Je me réjouis, moi aussi, de l'élection de Mme Valérie Rabault, première femme à occuper le poste de rapporteur général de la commission des Finances – un poste dont le président Gilles Carrez et moi-même connaissons la difficulté. Mme Rabault a déjà démontré de grandes qualités de travail et je garde en mémoire, comme sans doute bon nombre d'entre vous, la clarté et le caractère pédagogique de la présentation de son avis sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. Tout cela est de bon augure pour un travail en commun. J'ai pour ma part plaisir à me retrouver devant votre Commission, dont je connais les exigences – lesquelles, je le sais aussi, peuvent être déçues, notamment en termes d'organisation, de calendrier et de communication.
C'est d'ailleurs le cas aujourd'hui, car la nomination d'un nouveau gouvernement, le calendrier qui nous est imposé, avec des délais incontournables compte tenu de nos partenaires européens et des procédures applicables, ainsi que l'urgence économique de certaines décisions nous ont empêchés d'être parfaits à cet égard. J'espère que nous aurons pour les prochains textes, notamment pour la loi de finances rectificative qui se profile pour la fin juin ou le début juillet, des calendriers plus respectueux des temps de débat et d'organisation.
Je voudrais apporter quelques précisions à l'intervention très complète de Michel Sapin, et d'abord s'agissant du plan d'économies de 50 milliards d'euros annoncé par le Premier ministre. Cette volonté de mobiliser les économies en dépenses après avoir privilégié les hausses de prélèvements obligatoires en début de législature n'est pas nouvelle, car la loi de programmation des finances publiques adoptée au début de cette législature contenait cette évolution : la répartition comportait au début plus de recettes et moins d'économies, et devait être suivie d'une inversion de la tendance – c'est du reste aujourd'hui plus qu'une inversion car, comme vient de le dire le ministre des Finances, il n'y aura pas d'augmentation d'impôts.
La loi de finances pour 2014 prévoyait déjà la réalisation de 15 milliards d'euros d'économies. Pour les années 2015 à 2017, la trajectoire de finances publiques détaillée dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2014 anticipait ce montant d'économies de 50 milliards d'euros.
Nous nous inscrivons donc dans la continuité de la stratégie budgétaire suivie depuis 2012 et, dans ce domaine, nous savons que seule une action résolue menée dans une perspective de moyen terme peut donner des résultats durables.
Je souligne immédiatement – car je sais, monsieur le président Carrez, que nous aurons ce débat – que le montant d'économies ainsi présenté correspond à un écart avec la progression tendancielle de la dépense publique. Mais j'anticipe également certains commentaires en soulignant que ce montant d'économies permettra, à l'horizon 2017, une baisse marquée du poids de la dépense publique dans le PIB, supérieure à 3 points, ramenant la part de la dépense publique dans le PIB à 53,5 % après un sommet de 57,1 % atteint en 2013.
Les économies que nous proposons permettront un ralentissement sans précédent du rythme de la dépense, quasiment égal à une stabilisation en volume, soit une progression limitée à l'inflation : la prévision de croissance annuelle en volume de la dépense s'établit à 0,1 % sur la période 2015-2017.
Ce programme est équitable. Toutes les administrations contribueront à l'effort en tenant compte de leur poids dans la dépense publique, mais aussi, dans chaque secteur, de la dynamique des dépenses et de la réalité des économies possibles.
L'État et ses agences prendront toute leur part dans cet effort, avec un montant total d'économies de 18 milliards d'euros entre 2015 et 2017, soit 36 % des efforts proposés, pour un poids dans la dépense publique de l'ordre de 40 %.
Quelques précisions sur la procédure qui sera suivie pour déterminer ces économies. Conformément à la procédure budgétaire rénovée et anticipée qui a été mise en place début 2014, des premiers échanges entre ministres et entre services ont eu lieu depuis le mois de février pour expertiser les économies structurelles, parallèlement aux travaux du Conseil stratégique de la dépense publique réuni sous l'autorité du Président de la République. Comme il l'a annoncé, le Premier ministre devrait faire parvenir à l'ensemble des ministres, au début du mois de mai, une lettre de cadrage. Des discussions se tiendront sur cette base dans le cadre plus classique des conférences budgétaires, pour aboutir à la fin du mois de juin aux lettres plafonds qui détermineront le volume de crédits accordé à chaque ministère pour la période 2015-2017.
Comme il est d'usage, ces plafonds par mission, pour chaque année du triennal, seront portés à votre connaissance lors du débat d'orientation des finances publiques. Ils feront l'objet d'un article de la future loi de programmation des finances publiques et le montant des crédits pour 2015 sera bien entendu fixé par la loi de finances pour 2015 que vous examinerez à l'automne.
Les dépenses des ministères diminueront en valeur. Comme Michel Sapin vient de l'indiquer, les économies que nous proposerons sur le budget de l'État seront fondées sur des réformes de structure : optimisation des fonctions support – immobilier, achats et informatique notamment –, rationalisation de l'organisation des agences, recentrage des interventions. Les opérateurs prendront également leur part à l'effort après la forte croissance de leurs dépenses constatée entre 2007 et 2012. Les effectifs de l'État resteront stables, la poursuite des créations d'emplois dans l'éducation nationale, la sécurité et la justice étant compensée par une poursuite des efforts dans les autres ministères.
La réalisation d'économies poursuit bien entendu un objectif budgétaire, mais elle est également un levier puissant de modernisation de l'action publique. Inversement, sans réformes, il serait impossible de respecter notre trajectoire budgétaire.
C'est le cas pour l'État, comme je viens de l'évoquer, mais aussi pour le secteur public local et l'assurance maladie.
La diminution des dotations aux collectivités territoriales par rapport à l'évolution tendancielle, de 11 milliards d'euros sur trois ans, sera ainsi accompagnée de réformes importantes évoquées par le Premier ministre dans son discours de politique générale.
La baisse des dotations devrait conduire la dépense locale à croître à un rythme proche de l'inflation jusqu'en 2017. Nous demandons donc aux collectivités locales un effort réel de stabilisation en volume de leurs dépenses, mais néanmoins inférieur à celui auquel l'État sera soumis avec la baisse en valeur des dépenses des ministères. L'effort ainsi porté par les collectivités est proportionnel également à leur poids dans la dépense, le secteur local représentant un peu plus d'un cinquième de celle-ci.
S'agissant de l'assurance maladie, les économies s'inscriront dans le cadre de la stratégie nationale de santé, qui a déjà porté ses fruits au cours des derniers mois. Par exemple, nous soutiendrons le développement de la chirurgie ambulatoire, dont le taux de recours reste très variable selon les établissements. Nous rationaliserons la consommation de médicaments. Vous examinerez les propositions du Gouvernement dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, qui fixera le taux de progression de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie – ONDAM –, soit 2 % par an en moyenne de 2015 à 2017, contre une croissance moyenne de l'ordre de 3 % par an depuis 2008.
Le niveau de protection des assurés sera préservé : il n'y aura pas de nouvelles franchises, pas de déremboursements de soins, pas de report de l'âge légal de départ à la retraite, pas de remise en cause du dispositif de départ anticipé en retraite pour les carrières longues.
Tout en poursuivant l'assainissement budgétaire, nous accentuons nos efforts en faveur de la croissance et de l'emploi : c'est le pacte de responsabilité et de solidarité exposé par Michel Sapin.
Je compléterai cette présentation par une indication sur la montée en charge du pacte et le détail des mesures envisagées pour favoriser les créations d'emplois.
Le pacte de solidarité sera immédiatement mis en oeuvre. Dès 2014, une mesure d'allégement de l'impôt sur le revenu en faveur des ménages modestes et moyens vous sera proposée dans le cadre du projet de loi de finances rectificative de cet été, pour un montant de 500 millions d'euros.
Dès 2015, un allégement de cotisations salariales au bénéfice des salariés dont la rémunération est comprise entre 1 et 1,3 SMIC sera mis en oeuvre, ce qui représentera un gain de 500 euros par an pour un salarié au SMIC – ces salariés sont particulièrement nombreux dans les plus petites de nos entreprises.
Le pacte de responsabilité montera en charge progressivement, avec une priorité à la mise en oeuvre des mesures les plus créatrices d'emplois.
S'agissant de l'allégement du coût du travail, aucune cotisation ne sera plus versée aux unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales – URSSAF – par un employeur pour un salarié au SMIC – niveau de salaire pour lequel l'impact sur l'emploi est le plus important : c'est la raison pour laquelle cet allégement sera mis en oeuvre dès 2015.
Par ailleurs, un allégement de 1,8 point des cotisations famille est prévu pour les salaires compris entre 1,6 et 3,5 SMIC. Cette mesure complétera l'effort entrepris avec le CICE en faveur des entreprises exportatrices et, plus particulièrement, des entreprises industrielles.
La distinction de l'allégement de cotisations entre entreprises de plus de 20 salariés et de moins de 20 salariés sera supprimée. Il s'agit donc là non seulement d'un effort supplémentaire concentré sur les salariés peu qualifiés, et donc très favorable à l'emploi, mais également d'une mesure de simplification.
L'effort en faveur du coût du travail sera augmenté de 1 milliard d'euros du fait d'un allégement de 3 points des cotisations famille en faveur des travailleurs indépendants dont les revenus sont inférieurs à 3,5 SMIC.
Concernant la fiscalité des entreprises, un effort particulier sera réalisé pour soutenir l'investissement en France.
La contribution sociale de solidarité sur les sociétés – C3S – disparaîtra progressivement, pour être complètement supprimée en 2017 : c'est là une évolution qui profitera particulièrement aux entreprises industrielles. Cette mesure prendra la forme, dans sa première phase, d'un abattement sur les contributions pour toutes les entreprises. Elle permettra d'alléger prioritairement les contributions des plus petites entreprises, voire de faire progressivement disparaître la C3S pour les entreprises par une montée en charge de ce principe d'abattement.
Enfin, comme l'a annoncé le Premier ministre, un mouvement de baisse du taux de l'impôt sur les sociétés – IS – sera amorcé à partir de 2017.
Nous avons entamé l'assainissement budgétaire dans un contexte macro-économique difficile et nous avons obtenu des résultats : le déficit nominal a diminué de près de 1 point entre 2011 et 2013 et le déficit structurel a diminué de plus de 2 points, pour atteindre 2,9 % du PIB en 2013, soit son niveau le plus bas depuis 2001. Il est essentiel de le rappeler, car les Français doivent être persuadés que les efforts qu'ils ont consentis payent et que la situation de nos finances publiques est en amélioration.
Le contexte macro-économique difficile est un aléa qui conditionne la réalisation de la trajectoire des finances publiques que nous prévoyons dans le programme de stabilité.
Si l'économie évolue comme nous l'anticipons – le Haut Conseil des finances publiques n'a pas contredit ces hypothèses –, le déficit public nominal devrait être de l'ordre de 3 % en 2015 et la dette publique serait alors stabilisée, avant – nous l'espérons – d'entamer sa nécessaire décrue.
Avec cette trajectoire, le Gouvernement propose donc de poursuivre et d'amplifier la politique économique et budgétaire menée depuis le début de la législature. Dans le projet de loi de finances rectificative, certaines mesures d'économies pourraient être anticipées dès le budget 2014, pour un volume de l'ordre de 4 milliards d'euros. Toutes les économies réalisées en 2014 seront récurrentes en 2015, 2016 et 2017, et permettront d'assurer la soutenabilité et la bonne exécution du programme que je vous ai proposé. Je souhaite donc que votre Commission, avant l'Assemblée nationale la semaine prochaine, soutienne ces orientations.