COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Jeudi 17 avril 2014
La séance est ouverte à neuf heures trente.
(Présidence de Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure, puis de M. Pierre Morange, coprésident de la mission)
La Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède d'abord à l'audition, ouverte à la presse, de Mme Paulette Guinchard, présidente du conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), M. Luc Allaire, directeur, Mme Bernadette Moreau, directrice de la compensation de la perte d'autonomie, et M. Xavier Dupont, directeur des établissements et services médico-sociaux.
Mesdames, messieurs, soyez les bienvenus. Je vous prie de bien vouloir excuser MM. les coprésidents Morange, retenu en séance publique, et Germain.
Les missions de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) ont fait l'objet de nombreux travaux, notamment, en 2010, d'un rapport de Laurence Dumont et Bérengère Poletti intitulé « La CNSA, un partenaire innovant : bilan et perspectives ». La Caisse est, en effet, devenue un acteur incontournable pour les politiques publiques à destination des personnes âgées et des personnes handicapées, et plus généralement pour celles qui intéressent l'ensemble du champ médico-social. Dans cette optique, nous nous penchons sur les moyens de la conforter dans ses missions et, si possible, de les améliorer. Aussi avons-nous souhaité vous entendre aussitôt après la Cour des comptes, dont nous avons reçu des représentants la semaine dernière.
J'aimerais avoir, Madame la présidente, votre sentiment général sur la CNSA, dont vous venez de prendre la présidence, ainsi que sur son fonctionnement. Nous pourrons ensuite évoquer, de façon plus détaillée, la gouvernance et le positionnement de la CNSA, les systèmes d'information, la compensation – qu'elle soit collective ou individuelle – de la perte d'autonomie, ainsi que la place et le rôle des maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, peut-être amenées à devenir des maisons départementales de l'autonomie, sachant que le contexte est encore appelé à évoluer, notamment depuis les annonces relatives aux départements.
Je me limiterai aux questions d'ordre général, pour vous faire part de mon ressenti.
Depuis le mois novembre, date à laquelle je suis entrée dans mes fonctions de présidente, j'ai pu constater que la CNSA, n'ayant que dix ans d'existence, se construisait en mobilisant toutes les ressources de l'imagination. Son mode de gestion présente un intérêt tout particulier, la présence des associations – représentants du monde du handicap ou, pour les personnes âgées, professionnels – obligeant décideurs et financeurs à se confronter aux réalités du terrain ; cela a aussi permis de rapprocher les politiques à destination des personnes âgées et des personnes handicapées, même si l'on peut sans doute aller plus loin dans cette convergence. Un tel modèle de gestion, fondé sur l'écoute, a une force démocratique que je ne soupçonnais pas : il permet, au-delà des questions financières – évidemment essentielles –, d'aborder des sujets de fond, comme lors du dernier conseil, au cours duquel fut voté un rapport prospectif sur la représentation et la participation des usagers.
La nouveauté que constitue le ciblage strict des financements, y compris des réserves, est une autre force de notre organisation ; nous y reviendrons sans doute.
La gestion de la CNSA peut servir d'exemple à l'heure où l'on s'interroge sur la démocratie représentative, car elle oblige les uns et les autres à s'écouter. La CNSA travaille également avec les agences régionales de santé (ARS), les conseils généraux ou les associations représentant les personnes handicapées – en particulier à travers les MDPH –, et ce faisant contribue à l'animation des différents secteurs concernés : on peut le constater, par exemple, avec la mise en place des maisons pour l'autonomie et l'intégration des malades d'Alzheimer, les MAIA.
Que ce soit au niveau des MDPH, des conseils généraux ou des MAIA, les missions d'animation de la CNSA contribuent aussi à l'égalité territoriale, y compris par le biais des systèmes d'information, car, dans les domaines dont nous parlons, les connaissances sont encore insuffisantes.
Bref, l'animation et le dialogue avec les différentes structures territoriales me semblent constituer un modèle de gestion innovant, d'autant qu'il associe les représentants des usagers ; j'aimerais beaucoup, d'ailleurs, qu'une étude sociologique montre ce qu'il peut apporter du point de vue du fonctionnement démocratique. En définitive, c'est tout le champ des politiques sociales qui est concerné.
Comment voyez-vous évoluer la gouvernance que vous avez décrite, sachant que nous sommes dans l'expectative pour les départements ?
Êtes-vous favorable à un accroissement du rôle du conseil scientifique de la CNSA ?
Dix ans d'existence, cela peut paraître long, mais en réalité, c'est court, car c'est le temps de la construction. Auriez-vous une ou deux pistes pour améliorer le fonctionnement de la CNSA ?
S'agissant de l'évolution de la CNSA, un approfondissement des relations avec les ARS, les conseils généraux et les MDPH me semblerait utile : la mission d'animation – même si certains peuvent s'interroger sur ce terme –, au niveau local comme national, a en effet une portée très forte. Le projet de loi de Mme Delaunay sur la prise en charge du vieillissement comporte une évolution intéressante de ce point de vue, pour ce qui concerne les relations entre la CNSA et les départements. Les conseils généraux sont bien entendu décideurs, mais l'animation permet, à travers les rencontres, d'échanger points de vue et savoir-faire. Cela peut présenter un intérêt tout particulier, par exemple, sur le sujet de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) pour les personnes âgées.
Quant au conseil scientifique, il vient d'être renouvelé. Nous devons assurément nous pencher sur la question que vous avez posée, madame la rapporteure. C'est si vrai que, lors de la dernière réunion du conseil, il a été décidé d'inscrire les questions de recherche en tête de l'ordre du jour, avant les questions financières qui auparavant les précédaient. Dans les domaines dont nous parlons, la recherche, essentiellement ponctuelle et dispersée, s'est encore peu structurée. Les financements de la CNSA peuvent contribuer à y remédier, comme l'illustre le partenariat récemment signé, pour trois chaires, avec l'École des hautes études en santé publique (EHESP) de Rennes ; mais nous pouvons aller plus loin. La CNSA, par le biais de son conseil scientifique, apporte au monde médical l'éclairage de l'expérience, tant il est vrai que l'accompagnement ne se résume pas aux aspects sanitaires. Le fait que l'approche médicale prévale depuis plusieurs années tient précisément à la trop grande dispersion de la recherche dans d'autres disciplines, en particulier les sciences sociales. Cela dit, le conseil scientifique n'a que dix ans d'existence : c'est très court. Peut-être pourriez-vous auditionner sa présidente, Marie-Ève Joël.
La CNSA travaille dans un esprit de rigueur scientifique. Outre son conseil scientifique, elle s'appuie sur la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, la DREES, qui est au coeur des politiques scientifiques du ministère chargé des affaires sociales. C'est avec elle, par exemple, que nous avons réalisé l'étude consacrée à l'APA et à la prestation de compensation du handicap (PCH).
Deux exemples peuvent illustrer l'engagement du conseil scientifique au coeur des missions de la CNSA. Le premier est celui des concours au profit de la recherche et de l'innovation via la section V de notre budget, qui dispose d'une enveloppe de 20 millions d'euros par an. Pour les établissements d'enseignement supérieur et les organismes de recherche, la CNSA est devenue un partenaire important, doté d'une réelle force de frappe. Depuis trois ans, le conseil scientifique est associé aux décisions du comité « section V », lesquelles résultent d'un consensus et en aucun cas d'un mécanisme hiérarchique : c'est après examen de l'expertise collective interne à la CNSA, des expertises scientifiques indépendantes et de l'avis du représentant du conseil scientifique qu'est décidé l'octroi de subventions. À partir de cette année, ce sont même deux représentants du conseil scientifique qui siégeront au sein du comité, chacun étant spécialisé dans les dossiers consacrés, soit aux personnes âgées, soit aux personnes handicapées, car les spécificités des uns et des autres sont marquées. Le seul cas de divergence entre les experts est survenu l'an dernier. J'ai alors soumis, selon une procédure de référé, la question au conseil scientifique réuni en formation plénière. C'est au vu de son avis – négatif, en l'occurrence – que nous avons tranché.
Le deuxième exemple d'action du conseil scientifique concerne les critères d'allocation des crédits aux ARS. Compte tenu de la difficulté de la tâche, nous y avons associé la DREES.
Le conseil scientifique, nommé pour quatre ans, est périodiquement renouvelé par tiers, ce qui assure aussi une certaine continuité. Un tiers des membres a ainsi été renouvelé cette année par arrêté ministériel. Au cours de sa première réunion, deux questions ont été soulevées. La première, évoquée par Mme Guinchard, est celle de la structuration de la recherche : nous y oeuvrons à travers les financements de la section V. Nous avons constaté que, entre les professeurs chevronnés, plus âgés, et les jeunes doctorants, il manque un chaînon ; aussi aimerions-nous structurer une filière de chercheurs dont l'âge se situe dans la tranche intermédiaire.
La deuxième question soulevée était celle des stratégies innovantes. Les Massively open online courses (MOOCs), ces cours en ligne qui se développent aux États-Unis, ont fait l'objet d'une présentation par M. Antoine Flahault, qui a été directeur de l'EHESP jusqu'à la fin 2013. Nous allons engager une réflexion collective au sein du conseil scientifique sur la mise en place éventuelle, dans des conditions financières et d'organisation à définir, de MOOC en vue de faciliter l'accès aux travaux de recherche et aux enseignements relatifs aux personnes âgées et personnes handicapées (PA-PH).
En 2011, nous avons mis en place le financement pour quatre ans de trois chaires dans le domaine de la recherche médico-sociale. Il s'agissait d'assurer un complément de financement autour de trois chercheurs bien connus dans le secteur – M. Martin, M. Ravaud et Mme Weber. La présidence du conseil scientifique des trois chaires est assurée par Mme Joël, qui préside également le conseil scientifique de la CNSA : cela garantit une meilleure articulation méthodologique entre les deux conseils. Le comité de pilotage des trois chaires, présidé par les directeurs de l'EHESP, de l'Institut de recherche en santé publique (IReSP), de l'École normale supérieure et de la CNSA – moi-même à l'heure actuelle –, a demandé au conseil scientifique d'évaluer les travaux des trois chaires. Ce bilan sera présenté au conseil scientifique de la CNSA qui leur a alloué les crédits. Sur cette base, nous déterminerons s'il convient de renouveler une, deux, trois chaires ou d'en financer davantage, ou bien s'il vaut mieux orienter nos efforts vers d'autres financements de recherche comme les MOOC.
En tout état de cause, je suis convaincu que la recherche est au coeur des politiques de la CNSA.
Les échanges de données et le contrôle des établissements ont-ils permis à la CNSA d'appréhender le suivi des dépenses ? Le comité de suivi prévu dans la convention d'objectifs et de gestion (COG) conclue entre la CNSA et l'État se réunit-il régulièrement ?
Par ailleurs, pouvez-vous nous apporter quelque éclairage sur les systèmes d'information dont tout le monde convient sinon de l'inadaptation, du moins des difficultés ?
La COG, signée au début de 2012 pour une durée de quatre ans et dont le champ couvre l'ensemble du périmètre de la CNSA, comporte sept objectifs :
– le suivi fin de l'objectif global de dépenses ;
– la mise en oeuvre d'une politique d'efficience dans les établissements et services médico-sociaux ;
– la structuration des échanges entre la CNSA et les ARS dans le cadre du lancement et du suivi des campagnes budgétaires ;
– la connaissance relative à l'APA et à la PCH ainsi que le renforcement de l'équité d'accès à ces prestations, dont l'Assemblée des départements de France avait fait une demande forte parmi les cinquante-cinq propositions qu'elle avait formulées en 2011, dans le cadre des débats sur la préparation du projet de loi relatif à la dépendance ;
– l'harmonisation des pratiques des MDPH ;
– la professionnalisation de l'aide à domicile ;
– l'efficience interne de la CNSA, qui a été évoquée hier, de façon subliminale, par le Premier ministre dans son discours puisque, comme tout le monde, nous sommes astreints à des efforts de productivité, de gains d'efficience, de réduction de nos coûts.
Dans le cadre du suivi de la COG, nous organisons deux réunions par an, pilotées par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), en lien avec l'ensemble des directions de tutelle de la CNSA, à savoir le secrétariat général des ministères sociaux, la direction de la sécurité sociale (DSS) et la direction du budget. Ces réunions commencent par un point sur l'ensemble des indicateurs de suivi, puis un focus est fait sur deux ou trois points particuliers qui sont soit stratégiques, soit problématiques.
Le SipaPH, le système d'information des MDPH, est l'un des sujets qui ont fait l'objet de l'attention du dernier comité de la COG, au début de l'année 2014. Les tutelles ont accepté de transformer l'objectif initial fixé par la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui ne sera pas atteint pour des raisons systémiques. Nous avons diligenté un audit du système d'information (SI) et sommes convenus avec la direction financière de reprendre le dossier différemment.
Pour le reste, nous avançons très correctement dans la réalisation des objectifs ; j'ai bon espoir qu'ils seront tous remplis à la fin de 2015, à l'exception donc, qui n'est pas mineure, du système d'information des MDPH.
Mme Moreau et M. Dupont aborderont plus en détail nos deux grands systèmes d'information. Pour ma part, je préciserai que le premier, recueillant des données de nature professionnelle, concerne les établissements et services médico-sociaux (ESMS) et le second, recueillant des données nominatives, les MDPH. Tous deux ne relèvent pas du même droit, du fait de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
Je serai plus dur que vous, madame la rapporteure : nos systèmes d'information ne sont pas seulement inadaptés, ils sont quasiment inexistants. En ce qui concerne le secteur médico-social, la CNSA n'est pas à l'âge de pierre mais à l'âge Excel, ce qui vaut à peine mieux au XXIe siècle. Nous n'avons rien d'équivalent avec le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) des hôpitaux ou avec le système national d'information inter-régimes de l'assurance maladie (SNIIRAM), pour la médecine de ville, qui sont des outils extraordinaires pour les chercheurs. Nous ne disposons pas de données nominatives anonymisées dans le cadre de la législation sur l'informatique et les libertés, qui permettraient d'établir des statistiques nationales et un suivi des études, à la fois pour les politiques publiques et pour la recherche. Nous avons donc tout à construire, conformément, du reste, aux objectifs de la COG.
En 2011 et 2012, dans le cadre de la COG, nous avons bénéficié, de façon tout à fait extraordinaire pour l'époque, de sept emplois supplémentaires, en même temps que nous avons dû consentir un effort de redéploiement interne et appliquer la fameuse politique de non-remplacement d'une personne sur deux partant à la retraite, même si, juridiquement, nous ne sommes pas opérateur de l'État. L'application de cette mesure a touché six emplois en quatre ans. Nous avons réaffecté l'essentiel des sept emplois créés et des six emplois redéployés aux systèmes d'information dans le champ de la compensation collective et dans celui de la compensation individuelle.
Nous travaillons de façon déterminée et méthodique sur l' « urbanisation » des systèmes d'information des ESMS. Nous avançons vraiment depuis la mise en place du système d'information de gestion des campagnes, dit « Harmonisation et partage d'information » (HAPI). Mais nous allons très au-delà et nous suivons un calendrier volontariste.
Le système HAPI, déployé au sein des agences régionales de santé, nous permet de suivre en temps réel l'exécution des dépenses d'assurance maladie consacrées au financement des ESMS. Nous pouvons ainsi rendre compte, chaque trimestre, au comité de conjoncture du suivi de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) piloté par la direction de la sécurité sociale et, chaque année, au conseil de la CNSA. Cette application a désormais atteint sa vitesse de croisière.
D'autres applications nous renseignent, notamment sur l'état d'avancement de l'installation des places nouvelles créées au sein des établissements. Notre objectif est de rationaliser ces applications héritées pour la plupart de la période antérieure à la création de la CNSA, afin d'aboutir à un système plus intégré, « urbanisé » selon l'expression consacrée, qui réponde à l'ensemble des besoins de gestion des équipes médico-sociales des agences de santé.
La loi du 11 février 2005 avait laissé la possibilité aux MDPH de construire leur propre système d'information, pourvu qu'il soit conforme aux dispositions du décret du 15 mai 2007 autorisant la création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel par les maisons départementales des personnes handicapées et modifiant le code de l'action sociale et des familles, précisant les contenus à développer. Ces informations devaient être transmises au niveau national, dans un « entrepôt » constitué par la CNSA, à savoir le SipaPH.
Une version test a été livrée en 2009 et l'arrêté décrivant les caractéristiques des données attendues est paru fin 2010. Or la construction du système s'est avérée difficile, car soit nous ne recevions pas les flux nécessaires des maisons départementales, soit nous ne parvenions pas à les interpréter. Par conséquent, nous avons lancé un audit en 2013 ; parallèlement, le rapport des inspections générales des affaires sociales et des finances (IGAS-IGF) sur les établissements et services pour les personnes handicapées nous invitait à avancer sur le sujet, rejoignant l'inquiétude des MDPH et des conseils généraux désireux de développer leur propre système pour favoriser les échanges à la fois au niveau national, avec la CNSA, et au niveau local, avec tous leurs partenaires : caisses d'allocations familiales, caisses de mutualité sociale agricole (MSA), Pôle emploi, éducation nationale. L'Assemblée des départements de France nous a donc soutenus dans la conduite de cet audit.
Les recommandations en sont assez précises, les deux premières étant incontournables : revoir le système de gouvernance pour que tous les acteurs se mettent d'accord sur les priorités et le calendrier à respecter ; s'assurer que toutes les MDPH aient un tronc commun de fonctionnement et utilisent un langage commun afin qu'un même vocable désigne la même chose dans chaque système local. Ce n'est pas évident, car les MDPH gèrent de très nombreuses prestations elles-mêmes fort complexes.
Deux scénarios peuvent être envisagés. Dans le premier, les auditeurs des MDPH intègrent dans leur propre SI ce tronc commun qui leur permettra d'obtenir de la CNSA un label de conformité. Parallèlement, la Caisse construit les services transversaux qui permettront aux MDPH d'échanger avec les partenaires locaux.
Dans le second scénario, les systèmes locaux sont remplacés par un système unique construit par la CNSA. Il s'agit certes d'un changement assez complet de paradigme, mais l'intérêt financier est évident puisqu'il n'y aurait plus qu'un seul système à adapter et à mettre à jour régulièrement contre cent. Les avis sur ce scénario sont assez partagés, certains acteurs s'y montrant favorables, d'autres non.
Quel que soit le scénario choisi, il ne pourra être que progressif ; il faudra du temps pour construire un tel système : cinq à dix ans selon l'Agence des systèmes d'information partagés de santé (ASIP).
Sollicitée par l'ancienne ministre déléguée, l'Assemblée des départements de France s'est prononcée en faveur du second scénario, le scénario dit « intégré », parce que moins coûteux à terme. En attendant la confirmation des ministres concernés pour avancer, nous préparons une feuille de route.
Nous voyons bien l'intérêt du tronc commun. Toutefois, le délai de cinq à dix ans n'a pas de quoi rassurer au regard de l'avancement du dossier, en dépit de certains progrès que vous avez mentionnés. Pensez-vous que les MDPH sont prêtes ? On sentait, en effet, il n'y a pas si longtemps, des résistances assez fortes liées à la crainte d'un contrôle national alors que le législateur avait confié à chaque collectivité le soin de mener ces avancées. Les auditions auxquelles nous avons procédé ces dernières années montrent une certaine convergence sur le sujet à la fois de la part des MDPH, des collectivités et, aujourd'hui, de la CNSA.
Cinq à dix années sont nécessaires pour obtenir un système achevé, mais la progression sera régulière. Ainsi, nous sommes en train de construire une base de données employabilité qui est l'exemple type d'un service transversal du SI des MDPH ; cette base sera opérationnelle dès 2015.
C'est un jeu que l'on joue à trois : la CNSA en lien avec ses partenaires de l'État, comme l'ASIP, les MDPH et les conseils généraux. Nous ne pourrons bien travailler que si nous disposons de l'appui politique, au niveau national, de l'Assemblée des départements de France. C'est pourquoi nous travaillons continûment avec elle : l'ADF a été associée à toutes les phases de l'audit évoqué par Mme Moreau ; son président, M. Claudy Lebreton, a été impliqué dans le choix de l'objectif final et du scénario de référence ; nous-mêmes avons travaillé avec M. Yves Daudigny, le président de la commission des affaires sociales et familiales de l'ADF.
Notre logique n'est pas celle du « tout ou rien », et nous allons progresser dans notre construction brique par brique. Si le processus d'urbanisation prendra de trois à huit ans, nous avons d'ores et déjà une première brique avec le système HAPI qui nous permet, depuis deux ans, de faire une prévision d'exécution remarquablement fiable : dès le mois d'octobre, nous sommes en mesure de donner à nos tutelles un grammage assez fin de prévision d'atterrissage de l'ONDAM pour les PA-PH. De même, pour le système d'information des MDPH, l'objectif est d'obtenir des résultats rapides même si la version complète demandera cinq à dix ans et beaucoup de travail à la CNSA.
Nous ne sommes pas complètement démunis : nous sommes capables d'établir des statistiques, même si nous ne disposons que de tableaux Excel et de deux statisticiens seulement pour contrôler les cent fichiers envoyés par les cent MDPH.
Aujourd'hui, les MDPH attendent l'établissement des statistiques au niveau national pour pouvoir se comparer entre elles. Autant, en 2006-2007, les départements étaient assez réticents à la publication de statistiques nominatives, autant ils les réclament aujourd'hui, à tel point que dans l'édition 2012 de nos conventions d'appui à la qualité de service, l'ADF a demandé que toutes les statistiques fassent apparaître le numéro des départements. Je vous remets un rapport sur ce qui se passe dans les MDPH chaque année.
Venons-en à la réserve nationale – la part des dotations des plans nationaux allouées aux ARS sur instruction expresse d'un ministre, qui contribue souvent à accroître les écarts d'équipements entre les territoires. Pensez-vous que sa suppression est envisageable ?
Sur tous nos territoires, nous sommes confrontés au manque de place, à tout le moins à la méconnaissance de l'offre. Quelques affaires récentes ont d'ailleurs montré que ces situations peuvent tourner au drame. Une mesure d'alerte a été lancée et M. Denis Piveteau, ancien directeur de la CNSA, conduit actuellement un travail sur la question.
Quel est votre point de vue, vous qui vous trouvez au coeur de ces sujets ?
Il ne vous a pas échappé, madame la rapporteure, que la réserve nationale est de nature ministérielle ; je laisse donc aux intéressés le soin de vous répondre. Je peux vous faire part de ce que nous avons répondu, sur un plan technique, à la Cour des comptes dans le cadre d'un contrôle de gestion. La doctrine d'emploi de la réserve nationale soulève deux problèmes : d'une part, cette réserve n'est pas nécessairement répartie conformément aux critères votés par le conseil de la CNSA ; d'autre part, elle s'articule difficilement avec la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires en tant que celle-ci prévoit, pour les ouvertures de places, des appels à projets. La réserve dite « d'investissement » ne soulève pas les mêmes difficultés ni en termes de critères de répartition, puisqu'il s'agit de rénover des établissements existants, ni en termes d'appels à projets.
Vous avez évoqué la question des personnes handicapées en situation de non-placement, qui a été très médiatisée à l'automne dernier. Ce sujet a donné lieu, d'une part, à l'installation d'un dispositif dit « situations critiques » par circulaire ministérielle, d'autre part, à une mission confiée à M. Piveteau. Ce dernier travaille avec l'ensemble des partenaires, et considère d'ores et déjà qu'une partie de la réponse se trouve dans l'adaptation de l'offre existante. Dans son rapport, attendu pour la fin du mois de mai, il proposera peut-être d'éventuelles modifications législatives au ministre. Enfin, la connaissance des places dites « inadéquates » s'affinera au fil du temps, grâce en particulier à un autre SI que nous sommes en train de développer relatifs aux orientations et à l'accueil dans les établissements pour personnes handicapées.
Le cas qui a été médiatisé relevait d'une orientation qui ne trouve pas de place pour des raisons qui peuvent être très complexes. Parfois, les places existent mais il faut traiter un problème d'ordre géographique à un niveau supérieur. D'où l'établissement désormais de trois niveaux de gestion des situations critiques : les MDPH pilotent le niveau départemental, les ARS peuvent chercher à mutualiser les services au niveau régional et la CNSA pilote le niveau national. Grâce à ce dispositif, nous avons pu trouver, dans un ou deux cas, des solutions en dehors du département d'origine. Ensuite, un flux d'orientation ne correspond peut-être pas à la structuration actuelle des places, ce que les futurs systèmes d'information devraient mettre en évidence, grâce à quoi le pilotage de la politique pourrait être modifié, de la même façon que, dans le domaine sanitaire, la fongibilité symétrique permet de redéployer des crédits vers le secteur médico-social. Avec une analyse bien conduite des places inadéquates au sein du secteur médico-social, on peut, à terme, envisager de pouvoir répondre aux demandes et aux situations individuelles.
La MECSS procède ensuite à l'audition, ouverte à la presse, de M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), Mme Mathilde Lignot-Leloup, directrice déléguée à la gestion et à l'organisation des soins, et Mme Véronika Levendof, responsable des relations avec le. Parlement.
Nous accueillons, pour cette deuxième audition sur la mise en oeuvre des missions de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, Mme Mathilde Lignot-Leloup, directrice déléguée à la gestion et à l'organisation des soins, et Mme Véronika Levendof, responsable de la mission relations avec le Parlement et veille législative. Je vous remercie tout particulièrement de votre disponibilité, car vous êtes souvent sollicités par notre institution qui a besoin d'entendre les acteurs incontournables que vous êtes.
La CNSA a dix ans, ce qui est encore très jeune. Nous souhaitons faire le point sur son rôle dans le champ de nos politiques publiques et réfléchir aux moyens de la soutenir dans l'exercice de ses missions et d'améliorer son fonctionnement, en anticipant notamment les évolutions indispensables dans la prise en charge des personnes âgées.
La CNSA a été créée il y a une dizaine d'années ; c'est donc une caisse relativement jeune. Elle intervient dans un domaine complexe du fait, à la fois des champs qu'il couvre – le handicap et les personnes âgées – et de la pluralité des acteurs impliqués, dont la CNAMTS fait partie. Si cette dernière entretient de nombreuses relations avec la CNSA, elle ne siège pas, de même que les autres régimes d'assurance maladie obligatoire, en tant que telle au conseil de la CNSA. Ce dernier, aux termes de l'article L. 14-10-3 du code de l'action sociale et des familles, est composé notamment de représentants des organisations syndicales nationales de salariés et de personnalités qualifiées, dont certaines peuvent par ailleurs siéger au conseil d'autres caisses.
La CNSA a été créée, dans un souci de bonne gestion de l'affectation des recettes, pour recevoir le produit de la contribution de solidarité pour l'autonomie ainsi que, depuis 2013, la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (CASA). Même si ces contributions ont permis de renforcer les politiques en direction des personnes âgées et des personnes handicapées, il ne s'agit néanmoins que de recettes additionnelles : en 2013, sur les 21 milliards d'euros du budget de la CNSA, 17 milliards proviennent de crédits de l'assurance maladie affectés au médico-social et votés dans le cadre de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM).
En tant que principal contributeur au financement, nous assurons un certain nombre de missions, notamment des paiements aux établissements de soins et aux établissements médico-sociaux ; mais la gestion des crédits est prise en charge par la CNSA, et nous n'intervenons guère dans leur affectation. Néanmoins, à la demande du ministère de la santé et des affaires sociales, nous avons reconstitué un département spécialisé dans la remontée de dépenses en vue de mettre à disposition des statistiques exploitables. Dans ce cadre, nous avons notamment développé une application informatique permettant de faire le lien entre la consommation de soins hospitaliers ou de soins de ville et la résidence des personnes âgées en établissement. La CNSA a un projet identique pour les personnes handicapées.
Au titre de ses missions, la CNSA contribue au financement de l'accompagnement de la perte d'autonomie des personnes âgées et handicapées et répartit, selon les besoins des différents établissements, les crédits qui lui sont délégués. Depuis 2005, elle fixe également les dotations régionales limitatives et les répartit en dotations départementales. Pour ce faire, elle produit expertises techniques et propositions permettant d'établir des référentiels médicaux d'évaluation ; comme les autres administrations et institutions concernées, elle participe à l'édification d'indicateurs, d'outils, de recueils de données. Elle a de fait la responsabilité du suivi de l'ONDAM médico-social et de ses sous-enveloppes, qu'elle répartit entre les agences régionales de santé.
Il va de soi que nous intervenons sur le pilotage macroéconomique d'ensemble puisque, chaque année, la loi nous fait obligation de soumettre au gouvernement, dans la perspective du projet de loi de financement de la sécurité sociale, des propositions sur l'évolution de l'ONDAM. Un gros effort a été consenti sur l'ONDAM médico-social, qui a progressé de plus de 50 % sur les six dernières années, pour atteindre, en ce qui concerne la part financée par les crédits de l'assurance maladie, 17 milliards d'euros, répartis à peu près également entre les personnes âgées et les personnes handicapées. Cependant, les politiques de maîtrise des dépenses de l'assurance maladie ont conduit à une décélération importante du rythme d'augmentation de ces dépenses, qui progressent actuellement de 2,9 % pour les personnes âgées et de 3,1 % pour les établissements et services pour personnes handicapées, contre plus de 6 % au début des années 2000. La nécessité de maîtrise de nos déficits publics va renforcer l'exigence de bonne utilisation des ressources consacrées à ces établissements, tandis que se renforceront parallèlement les exigences de qualité desdits établissements, ce qui, compte tenu de leur nombre, nécessitera une organisation dédiée.
Ce sont les directeurs généraux d'ARS qui notifient et autorisent la tarification pour les établissements et services médico-sociaux. Les conseils généraux sont, quant à eux, aux termes des lois de décentralisation, les chefs de file de l'action sociale de proximité, qui représente parfois jusqu'à 50 % du budget du département et qui bénéficie essentiellement aux personnes âgées avec plus de 1,228 million de bénéficiaires de l'APA. Les conseils généraux interviennent par ailleurs sur les budgets et les contrats tripartites.
Nous avons donc affaire à une organisation financière assez complexe, qui implique de multiples acteurs – État, départements, CNSA, CNAMTS et ARS – et qui justifierait sans doute une réflexion globale sur l'efficacité du dispositif.
La loi a prévu la signature d'une convention d'objectifs et de gestion (COG) entre la CNSA et la CNAMTS, motivée notamment par le fait que la création de la CNSA a donné lieu à des transferts de compétences et de personnel entre les deux organismes. Il était primordial, par ailleurs, d'organiser au mieux l'exploitation et le partage des données dont l'une et l'autre caisse disposaient.
De son côté, la CNAMTS détient des données comptables, puisqu'elle paie les établissements à la demande des ARS, ainsi que des données relatives aux personnes, celles-ci étant anonymisées dans le cadre du système national d'information inter régimes de l'assurance maladie (SNIIRAM) étendu au Programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI). Je le disais, nous avons également développé une application nous offrant une meilleure connaissance de la situation des personnes âgées dépendantes en résidence. Dans le cadre de la convention, nous nous sommes donc engagés à échanger ces données afin d'améliorer la connaissance des publics âgés et handicapés, et donc le suivi et l'anticipation de la dépense. En effet, une partie des décisions de la CNSA se traduisant par des créations de places parfois différées dans le temps, il est essentiel d'en maîtriser le pilotage.
En ce qui concerne la gestion des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), la CNSA nous transmet des données relatives au PATHOS moyen pondéré, qui permet d'évaluer la lourdeur des cas pris en charge par l'établissement et de calculer le groupe iso-ressources moyen pondéré (GIR), dont nous tenons compte pour établir la tarification. De notre côté, nous transmettons à la CNSA les données issues des déclarations des résidents d'EHPAD, ce qui permet une analyse de la dépense globale, qu'elle soit médico-sociale ou sanitaire, en établissements de soins ou en ville.
Nous avons également prévu de faire évoluer nos systèmes d'information respectifs pour produire conjointement des indicateurs de gestion de risque applicables aux établissements concernés. Nous avons notamment entrepris, à la demande du gouvernement et de l'IGAS, une étude approfondie sur les coûts, qui n'intègre néanmoins ni les restes à charge au titre de l'hébergement ni les abondements effectués par les départements à travers le financement de l'APA. Le but est de mieux comprendre ce que coûte à chaque bénéficiaire, à la collectivité et, le cas échéant, aux organismes complémentaires, une prise en charge en établissement de soins, afin d'élaborer éventuellement des stratégies alternatives. D'ici dix à quinze ans, les premières générations nées après la guerre vont atteindre l'âge de quatre-vingts ans : c'est un défi majeur qu'il nous faut anticiper, en réfléchissant notamment à un développement de la prise en charge à domicile.
Après une première convention couvrant la période 2007-2009, une deuxième convention a été conclue le 24 mai 2013, qui porte sur la période 2012-2015. Elle définit cinq axes principaux de collaboration, et nous a permis, en déclinaison de la convention d'objectifs et de gestion que l'État a signée avec la CNSA, de formaliser nos thèmes de travaux communs, en matière notamment d'échange d'informations.
Le premier axe de collaboration porte sur l'amélioration du suivi de l'ONDAM. À la demande du ministère et de la CNSA, conscients des risques de dépassement de l'ONDAM médico-social, notamment pour le secteur des personnes handicapées, nous transmettons chaque mois à la CNSA des données issues de nos balances comptables pour le suivi des établissements en dotation globale ainsi qu'un suivi du nombre de journées pour les établissements en prix de journée. La mise en place de ces échanges d'informations a permis de mieux piloter la dépense.
En deuxième axe, nous travaillons à améliorer notre connaissance de la prise en charge des personnes handicapées et des personnes âgées. À partir de l'identification des personnes résidant en EHPAD, nous analysons leur consommation réelle de soins, le nombre d'hospitalisations qu'elles subissent et leur recours aux soins de ville.
Le troisième axe consiste à développer des actions conjointes et des réflexions prospectives qui constituent le socle des propositions que nous pouvons faire à la direction de la sécurité sociale et à la direction générale de la cohésion sociale du ministère de la santé.
Le quatrième axe est le développement d'une politique d'échange d'informations de nos données respectives. Concrètement, nous transmettons des données à la CNSA et nous l'aidons à comprendre et à utiliser nos systèmes d'information, notamment le SNIIRAM. À l'inverse, la CNSA nous fournit des informations qu'elle est seule à détenir, notamment sur le statut de financement des EHPAD et sur le degré de dépendance des personnes qui y résident.
La fourniture de ces données nous permet ensuite d'élaborer, pour chaque établissement, un profil le situant par rapport aux autres établissements du département ou avoisinants, en fonction des caractéristiques de la population qu'il accueille mais aussi de ses pratiques en matière de prescriptions médicamenteuses. Il s'agit, en effet, d'un enjeu important pour l'assurance maladie, qui a lancé des campagnes auprès des établissements pour les sensibiliser à la bonne prise en charge médicamenteuse et aux risques d'iatrogénie.
Enfin, notre dernier axe de coopération consiste à travailler ensemble à la clarification de certaines difficultés d'interprétation juridique concernant les personnes handicapées ou résidant en EHPAD, le ministère tranchant en dernier ressort.
Cette convention du 24 mai 2013 a été un peu tardive, mais elle a le mérite d'exister. Elle permettra de progresser sur des points importants, car il était indispensable que la CNSA et la CNAMTS collaborent plus étroitement. À quelle échéance, selon vous, l'objectif d'une continuité entre conventionnement, tarification et décaissement pourra-t-il être atteint ?
La convention pour 2007-2009 n'avait pas vraiment débouché sur des actions concrètes. La nouveauté de la deuxième convention, qui explique sa conclusion tardive, c'est que nous avons, à la demande du ministère, recréé au sein de la CNAMTS une petite cellule vouée à s'occuper des sujets médico-sociaux. Après avoir considéré, au moment de la création de la CNSA, que les missions médico-sociales relevaient désormais de ses compétences, nous nous sommes assez vite rendu compte qu'il était important, pour une bonne coopération entre nos deux caisses, d'avoir de part et d'autre des interlocuteurs dédiés.
Dans un premier temps, il avait en effet été décidé de transférer les personnes en charge de ces secteurs vers la CNSA. Mais il est apparu que la CNSA ne pouvait gérer seule les questions relatives en particulier à l'exécution financière – je pense notamment à l'organisation des remontées des caisses primaires. Afin de renforcer notre coopération, nous avons donc reconstitué en 2012 une équipe de quatre personnes affectées à ces questions.
Force est de constater que le système n'est pas d'une grande simplicité : après ordonnancement par la CNSA, certains crédits transitent vers les ARS où ils donnent lieu à des arrêtés mis en oeuvre par les caisses primaires, lesquelles assurent le paiement ; les dépenses constatées remontent dans les systèmes comptables et statistiques de l'assurance maladie, pour repartir ensuite en direction de la CNSA. Maintenir la cohérence entre les engagements de l'ordonnateur et des paiements n'est donc pas d'une grande simplicité. La Cour des comptes a d'ailleurs souligné la nécessité de rapprocher certaines données issues des différents systèmes, notamment du système de répartition et de paiement, pour parvenir à une vision plus claire de l'état d'exécution des décisions de la CNSA.
Nous remontons déjà beaucoup de données vers la CNSA. Outre toutes les données mensuelles des balances comptables pour tous les établissements et services médico-sociaux en prix de journée, nous lui communiquons annuellement les charges définitives au titre des établissements qui incombent à la CNSA et aux autres régimes. Nous lui fournissons également les versements sous dotation, qui doivent normalement lui permettre de rapprocher les données de son système de versements, ainsi que le calcul des provisions nécessaires à l'élaboration de ses comptes, l'ensemble de ces données étant élaboré au sein de notre direction financière et statistique.
En plus de ces éléments comptables, nous communiquons à la CNSA des statistiques mensuelles de dépenses, en distinguant les versements pour l'enfance inadaptée, les versements aux établissements pour adultes handicapés et les versements aux établissements pour personnes âgées. Les dépenses sont ventilées par risque – maladie et accidents du travail. Nous lui fournissons également une statistique par caisse, dans le champ du régime général, pour la métropole et les départements d'outre-mer, et une statistique mensuelle relative à chacun des établissements. De nombreuses données lui sont donc remontées.
Compte tenu de la complexité de l'engagement de la dépense, qui passe par des décisions des conseils généraux puis par une mise en cohérence par les ARS, il n'est pas simple de mettre en relation le système d'engagement des dépenses et leur exécution. Bien entendu, nous y travaillons.
La CNSA a développé plusieurs applications, notamment une application de suivi en ligne des installations et des autorisations, l'application dite « HAPI », pour « harmonisation et partage d'information », une application permettant la remontée des budgets exécutoires pour connaître le niveau de la dépense et des comptes administratifs des établissements et services médico-sociaux, pilotée par le pôle budgétaire de la CNSA, et enfin une application de saisie des demandes d'hébergement en EHPAD, qui permet de suivre le nombre de personnes âgées réellement hébergées et donc le taux d'utilisation des capacités.
Un certain nombre de ces outils, notamment GALAAD, « Gérontologie approche logistique pour une aide à l'analyse et à la décision », ont été développés par l'assurance maladie et transmis à la CNSA et au Syndicat national de gérontologie clinique (SNGC).
L'outil de saisie des demandes d'hébergement en EHPAD est coopératif avec notre outil de déclaration de la résidence des personnes. Une réelle coopération s'est donc engagée dans le domaine des systèmes d'information, mais elle est plus récente que la mise en place de la CNSA.
La situation est donc en voie d'amélioration. Dans nos précédents travaux sur la CNSA, les systèmes d'information apparaissaient, en effet, comme l'un des points faibles.
En ce qui concerne la gouvernance du secteur médico-social, quelle appréciation portez-vous sur la répartition et l'articulation des compétences et des financements entre la CNSA, les conseils généraux, les services de l'État, la CNAMTS et les ARS ? Avez-vous des pistes d'amélioration à nous proposer dans ce domaine ?
D'ici dix à quinze ans, nous allons assister au vieillissement des générations nées après la guerre, celles du baby-boom. Que pensez-vous de la création d'un Haut Conseil de l'âge annoncée dans le cadre de la future loi sur l'adaptation de la société au vieillissement de la population ? Cette évolution va nous contraindre à porter un regard différent sur ces questions. Que pouvez-vous dire sur ce sujet ?
La CNAMTS n'est pas en charge des politiques en direction des personnes âgées ou des personnes handicapées, la CNSA ayant précisément été créée pour cela.
Après une relative stabilisation au cours des dix prochaines années, le nombre de personnes arrivant à l'âge où l'on a besoin d'une attention particulière, voire d'une prise en charge en établissement, va connaître une forte augmentation. Il est souhaitable d'approfondir l'analyse des conséquences de cette situation, de mieux l'anticiper et d'oeuvrer à l'élaboration de politiques soutenables permettant de garantir la prise en charge de ces personnes dans les meilleures conditions. C'est l'un des sujets les plus complexes auxquels nous avons affaire dans le domaine sanitaire et social, car il concerne des personnes qui sont à la croisée de besoins sanitaires et de besoins de prise en charge médico-sociale. Ces personnes, dans leur majorité, souhaitent pouvoir rester chez elles, dans le meilleur état de santé possible. L'éclatement des acteurs, lui-même lié à la complexité de la situation, n'aide sans doute pas à l'élaboration de ces politiques et à la réflexion. De ce point de vue, la création du Haut Conseil de l'âge peut être une opportunité en ce qu'il permettrait de rassembler ces acteurs.
Cela étant, nous devons reconnaître notre ignorance sur un certain nombre de points.
Jusqu'à ce que nous mettions en place, avec la direction de la sécurité sociale, une obligation assortie de sanctions et des outils informatiques sur la résidence des personnes en EHPAD, nous avions une vision assez peu précise de la répartition exacte des personnes prises en charge, sachant que certaines d'entre elles conservent leur lieu de domicile tout en étant hébergées. Nous n'avions pas non plus procédé à une consolidation du coût pour la collectivité, à tout le moins dans le cadre de l'ONDAM et des charges de la CNSA. Désormais, nous disposons d'une vision à peu près claire d'au moins une partie de la dépense.
Le coût reste, bien sûr, un des volets du sujet compte tenu des difficultés de notre pays à équilibrer ses politiques sociales au regard de sa capacité de croissance. La réflexion autour de l'amélioration de l'efficience et du rapport qualité-prix de la prise en charge des personnes est un enjeu majeur, que nous devons anticiper. Il nous faut donc mieux connaître la qualité de la prise en charge, son rapport qualité-prix et son coût pour la collectivité.
Permettez-moi de rappeler quelques chiffres. Le coût global pour l'assurance maladie d'une personne prise en charge par la collectivité en EHPAD varie entre 15 000 et 17 000 euros par an. Le financement du forfait soins de l'assurance maladie constitue la majeure partie de cette dépense. Ce ne sont pas les dépenses d'hôpital ou de soins de ville engagées pour ces personnes qui représentent la majeure partie de la dépense, mais bien ce forfait soins, dont le montant varie entre 12 000 et 15 000 euros.
Chacun est conscient que l'allégement des charges des départements au détriment de l'assurance maladie ne constitue pas une solution – ce n'est pas ainsi que l'on réduira le déficit global. Néanmoins, ce peut être une tentation devant les difficultés que connaissent les départements suite aux politiques qui leur ont transféré – sans doute dans un objectif de responsabilisation – des charges dynamiques.
La politique la plus raisonnable, à la fois pour les personnes elles-mêmes et pour les finances publiques, consiste à les maintenir en situation d'autonomie le plus longtemps possible, par une prévention, une prise en charge et une organisation plus adaptées. C'est l'un des sujets de l'expérimentation dite PAERPA, « personnes âgées en risque de perte d'autonomie », en cours sur certains territoires, qui allie une prise en charge médico-sociale plus légère et l'intervention de professionnels de santé de ville. L'enjeu est de parvenir, grâce à une meilleure organisation des soins de ville et à une meilleure coordination avec l'intervention du secteur médico-social, à maintenir à leur domicile, le plus longtemps possible et pour un coût raisonnable, les personnes qui le souhaitent dès lors que leur état de santé le permet.
Nous n'avons pas procédé à une consolidation complète, du point de vue des personnes et de la collectivité, de la répartition des coûts complets de la prise en charge en établissement. De la même manière, nous n'avons qu'une connaissance incomplète de l'organisation optimale qui permettrait de prendre en charge les personnes dans certaines conditions, étant entendu que la prise en charge en établissement est parfois inévitable. Sachant que nous n'échapperons pas à une tension sur les capacités des établissements de soins d'ici dix à quinze ans, nous avons besoin d'une politique beaucoup plus adaptée à la prise en charge à domicile, en proximité. Cette politique reste à construire, ce que l'intervention de nombreux acteurs de statuts variés rend particulièrement complexe.
Nous n'avons également qu'une faible connaissance de l'activité des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD). Nous n'avons pas intégré de consolidation de cette activité, qui joue pourtant un rôle majeur dans la prise en charge des personnes âgées, dans nos systèmes d'information. De même, les associations de prise en charge à domicile ne sont pas totalement intégrées dans ces systèmes d'information, alors qu'elles jouent parfois un grand rôle. Bref, nos outils de connaissance sont encore imparfaits. Ils sont surtout issus du monde sanitaire, qui a été le premier à les développer ; ils doivent être confortés. L'éclatement entre professionnels de différents métiers et différents statuts rend cette organisation très complexe.
Il nous reste quelques années pour construire un système plus rationnel, définir clairement les politiques et mieux faire coopérer les différents acteurs sur le terrain.
Enfin, parmi les éléments dont nous n'avons pas une connaissance précise figurent les besoins en infirmières. La situation aujourd'hui est la suivante : le numerus clausus est fixé à 31 088; les dépenses de l'ONDAM soins de ville augmentent fortement ; notre pays compterait près de 600 000 infirmières, dont près de 100 000 seraient installées en libéral. Je ne suis pas sûr que nous ayons procédé à une simulation claire de l'évaluation des besoins qui nous permettrait de savoir si ce numerus clausus est adapté à la situation.
Bien des progrès restent donc à faire, à la fois dans l'organisation quotidienne et la mise en cohérence des interventions des différents acteurs, mais aussi dans le pilotage des politiques publiques.
Dans le cadre des conventions signées avec les infirmières, nous essayons d'inverser la tendance à la répartition très inégale des infirmières libérales sur le territoire. L'écart est aujourd'hui de un à neuf, ce qui signifie que pour une infirmière dans un département, neuf se trouveront dans un autre. Or, demain, il faudra que ces professionnelles puissent prendre en charge les populations dans toutes les régions. Là encore, cela exige une mise en cohérence du pilotage. En l'absence de vision claire de l'intervention des différents offreurs de soins et organismes médico-sociaux, nous n'avons pas véritablement fait de choix d'intervention, ce qui est peut être sous-optimal.
(Présidence de M. Pierre Morange, coprésident de la mission)
Je vous prie d'excuser mon retard. J'intervenais dans l'hémicycle sur la proposition de loi de notre collègue Bérengère Poletti sur les arrêts de travail et les indemnités journalières, issue des travaux de la MECSS, qui n'a malheureusement pas fait la même unanimité qu'au sein de notre mission, et vient donc d'être rejetée.
Le sujet central est celui de l'information, de son partage et de l'analyse de l'offre et de la demande. Le constat que nous faisons est celui d'un système encore rudimentaire dans le secteur médico-social, tant en ce qui concerne la perte d'autonomie qu'en ce qui concerne le handicap.
Vous appelez de vos voeux une urbanisation des systèmes d'information – sujet cher à la CNAMTS. Disposez-vous aujourd'hui du « squelette » qui vous permette d'assurer que cette urbanisation est à peu près finalisée, et que les systèmes pourront ainsi être en interface, voire en osmose, avec celui qui devrait être mis en place pour le secteur médico-social ?
Dans le rapport sur la mise en oeuvre des missions de la CNSA que nous lui avions demandé, la Cour des comptes a fait état d'une dispersion des coûts en ce qui concerne les établissements médico-sociaux. Ce constat, qui l'a conduite à formuler sa recommandation n° 7 – progresser dans la connaissance des coûts des établissements et des services médico-sociaux – renvoie au déficit d'information que vous avez vous-même évoqué. Vous avez parlé d'un groupe de travail en charge de la collecte de données, qui se heurterait à des résistances et à la force des habitudes. Avez-vous des aspirations particulières qui puissent se décliner sous forme réglementaire ou sous forme législative ? Il s'agit pour nous de progresser de manière concrète face aux attentes de nos concitoyens sur le sujet de la perte d'autonomie et du handicap.
Enfin, quelles dispositions qui ne s'y trouvent pas encore souhaiteriez-vous voir figurer dans le projet de loi sur le vieillissement pour répondre à cet objectif d'adéquation entre l'offre et la demande ?
Sur le dernier point, je vous renvoie à l'avis du conseil de la CNAMTS sur le projet de loi, même si différentes tendances s'en sont dégagées. Je vous propose de transmettre à la MECSS non seulement cet avis, mais aussi les déclarations jointes qui permettent de tenir compte de la diversité des positions qui se sont exprimées.
L'urbanisation des systèmes d'information est évidemment un sujet majeur. L'une des difficultés auxquelles nous sommes confrontés est que les chaînes de paiement aux établissements de soins s'appuient principalement sur la capacité des caisses primaires à assurer l'exécution des décisions prises par les ARS. Par construction, la répartition et l'éclatement des différentes compétences ne peuvent que conduire à une complexité des remontées des systèmes d'information. C'est à la source que le problème se pose.
Une des raisons qui expliquent la situation actuelle est que, antérieurement à la création de la CNSA, l'organisation financière était différente. Nous avons veillé à la continuité des paiements ; concrètement, les caisses primaires ont continué à verser aux établissements de soins les ressources qui leur sont dédiées. C'est en soi un sujet. À ce stade, il n'existe pas de projet informatique tendant à modifier fortement la gestion de ces paiements.
L'autre problématique est celle de la capacité de remontée. Payer est une chose, mais si l'on veut assurer la gouvernance financière de l'ensemble, il faut à la fois la capacité de payer, mais aussi l'ensemble des remontées, la ventilation comptable et la capacité de retraitement statistique et comptable. En clair, si l'on veut simplifier, il faut doublonner – ce qui n'est pas nécessairement opportun du point de vue des finances publiques. Le sujet est complexe. Je crois savoir que la DSS réfléchit sur une simplification à terme de la « cascade » historique. Compte tenu du nombre d'acteurs intervenant dans la chaîne, il n'est pas étonnant que les systèmes d'information soient complexes.
Avez-vous essayé de lancer des audits sur le coût de fonctionnement des différentes structures médico-sociales, à la manière de ce qu'avait fait la Cour des comptes sur le fonctionnement hospitalier, en s'inspirant d'études conduites sur un certain nombre de services spécialisés – pneumologie, obstétrique, cardiologie – qui avaient mis en évidence des écarts conséquents en termes de ratios de personnel d'encadrement ou de soignants ? Pareille démarche a-t-elle été conduite dans le domaine médico-social, afin de rationaliser la prise en charge au profit du plus grand nombre ?
La CNAMTS ne l'a pas fait, car elle n'avait pas de compétence pour le faire. En revanche, nous sommes en train de travailler sur le domaine sanitaire. Nous nous penchons en ce moment sur la productivité des plateaux techniques chirurgicaux, sujet qui a déjà donné lieu à des réflexions diverses et variées. Il y a quelques années, nous étions ainsi arrivés à la conclusion que la productivité apparente du travail variait entre les établissements selon un rapport de l'ordre de un à deux. Cette conclusion doit être interprétée avec le recul nécessaire : il faut connaître l'activité, ce qui est possible à partir de la nomenclature des actes techniques et des groupes homogènes de malades (GHM) et groupes homogènes de séjours (GHS) hospitaliers ; mais il faut aussi connaître assez finement l'utilisation, le nombre de salles et celui des professionnels qui y travaillent. Bref, c'est assez complexe.
Nous n'avons pas investi sur les établissements médico-sociaux, que ce soit pour les personnes âgées ou pour les personnes handicapées, car cela n'entre pas dans nos compétences.
Cela ne fait certes pas partie de votre coeur de métier, mais on aurait pu imaginer une réflexion conjointe.
C'est une question de ressources. Pour les établissements hébergeant des personnes âgées ou handicapées, il faut disposer d'une évaluation des groupes iso-ressources et PATHOS. Le contenu de soins est relativement variable. Il faut avoir la capacité d'évaluer comment l'établissement fait face aux besoins de soins avec les dotations qui lui sont allouées. Cela suppose une connaissance intime du fonctionnement des établissements. Si l'on utilise parfois des remontées d'un système d'information existant, qui nous permettent de nous faire une idée, les éléments de remontée et de connaissance dans le secteur médico-social doivent encore être améliorés pour permettre ce type d'étude sans s'engager dans un audit généralisé. Par ailleurs, l'éclatement et le nombre des structures rendent l'analyse complexe.
Néanmoins, il est clair que la quasi-totalité des acteurs considèrent qu'un travail important doit être engagé pour avoir de meilleures garanties de qualité dans les prestations délivrées et le rapport qualité-prix.
Nous vous remercions d'avoir répondu à nos questions. Nous aurons certainement l'occasion d'échanger à nouveau sur ces sujets dans quelques mois.
La MECSS procède enfin à l'audition, ouverte à la presse, de Mme Bernadette Devictor, présidente de la Conférence nationale de santé, et M. Sylvain Denis, vice-président du Comité national des retraités et personnes âgées.
Madame, monsieur, soyez les bienvenus dans cette mission, qui réfléchit aux moyens d'améliorer le fonctionnement de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Quel est votre point de vue sur l'articulation de ses compétences avec celles d'autres acteurs : autorités de tutelle, agences régionales de santé, départements, maisons départementales des personnes handicapées ? Comment se déroule le travail mené conjointement par la Conférence nationale de santé (CNS), le Comité national des retraités et personnes âgées (CNRPA), et le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) ?
L'équilibre actuel entre les membres du conseil de la CNSA est-il satisfaisant ? Êtes-vous favorables à la création d'un troisième poste de vice-président, qu'occuperait un représentant des départements, même si les récentes déclarations du Premier ministre laissent un doute sur l'avenir de ces derniers ? Certaines initiatives locales ont-elles permis de décloisonner les secteurs sanitaire et médico-social ?
Que pensez-vous de la création d'un Haut Conseil de l'âge, figurant dans le projet de loi pour l'adaptation de la société au vieillissement ?
À mon tour, je vous souhaite la bienvenue.
D'emblée, je prolonge la question de Mme la rapporteure s'agissant du projet de loi pour l'adaptation de la société au vieillissement : ce texte répond-il à vos attentes ? Doit-il être complété ?
Les systèmes d'information dont vous disposez vous permettent-ils d'apprécier et d'anticiper l'offre et la demande de prise en charge ? Constatez-vous, comme la Cour des comptes, une dispersion des coûts qui induirait la nécessité de rationaliser la dépense ? Enfin, comment appréciez-vous la compensation, tant collective qu'individuelle, de la perte d'autonomie ?
Je sors d'un conseil de la CNSA, dont je suis vice-président et qui se réunit deux fois par an pour examiner son budget. Sans être volumineux, celui-ci est compliqué, au sens où il mobilise de nombreux acteurs, qui l'abondent ou en reçoivent des fonds. En outre, il n'est pas toujours facile de distinguer les soins et le médico-social, ou encore l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) et l'ONDAM médico-social. Enfin, comme dans un jeu de bonneteau, on nous reprend parfois en contribution sociale généralisée (CSG) ce qu'on nous accorde en contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (CASA). Je me suis souvent élevé contre cette manière de procéder : nous devrions pouvoir utiliser la CASA que l'on nous verse. On nous répond que nous ne pourrons pas le faire sans l'appui de la loi.
Au sein de la CNSA, la répartition des compétences est compliquée par la multiplicité des acteurs, chacun tenant beaucoup à son rôle. Comme la plupart des agences de l'État, la CNSA est soumise à plusieurs tutelles. Elle dépend à la fois du ministère des finances, du ministère des affaires sociales et de la santé, au titre de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), et du ministère de l'intérieur, au titre de la direction générale des collectivités locales (DGCL), qui intervient en tant que « tuteur » des départements. Ce sont autant d'instances qui doivent se concerter.
Enfin, la répartition des rôles entre les départements et les ARS manque de clarté. On note même, ici et là, quelques tiraillements. Pour les personnes âgées, il n'existe pas d'équivalent aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), puisque les centres locaux d'information et de coordination gérontologique (CLIC) ne dépendent pas de la CNSA. D'ailleurs, le nombre de CLIC varie d'un département à l'autre : il y en a beaucoup dans les Yvelines et aucun dans le Gard ou la Somme.
Ne me faites pas dire, cependant, que je préconise la création de maisons départementales de l'autonomie. Le plus simple, comme je l'ai indiqué à Mme Touraine quand elle s'est rendue à la CNSA, serait que les personnes âgées entrent dans un dispositif dédié aux personnes handicapées, ce à quoi elles sont tout à fait disposées.
Dans le domaine médico-social, il serait bon d'harmoniser, au sein de la gouvernance, les relations entre les ARS, les conseils généraux et l'assurance maladie ; mais, en pratique, c'est sur les territoires de proximité que le décloisonnement est le plus facile à opérer. Au sein de la politique régionale, il n'est pas facile d'articuler le schéma médico-social et les schémas départementaux qui ne respectent pas le même calendrier. Quant à leur contenu, il dépend beaucoup de la situation de la région. Il y a probablement quelques schémas en trop.
Pour citer une initiative qui a permis le décloisonnement, les filières gérontologiques de Rhône-Alpes, qui ont été conçues autour de l'hôpital, proposent en pratique un parcours non gériatrique mais gérontologique. Elles réunissent ainsi les acteurs du sanitaire, du social, du médico-social et – dans une moindre mesure, à cause de l'organisation de la médecine libérale – de la médecine de ville.
Les initiatives qui peuvent être prises se heurtent à la multiplicité des canaux de financement, qui entraîne une perte d'efficacité. Sur un territoire, les financements arrivent en tuyau d'orgue et les actions ne sont pas nécessairement coordonnées. Il semble essentiel de créer des comités de financeurs réunis sur un territoire et sur un type d'action, si l'on veut rendre la dépense publique plus efficiente. Par ailleurs, pour aboutir à un accord, il ne faut pas séparer financeurs, acteurs et usagers, qui doivent choisir ensemble l'orientation de leur politique.
Le projet de loi sur le vieillissement sépare à tort le comité des financeurs et le comité d'orientation politique présidé par un département. Compte tenu de la réforme territoriale, mieux vaudrait une autre organisation et une présidence partagée. Enfin, il faudrait harmoniser la politique des départements, ce que ne permet pas l'adossement au conseil général. L'harmonisation territoriale est une des missions de la CNSA.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les initiatives prises en Rhône-Alpes pour favoriser le décloisonnement ?
Le dispositif n'est pas récent puisqu'il a été mis en place du temps des agences régionales de l'hospitalisation (ARH). Il s'agissait d'optimiser le parcours de soins des personnes âgées, en partant du principe que, tôt ou tard, celles-ci arrivent à l'hôpital. Le postulat est juste, mais l'hôpital n'a pas nécessairement à figurer au centre du découpage. Quoi qu'il en soit, la région a défini trente territoires gérontologiques.
Au départ, il s'agissait de mettre en relation les acteurs sanitaires de la filière gériatrique. Très vite, il a paru pertinent de prévoir un cheminement gérontologique incluant les acteurs du domicile et du médico-social. La structuration des filières a induit une gouvernance à deux niveaux, l'une opérationnelle sur le territoire de proximité, l'autre stratégique.
Lorsque ces filières sont montées en charge, l'ARH puis l'ARS était présente. Maintenant qu'elles fonctionnent, les acteurs se sont organisés sur leur territoire, tandis que l'ARS se situe à un niveau stratégique. Une charte organise le partage des responsabilités. On pourrait parler d'une « approche en responsabilité populationnelle », puisqu'il s'agit de répondre aux besoins de santé, au sens large, d'une population de personnes âgées vivant sur un territoire.
Sur ce sujet, vous auditionnerez probablement M. Dominique Libault, qui préside le comité national de pilotage sur les parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d'autonomie (PAERPA). Un budget a été alloué pour que celles-ci ne sortent pas de l'hôpital en plus mauvaise santé qu'elles n'y sont entrées. Une dizaine d'expériences ont été menées, qui pourraient un jour servir de modèle.
C'est à ces questions que réfléchit le groupe de travail que je préside sur le service territorial de santé. J'espère que celui-ci pourra rapidement rendre son rapport. Il entend privilégier un nom générique plutôt qu'une multiplicité de noms spécifiques, et apporter avant tout des réponses à une population, ce qui suppose un engagement des acteurs, une gouvernance à plusieurs niveaux et une implication des financeurs, qui doivent optimiser la dépense.
Il est un acteur qu'on voit très peu mais dont le rôle est essentiel, tant sur le plan de l'animation que de la proximité et de la vie quotidienne : la ville, ou l'intercommunalité. Certes, l'Union nationale des centres communaux d'action sociale (UNCCAS) est représentée à la CNSA, mais, si l'on entend beaucoup l'Assemblée des départements de France (ADF), l'Association des maires de France (AMF) se manifeste peu. Je le regrette, car il se passe beaucoup de chose au niveau de la ville.
Traditionnellement, la prise en charge des personnes âgées relève de la compétence du centre communal d'action sociale (CCAS) plutôt que de la municipalité, mais, lors des élections municipales, cette question est venue au centre des débats. Les villes devront sans doute s'impliquer davantage et surveiller le travail de l'UNCCAS et des CCAS.
Je constate, comme vous, que les communautés d'agglomération ne se mobilisent pas sur ces sujets, alors qu'elles peuvent jouer un rôle important sur le territoire.
Pouvez-vous nous dire un mot sur le Haut Conseil de l'âge ?
J'ai proposé, peut-être un peu tard, d'appeler cette instance le Haut Conseil des âges, formule qui me paraît plus large et moins discriminatoire, car elle ouvre la réflexion sur l'avancée en âge ou la prévention des effets de l'âge. L'essentiel est que ce conseil en réfère au Premier ministre, comme le Haut Conseil de la famille ou le Conseil d'orientation des retraites.
Il faut aussi qu'il dispose de moyens, ce qui n'est pas le cas du CNRPA. Celui-ci emploie en tout et pour tout un demi-cadre A et une secrétaire. En outre, il déménage sans cesse, de sorte que son courrier ne lui parvient pas toujours. J'ajoute qu'il ne peut pas faire appel à un expert, faute de pouvoir le rémunérer, ce qui l'empêche de jouer pleinement son rôle. Peut-être le Haut Conseil de l'âge pourra-t-il s'appuyer sur les compétences du Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP).
Sa composition, encore floue, sera précisée par décret. Mme Delaunay, que nous avions interrogée sur ce point, nous a fait des promesses qui n'engagaient qu'elle. Le CNRPA a demandé que les associations soient consultées à l'avance sur le sujet, plutôt qu'au dernier moment et pour avis.
Pour ma part, je fonde de grands espoirs sur ce nouveau conseil, ainsi que sur les comités départementaux qui auront à traiter en même temps des personnes âgées et handicapées. Il résulte d'ailleurs de la concertation menée par Mme Delaunay qu'il existe de fortes convergences et des transversalités entre ces populations. Réunir un collège de personnes âgées, de personnes handicapées et d'experts permettra de réfléchir, par exemple, aux plans d'urbanisme. Les choses se passent déjà ainsi à la CNSA, où j'apprécie de rencontrer mes homologues chargés du handicap, ce qui ne se faisait pas il y a dix ans. Étendre cette pratique au plan local va dans la bonne direction.
Le problème reste de savoir qui aura la main sur ce Haut Conseil. Il ne faudrait pas qu'il soit à la botte d'un président de conseil général, par exemple, qui considérerait que certains n'ont pas leur mot à dire sur l'utilisation des crédits. De ce point de vue, il est dommage que le comité des financeurs et le comité stratégique soient scindés. N'oublions pas que les usagers contribuent, eux aussi, au financement par le biais du reste à charge – à hauteur de 9 milliards d'euros pour les personnes âgées. À la limite, il ne serait pas illégitime qu'ils figurent dans le comité des financeurs. Cette séparation ne nous paraît donc pas pertinente. Fallait-il vraiment créer « un machin » pour associer les caisses de retraite ? Cela étant, je n'en remets pas en question la nécessité.
Selon vous, ce serait l'un des points sur lesquels il faudrait apporter des améliorations.
Tout à fait.
Le futur comité territorial est-il une instance consultative ou une instance opérationnelle ? Une ambiguïté demeure aujourd'hui, qu'il faut lever. S'il s'agit d'une instance consultative, il ne saurait être présidé par le conseil général, lequel ne pourrait pas formuler d'avis sur lui-même.
Plusieurs rapports convergent sur ce point : la démocratie sanitaire doit passer d'une posture consultative à une posture de co-élaboration des politiques. Or cela emporte certaines conséquences en matière d'attributions et de composition, qui ne peuvent demeurer exactement les mêmes.
Mme Guinchard, que vous venez d'auditionner, a dû prononcer devant vous le terme de « co-construction », qui est son obsession. Elle a raison : c'est ensemble que nous devons construire et, pour cela, il faut mettre en place le dispositif nécessaire. Réunir tous les trois mois 35 000 personnes ne servirait pas à grand-chose ; il faut travailler ensemble sur de véritables projets, ce qui suppose d'en chiffrer aussi le coût pour ne pas s'exposer à la déception d'apprendre in fine qu'il n'y a pas l'argent nécessaire pour les mener à bien.
Tout comme elle entretenait des liens avec le CNRPA, la CNSA devra en établir avec le futur Haut Conseil de l'âge. Essayons au moins d'éviter les doublons dans les travaux de la multitude d'instances consultatives qui existent.
Le sujet de la gouvernance est éminemment stratégique : de la coordination est en effet nécessaire afin d'éviter la dispersion des acteurs, certes tous légitimes, et de parvenir à une rationalisation au sein de structures les plus lisibles possible, ayant pour objet le service d'autrui.
Un autre sujet central est celui de la maîtrise de l'information. Il est toujours difficile pour une instance, consultative ou opérationnelle, de réfléchir ou de décider sans maîtrise de l'information. Il faudrait analyser de manière plus fine, au travers notamment d'une comptabilité analytique, le rapport coûtefficacité des prestations. Sur ce point, n'êtes-vous pas frustrés de ce que, quelle que soit la cohérence des décisions, du soutien ou de la promotion des projets, il est tout aussi impossible de comparer précisément les coûts que d'apprécier la pertinence d'une approche dans la prise en charge de la dépendance, de la perte d'autonomie ou du handicap, dont les frontières sont ténues ? Je ne parle même pas des barrières liées aux tranches d'âge, qui aboutissent à des subtilités administratives insupportables au regard des tragédies humaines vécues par les personnes concernées.
Avec le recul qui est le vôtre et votre vision pour ainsi dire zénithale de l'ensemble de ces problèmes, quelles seraient, selon vous, les mesures à prendre ? Avez-vous commencé à débroussailler ce champ, pour le moins en jachère ?
Lorsque Paulette Guinchard coprésidait avec moi la MECSS, nous avions présenté ensemble un rapport sur le financement des établissements d'hébergement pour personnes âgées, rapport qui avait d'ailleurs été adopté à l'unanimité. Au-delà de la charge foncière liée au lieu d'implantation des établissements, nous nous étions attachés aux coûts de fonctionnement de ces derniers. Nous avions également abordé le sujet de la complexité croissante de la réglementation et du durcissement constant des normes de construction, notamment la norme de sécurité incendie « type J ». La réflexion sur le sujet a-t-elle été poursuivie ? Car cela continue d'amputer les capacités d'intervention.
Loin d'être résolu, ce problème des normes s'accentue. Chronophage, ce sujet mobilise du personnel et coûte de l'argent, retardant d'autant la création de nouvelles places d'accueil. Il faut beaucoup plus de temps en France qu'en Belgique pour construire une maison de retraite. C'est la conséquence de ce phénomène qu'on observe depuis une dizaine d'années : pour une personne s'étant coincé les doigts dans une porte, on exige de nouvelles normes pour toutes les portes. Il a suffi de trois accidents d'ascenseur pour que les ascensoristes puissent aujourd'hui se frotter les mains. Pour ce qui est de l'accessibilité, en revanche, notre pays est en retard.
La CNSA a reçu pour mission de créer un portail d'information à destination du public, sur lequel elle a commencé de travailler. Elle s'est également attelée à son système d'information interne, mais elle n'est pas, hélas, la seule impliquée dans ce travail. Ainsi, pour le dernier rapport qu'elle vient de remettre sur les MDPH, quatre-vingt-dix-sept départements ont répondu, cinquante-six réponses seulement étant réellement exploitables. Vu que les MDPH sont des structures encore récentes et que les freins à la communication des informations sont multiples, cela n'est pas si mal. Pour autant, ce n'est pas satisfaisant. La multiplicité des acteurs est un obstacle à la circulation et à la centralisation des informations.
Une autre difficulté tient aux délais de déblocage et d'attribution des crédits. L'un des gros problèmes de la CNSA jusqu'à présent était la sous-consommation de ses crédits – ce qui est de moins en moins vrai puisqu'elle en reçoit de moins en moins. Un groupe de travail va être mis en place pour déterminer comment s'explique, par exemple, la sous-consommation de 156 millions d'euros observée cette année pour les personnes âgées et la surconsommation de 55 millions d'euros pour les personnes handicapées. L'une des raisons de cette situation a déjà été identifiée ; elle tient à la pratique en matière de finances publiques. Lorsque l'ARS ne reçoit ses crédits qu'en juin, compte tenu des vacances, elle ne peut elle-même pas les déléguer avant octobre. Il est alors trop tard pour mener à bien un projet, si bien que les crédits ne sont pas consommés. On essaie certes de limiter les possibilités de report, mais toutes ces acrobaties budgétaires ne font qu'obscurcir la situation. On essaie aussi de flécher les crédits par année, mais l'information qui importe – savoir si tel ou tel établissement a pu ou non être construit –, on a beaucoup de mal à la faire remonter.
Une autre difficulté naît aussi de la confusion entre coût et tarification. Les deux mots sont parfois utilisés de manière indifférente alors qu'ils ne recouvrent pas la même réalité. Ainsi des départements disent qu'ils « tarifient » des EHPAD pour signifier qu'ils leur allouent un budget. On parle également de tarification ternaire dans les EHPAD. Ces ambiguïtés sémantiques, conjuguées à la multiplicité des acteurs, nuisent à la bonne remontée de l'information. J'admire d'ailleurs que, dans ces conditions, la CNSA parvienne quand même à élaborer des documents d'une grande clarté.
Elle n'a que dix ans, et les MDPH sont récentes aussi. Des améliorations restent, bien sûr, à apporter. Les premiers travaux de Paulette Guinchard pointaient déjà cette difficulté. Pour autant, il ressort de nos auditions que des progrès ont été accomplis, en tout cas sont en marche. On peut donc espérer que, dans un futur proche, chaque acteur puisse disposer de toutes les informations utiles et que celles-ci puissent être mutualisées. Dans une période compliquée, où la clarté s'impose sur le plan financier, il est d'autant plus nécessaire de se doter des outils permettant de répondre de façon efficace aux besoins.
Pour l'efficience même de la dépense, il faudrait aussi parvenir à structurer le secteur associatif de l'accompagnement pour les personnes âgées et les personnes handicapées, aujourd'hui atomisé, et pouvoir trouver dans les ARS les compétences nécessaires au management des projets et à l'accompagnement de ceux qui les portent. Sur le terrain, la disparition d'associations entraîne parfois une rupture dans l'offre. Cette structuration du secteur est clairement de la responsabilité des pouvoirs publics.
Si on a une bonne visibilité sur les tarifs, comme on connaît mal la complexité des situations prises en charge et vécues par les usagers, on ne peut pas savoir si le niveau de tarification correspond bien à cette complexité. Comment dans ces conditions s'assurer que l'argent public est bien dépensé ?
Il faudrait que les services, départementaux en particulier, se comportent en services d'accompagnement et non de censure. Leurs agents ne devraient pas être là seulement pour apposer des tampons ou se montrer tatillons sur les pièces demandées, mais pour assister vraiment les porteurs de projet. Cela suppose de faire évoluer les mentalités administratives, ce qui n'est pas une mince affaire ! C'est aussi une question de formation des agents.
Quel est votre sentiment sur l'évolution de la réglementation européenne issue des Livre vert de 2003 et blanc de 2004 relatifs aux services sociaux d'intérêt général (SSIG) ? Même si des garde-fous ont été mis en place pour essayer de sanctuariser le champ sanitaire et médico-social, l'ouverture à la concurrence peut conduire à revoir les prestations et rend en tout cas impératif de connaître les coûts. Compte tenu de l'évolution démographique actuelle et celle prévisible dans les dix à quinze prochaines années, ce sujet constitue une bombe à retardement. Dans un marché ouvert, les coups de boutoir portés par les sociétés proposant de tels services seront d'autant plus violents que la demande sera plus forte. Il n'est pas certain que le secteur sanitaire et médico-social puisse être encore longtemps sanctuarisé.
D'où la nécessité, je le redis, de bien connaître la complexité des situations prises en charge et les coûts en regard de la tarification. Ce travail de fond est indispensable.
Il est aussi de la responsabilité des pouvoirs publics de structurer le secteur de l'accompagnement médico-social, car les coups de boutoir dont vous parlez seront portés par des sociétés beaucoup moins atomisées, elles.
Au-delà, se pose la question de la force de frappe financière et managériale des structures. Le modèle associatif est-il adapté dans tous les cas ? Je ne voudrais pas donner l'impression de reprendre les termes utilisés récemment par la représentante du MEDEF devant le conseil de la CNSA, mais on a laissé se créer des structures sans aucun contrôle. N'importe quelle aide-soignante a pu monter un service d'aide à la personne, déséquilibrant parfois tout un secteur, pour devoir souvent plier bagages quelques mois plus tard, par manque de connaissances. De nouvelles forces peuvent être bienvenues, à condition d'un encadrement minimal. On ne gère pas un service d'aide à la personne comme un service d'aide ménagère ! Le MEDEF a, pour l'instant, du mal à le comprendre.
Si le secteur associatif occupe encore une place centrale, tout à fait justifiée d'ailleurs au regard du dévouement de ses membres, c'est qu'historiquement, c'est lui qui a commencé d'assurer la prise en charge de la dépendance et du handicap. L'État ne s'est mobilisé que tardivement sur ce sujet, pourtant si essentiel au regard de la solidarité nationale et de l'éthique républicaine. Ce sont les lois du 30 juin 1975 et du 11 février 2005 qui ont marqué sa volonté d'investir ce champ.
Face à l'ouverture à la concurrence, le secteur sanitaire et médico-social doit se garder d'une logique consumériste dans laquelle on considérerait que la prise en charge à domicile de personnes dépendantes ou en situation de handicap ne requiert pas de compétences spécifiques !
La situation des associations, dans les deux champs de la prise en charge des personnes âgées et des personnes en situation de handicap, est très diverse. Certaines ont su se renforcer, s'équiper, s'adapter, tandis que d'autres en sont encore restées au stade de l'amateurisme, ce qui n'est d'ailleurs pas sans danger. Un encadrement sera, en effet, indispensable dans le cadre de l'ouverture du marché européen.
Une évolution législative vous paraît-elle nécessaire afin de doter la CNSA de réels leviers d'action dans le champ de l'APA, alors que sa mission d'animation de réseau se limite actuellement aux MDPH chargées d'attribuer la PCH ?
J'espère qu'un jour l'APA et la PCH se rapprocheront. Cela a commencé de manière discrète, par exemple, lorsqu'il a été proposé d'élargir la grille AGGIR (Autonomie gérontologie groupes iso-ressources) à des aspects autres que médicaux. Cette grille tient compte des actes que la personne ne peut pas accomplir seule alors que le GEVA (Guide d'évaluation des besoins de compensation de la personne handicapée) s'appuie, lui, sur ce qu'elle peut encore faire. Les deux approches, aujourd'hui diamétralement opposées, convergeront peut-être progressivement. En tout cas, nous militerons en ce sens.
Le monde des personnes âgées est mal suivi. Si on connaît bien les établissements, un peu les services – non sans difficulté d'ailleurs –, l'organisation sur le terrain est laissée aux départements. Nous ne voyons pas d'objection à ce qu'un troisième poste de vice-président occupé par un représentant des départements soit créé au sein du conseil de la CNSA. C'est même normal quand on sait que les départements assurent 70 % du financement de l'APA et 60 % de celui de la PCH. Mais il ne faut pas en attendre un meilleur fonctionnement sur le terrain. Les difficultés tiennent aussi aux systèmes d'information. S'il est difficile d'obtenir des informations concernant les MDPH, il l'est encore davantage de faire remonter des statistiques concernant l'APA et les EHPAD.
Pour vous, ce point devrait figurer dans le futur projet de loi comme une première étape législative. Nous avons bien conscience que le travail devra être poursuivi.
Madame, monsieur, nous vous remercions.
Merci de nous avoir invités.
La séance est levée à douze heures trente-cinq.