Nous accueillons ce matin M. Jean-François Girault, directeur d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient au ministère des affaires étrangères, pour une audition dont je précise qu'elle n'est pas ouverte à la presse.
La zone dont vous avez la responsabilité étant vaste et particulièrement « active », nous aurons probablement l'occasion d'évoquer de nombreux sujets. Dans un premier temps, nous sommes convenus que vous pourriez concentrer vos propos sur trois dossiers en particulier : l'Egypte, l'Iran et le processus de paix au Proche-Orient.
Vous vous êtes rendu en Égypte, il y a quelques jours, pour des consultations bilatérales. Comment vos interlocuteurs perçoivent-ils l'évolution de la situation politique, sécuritaire et économique du pays ? La mise en oeuvre de la « feuille de route » définie par les autorités égyptiennes se poursuit, d'abord avec l'adoption d'une nouvelle Constitution par référendum, au mois de janvier, et bientôt avec des élections présidentielles et législatives. Dans le même temps, l'Égypte s'est engagée dans une nouvelle phase de violences politiques aiguës, et la situation ne s'est pas améliorée au plan économique et social. Elle est pourtant l'une des causes premières du renversement du président Moubarak en 2011, puis du président Morsi en juillet dernier. A quelles évolutions vous préparez-vous pour les mois à venir ? Une sortie de crise vous paraît-elle envisageable et, le cas échéant, dans quelles conditions ?
La problématique est bien sûr très différente en Iran. Il s'agit plutôt de voir dans quelle mesure les espoirs suscités par l'accord intérimaire de novembre dernier pourraient se concrétiser, grâce à un accord de long terme sur le programme nucléaire iranien, et quelles perspectives pourraient alors s'ouvrir au plan régional, en cas de succès. Sur le premier point, nous serons très attentifs à ce que vous pourrez nous dire sur l'état d'avancement des négociations et sur les positions que défend la France dans ce cadre. Quelles sont les garanties que notre pays attend de l'Iran ? Sur le second point, quel pourrait être le bénéfice éventuel pour les principales crises et les grands équilibres de la région ?
Enfin, la question israélo-palestinienne, hier présentée comme la matrice de tous les conflits dans la région, semble avoir été en partie occultée par « les printemps arabes ». A moins d'un mois de l'échéance des négociations, prévue le 29 avril 2014, le secrétaire d'Etat John Kerry peine à rallier les parties au cadre de discussion proposé par les Américains. Les possibilités de règlement du conflit n'ont en rien disparu, mais un ensemble de facteurs en ont compliqué les ressorts : l'éclatement de la scène interpalestinienne est inquiétant ; la colonisation israélienne marque une forte accélération depuis juillet 2013 ; les incidents sécuritaires se multiplient aux abords de la bande de Gaza, dont la situation humanitaire est critique. Quel regard portez-vous sur la situation actuelle et sur les responsabilités des différents acteurs dans le blocage, qu'il s'agisse des Israéliens, des Palestiniens ou des Américains ? Par ailleurs, la proposition de Catherine Ashton, réitérée lors du Conseil Affaires étrangères du 17 mars, de « partenariat stratégique » de l'Union en cas d'accord, ne semble guère avoir retenu l'intérêt ; quant à la mise en garde sur les actions susceptibles de nuire aux négociations, notamment en matière de colonisation, elle a été très mal reçue en Israël, sans parler de la polémique relative au boycott des produits israéliens. Le langage européen vous paraît-il aujourd'hui adapté, sinon efficace, ou mériterait-il d'être infléchi ?