La CNAMTS n'est pas en charge des politiques en direction des personnes âgées ou des personnes handicapées, la CNSA ayant précisément été créée pour cela.
Après une relative stabilisation au cours des dix prochaines années, le nombre de personnes arrivant à l'âge où l'on a besoin d'une attention particulière, voire d'une prise en charge en établissement, va connaître une forte augmentation. Il est souhaitable d'approfondir l'analyse des conséquences de cette situation, de mieux l'anticiper et d'oeuvrer à l'élaboration de politiques soutenables permettant de garantir la prise en charge de ces personnes dans les meilleures conditions. C'est l'un des sujets les plus complexes auxquels nous avons affaire dans le domaine sanitaire et social, car il concerne des personnes qui sont à la croisée de besoins sanitaires et de besoins de prise en charge médico-sociale. Ces personnes, dans leur majorité, souhaitent pouvoir rester chez elles, dans le meilleur état de santé possible. L'éclatement des acteurs, lui-même lié à la complexité de la situation, n'aide sans doute pas à l'élaboration de ces politiques et à la réflexion. De ce point de vue, la création du Haut Conseil de l'âge peut être une opportunité en ce qu'il permettrait de rassembler ces acteurs.
Cela étant, nous devons reconnaître notre ignorance sur un certain nombre de points.
Jusqu'à ce que nous mettions en place, avec la direction de la sécurité sociale, une obligation assortie de sanctions et des outils informatiques sur la résidence des personnes en EHPAD, nous avions une vision assez peu précise de la répartition exacte des personnes prises en charge, sachant que certaines d'entre elles conservent leur lieu de domicile tout en étant hébergées. Nous n'avions pas non plus procédé à une consolidation du coût pour la collectivité, à tout le moins dans le cadre de l'ONDAM et des charges de la CNSA. Désormais, nous disposons d'une vision à peu près claire d'au moins une partie de la dépense.
Le coût reste, bien sûr, un des volets du sujet compte tenu des difficultés de notre pays à équilibrer ses politiques sociales au regard de sa capacité de croissance. La réflexion autour de l'amélioration de l'efficience et du rapport qualité-prix de la prise en charge des personnes est un enjeu majeur, que nous devons anticiper. Il nous faut donc mieux connaître la qualité de la prise en charge, son rapport qualité-prix et son coût pour la collectivité.
Permettez-moi de rappeler quelques chiffres. Le coût global pour l'assurance maladie d'une personne prise en charge par la collectivité en EHPAD varie entre 15 000 et 17 000 euros par an. Le financement du forfait soins de l'assurance maladie constitue la majeure partie de cette dépense. Ce ne sont pas les dépenses d'hôpital ou de soins de ville engagées pour ces personnes qui représentent la majeure partie de la dépense, mais bien ce forfait soins, dont le montant varie entre 12 000 et 15 000 euros.
Chacun est conscient que l'allégement des charges des départements au détriment de l'assurance maladie ne constitue pas une solution – ce n'est pas ainsi que l'on réduira le déficit global. Néanmoins, ce peut être une tentation devant les difficultés que connaissent les départements suite aux politiques qui leur ont transféré – sans doute dans un objectif de responsabilisation – des charges dynamiques.
La politique la plus raisonnable, à la fois pour les personnes elles-mêmes et pour les finances publiques, consiste à les maintenir en situation d'autonomie le plus longtemps possible, par une prévention, une prise en charge et une organisation plus adaptées. C'est l'un des sujets de l'expérimentation dite PAERPA, « personnes âgées en risque de perte d'autonomie », en cours sur certains territoires, qui allie une prise en charge médico-sociale plus légère et l'intervention de professionnels de santé de ville. L'enjeu est de parvenir, grâce à une meilleure organisation des soins de ville et à une meilleure coordination avec l'intervention du secteur médico-social, à maintenir à leur domicile, le plus longtemps possible et pour un coût raisonnable, les personnes qui le souhaitent dès lors que leur état de santé le permet.
Nous n'avons pas procédé à une consolidation complète, du point de vue des personnes et de la collectivité, de la répartition des coûts complets de la prise en charge en établissement. De la même manière, nous n'avons qu'une connaissance incomplète de l'organisation optimale qui permettrait de prendre en charge les personnes dans certaines conditions, étant entendu que la prise en charge en établissement est parfois inévitable. Sachant que nous n'échapperons pas à une tension sur les capacités des établissements de soins d'ici dix à quinze ans, nous avons besoin d'une politique beaucoup plus adaptée à la prise en charge à domicile, en proximité. Cette politique reste à construire, ce que l'intervention de nombreux acteurs de statuts variés rend particulièrement complexe.
Nous n'avons également qu'une faible connaissance de l'activité des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD). Nous n'avons pas intégré de consolidation de cette activité, qui joue pourtant un rôle majeur dans la prise en charge des personnes âgées, dans nos systèmes d'information. De même, les associations de prise en charge à domicile ne sont pas totalement intégrées dans ces systèmes d'information, alors qu'elles jouent parfois un grand rôle. Bref, nos outils de connaissance sont encore imparfaits. Ils sont surtout issus du monde sanitaire, qui a été le premier à les développer ; ils doivent être confortés. L'éclatement entre professionnels de différents métiers et différents statuts rend cette organisation très complexe.
Il nous reste quelques années pour construire un système plus rationnel, définir clairement les politiques et mieux faire coopérer les différents acteurs sur le terrain.
Enfin, parmi les éléments dont nous n'avons pas une connaissance précise figurent les besoins en infirmières. La situation aujourd'hui est la suivante : le numerus clausus est fixé à 31 088; les dépenses de l'ONDAM soins de ville augmentent fortement ; notre pays compterait près de 600 000 infirmières, dont près de 100 000 seraient installées en libéral. Je ne suis pas sûr que nous ayons procédé à une simulation claire de l'évaluation des besoins qui nous permettrait de savoir si ce numerus clausus est adapté à la situation.
Bien des progrès restent donc à faire, à la fois dans l'organisation quotidienne et la mise en cohérence des interventions des différents acteurs, mais aussi dans le pilotage des politiques publiques.
Dans le cadre des conventions signées avec les infirmières, nous essayons d'inverser la tendance à la répartition très inégale des infirmières libérales sur le territoire. L'écart est aujourd'hui de un à neuf, ce qui signifie que pour une infirmière dans un département, neuf se trouveront dans un autre. Or, demain, il faudra que ces professionnelles puissent prendre en charge les populations dans toutes les régions. Là encore, cela exige une mise en cohérence du pilotage. En l'absence de vision claire de l'intervention des différents offreurs de soins et organismes médico-sociaux, nous n'avons pas véritablement fait de choix d'intervention, ce qui est peut être sous-optimal.