Intervention de Pierre-Alain Muet

Réunion du 23 avril 2014 à 12h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Alain Muet :

Si la croissance est nulle depuis cinq ans, en France comme en Europe, c'est que la demande s'est effondrée du fait des politiques d'austérité qui y ont été conduites sans calibrage ni coordination. Ce risque a d'ailleurs été bien évalué par le Président de la République, qui a affirmé, lors de la campagne présidentielle puis au Conseil européen de juin 2012, que dans la mesure où tous les pays européens devaient procéder à une consolidation budgétaire, une compensation était nécessaire au niveau européen. Cela s'est traduit par un pacte de croissance et de responsabilité européen censé déboucher sur la mobilisation de fonds inutilisés de la Banque européenne d'investissement – BEI – à hauteur d'1 % du PIB – ce qui aurait eu un fort effet multiplicateur. Or, si ce plan a été adopté, il n'a guère été mis en application. Il reste cependant d'actualité et mériterait d'être relancé afin de compenser les politiques de réduction des déficits.

Par ailleurs, il est intéressant de comparer l'actuel programme de stabilité avec celui de juillet 2012 qui évaluait à une vingtaine de milliards d'euros le coût des soixante propositions de campagne du Président de la République et prévoyait leur financement par redéploiements de crédits. Le programme d'aujourd'hui conserve cette composante, mais s'y ajoutent 38 milliards d'euros d'allégements au profit des entreprises, voire 41 milliards d'euros si l'on y regarde de plus près comme l'a fait notre rapporteure générale. Or, compte tenu de la situation actuelle, cette différence de plusieurs milliards a son importance. Et s'il fallait de toute évidence prendre des mesures face à la dégradation de notre compétitivité, cela suppose que nous assurions une gestion budgétaire différente de celle que l'on envisageait il y a deux ans.

Enfin, le Haut Conseil des finances publiques nous a rappelé ce matin ce que tous les modèles économiques nous indiquent depuis longtemps : l'effet dépressif d'une réduction de dépenses est rapide, même s'il s'estompe au bout d'un certain temps, tandis qu'à l'inverse, l'effet expansionniste d'un allégement de cotisations est lent, même s'il se renforce peu à peu. Le Haut Conseil insiste par conséquent sur la nécessité de veiller au calibrage dans le temps des réductions de dépenses et de la progression des allégements. Tout en restant dans le cadre des trois années qui a été fixé, on pourrait imaginer de ralentir la montée en charge des allégements et de répartir différemment les réductions prévues de façon à ce que les années 2014-2015, au cours desquelles la croissance doit repartir et se rapprocher de notre croissance potentielle pour nous faire sortir de ces trois années de récession, se passent le mieux possible. Cela nous sera d'autant plus aisé si l'on complète ce plan par des mesures de lutte contre la fraude fiscale et l'optimisation fiscale, sachant que l'Organisation de coopération et de développement économiques – OCDE – formulera des propositions fortes sur ces deux thèmes lors de sommets à venir. Dans ces conditions, un ajustement plus fin, en termes conjoncturels, des réductions de dépenses et des allégements de charges prévus nous permettra de préserver voire de consolider notre reprise économique tout en répondant à une demande sociale forte. Nous pourrons alors éviter le gel des prestations sociales, celui du point d'indice dans la fonction publique et celui des transferts financiers aux collectivités territoriales qui supprimeront en conséquence certains de leurs investissements. Je souhaite en tout cas qu'un effort soit fait en ce sens.

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