Je relève une incontestable continuité entre la politique d'hier et celle d'aujourd'hui. Dès lors, me dit-on, comment avoir approuvé hier ce que vous désapprouvez maintenant ? L'argument peut se retourner contre mes collègues socialistes qui désapprouvaient hier ce qu'ils approuvent aujourd'hui.
À périmètre constant, les programmes 111 et 155 sont tous deux en baisse, le premier de 2,16% et le deuxième de 3,57%. Quand un gouvernement affiche comme priorités nationales le dialogue social et sa constitutionnalisation, la santé au travail et la lutte pour l'emploi, présenter un budget en baisse dans les chapitres correspondants manque, pour le moins, de la cohérence la plus élémentaire. C'est la première raison qui me fait émettre un avis défavorable. La seconde tient à ce que, rapporteur pour avis de ce budget depuis déjà quatre ans, j'ai toujours disposé d'une évolution prévisionnelle des programmes à moyen terme, ce qui me paraît essentiel dans des domaines comme, par exemple, celui de la santé au travail. Or, cette année, le Gouvernement ne m'a communiqué que l'évolution annuelle de la mission « Travail et emploi ». Je ne sais donc pas comment va évoluer la politique gouvernementale dans les années à venir sur certains programmes. C'est pour ces raisons de principe que mon avis est défavorable en dépit de la relative continuité de l'action publique et de son utilité dans certains secteurs.
Voilà aussi plusieurs années que je réclame une réflexion sur la représentativité patronale. On m'a toujours répondu favorablement sur le principe, mais les partenaires sociaux n'ont jamais rien sollicité. Le Gouvernement souhaite maintenant qu'ils y travaillent. Je reconnais que le sujet est délicat : on ne peut pas davantage inscrire le principe d'une entreprise égale une voix que celui d'un salarié égale une voix. Comment en effet mettre à la même enseigne une entreprise artisanale et une entreprise de 200 000 salariés ? Il faut donc, pour que chacun trouve son juste poids dans la négociation, définir une formule intermédiaire, difficile à calibrer. La Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) a, pour cela, proposé des seuils, ce qui constitue une piste parmi d'autres : aux partenaires sociaux de déterminer entre eux le meilleur équilibre. Les auditions auxquelles j'ai procédé sur ce thème montrent de larges différences d'appréciation. L'accord sera donc probablement difficile à trouver et, si les partenaires sociaux n'y parviennent pas, nous devrons sans doute faire des propositions indépendantes des clivages politiques, mais inspirées par le bon sens.
L'idée de constitutionnalisation du dialogue social me rend perplexe. Ne relève-t-elle pas davantage de l'affichage que d'une bonne prise en compte de la réalité ? S'il s'agit seulement de constitutionnaliser les procédures de concertation, la loi les sécurise déjà. Et je note que le projet loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 n'a pas craint de remettre en cause un accord national interprofessionnel portant sur les indemnités de chômage versées aux signataires d'une rupture conventionnelle, qu'elle a taxées nonobstant la signature des parties. Prôner est bien, appliquer vaut mieux.