Je tiens également à ce que l'ONAC devienne l'interlocuteur de référence pour les harkis et les rapatriés. C'est pourquoi j'ai annoncé lors du conseil d'administration de l'ONAC que les directeurs départementaux auraient désormais la responsabilité d'accompagner ces personnes dans leurs démarches pour leur permettre de bénéficier davantage des dispositifs qui leur sont dédiés.
Ce travail qui doit s'opérer dans le cadre de la reconnaissance de l'histoire des harkis m'amène à exposer devant vous ma seconde priorité : la mise en place d'une politique de mémoire novatrice et ambitieuse.
Cette politique est novatrice parce je souhaite donner un nouvel élan aux travaux engagés dans le cadre du groupement d'intérêt public pour le centenaire de la Grande Guerre. Je l'ai annoncé en conseil des ministres : je présiderai sous l'autorité du ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, une mission interministérielle en charge de piloter le GIP tout comme la politique en matière de commémoration du soixante-dixième anniversaire des années 1940.
Sans faire l'amalgame entre ces deux conflits bien distincts, et en préservant les engagements financiers déjà dédiés à chacun d'eux, j'estime en effet indispensable de redonner une véritable ambition politique à ces commémorations. Pour ne citer que l'année 2013, nous mettrons l'accent sur la résistance intérieure, mais aussi sur la libération de la Corse par exemple. 2014 sera une année charnière, commémorant à la fois le débarquement en Normandie et le début de la libération du pays, mais aussi l'entrée dans le centenaire de la Première Guerre mondiale.
S'agissant de cet anniversaire, ma priorité est de donner une dimension internationale exceptionnelle aux célébrations. J'ai déjà rencontré mes homologues britannique, canadien, américain, australien et néo-zélandais sur ce sujet. Tous souhaitent être associés. Nous sommes déjà en train de mettre en place des protocoles spécifiques avec chacun d'eux pour le pilotage des épisodes qui sont pour eux prioritaires. Je pense aux Britanniques pour la bataille de la Somme, ou aux Canadiens pour la bataille de Vimy par exemple. Imaginez que 50 000 Canadiens dont 20 000 jeunes se rendront, m'a dit mon homologue canadien, à Vimy en 2017. Nous devrons être à la hauteur de la confiance que nos partenaires internationaux et alliés ont en nous : c'est pour moi une priorité.
Mais là aussi, cela implique de consacrer les moyens financiers à la réalisation de nos objectifs. C'est pourquoi le budget 2013 consacre une augmentation de plus de 50 % des crédits affectés à la politique de mémoire, qui passeront de 12 millions d'euros en 2012 à 17 millions d'euros en 2013. Il s'agit de la traduction directe de cette volonté politique. Elle inclut un effort particulier sur la rénovation des nécropoles de la Première Guerre mondiale, avec un budget dédié de 5 millions d'euros.
Parce que ces moments seront aussi l'occasion d'accueillir un public très vaste – M. Laffineur l'évoquait tout à l'heure –, je souhaite également mettre en avant le tourisme de mémoire comme dimension essentielle de la politique que je désire mettre en oeuvre. Il s'agit de promouvoir les sites mémoriels en France et à l'étranger, de développer des formations sur la valorisation touristique des lieux de mémoire, notamment par la création d'un label dédié, de favoriser la mise en réseau des lieux de mémoire, et d'oeuvrer conjointement au développement d'une politique événementielle autour des commémorations. Le chiffre d'affaires lié au tourisme de mémoire s'élevait en 2011 à 45 millions d'euros, hors hébergement et restauration, donc limité au paiement des tickets d'accès aux sites mémoriels uniquement. Ce chiffre révèle à lui seul le potentiel d'évolution à l'avenir, par la mise en valeur de notre patrimoine, et avec des retombées économiques notables pour les régions et les départements concernés. À l'heure où les collectivités locales réalisent un travail exceptionnel pour mettre en valeur les territoires, je veux saisir cette opportunité pour donner un nouvel élan au tourisme dans ces régions, en rassemblant les populations locales en particulier autour des grandes dates du calendrier commémoratif.
La mémoire comme élément fondamental de la citoyenneté, comme vecteur d'appartenance à la nation, la mémoire pour retisser le lien intergénérationnel, rapprocher les Français de toutes origines : voilà ma priorité.
C'est pour cette raison qu'au-delà de la politique mémorielle, c'est le lien armée-Nation qui doit également être renforcé. C'est le dernier volet de mon action que je souhaite évoquer devant vous, avant de répondre à vos questions.
Si ce ministère doit se projeter dans l'avenir, et je suis convaincu que telle est sa vocation, c'est par le lien armée-Nation que cela doit s'opérer. Car l'enjeu fondamental est celui de la mobilisation de la jeunesse. Je suis du reste étonné que ce lien armée-Nation tel qu'il s'incarne dans la Journée Défense et Citoyenneté ait été remis en cause avant mon arrivée à la tête de ce ministère.
Rappeler aux jeunes le sens de l'engagement de leurs aînés, les associer aux commémorations, leur faire prendre conscience de la diversité parmi les soldats combattant sous le drapeau français et de la fierté qui était la leur, transmettre enfin une connaissance qui doit permettre de mieux comprendre le présent, de se forger un esprit critique, de prendre le recul nécessaire sur les conflits actuels et de mieux appréhender les enjeux pour l'avenir : voilà une belle ambition que nous pouvons partager.
N'oublions jamais que les jeunes d'aujourd'hui sont les citoyens et les décideurs de demain. Et c'est pour cela que François Hollande a fait de la jeunesse une priorité nationale. Chaque ministère se mobilise pour cette cause, et je mettrai également en oeuvre une politique qui donne à ces jeunes les meilleurs outils pour affronter l'avenir.
C'est pourquoi j'ai tenu à préserver la Journée Défense et Citoyenneté. Nous l'évoquerons au moment de la discussion des amendements budgétaires, mais je ne peux accepter que la JDC soit systématiquement identifiée comme la politique à détricoter. La JDC touche 750 000 jeunes par an, c'est l'ensemble de la classe d'âge, et pour beaucoup c'est bien souvent le seul moment de contact avec le monde de la défense. Journée de prise de conscience des enjeux de sécurité nationale, de sensibilisation au rôle des armées, de découverte aussi des métiers que propose le ministère de la défense, la JDC est une étape incontournable du parcours de citoyenneté.
C'est d'ailleurs l'ensemble de ce parcours qui doit être amélioré : pour assurer un enseignement de défense plus efficace en classes de troisième et de première, pour combler les quelques lacunes qui persistent dans l'obligation de recensement, mais aussi pour renforcer la Journée Défense et Citoyenneté elle-même. Conformément aux engagements pris, la JDC devra être recentrée sur sa fonction première qu'est la transmission de l'esprit de défense. Mais il faudra également réfléchir à de nouvelles perspectives pour cette journée, notamment autour de l'allongement de sa durée et de la diversification des modules proposés ; je pense notamment à un module de santé, évoqué par l'un d'entre vous.
J'ai pleinement conscience du coût que cela représente, mais je considère qu'un grand pays démocratique, dont l'armée s'est professionnalisée, ne peut faire l'économie d'une jeunesse pleinement sensibilisée à l'effort de défense de notre pays. L'on oublie trop souvent que le service militaire n'a été que suspendu, et que l'ensemble des jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans peut encore être appelé sous les drapeaux, si une catastrophe venait à se présenter, ce que bien entendu je ne souhaite pas.
Ayons donc conscience qu'au-delà de l'engagement citoyen, c'est la relation essentielle entre la nation et son armée qui est posée, et avec elle, celle de l'effort qu'une nation est prête à réaliser pour assurer sa sécurité et celle de son territoire.