de temps encore va-t-on les maintenir ? au-delà de 2013 ? Les collectivités locales doivent savoir si elles peuvent continuer de recourir à des emplois aidés, car elles en ont grand besoin et offrent généralement aux intéressés des sorties satisfaisantes.
L'ancien Gouvernement avait prévu, dans le cadre du grand emprunt, une ligne de crédits, de l'ordre de 500 millions d'euros, afin d'aider les investissements immobiliers des centres de formation d'apprentis (CFA). Qu'est-elle devenue ?
Je salue les priorités accordées à la jeunesse et au maintien dans l'emploi des seniors. Mais, en dépit du décret du 2 juillet 2012 relatif à l'âge d'ouverture du droit à pension de vieillesse, certaines situations demeurent irrésolues pour des personnes victimes des mesures d'âge et n'ayant pas encore 60 ans.
L'augmentation des moyens alloués au soutien de l'emploi des handicapés dans le cadre des entreprises adaptées porte sur 1 000 postes supplémentaires, ce qui représente un effort substantiel : actuellement 35 % seulement des handicapés ont un emploi, ce qui correspond à un taux de chômage deux fois plus élevé que celui du reste de la population.
On ne peut pas opposer, comme l'a fait notre collègue Dominique Dord, les différents types de contrats aidés. Il faut, au contraire, tabler sur leur complémentarité afin de mieux lutter contre le dramatique chômage des jeunes.
Personne ne peut être en désaccord avec Jean-Patrick Gille lorsqu'il affirme que « la politique de l'emploi a plus que jamais besoin d'être soutenue ». Je note l'effort consenti en faveur des contrats aidés et des contrats d'avenir, dont les nombres s'accroissent respectivement de 40 000 et de 100 000 en 2013. J'approuve également les contrats de génération, ainsi que le renforcement de Pôle Emploi.
Mais demeure le problème de la compétitivité de notre économie. La remise en cause des exonérations de charges patronales risque d'accentuer encore notre handicap vis-à-vis de l'Allemagne, particulièrement dans le secteur agricole. Dès lors, les mesures en faveur de l'emploi risquent de se voir totalement effacées par l'absence de dispositions vigoureuses en faveur de la compétitivité et donc de la croissance.
On a beau prétendre ce budget volontariste, la réalité est qu'il n'aura aucune incidence sur le redressement économique de notre pays. Tout se passe comme si, au volant d'une voiture en panne, nous nous préoccupions de repeindre la carrosserie au lieu de réparer le moteur.
Progressant de 4 %, le budget du travail et de l'emploi va dans le bon sens en renforçant Pôle emploi, aujourd'hui insuffisamment efficace, comme en mettant en place les contrats de génération et les emplois d'avenir.
Reste toutefois le problème de la suppression de l'allocation équivalent retraite (AER) et de son remplacement par l'allocation transitoire de solidarité (ATS), souligné par Jean-Patrick Gille. Les demandeurs d'emploi comptant les annuités de cotisations nécessaires pour partir à la retraite ne peuvent bénéficier de celle-ci en raison du report de l'âge légal à 62 ans. En dépit du soutien à l'emploi des seniors, les personnes concernées ne peuvent évidemment retrouver un emploi. Ce qui les met dans une impasse et provoque des situations de détresse. Les résoudre coûterait environ 500 millions d'euros. C'est pourquoi le rapporteur pour avis a raison de préconiser une réflexion sur des modalités spécifiques de prise en charge. Ne pouvant nous contenter de la perspective d'une réforme des retraites en 2013, il nous faut alerter le Gouvernement afin de parvenir à une solution de remplacement permettant aux intéressés d'attendre dignement leur retraite.
La situation économique et sociale de la Polynésie française appelle des mesures d'urgence. Un état de fait ne doit pas devenir un fait accompli. Nous nous réjouissons donc, pour 2013, de la progression des crédits du travail et de l'emploi consacrés aux territoires ultramarins, de 4,5 % en autorisations d'engagement et de 5 % en crédits de paiement à périmètre constant.
Notre archipel compte aujourd'hui plus de personnes dépendantes des régimes de solidarité que de salariés. La dette sociale a ainsi augmenté de plus de 50 % depuis 2004.
Le taux de chômage de notre jeunesse est devenu insupportable dans nos régions d'outre-mer : il atteint 60 % des 15-24 ans en Martinique et à La Réunion, 53 % en Guadeloupe, 48 % en Guyane, contre 22,9 % dans l'hexagone.
La mission « Travail et emploi » revêt donc pour nous une importance toute particulière. Elle appelle néanmoins trois réserves. Le service militaire adapté (SMA) a prouvé son efficacité, mais le dispositif prévu pour 2013 est insuffisant. L'agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM) est devenue l'unique opérateur des politiques de formation professionnelle et d'accès à l'emploi. Mais ses actions et ses objectifs demeurent flous. Enfin, la formation et l'orientation des jeunes restent très imprécises en Polynésie.
Comme Francis Vercamer, je suis satisfait de la stabilité du budget de la santé et de la sécurité au travail, et je lui sais gré d'avoir mentionné les risques psychosociaux, dont la prise en compte me paraît essentielle en entreprise. Mais, depuis 2004 et la transposition de la directive européenne, la situation a peu évolué. On avait alors observé que les organisations, davantage que les responsables individuels, se situaient au centre des difficultés rencontrées par les salariés, et considéré le dialogue social comme facteur essentiel des progrès envisageables.
La loi du 20 juillet 2011 relative à l'organisation de la médecine du travail a amélioré les possibilités d'agir des services de santé au travail. Il n'en demeure pas moins qu'au sein des entreprises, des organisations délétères sont largement responsables de la souffrance au travail et mettent des travailleurs en difficulté, notamment par l'individualisation des tâches. Des formes collectives de défense, autrefois actives, ont maintenant disparu. Le rapport pour avis n'en parle pas. Mais les pistes de réflexion existent en la matière et devront être demain précisées.
Le programme 103, « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi », montre la cohérence entre l'institution des emplois d'avenir et les grandes orientations du budget pour 2013.
Lors du débat parlementaire, nous fûmes nombreux à souligner que la réussite des emplois d'avenir passerait par l'accompagnement des structures employeuses, spécialement associatives, très fragilisées au cours des dernières années et souvent de petite taille.
Je salue donc l'importance accordée aux dispositifs locaux d'accompagnement (DLA), dont il faudra renforcer les crédits. Créés en 2002 par la Caisse des dépôts et consignations, gérés par l'Avise depuis 2003, ils ont fourni la preuve de leur efficacité et sont plébiscités par tous les acteurs de l'économie sociale et solidaire. Les associations ayant eu recours à ce dispositif ont renforcé leur modèle économique et employé davantage de personnes.
Il ne faut pas opposer emploi public et emploi privé. Nous avons besoin des deux pour redresser notre économie. Il n'est pas vrai que seules les entreprises privées créent des emplois. Les associations et les services publics en créent aussi. Certaines personnes ne pouvant directement entrer dans une entreprise privée passent ainsi par des contrats aidés ou par des emplois d'avenir. Je suis donc affolée lorsque j'entends un élu de la République nous dire qu'il ne signera pas de contrats d'avenir dans sa commune, condamnant ainsi des jeunes en difficulté à ne jamais entrer dans le monde du travail.
Le débat sur l'apprentissage ressort une fois de plus des limbes. Les présidents de chambres de métiers et les employeurs expriment leur souci pour qu'il cesse d'être une voie de garage. Une refondation de l'école devrait aboutir à ce que moins d'élèves se trouvent en difficultés et à ce qu'ils puissent choisir plus librement l'apprentissage.
On ne va pas assez loin dans les actions en faveur des handicapés, alors que d'intéressantes expériences se développent en régions – je regrette qu'on ne les retrouve pas dans le rapport pour avis sur l'apprentissage.
Les personnes en difficulté ne demandent qu'à s'intégrer dans la société et dans le monde du travail. Il faut cesser de faire preuve de mépris à l'égard des associations et des services publics qui oeuvrent à leur insertion.
Nous avons déjà évoqué les différents dispositifs de soutien à l'emploi. La réussite des mesures correspondantes nécessite de veiller d'abord à l'implantation et à l'organisation des différents services de l'emploi, tels que Pôle Emploi, les DIRECCTE et les missions locales ; tous doivent être des services de proximité au plus près des besoins des demandeurs d'emploi.
Il faut de même s'assurer de la professionnalisation des équipes, au contact de personnes de plus en plus exclues de la formation et de l'emploi.
Il est enfin important que les différents dispositifs et services soient bien coordonnés sur nos territoires afin d'accompagner au mieux les demandeurs d'emploi.
Nous partageons bien des analyses, notamment s'agissant de la nécessaire territorialisation des dispositifs de soutien à l'emploi, encore trop peu déployée et n'entraînant pas forcément de coûts supplémentaires. Une gestion trop surplombante démobilise en effet les professionnels de terrain.
Dominique Dord a tort de considérer que les emplois d'avenir et les chantiers d'insertion sont des dispositifs concurrents. Les premiers relèvent certes de la même logique que les seconds, mais avec un dispositif considérablement renforcé, durant trois ans et comportant une formation obligatoire.
Les contrats de génération représenteront demain un autre progrès. Il en ira de même du soutien à l'activité partielle, trop peu répandue en France, notamment par comparaison avec l'Allemagne, et sur laquelle le ministre du travail a insisté hier.
La politique de formation des demandeurs d'emplois traduit une rupture totale avec les choix du Gouvernement précédent. Pendant sa campagne électorale, l'ancien Président de la République a semblé découvrir que seulement 10 % des demandeurs d'emploi étaient formés par le truchement de Pôle emploi, alors que ce sont les gouvernements auxquels il a participé ou qu'il a nommés qui ont mis à mal les politiques de formation des demandeurs d'emplois. Mentionnons à ce sujet la tentative de démantèlement de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), la ponction financière annuelle, de 300 millions d'euros, du dispositif de formation mis en place par un accord des partenaires sociaux, la création de Pôle emploi, qui ne fut guère une réussite, enfin la suppression de toute action de formation dès lors qu'elle ne s'appuyait pas sur un contrat de travail.
Tournant le dos à ce lourd bilan, nous souhaitons réactiver toute une série de dispositifs en faveur de la formation des demandeurs d'emploi, moyen essentiel de la lutte contre le chômage de longue durée.
Par provocation, je me suis interrogé, dans le rapport, sur le rétablissement d'une obligation de dépôt des offres d'emploi à Pôle emploi. Cela me permet de rappeler quelques chiffres éloquents : avec une masse salariale de 3 milliards d'euros, et près de 50 000 agents, Pôle emploi ne traiterait que 16% du marché de l'emploi, ou 3 millions d'offres, dont 500 000 contrats aidés dont l'organisme a le monopole, quand on signe en France 30 millions de contrats de travail par an. Un effort de redressement s'impose donc.
Les propos de Michel Liebgott ont dû dépasser sa pensée : il est faux de dire que l'ancien Gouvernement ne pratiquait aucun dialogue social. N'oublions pas la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social, dite loi « Larcher ». Je constate par ailleurs que le Gouvernement actuel a fait adopter les emplois d'avenir sans aucune négociation sociale préalable et qu'il a modifié, par le projet de loi de financement de la sécurité sociale, un accord national interprofessionnel sur la rupture conventionnelle.
Geler l'initiative parlementaire pendant que des négociations sociales se déroulent permettrait d'éviter de modifier les règles du jeu au même moment. Peut-être faut-il donc réviser la Constitution à cette fin.
J'avais consacré, en 2010, mon rapport budgétaire sur l'organisation de la santé au travail et sur la médecine du travail. Ce rapport a conduit indirectement, par la voie d'une proposition de loi au Sénat, à l'adoption de la loi précitée du 20 juillet 2011. Mais il reste à la compléter, notamment sur les risques psychosociaux.
Personne n'oppose l'emploi public à l'emploi privé, madame Bulteau. Mais il est vrai qu'un trop grand nombre d'emplois aidés pourrait freiner les créations d'emploi par les entreprises privées, comme l'a dit Arnaud Richard.
Il faut non pas opposer les systèmes mais, au contraire, bâtir d'étroits partenariats entre les différents modes de formation et favoriser les passerelles. En raison de financements différents, je ne me suis ici intéressé qu'au compte d'affectation spéciale créé par la loi de finances rectificative pour 2011.
Les freins au développement de l'apprentissage résultent, d'une part, de l'orientation, d'autre part, de l'accompagnement. Dans le cadre de cet avis budgétaire, à objectif limité, j'ai identifié des pistes d'amélioration, mais je n'ai pas arrêté de solutions définitives.
Un gros effort reste à accomplir pour l'apprentissage au sein des services publics. Mes auditions ont en effet permis de constater l'existence d'expériences encourageantes, notamment dans certaines communes.
Sylviane Bulteau a eu raison de dire que l'apprentissage devait procéder du choix des jeunes et de leurs parents plutôt que de contraintes éducatives. Mais il faut posséder un certain nombre de connaissances avant d'entrer dans le système.
Le dispositif interactif de valorisation des acquis (DIVA) et le dispositif académique de valorisation des acquis (DAVA) fonctionnent bien dans certaines régions, spécialement en région Lorraine, qui a consenti un effort important.
L'outre-mer, et la Polynésie en particulier, se heurtent à des problèmes généraux de formation et de développement des entreprises dans ce secteur. Il faudra leur apporter une réponse globale.
À l'origine, les emplois d'avenir ne comportaient pas de volet relatif à la formation. C'est au Parlement que celui-ci a été ajouté.
Monsieur Vercamer, j'ai eu la chance d'assister hier, à Matignon, à la signature des six premiers emplois d'avenir. Les jeunes bénéficiaires, dont trois venaient de Marseille et trois de l'Essonne, se sont alors demandés pourquoi les employeurs privés ne leur accordaient pas la même confiance que l'État. C'était un témoignage intéressant.
Mon propos n'était pas de critiquer le système. Je voulais simplement préciser qu'une association est une entreprise privée comme une autre. Ce que prône depuis toujours l'économie sociale et solidaire. Il s'agit donc bien d'emplois de droit privé, et je ne vois pas pourquoi les associations ne devraient pas passer par le dialogue social !
La Commission en vient à l'examen des articles.
Article 46 : État B – Mission « Travail et emploi »
La Commission est saisie de l'amendement AS 1 de M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis sur l'emploi.
Cet amendement vise à doter l'allocation équivalent retraite (AER) et l'allocation transitoire de solidarité (ATS), sur une même ligne budgétaire, de 20 millions d'euros supplémentaires en autorisations d'engagement et de 10 millions d'euros supplémentaires en crédits de paiement.
L'AER a été supprimée au 1er janvier 2011, mais les bénéficiaires antérieurs qui continuent de la toucher représenteront encore une charge de 220 millions d'euros en 2013.
Le dispositif transitoire de l'ATS ne concerne que le public très restreint des demandeurs d'emploi nés entre 1951 et 1953 et âgés d'au moins 60 ans lors de leur arrivée en fin de droits au titre de l'assurance chômage. Il ne bénéficierait ainsi qu'à moins de 2 500 personnes, pour un coût initialement prévu de 10 millions d'euros, qui ne seront donc vraisemblablement pas entièrement consommés.
Il ne saurait être question de rétablir l'AER, dont le coût a pu atteindre 800 millions d'euros. Cela ne serait pas financièrement responsable, son coût serait aujourd'hui estimé à environ 500 millions, et irait à l'encontre de l'objectif global d'élévation du taux d'activité des seniors. Toutefois, certaines des personnes licenciées avant le 1er janvier 2009 pouvaient légitimement espérer bénéficier de ce dispositif en arrivant en fin de droits. Elles se retrouvent aujourd'hui flouées par sa suppression, n'ayant pas encore l'âge du départ à la retraite. Elles ne peuvent bénéficier, au mieux, en fonction de leur situation familiale, que de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), à savoir quelque 450 euros par mois.
Le rétablissement d'un dispositif d'allocation équivalent retraite pour les seuls demandeurs d'emploi licenciés entre 2008 et 2009 n'aurait qu'un coût limité, mais difficile à estimer. Avec le décret du 2 juillet 2012 sur l'élargissement des conditions de départ anticipé en retraite pour les carrières longues, un certain nombre, voire une forte proportion, de bénéficiaires de l'ATS devrait pouvoir liquider leurs droits à pension. Ce qui laisse une marge au sein des 10 millions d'euros prévus pour 2013. Les crédits prévus pour le financement du décret précité laissent également quelques marges.
Mon amendement est gagé non sur les emplois en zones de revitalisation rurale (ZRR), comme je l'avais d'abord envisagé, mais sur le nouvel accompagnement pour la création et la reprise d'entreprise (NACRE). Il a surtout pour objet d'alerter le Gouvernement afin qu'il trouve une solution satisfaisante en faveur de personnes qui sont dans une situation particulièrement douloureuse.
Le problème majeur est évidemment celui des bornes et des mesures d'âges. Certes, nous en rediscuterons au cours de l'année qui vient, mais il nous faut d'abord régler la question des personnes échappant actuellement à tout dispositif de compensation.
Je me suis opposé à la suppression de l'AER, alors décidée contre la position du groupe du Nouveau Centre. Nous allons donc voter cet amendement, qui répond aux besoins d'environ 40 000 personnes ayant cotisé le nombre d'années nécessaires pour bénéficier d'une retraite mais n'ayant pas atteint l'âge légal de celle-ci.
Des personnes ont quitté leur emploi dans le cadre d'un plan social à l'occasion duquel on leur avait assuré qu'elles seraient rémunérées dans de bonnes conditions jusqu'à leur retraite. Le changement de dispositif les a privées de ce qu'on leur avait promis. L'amendement vise à remédier à cette situation. Il ne doit pas pour autant permettre un appel d'air en faveur de nouvelles mesures d'âge, qu'il faut combattre. Il reviendra sans doute au décret de bien le faire apparaître.
La Commission adopte l'amendement AS 1 à l'unanimité.
Puis elle examine l'amendement AS 2 de M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis sur l'emploi.
Le secteur de l'insertion et du travail temporaire d'insertion présente un fort potentiel de créations d'emplois, mais se heurte à des difficultés car l'aide au poste n'a pas été revalorisée depuis 2002. J'entends donc envoyer un signal positif aux entreprises concernées. À ce jour 14 500 postes sont aidés, à hauteur de 9 681 euros. Majorer la dotation de 10 millions d'euros permettrait donc de financer environ 15 000 postes, à hauteur de 10 000 euros.
Le ministre nous a parlé hier d'une mission de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'Inspection générale des finances (IGF) destinée à améliorer les processus d'insertion et à reconsidérer leurs financements. L'adoption de cet amendement faciliterait des évolutions positives et contribuerait à mobiliser les réseaux de l'insertion en faveur de la réussite des emplois d'avenir.
L'action des entreprises d'insertion par l'activité économique a été considérablement réorientée depuis leur création. Ces entreprises constituent normalement un sas devant permettre d'accéder à des emplois pérennes. Il faudra donc examiner avec soin les conclusions du rapport de l'IGAS.
L'aide au poste est gelée depuis dix ans. Les emplois d'avenir n'ont pas pour objet de résoudre les difficultés que connaissent, de ce fait, les entreprises d'insertion. L'IGAS pourrait, selon le ministre, proposer une modification plus globale du soutien qui leur est apporté. Il nous revient toutefois de faire un geste en faveur de la revalorisation de l'aide au poste.
Le premier amendement que nous avons adopté a déjà amputé de 10 millions d'euros les crédits du nouvel accompagnement pour la création et la reprise d'entreprise (NACRE). Et celui-ci vise à retirer encore 10 millions à un dispositif bénéficiant de 25 millions de crédits de paiement. Que restera-t-il au NACRE ?
Votre remarque est pertinente et je comprends votre inquiétude. Nous touchons là aux limites et à la difficulté du droit d'amendement en matière de loi de finances. Je propose de voter sur un principe, après quoi il sera toujours possible de rediscuter du gage avec le Gouvernement. Mon intention n'est pas de m'attaquer au NACRE.
La Commission adopte l'amendement AS 2.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS 3 de M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis sur l'emploi.
Cet amendement vise à ajouter 2 millions d'euros aux 10,4 millions de la dotation des dispositifs locaux d'accompagnement (DLA) qui apportent leur compétence et leur ingénierie aux associations et aux structures d'insertion par l'activité économique, déterminantes pour le démarrage des emplois d'avenir. Il convient de renforcer ainsi la dimension territoriale des instruments de l'insertion professionnelle et, plus généralement, de la politique de l'emploi.
Cet amendement est le bienvenu. En effet, les associations éprouvent parfois du mal à trouver certains moyens de formation, notamment à la gestion, alors qu'on fait de plus en plus appel à elles dans l'approche territoriale de l'emploi. C'est pourquoi je me suis toujours opposé à la diminution de leurs crédits. Le groupe UDI votera cet amendement.
La Commission adopte l'amendement AS 3 à l'unanimité.
Puis elle examine l'amendement AS 4 de M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis sur l'emploi.
Le Fonds d'insertion professionnelle des jeunes (FIPJ) finance des actions complémentaires à l'accompagnement personnalisé et renforcé des jeunes confrontés à des difficultés d'insertion professionnelle ou d'accès à l'emploi. Il fournit ainsi des « coups de pouce » à la formation, à la qualification et à l'emploi, individuels et collectifs.
Alors que le projet de budget maintient les crédits de toute une série de dispositifs en faveur des jeunes, on relève curieusement la disparition de 1,4 million au détriment du FIPJ. Je propose donc de rétablir la dotation, qui se situait d'ailleurs à un niveau très supérieur il y a quelques années.
Je préférerais que cet amendement ne soit pas gagé, comme les précédents, sur le dispositif NACRE d'accompagnement des demandeurs d'emploi créateurs d'entreprise, qui me semble important pour la réinsertion professionnelle.
Le groupe UMP votera cet amendement, mais la réserve qui vient d'être formulée doit être prise en compte, car il ne reste déjà presque plus rien pour le dispositif NACRE. L'aide aux chômeurs créateurs d'entreprise, elle-même créatrice d'emplois, mérite également le soutien de l'État.
Je répète que mes amendements visent à alerter le Gouvernement sur certaines priorités de principe, quitte à réexaminer les gages avec lui. Il ne s'agit évidemment pas de s'attaquer au dispositif de soutien à la création d'entreprises, bien au contraire.
On procédait de la même manière au cours de la précédente législature, en recourant aux mêmes types de gages, du fait de l'article 40 !
Dans la mesure où nous nous accordons tous sur le fond, ne nous divisons pas sur la question du gage.
La Commission adopte l'amendement AS 4 à l'unanimité.
Elle émet ensuite un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Travail et emploi » figurant à l'article 46, état B, ainsi modifiés.
Article 48 : État D – Mission « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage »
La Commission examine l'amendement AS 5 de M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis sur l'apprentissage.
Cet amendement vise à mettre en place des dispositifs d'accompagnement renforcé des apprentis et de leurs maîtres d'apprentissage. Il s'agit de prévenir les ruptures de contrats, souvent dues à un manque d'accompagnement, tant des jeunes qui découvrent l'entreprise que des maîtres d'apprentissage qui auraient parfois besoin de référents pour les aider dans la formation de publics difficiles. À cet égard, la Fondation des apprentis orphelins d'Auteuil a mené une expérimentation d'accompagnement, par des éducateurs spécialisés, d'apprentis et de maîtres d'apprentissage, qui a permis d'obtenir un taux de rupture des contrats très faible – seulement 10 % – et un taux de 100 % de réussite au CAP pour ceux qui ont continué. Ce dispositif a coûté 17 000 euros, soit environ 850 euros par jeune accompagné. Une ligne de crédits de 2 millions permettrait d'accompagner 2 350 apprentis.
D'abord, les ruptures de contrats sont très majoritairement dues à un problème d'orientation. La loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie n'a rien amélioré à cet égard.
Ensuite, tous les employeurs d'apprentis bénéficient d'une prime et sont, en contrepartie, chargés d'organiser l'accompagnement. Il ne faudrait pas qu'au prétexte de la mise en place d'un tutorat, les entreprises se trouvent exonérées de toute responsabilité en matière de formation, consubstantielle à l'apprentissage.
Il est évident qu'un des bons moyens de développer l'apprentissage en France consiste à limiter le taux de rupture de contrats, très élevé dans certains secteurs.
En plus du problème d'orientation, se pose aussi souvent celui de l'incompréhension entre l'apprenti et son maître d'apprentissage, qui nécessiterait d'organiser une certaine mobilité. Les expérimentations »Hirsch », qui ont fait suite au livre vert de 2009 sur la mobilité des jeunes à des fins d'apprentissage, ont fait leurs preuves, mais n'ont pas été poursuivies. Il conviendrait d'en reprendre le fil et de développer une approche locale, par exemple en associant plus étroitement les CFA, les missions locales et les entreprises. Tisser de tels liens me paraît bien préférable à une succession de dispositifs nationaux.
L'apprenti et son tuteur ont, l'un comme l'autre, besoin de reconnaissance et de formation. Mais les incitations financières destinées aux entreprises respectant les quotas en alternance ne me paraissent pas les plus efficaces a priori. Comment se traduiront-elles concrètement ? Les entreprises vont-elles embaucher des éducateurs spécialisés ?
M. René Falanga vient de publier Un parrain, ouvrage sur le parrainage dans les missions locales, mécanisme dont il démontre l'efficacité et l'absence de coût.
La rupture de contrat est souvent liée aux difficultés rencontrées par l'apprenti dans l'entreprise, où l'accueil n'est pas toujours optimal. Dans ce cas, l'entreprise ne l'aidera guère à trouver un autre maître d'apprentissage. Une entité extérieure me paraît donc préférable et les missions locales sont particulièrement bien placées pour cela.
Nous ne connaissons pas suffisamment l'expérience menée en Alsace dans les hôtels, cafés et restaurants, dont parle Gérard Cherpion. Mais bien des questions subsistent.
Un éducateur spécialisé possède une qualification particulière qui peut se révéler insuffisamment ciblée. Le bénéfice de l'expérimentation se mesure-t-il en fonction du profil du jeune, pris individuellement, ou bien par filière ? De quelles autorités, nationales ou locales, dépend son élargissement ?
Je propose donc de retenir l'amendement sur le fond, mais d'en retravailler la forme d'ici à la séance publique.
Si seulement 20 % des ruptures des contrats d'apprentissage résultent de problèmes d'orientation, cet amendement sera un soutien pour 80 % des situations, ce qui est déjà beaucoup.
Les maîtres d'apprentissage jouent un rôle d'accompagnement très important. Mais leur position est parfois difficile en face de jeunes dont l'apprentissage constitue le premier contact avec le monde de l'entreprise. Certaines très petites entreprises ne comptent parfois pas d'autre salarié.
Les ruptures, ressenties comme un échec par l'apprenti, risquent de casser quelque chose dans la formation de celui-ci et dans sa relation à l'univers du travail salarié. On ne peut donc qu'approuver la volonté d'en réduire le nombre.
Le ministre a donné hier son accord sur le principe de cet amendement puis a souhaité qu'il soit affiné par une déclinaison territoriale.
Madame Bouziane, les transferts de crédits d'un programme à l'autre à l'intérieur de la même mission renforcent les systèmes proposés et ne bénéficient donc pas spécialement aux entreprises respectant les quotas d'alternance.
La Commission adopte l'amendement AS 5.
Elle émet ensuite un avis favorable à l'adoption des crédits du compte spécial « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » figurant à l'article 48 état D ainsi modifiés.
Article non rattaché
Article 71 : Abrogation de l'exonération de cotisations sociales pour les salariés créateurs ou repreneurs d'entreprise
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 71 sans modification.
La séance est levée à onze heures quarante-cinq.